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18/06/2021 | FRANCE | N°19/104187

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 18 juin 2021, 19/104187


Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 18 JUIN 2021

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :RG 19/10418 - Portalis 35L7-V-B7D-B77C4

Décision déférée à la cour : jugement du 13 septembre 2018 -tribunal de grande instance de CRÉTEIL- RG no18/00428

APPELANTS

Monsieur [T] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Madame [Y] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentés par Me Philippe LOUIS, avocat a

u barreau du VAL-DE-MARNE, toque : 38

INTIMÉES

SCI LOFT CONCEPTS
[Adresse 2]
[Adresse 1]

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis...

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 18 JUIN 2021

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :RG 19/10418 - Portalis 35L7-V-B7D-B77C4

Décision déférée à la cour : jugement du 13 septembre 2018 -tribunal de grande instance de CRÉTEIL- RG no18/00428

APPELANTS

Monsieur [T] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Madame [Y] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentés par Me Philippe LOUIS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : 38

INTIMÉES

SCI LOFT CONCEPTS
[Adresse 2]
[Adresse 1]

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1],
représenté par son syndic bénévole M. [C] [T],
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Représentés par Me Dominique TROUVE, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 30

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Claude Creton, président
Mme Muriel Page, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère

Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier

Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****
M. et Mme [W], sont propriétaires d'une maison d'habitation située à [Adresse 1] bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle située [Adresse 1] appartenant à la SCI Loft concepts qui a construit un immeuble divisé ensuite en plusieurs lots avec la création du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] (le syndicat des copropriétaires).

Faisant valoir que ces travaux rendent plus contraignants l'exercice de son droit de passage, M. et Mme [W] a assigné la SCI Loft concepts et le syndicat des copropriétaires aux fins de les voir condamner à détruire les ouvrages réalisés et à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis.

Constatant qu'il pouvait exister une solution d'aménagement des lieux permettant de rétablir le plein exercice de la servitude, le tribunal de grande instance de Créteil a ordonné une expertise afin de vérifier la faisabilité de cet aménagement et le coût des travaux.

Après dépôt du rapport de l'expert, M. et Mme [W] ont demandé au tribunal :
- à titre principal, d'ordonner sous astreinte le rétablissement de la servitude par la démolition intégrale des constructions illégales et la remise en état des ouvrages comme ils se trouvaient avant la réalisation des travaux ;
- à titre subsidiaire, condamner le syndicat des copropriétaires à leur payer, solidairement avec la SCI Loft concepts, la somme de 70 000 euros, et à réaliser sous astreinte les travaux suivants :
?création d'une rampe à partir de la rue jusqu'à leur propriété pour que le dénivelé soit égal à 0 ;
?construction d'un mur à un mètre de distance du mur séparatif pour éviter toute gêne avec le parking et revenir à l'état originel ;
?création d'une porte à un mètre de la porte existante sur rue de manière à ce que la servitude soit privative et fermée comme cela préexistait ;
?mise en place d'un joint d'étanchéité au droit de la terrasse du premier étage dès lors que le mur édifié au droit de leur propriété ne serait pas démoli ;
- condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et la SCI Loft concepts à leur payer la somme de 45 600 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Loft concepts et le syndicat des copropriétaires ont déclaré accepter la solution préconisée par l'expert en vue de rétablir le droit de passage, permettant notamment le passage des poubelles entre le jardin de M. et Mme [W] et le passage situé sur le fonds servant, en réalisant des travaux de maçonnerie adaptant l'accès de ce jardin à la parcelle située [Adresse 1].

Par jugement du 13 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- condamné in solidum la SCI Loft concepts et le syndicat des copropriétaires, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, limitée à une durée de dix mois, à réaliser les travaux suivants dans un délai de quatre mois suivant la signification du jugement :
?création dans la parcelle de M. et Mme [W] d'une dalle en prolongation du local poubelles pour y faire rouler les poubelles ;
?création d'un caisson décaissé dans le sol, d'une rampe permettant de remonter les poubelles depuis la dalle jusqu'au sol du parking et pose de barrières de chaque côté de la rampe ;
- condamné in solidum la SCI Loft concepts et le syndicat des copropriétaires à payer à M. et Mme [W] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article 701 du code civil que le propriétaire du fonds servant ne peut rien faire qui tende à diminuer l'usage de la servitude ou à le rendre plus incommode ; qu'en cas d'aggravation, le propriétaire du fonds dominant peut exiger la remise en état des lieux et le rétablissement de la servitude telle qu'elle existait ; que cependant le rétablissement de la servitude dans son état antérieur n'implique pas nécessairement la démolition des ouvrages construits illicitement lorsque des aménagements sont possibles. Il a constaté que l'atteinte à la servitude résulte de l'existence d'un dénivelé entre le jardin de M. et Mme [W] et la parcelle de la SCI Loft concepts de l'ordre de 50 à 60 centimètres et que ce jardin se trouvant en contrebas, les poubelles ne peuvent plus être sorties en utilisant le droit de passage, sauf à les hisser au niveau du fonds servant. Il a enfin retenu que les travaux préconisés par l'expert sont de nature à rétablir la servitude qui est constituée par un simple droit de passage de 1 mètre de largeur sur 9,43 mètres de longueur.

M. et Mme [W] ont interjeté appel de ce jugement. Ils concluent à l'infirmation du jugement et à la condamnation in solidum de la société Loft concepts et du syndicat des copropriétaires à rétablir la servitude de passage en réalisant les travaux suivants :
- séparer physiquement la circulation piétonne de la zone de roulage des véhicules stationnés sur le parking du syndicat des copropriétaires ;
- déplacer l'accès au logement du premier étage avec création d'une nouvelle trémie dans le plancher haut du rez-de-chaussée ;
- déplacer divers équipements (boîte aux lettres, alimentation électrique du portail...) ;
- recréer une autre entrée piétonne sur rue côté copropriété en symétrie avec la porte piétonne existante.

Ils sollicitent en outre leur condamnation in solidum à leur payer la somme de 69 408 euros correspondant à concurrence de 26 208 euros au préjudice de jouissance qu'ils ont subi pour avoir été privés de l'exercice du droit de passage, utilisé pour sortir leurs poubelles, pendant douze ans et à concurrence de 43 200 euros au préjudice que leur cause l'impossibilité de construire une dépendance dans leur jardin afin de loger la nuit le personnel médical appelé à les assister.

Ils réclament enfin le paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que la servitude ayant été constituée par un titre, son étendue et ses modalités d'exercice ne peuvent être modifiées sans l'accord des parties. Ils font valoir que les travaux préconisés par l'expert ne permettront pas de rétablir la servitude telle qu'elle avait été instituée par le titre puisque le droit de passage grevant le fonds servant devait leur permettre de bénéficier d'une usage exclusif, matérialisé par la construction d'un mur, que ne permet pas la solution de l'expert.

La SCI Loft concepts et le syndicat des copropriétaires font valoir que le titre constitutif du droit de passage, qui n'est pas lié à l'enclave du fonds dominant, ne précise pas quel est son objet, de sorte qu'il appartiendra à la cour d'interpréter l'acte en recherchant qu'elle était la commune intention des parties. Ils soutiennent que ce droit de passage, permettant d'aller de la rue à la fosse d'aisances située dans le jardin de M. et Mme [W], avait pour objet de permettre l'entretien de cette fosse qui doit être régulièrement curée. Ils ajoutent que l'usage de la fosse d'aisances étant devenu impossible du fait de l'interdiction de la loi, cette servitude est éteinte. Ils concluent en conséquence au rejet des demandes de M. et Mme [W] et à leur condamnation à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de constater qu'ils offrent un droit de passage d'un mètre de large allant de la porte latérale débouchant sur le fonds dominant à la porte piétonne du parking débouchant sur rue en contournant l'escalier.

SUR CE,

Attendu que par acte du 26 août 1938, M. et Mme [B], auteurs de M. et Mme [W], ont vendu à M. [P] la parcelle acquise ensuite par la SCI Loft concepts ; que cet acte contient la disposition suivante, constitutive de la servitude litigieuse :
"Il existe sur le terrain présentement vendu une fosse d'aisances indiquée sur le plan ci-annexé par la lettre A, cette fosse d'aisances ne sera pas supprimée et monsieur [P], acquéreur, devra la supporter sur son terrain présentement acquis, toutes réparations ou travaux concernant cette fosse restant bien entendu à la charge des vendeurs.
En outre, les vendeurs auront un droit de passage de 1 mètre sur 9 mètres quarante-trois centimètres de longueur, le sol de ce passage indiqué par la lettre B sur le plan ci-annexé étant la propriété de monsieur [P] acquéreur comme compris dans la contenance du terrain présentement vendu.
L'entretien de ce passage sera à la charge de l'acquéreur qui devra installer une porte à l'entrée du passage à ses frais et dans le délai de deux mois à compter de ce jour, une clef de cette porte sera remise aux vendeurs dans le même délai.
(...)
La partie présentement vendue sera séparée du surplus de la propriété par un grillage de deux mètre de hauteur aux frais de l'acquéreur et sur son sol, étant entendu que Monsieur [P] pourra quant bon lui semblera remplacer le grillage par un mur d'une hauteur non limitée." ;

Attendu que par jugement du 25 mars 2015, le tribunal de grande instance de Créteil a dit que le syndicat des copropriétaires est débiteur d'un droit de passage au profit du fonds servant sis [Adresse 1] ; que ce jugement, irrévocable, ayant acquis l'autorité de la chose jugée, la SCI Loft concepts et le syndicat des copropriétaires sont irrecevables à contester l'existence de cette servitude conventionnelle de passage au motif qu'elle serait éteinte ;

Attendu que l'existence d'une servitude conventionnelle ne prive pas le propriétaire du fonds servant des prérogatives attachées à son droit de propriété et peut continuer à les exercer, notamment en aménageant son fonds, dès lors qu'elles n'ont pas pour effet de constituer un obstacle à l'exercice de la servitude ; qu'en outre dans le silence du titre, il convient d'admettre que les parties ont entendu autoriser une modification de l'assiette de la servitude à condition que la nouvelle assiette ne diminue pas l'utilité de la servitude pour le propriétaire du fonds dominant ; que les constructions réalisées par la SCI Loft concepts ayant rendu impossible l'exercice de la servitude sur l'assiette qui avait été définie par le titre, il apparaît que la nouvelle assiette qui contraint seulement M. et Mme [W] à contourner l'escalier construit par la SCI Loft concepts, allongeant le parcours d'environ un mètre, ne rend pas son exercice moins commode pour ceux-ci qui peuvent continuer sans difficulté à utiliser le passage reliant leur jardin à la voie publique ; qu'il résulte en outre de la disposition de l'acte instituant la servitude que la séparation par un grillage puis, à l'initiative de l'acquéreur (aux droits duquel se trouvent le syndicat des copropriétaires), par un mur du fonds servant de l'assiette de la servitude de passage était destinée seulement à permettre au propriétaire du fonds servant d'isoler son fonds ; que par conséquent, cette disposition n'accorde pas le droit au propriétaire du fonds dominant, aujourd'hui M. et Mme [W], de revendiquer la réalisation d'une séparation ;

Attendu que le titre instituant la servitude n'affectant pas celle-ci à un usage déterminé, l'exercice de la servitude pour la sortie des poubelles sur la voie publique correspond à un besoin normal du fonds dominant ; qu'il en résulte que le syndicat des copropriétaires doit réaliser les aménagements permettant à M. et Mme [W], suite aux constructions réalisées sur le fonds servant, de continuer à exercer leur droit de passage conformément à cet usage ; que selon le rapport d'expertise, ces aménagements consistent en la création d'une dalle dans le jardin de M. et Mme [W] et d'une rampe d'accès entre cette dalle et le parking situé sur le fonds du syndicat des copropriétaires ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il condamne in solidum la SCI Loft concepts et le syndicat des copropriétaires à réaliser ces travaux ;

Attendu qu'en compensation du préjudice causé à M. et Mme [W] qui ont été privés de l'exercice du droit de passage sur le fonds servant à la suite des constructions réalisées sur ce fonds, il convient de condamner in solidum la société Loft concepts et le syndicat des copropriétaires à leur payer à titre de dommages-intérêts la somme de 5 000 euros ; que le préjudice constitué par l'impossibilité de construire dans leur jardin une annexe destinée à héberger le personnel médical qui serait amené à les assister n'est pas justifié ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement,

Déclare irrecevable la demande de la SCI Loft concepts et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] tendant à constater l'extinction de la servitude conventionnelle ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il fixe le point de départ de l'astreinte assortissant la condamnation de la SCI Loft concepts et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à l'issue d'un délai de quatre mois suivant la signification du jugement et en ce qu'il déboute M. et Mme [W] du surplus de leurs demandes ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Fixe le point de départ de l'astreinte à l'issue d'un délai de quatre mois suivant la signification du présent arrêt ;

Condamne in solidum la SCI Loft concepts et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à M. et Mme [W] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et rejette le surplus de leur demande ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les différentes demandes ;

Condamne M. et Mme [W] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 19/104187
Date de la décision : 18/06/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2021-06-18;19.104187 ?
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