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02/07/2021 | FRANCE | N°18/186717

France | France, Cour d'appel de Paris, G6, 02 juillet 2021, 18/186717


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 02 JUILLET 2021

(no /2021, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/18671 - No Portalis 35L7-V-B7C-B6FBP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2018 -Tribunal de Commerce de Melun - RG no 2017F00069

APPELANTE

SAS COREAL
[Adresse 1]
[Localité 1]

Assistée et représentée par Me Jérôme BERTIN de la SELARL BERTIN et BERTIN AVOCATS ASSOCIES, a

vocat au barreau de PARIS, toque : J126

INTIMEES

SAS VAREDIS
[Adresse 2]
[Localité 2]

Assistée de Me Gaelle ZERBIB, de la s...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 02 JUILLET 2021

(no /2021, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/18671 - No Portalis 35L7-V-B7C-B6FBP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2018 -Tribunal de Commerce de Melun - RG no 2017F00069

APPELANTE

SAS COREAL
[Adresse 1]
[Localité 1]

Assistée et représentée par Me Jérôme BERTIN de la SELARL BERTIN et BERTIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J126

INTIMEES

SAS VAREDIS
[Adresse 2]
[Localité 2]

Assistée de Me Gaelle ZERBIB, de la société RDB Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P519, substituant Me Daniel GAUBOUR, de la société RDB Associés, avocat au barreau d'AMIENS
Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

SAS ETABLISSEMENTS HANNY, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 3]

Assistée de Me Laure BUREAU, de la SCP FGB, avocat au barreau de MELUN
Représentée par Me François CHASSIN de l'AARPI CHASSIN COURNOT-VERNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0210

SA AXA FRANCE IARD AXA FRANCE IARD recherchée en qualité d'assureur de la Société COTP.
[Adresse 4]
[Localité 4]

Assisté et représentée par Me Stella BEN ZENOU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0207
COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sabine LEBLANC, Présidente, et Valérie GUILLAUDIER, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Sabine LEBLANC, Présidente
Valérie GUILLAUDIER, Conseillère
Bénédicte PRUVOST, Présidente

Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRET :

- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sabine LEBLANC, Présidente et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La société VAREDIS exploite une station de lavage au sein de l'espace commercial [Adresse 5].

Selon devis en date du 1er juin 2012, accepté le 4 juin 2012, la société VAREDIS a confié à la société COTP, aux droits de laquelle vient la société COREAL, la réalisation des lots travaux de voirie et de génie civil d'aires de lavage pour un montant total de 185 023,65 euros HT.

La société COTP a sous-traité les travaux de réalisation des dalles à la société DFT qui a commandé le béton à la société HANNY.

Le béton a été livré par les camions toupies de la société HANNY les 9 et 10 juillet 2012.

Par courrier en date du 8 juillet 2013, la société VAREDIS a informé la société COTP de l'apparition de désordres sur la dalle béton et l'a mise en demeure de réaliser des travaux de reprise sur l'ouvrage.

Après plusieurs mises en demeure, la société VAREDIS a, par acte en date du 26 septembre 2014, assigné la société COTP et son assureur, la société AXA FRANCE IARD, et sollicité une expertise.

Par ordonnance en date du 13 janvier 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Fontainebleau a ordonné une expertise et désigné M. [P] comme expert judiciaire.

M. [P] a déposé son rapport le 28 octobre 2016.

Par acte en date du 21 février 2017, la société VAREDIS a assigné les sociétés COREAL, HANNY et AXA FRANCE IARD en paiement du coût des travaux de reprise des désordres.

***
Par jugement en date du 14 mai 2018, le tribunal de commerce de Melun a statué en ces termes :

"- rejette les conclusions no4 de la société COREAL,
- retient le budget prévisionnel de réparation de 34.463,75 ? HT auquel il faudra ajouter 9.288,24 ? HT correspondant aux frais d'expertise,
- déclare l'action de la société VAREDIS recevable et bien fondée,
- condamne la société VAREDIS à payer à la société VAREDIS la retenue de garantie restant impayée s'élevant à 5.835,03 ? TTC, assortie des intérêts au taux de la BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter du 7 juillet 2016,
- déclare la société HANNY totalement dégagée de sa responsabilité dans la mise en oeuvre sur chantier du béton défectueux,
- déboute les sociétés VAREDIS et COREAL de toutes leurs demandes, fins et conclusions, à l'encontre de la société HANNY,
- confirme la responsabilité de la société COREAL à répondre de son sous-traitant défectueux missionné pour la mise en oeuvre des dalles en béton, la feu société DFT, au titre de son rôle d'entreprise générale,
- décharge la compagnie AXA FRANCE IARD de toute obligation de prise en charge du sinistre,
- condamne la société COREAL à payer à la société VAREDIS la totalité des frais de réparation s'élevant à 34.463,75 ? HT,
- condamne la société COREAL à payer à la société VAREDIS frais d'expertise s'élevant à 9288,24 euros HT,
- condamne la société COREAL à payer à la société VAREDIS la somme de 2.500 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société COREAL à payer à la société VAREDIS la somme de 3.000 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamne la société COREAL en tous les dépens dont frais de Greffe liquidés à la somme de 125,65 ? TTC."
***

La société COREAL a interjeté appel par déclaration en date du 25 juillet 2018.

Par conclusions signifiées le 19 avril 2019, la société COREAL demande à la cour de  :

- dire et juger recevable son appel,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 10 juillet 2018 en ce qu'il retient la responsabilité de la société COREAL à répondre de son sous-traitant défectueux missionné pour la mise en ?uvre des dalles en béton, la feu société DFT, au titre de son rôle d'entreprise générale,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 10 juillet 2018 en ce qu'il déclare la société HANNY totalement dégagée de sa responsabilité dans la mise en ?uvre sur chantier du béton défectueux,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 10 juillet 2018 en ce qu'il déboute la société COREAL de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société HANNY,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 10 juillet 2018 en ce qu'il décharge la compagnie AXA FRANCE IARD de toute obligation de prise en charge du sinistre,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 10 juillet 2018 en ce qu'il condamne la société COREAL à payer à la société VAREDIS la totalité de frais de réparations s'élevant à 34.463,75 ? HT,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 10 juillet 2018 en ce qu'il condamne la société COREAL à payer à la société VAREDIS les frais d'expertise s'élevant à 9.288,24 ? HT,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 10 juillet 2018 pour les condamnations de la société COREAL au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

Et statuant à nouveau :
- dire et juger que sa responsabilité ne peut être retenue pour les désordres allégués par la société VAREDIS,
- dire et juger que la demande de garantie formée par la société COREAL contre la société HANNY ne peut se voir opposer aucun délai de forclusion ou de prescription,

Subsidiairement :
- dire et juger que la société HANNY a renoncé à invoquer toute prescription vis-à-vis de la société COREAL,

En conséquence :
- condamner la société HANNY à la garantir intégralement et à la relever indemne de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées contre elle au profit de la société VAREDIS,
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre,

En tout état de cause :
- condamner la compagnie AXA FRANCE IARD in solidum avec la société HANNY à la garantir intégralement et à la relever indemne de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées contre elle au profit de la société VAREDIS,
- condamner tout succombant à lui payer une somme de 7 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner tout succombant aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 18 avril 2019, la société AXA FRANCE IARD demande à la cour de :

- rejeter l'appel de la société COREAL et confirmer purement et simplement le jugement du tribunal de commerce de Melun du 14 mai 2018 en ce qu'il a jugé que :
?Les dalles en béton destinées aux aires de lavages constituent des voiries non soumises à l'obligation d'assurance,
?La garantie facultative ne trouverait à s'appliquer que dans l'hypothèse d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage qui n'est pas caractérisée en l'espèce,
?AXA FRANCE IARD, assureur de COREAL, devait être mise hors de cause,

En effet :
- constater, dire et juger que les désordres sont apparus sur les dalles qui constituent des voiries, et sont de ce fait des ouvrages non soumis à l'obligation d'assurance, et que dès lors seule la garantie facultative trouverait le cas échéant à s'appliquer,
- constater, dire et juger que les désordres constatés sur les dalles les rendent tout au plus non conformes à leur destination, mais ne compromettent nullement la solidité des ouvrages de sorte que la garantie facultative ne s'applique pas,
- constater, dire et juger que cette limitation de garantie est licite dès lors que l'on n'est pas en matière d'assurance obligatoire,
- rejeter en conséquence l'appel principal de la société COREAL et toute demande à son encontre,
- rejeter également l'appel incident de la société VAREDIS,

A titre infiniment subsidiaire :
- constater, dire et juger que l'expert judiciaire a imputé les désordres exclusivement aux ETABLISSEMENTS HANNY,
- infirmer le jugement qui a mis HANNY hors de cause,
- condamner en conséquence les ETABLISSEMENTS HANNY à la relever et la garantir intégralement de toute condamnation qui serait éventuellement mise à sa charge,- dire et juger que les limites du contrat souscrit auprès d'elle sont, pour la garantie obligatoire, opposables à l'assuré COREAL et qu'elle ne peut être condamnée que dans les limites du contrat,
- rejeter toutes demandes, moyens ou fins contraires,

En tout état de cause :
- condamner la société COREAL ou tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile don't distraction au profit de Maître BEN ZENOU Stella.

Par conclusions signifiées le 7 janvier 2021, la société VAREDIS demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 14 mai 2018 par le tribunal de commerce de Melun en ce qu'il a :

?dit et jugé la société VAREDIS recevable et bien fondée en son action,
?rejeté les conclusions no4 de la société COREAL,
?retenu le budget prévisionnel de réparation de 34436,75 ? HT et condamné la société COREAL à lui payer cette somme au titre des frais de réparation,
?retenu la somme de 9 288,24 ? HT au titre des frais d'expertise et condamné la société COREAL à lui payer cette somme,
?condamné la société COREAL à lui payer la somme de 5 000 ? sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-infirmer le jugement rendu le 14 mai 2018 par le tribunal de commerce de Melun en ce qu'il a:

?condamné la société VAREDIS à payer la retenue de garantie d'un montant de 5.835,03 ? assortie des intérêts au taux de la BCE majoré de 10 points à compter du 7 juillet 2016,
?déclaré la société HANNY totalement dégagée de sa responsabilité dans la mise en oeuvre sur chantier du béton défectueux,
?débouté la société VAREDIS de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société HANNY,
?déchargé la compagnie AXA FRANCE IARD de toute obligation de prise en charge du sinistre,

Et statuant à nouveau :
- dire et juger que les désordres qui affectent l'aire de lavage sont de nature décennale en ce qu'ils portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination tel que cela résulte du courrier du Bureau d'étude technique MAIRE du 2 août 2013 et des conclusions de l'expert lorsqu'il indique que « Les infiltrations d'eau ainsi rendue possible dans l'épaisseur du béton accélèrent sa dégradation, et cause à la longue l'oxydation des aciers qui renforcent le béton »,
- condamner la société HANNY in solidum avec la société COREAL à lui payer la somme de 34463,75 ? HT correspondant au coût des travaux de reprise des désordres tels qu'arrêté par l'expert,
- condamner la société HANNY in solidum avec la société COREAL à lui payer la somme de 9288,24 ? HT correspondant aux frais d'expertise,
- débouter les sociétés COREAL et AXA France IARD de l'ensemble de leurs demandes et prétentions à son encontre,
- condamner la société AXA France IARD à garantir à la société VAREDIS le paiement de toute somme mise à charge de la société COREAL à son profit aux termes de la décision à intervenir,
- condamner la société HANNY in solidum avec la société COREAL à lui payer la somme de 5.000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ordonnée par le tribunal de commerce de Melun, ainsi que les entiers dépens de première instance,
- condamner la société HANNY in solidum avec la société COREAL à lui payer la somme de 5.000 ? au titre des frais irrépétibles de la présente procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Par conclusions signifiées le 27 janvier 2021, la société ETABLISSEMENTS HANNY demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures,

En conséquence :
- déclarer irrecevable l'appel de la société COREAL en ce qu'il est dirigé à son encontre,
- déclarer irrecevable comme éteinte par la forclusion toute demande dirigée à son encontre,
- débouter en tout hypothèse la société COREAL de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société VAREDIS de son appel dirigé à son encontre,
- débouter la société AXA de son appel dirigé à son encontre,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf à rectifier, par la voie de l'appel incident, l'erreur contenue dans son dispositif concernant la condamnation au titre de l'article 700 prononcée doublement au profit de la société VAREDIS et non à son profit,
- condamner la société COREAL, in solidum avec la société VAREDIS et la compagnie AXA FRANCE IARD, à lui payer une somme de 3.000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,
- condamner la société COREAL in solidum avec la société VAREDIS et la compagnie AXA FRANCE IARD, aux dépens dont distraction au profit de Maître François CHASSIN sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 mars 2021.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel de la société COREAL :

La société HANNY soutient que l'appel de la société COREAL est irrecevable car la signification de ses conclusions est dépourvue des mentions relatives à l'information donnée à l'intimé d'avoir à notifier les conclusions dans le délai de trois mois.

Cependant, la société COREAL a, conformément à l'article 902 du code de procédure civile, signifié à la société HANNY la déclaration d'appel, la signification faisant mention de l'article 909 du code de procédure civile et du délai de trois mois dont dispose l'intimé pour conclure à compter de la notification des conclusions de l'appelant, à peine d'irrecevabilité de ses écritures (pièce no11 de la société COREAL).

Contrairement à ce qui est soutenu par la société HANNY, aucune disposition légale n'impose à l'appelant de rappeler les termes de l'article 909 du code de procédure lors de la signification de ses conclusions.

En conséquence, l'appel de la société COREAL est recevable.

Sur la qualification des désordres :

Les premiers juges ont retenu que les désordres affectant l'aire de lavage avaient un caractère décennal.

En cause d'appel, les parties ne contestent pas le caractère décennal des désordres ni qu'ils sont apparus postérieurement à la réception de l'ouvrage.

Selon l'expert judiciaire, les désordres consistent en des dégradations de la surface du béton qui en affectent l'étanchéité et l'imperméabilité.

Il précise dans son rapport d'expertise que les infiltrations d'eau ainsi rendues possibles dans l'épaisseur du béton accélèrent sa dégradation et causent à la longue l'oxydation des aciers qui renforcent le béton.

Il en conclut que sur les zones affectées par les désordres, l'ouvrage est non conforme à la réglementation et aux règles de l'art, n'a pas les propriétés requises pour sa destination et préconise une reprise totale du dallage des zones concernées.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les désordres affectant la surface du béton rendaient les aires de lavage concernées impropres à leur destination et qu'ils étaient de nature décennale.

Sur la responsabilité de l'entrepreneur principal :

La société COREAL soutient qu'elle n'est pas responsable des désordres qui ont pour origine le béton fourni par la société HANNY.

Selon la société VAREDIS, la cause des désordres se situe dans la sphère d'intervention de la société COREAL qui devait livrer un ouvrage exempt de tout vice et elle est responsable de plein droit en application de l'article 1792 du code civil.

***

Aux termes de l'article 1792 du code civil, "Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère."

La société VAREDIS a confié à la société COTP, aux droits de laquelle vient la société COREAL, la réalisation des lots VRD et des travaux de génie civil des aires de lavage litigieuses.

Les désordres constatés par l'expert judiciaire sont en lien direct avec les travaux réalisés dans le cadre du devis de la société COTP.

Si la société COTP a sous traité à la société DFT la réalisation des dalles, le locateur d'ouvrage ne peut invoquer le fait du sous-traitant pour échapper à sa responsabilité.

De même, la faute de la société HANNY qu'elle dénonce n'est pas susceptible de l'exonérer de sa responsabilité de plein droit, en application de l'article 1792 du code civil, dès lors qu'elle ne démontre pas l'existence d'une cause étrangère.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la responsabilité décennale de la société COREAL, qui vient aux droits de la société COTP, était engagée vis à vis de la société VAREDIS.

Sur la responsabilité de la société HANNY :

Les premiers juges ont retenu l'absence de responsabilité de la société HANNY et rejeté les demandes dirigées contre elle.

La société VAREDIS soutient que la responsabilité de la société HANNY est engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que celle-ci avait l'obligation de livrer un béton conforme à ce qui avait été commandé et qu'elle a engagé sa responsabilité contractuelle vis à vis de la société COREAL et délictuelle vis à vis d'elle.

La société COREAL fait valoir qu'elle est en droit d'engager la responsabilité délictuelle de la société HANNY pour les manquements contractuels de cette dernière vis à vis de la société DFT avec laquelle elle était contractuellement liée et qu'en qualité de sous-traitant de la société DFT, la société HANNY se voyait soumise à une obligation de résultat sans que la démonstration d'une faute ne soit nécessaire.

La société HANNY soutient qu'elle est intervenue en qualité de fournisseur de béton prêt à l'emploi sur les commandes qui lui ont été faites par la société DFT sous-traitante de la société COREAL, que la responsabilité du livreur de matériau relève de la garantie biennale des vices cachés, que l'apparition des désordres a été constatée en juillet 2013, que ce n'est qu'en octobre 2015, plus de deux ans après, qu'elle a été mise en cause, que l'action dirigée contre elle est donc forclose et qu'elle n'a, en tout état de cause, aucune responsabilité puisque c'est la société DFT qui a mis en oeuvre le béton qui lui a été livré sur le chantier.

***

Aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il résulte des éléments versés aux débats, et notamment des factures de la société HANNY (pièces 1 à 4 de la société HANNY), que la société DFT lui a commandé du béton qu'elle lui a livré.

Selon l'expert judiciaire, il s'agit d'un béton prêt à l'emploi dont la fabrication est automatisée.

La société HANNY n'a pas participé à l'exécution du chantier ni réalisé la pose du béton qui a été effectuée par la société DFT.

Le contrat conclu entre la société HANNY et la société DFT s'analyse donc en un contrat de vente, et pas en un contrat d'entreprise, et la société HANNY n'a pas la qualité de sous-traitant mais celle de fabricant.

En cause d'appel, les sociétés COREAL et VAREDIS soutiennent que la responsabilité délictuelle de la société HANNY est engagée en application de l'article 1240 du code civil.

Selon la société HANNY, l'ensemble des intervenants à l'acte de construire ne dispose à l'égard d'un fournisseur de matériaux que d'une action contractuelle fondée sur la non conformité de la chose livrée.

Cependant, si le maître de l'ouvrage jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose effectivement contre le fabricant d'une action contractuelle directe fondée sur la non conformité de la chose livrée, il peut également demander la condamnation du fabricant sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

De même, l'entrepreneur principal qui n'est pas lié contractuellement avec le fabricant peut invoquer la responsabilité délictuelle de celui-ci.

Pour autant, et contrairement à ce qui est soutenu par les sociétés COREAL et VAREDIS, il appartient à celles-ci, dès lors qu'elles ont fondé leur action en cause d'appel sur l'article 1382, devenu 1240 du code civil, de démontrer la faute de la société HANNY.

Selon l'expert judiciaire, la surface concernée par les désordres représente une partie de la livraison de béton, environ une toupie, alors que le reste du béton présente des caractéristiques suffisantes pour sa destination.

Il précise dans son rapport d'expertise que le procédé de fabrication du béton en centrale est généralement automatisé et la majeure partie du béton correctement dosée en eau ce qui réduit l'hypothèse d'excès d'eau se produisant à la fabrication du béton mais serait plutôt en faveur d'un ajout d'eau lors de sa mise en oeuvre.

L'expert en déduit que "ces éléments convergent vers un très fort probable ajout d'eau dans le béton sur le chantier."

En ce qui concerne les responsabilités, l'expert impute les désordres à la société HANNY aux motifs que "l'ajout d'eau lors de la mise en oeuvre se fait par ajout d'eau dans la toupie et donc par le chauffeur de la toupie. Dans les deux cas, c'est la responsabilité du fournisseur transporteur du béton. Cet ajout aurait dû être noté sur le (ou les) bon de livraison par le chauffeur de la toupie."

Cependant, les éléments versés aux débats ne permettent pas de déterminer qui est à l'origine de l'ajout d'eau dans le béton, la société HANNY le contestant formellement et n'ayant pas réalisé la pose de celui-ci.

Il résulte d'ailleurs des factures versées aux débats par la société HANNY qu'aucun ajout d'eau n'est indiqué alors qu'il est expressément mentionné que "tout ajout d'eau sur chantier, à la demande du client, rend le béton non conforme à la bonne résistance du béton".

En tout état de cause, les sociétés VAREDIS et COREAL ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de ce que la société HANNY aurait commis une faute ayant un lien avec les désordres constatés.

Il convient donc, pour ces seuls motifs, substitués à ceux des premiers juges, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre la société HANNY.

Sur la garantie de la société AXA FRANCE IARD :

Les premiers juges ont rejeté la demande de garantie de la société COREAL par la société AXA FRANCE IARD.

La société COREAL soutient qu'elle est assurée pour les conséquences pécuniaires de sa responsabilité décennale auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD, que l'ouvrage a été réceptionné, que les désordres portent atteinte à la destination de l'ouvrage, que les parties ont expressément prévu, dans les conditions particulières, que les travaux de voierie, et plus précisément les dalles en cause, soient garanties, que les désordres portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et que la police souscrite couvre bien tous les travaux de VRD.

La société VAREDIS fait valoir que le désordre qui affecte le béton remet en cause la structure de la dalle dans son ensemble qui se trouve fragilisée, qu'il se traduit par une oxydation des aciers supportant la dalle et atteint l'ouvrage dans sa solidité et que les termes de la police d'assurance prévoient la garantie d'AXA FRANCE IARD au titre de tous les travaux de VRD réalisés par son assuré.

Selon la société AXA FRANCE IARD, les dalles réalisées par la société DFT sur lesquelles les désordres sont apparus constituent des voiries et des ouvrages non soumis à l'assurance obligatoire et ne pouvant faire l'objet que d'une garantie facultative, les garanties de la police BTPLUS ne sont mobilisables que dans l'hypothèse où les désordres atteignent la solidité de l'ouvrage et les désordres constatés sur les dalles les rendent non conformes à leur destination mais ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage.

***

Aux termes de l'article L.243-1-1 du code des assurances, "I.-Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.

Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance."

Les parties ne contestent pas que les travaux de voierie réalisés ne sont pas soumis à l'obligation d'assurance.

L'article 2. 8 des conditions générales du contrat BTPLUS souscrit par la société COREAL qui mentionne les garanties en cas de responsabilité décennale pour travaux de construction soumis à l'assurance obligatoire n'est donc pas applicable.

De même, l'article 2. 9 du contrat concernant la responsabilité du sous-traitant en cas de dommages de nature décennale n'a pas vocation à s'appliquer puisque la société COREAL est l'entrepreneur principal, et pas un sous-traitant.

En revanche, l'article 2.10 du contrat prévoit que l'assureur s'engage à prendre en charge le coût de la réparation ou du remplacement des travaux de construction non soumis à l'assurance obligatoire exécutés par l'assuré ou ses sous-traitants lorsqu'ils ont subi un dommage matériel compromettant leur solidité engageant la responsabilité de l'assuré, l'impropriété à destination n'étant pas garantie.

Il convient donc de déterminer si les travaux litigieux ont porté atteinte à la solidité de l'ouvrage.

Or, si l'expert a constaté des dégradations de la surface du béton affectant l'étanchéité et l'imperméabilité et accélérant sa dégradation rendant les aires de lavages concernées impropres à leur destination, il n'a pas relevé que ces désordres portaient atteinte à la solidité de l'ouvrage.

Dès lors, la garantie prévue par l'article 2.10 du contrat BTP PLUS n'est pas applicable.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre la société AXA FRANCE IARD.

Sur les autres demandes :

Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a fixé le coût de la réparation des désordres à la somme de 34 463,75 euros HT et des frais d'expertise à la somme de 9288, 24 euros HT.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société COREAL à payer ces sommes à la société VAREDIS.

La société VAREDIS sollicite l'infirmation du jugement qui l'a condamnée à payer la somme de 5835, 03 euros TTC au titre de la retenue de garantie au motif qu'elle a légitimement retenu cette somme qui doit venir en compensation du montant des condamnations prononcées à son encontre.

Cependant, la société VAREDIS ne conteste pas qu'elle est redevable du montant de la retenue de garantie, le débat sur le point de savoir si elle a légitimement refusé de libérer cette somme étant sans objet.

Le jugement sera confirmé de ce chef, sauf à rectifier l'erreur matérielle contenue dans le dispositif, la condamnation étant au bénéfice de la société COREAL, et pas de la société VAREDIS.

Y ajoutant, la cour ordonnera la compensation entre les sommes dues par les sociétés COREAL et VAREDIS.

Le jugement sera confirmé sur la condamnation aux dépens mais infirmé sur les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour, statuant à nouveau de ce chef, condamne la société COREAL à payer la somme de 3000 euros à la société VAREDIS et la somme de 3000 euros à la société HANNY.

En cause d'appel, la société COREAL sera condamnée aux dépens et à payer la somme de 3000 euros à la société VAREDIS et la somme de 3000 euros à la société HANNY au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel de la société COREAL dirigé contre la société HANNY,

Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il :
- Condamne la société COREAL à payer à la société VAREDIS la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société COREAL à payer à la société VAREDIS la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ce chef:

- Condamne la société COREAL à payer la somme de 3000 euros à la société VAREDIS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société COREAL à payer la somme de 3000 euros à la société HANNY au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant:

- Dit que la condamnation de la société VAREDIS à payer la somme de 5835, 03 euros au titre de la retenue de garantie est au bénéfice de la société COREAL,
- Ordonne la compensation entre les sommes dues par les sociétés VAREDIS et COREAL,
- Condamne la société COREAL aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître CHASSIN et Maître BEN ZENOU en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- Condamne la société COREAL à payer la somme de 3000 euros à la société VAREDIS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société COREAL à payer la somme de 3000 euros à la société HANNY au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejette les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G6
Numéro d'arrêt : 18/186717
Date de la décision : 02/07/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2021-07-02;18.186717 ?
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