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04/06/2021 | FRANCE | N°21/04044

France | France, Cour d'appel de Paris, 04 juin 2021, 21/04044


Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 4 - Chambre 1


ARRÊT DU 04 JUIN 2021


(no , pages)


Numéro d'inscription au répertoire général :RG 21/04044 -Portalis 35L7-V-B7F-CDGPO


Décision déférée à la cour : ordonnance du 19 janvier 2021 -juge de la mise en état de PARIS - RG no 15/14954


APPELANTE


Etablissement Public Paris Habitat-OPH
représentée par son président du conseil d'administration et tous représent

ants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité,
[Adresse 1]
[Adresse 2]


Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barre...

Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 04 JUIN 2021

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :RG 21/04044 -Portalis 35L7-V-B7F-CDGPO

Décision déférée à la cour : ordonnance du 19 janvier 2021 -juge de la mise en état de PARIS - RG no 15/14954

APPELANTE

Etablissement Public Paris Habitat-OPH
représentée par son président du conseil d'administration et tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité,
[Adresse 1]
[Adresse 2]

Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Assistée de Me Isabelle CASSIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Justine MENESPLIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3]
représenté par son syndic, la société ZTIMMO, SAS au capital social de 10 000 euros, enregistrée au RCS Paris sous le numéro 533 540 324, dont le siège social se situe [Adresse 4],
représentée par son président,
[Adresse 3]
[Adresse 5]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Adresse 5]

Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Claude Creton, président
Mme Muriel Page, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère

Greffier lors des débats : M. Grégoire Grospellier

Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****
Par acte du 16 décembre 1912, la ville de Paris a acquis de l'Etat d'anciennes fortifications situées dans le 16ème arrondissement de Paris.

En vue de la réalisation d'un programme de lotissement, la ville de Paris a consenti la location de terrains pour une durée de cinq ans avec promesse de vente. Le cahier des charges pour la vente et l'aménagement des terrains des îlots no 23 et 24, approuvé par le préfet le 18 mars 1929 et annexé à la délibération autorisant la conclusion de ces contrats, prévoyait que "les bâtiments ne devront pas couvrir plus de 50 % de la totalité du terrain vendu" et imposait à l'acquéreur de construire sur le terrain des constructions à usage d'habitation bourgeoise qui devaient être commencées au plus tard dans le délai de six mois et achevées au plus tard dans les cinq ans à compter du jour de la location.

Seul le lot no 12 de l'îlot no 24 d'une superficie de 2 163,60 m², a été vendu à la société Bugeaud la Pompe par acte des 19 mars, 11 et 15 avril 1930. L'acte stipulait que la vente était soumise aux conditions imposées par le cahier des charges du 18 mars 1929. Aucun autre immeuble que celui de la société Bugeaud la Pompe n'a été construit par suite du désistement des autres bénéficiaires d'une promesse de vente, le lotissement n'a pu être réalisé.

Selon un protocole d'accord du 27 novembre 1972, la ville de Paris a cédé gratuitement à l'Etat une parcelle de l'îlot no 23 pour permettre l'installation de l'ambassade de l'Union soviétique, la ville restant propriétaire du reste de ce lot et des terrains du lot no 24, à l'exception de celle vendue à la société Bugeaud La Pompe, à charge pour elle d'affecter à des équipements sportifs une surface de 12 269,50 m² et les 4 553 m² restant à des espaces verts.

Par délibération du 21 décembre 1973 relatif à l'aménagement de l'îlot no 24, le conseil de Paris a approuvé :
- la création d'une zone non aedificandi de 4 553 m² à aménager en espaces verts, située entre le terrain appartenant à la société Bugeaud la Pompe et l'avenue Chantenesse et le long de l'avenue du Maréchal Fayolle, sous réserve que l'Etat, en application du protocole du 27 novembre 1972, s'engage à verser à la ville la contrepartie de la valeur de cette servitude ;
- la répartition suivante du lot no 24 d'une superficie totale de 20 788 m² :
-parcelle propriété de la société Bugeaud la Pompe : 2 163,60 m²
-espaces verts : 4 553,50 m²
-emprise affectée aux équipements sportifs : 12 269,50 m²
-superficie libre en bordure de l'avenue de Pologne : 23 965 m².

Par acte du 23 juin 1987, la propriété des locaux situés [Adresse 3], appartenant à la société Bugeaud la Pompe, qui a été dissoute, a été transmise à ses actionnaires avec création du syndicat des copropriétaires de l'immeuble.

Après division de la parcelle EG 3, sur laquelle se trouve l'assiette de la servitude, en deux parcelles EG 25 et EG 26, la ville de Paris, par acte du 19 mai 2009, a consenti à l'établissement public Paris habitat-OPH (Paris habitat) un bail emphytéotique portant sur la parcelle EG 25, mitoyenne de celle du syndicat des copropriétaires, en vue de la réalisation de logements locatifs sociaux et de parkings en sous-sol.

Suite à la délivrance d'un permis de construire du 27 novembre 2014, Paris habitat a réalisé les travaux de construction qui ont été achevés le 20 février 2019.

Le syndicat des copropriétaires a assigné la ville de Paris aux fins de la voir condamner à aménager sur la parcelle 4 553 m² en espaces verts, de juger que tout acte de construction sur cette parcelle est illicite comme violant le cahier des charges de 1929 et d'ordonner la suspension de tout acte de construction sur la parcelle.

Le syndicat des copropriétaires a ensuite appelé en intervention forcée Paris habitat.

Les deux instances ont été jointes.

Le syndicat des copropriétaires a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent au profit du tribunal administratif de Paris.

Par ordonnance du 19 janvier 2021, le juge de la mise en état a rejeté cette exception d'incompétence.

Pour statuer ainsi le juge de la mise en état a retenu qu'il résulte des dispositions des articles L. 1311-1 à L. 1311-3 du code général des collectivités locales qu'un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence ; que les litiges relatifs à ces baux sont de la compétence des tribunal administratifs selon l'article L. 1311-3, alinéa 1, 4o ; qu'il s'ensuit que ces baux relèvent des dispositions de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en l'espèce le litige porte non sur l'exécution du bail emphytéotique conclu entre la ville de Paris et l'établissement Paris-habitat, qui relèverait de la compétence de la juridiction administrative par application de l'article L. 1311-3, alinéa 1, 4o du code général des collectivités territoriales, ou encore de l'interprétation de ses stipulations, mais sur les effets de ce bail à l'égard du syndicat des copropriétaires, tiers à ce contrat, et plus particulièrement sur la compatibilité du bail avec la servitude non aedificandi dont se prévaut le syndicat des copropriétaires, de sorte qu'il appartiendra au juge statuant au fond d'apprécier la portée de cette servitude au regard de ce contrat administratif, notamment sur le fait que des constructions ont été édifiées sur la parcelle litigieuse en méconnaissance de la servitude.

Il a ensuite constaté que le cahier des charges du 18 mars 1929 et la délibération du 21 décembre 1973 ont institué à la charge de la ville de Paris une servitude non aedificandi sur une portion de l'îlot 24 de 4 553 m² devant être aménagée en espaces verts, susceptible d'être invoquée par des riverains, un programme de logements sociaux ayant été édifié sur cette portion.

Il a énoncé que la protection de la propriété privée est réservée au juge judiciaire qui est compétent lorsqu'il est saisi d'une action en revendication de propriété privée portant sur un bien constituant une dépendance du domaine public, si le litige porte sur l'application de titres de droit privé ou de règle de droit privé.

Il a ajouté que s'agissant des servitudes établies sur un bien appartenant au domaine public, selon l'article L. 2122-4 du code de la propriété des personnes publiques, "des servitudes établies par conventions passées entre les propriétaires, conformément à l'article 639 du code civil, peuvent grever des biens des personnes publiques mentionnées à l'article L1 qui relèvent du domaine public, dans la mesure où leur existence est compatible avec l'affectation de ceux de ces biens sur lesquels ces servitudes s'exercent", de sorte que des servitudes de droit privé peuvent affecter, notamment par contrat, un bien du domaine public et que ces servitudes relèvent des attributions des juridictions judiciaires qui sont ainsi compétentes pour statuer sur la question de l'opposabilité d'une servitude, alors même qu'il s'agirait de l'appliquer à une dépendance du domaine public.

S'agissant de la demande en ce qu'elle est fondée sur la délibération du conseil de Paris du 21 décembre 1973, le juge de la mise en état a retenu que le syndicat des copropriétaires sollicite non une appréciation de la légalité de cette délibération, mais son application en ce qu'elle institue au profit des propriétaire du [Adresse 3], voisins de la parcelle objet de la servitude, (future parcelle EG 25) une servitude sur la base du cahier des charges de 1929 et que cette application implique d'apprécier la portée de cette servitude, ce qui relève également de la compétence du juge judiciaire.

Paris habitat a interjeté appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation et réclame la condamnation du syndicat des copropriétaires au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient d'abord que le juge de la mise en état a commis une erreur de droit quant à la portée du litige en retenant que le bail emphytéotique conclu avec la ville de Paris pouvait se voir appliquer les dispositions de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime et par suite celles de l'article L. 451-8 de ce code, l'article L. 1311-1 du code général des collectivités territoriales prévoyant seulement qu'une collectivité territoriale peut conclure des baux emphytéotiques comme ceux prévus par le code rural. Il fait valoir que le bail emphytéotique litigieux est un bail emphytéotique administratif conclu sous l'empire des dispositions de l'article L. 1311-1 du code général des collectivités territoriales, qui met à la charge du preneur l'obligation de réaliser sur ce terrain un programme de construction de logements sociaux et de parkings en sous-sol. Il ajoute que l'article 10 de ce bail stipule que "tous les litiges qui pourraient s'élever relativement à l'exécution du présent bail seront soumis à la compétence du tribunal administratif de Paris".

Paris habitat fait également valoir que le juge de la mise en état a dénaturé les faits en retenant que le litige ne porte pas sur l'exécution du bail emphytéotique mais sur ses effets à l'égard du syndicat des copropriétaires, tiers à ce contrat, plus spécialement sur sa comptabilité avec la servitude non aedificandi dont le syndicat demande l'exécution. Il a ainsi considéré que Paris-habitat était tenu, en application de ce contrat administratif, par le cahier des charges du 18 mars 1929 et par la délibération du 21 décembre 1973.

La ville de Paris conclut également à l'infirmation de l'ordonnance et réclame la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle reproche au juge de la mise en état d'avoir retenu que le litige ne porte pas sur l'exécution du bail emphytéotique qu'elle a conclu avec Paris habitat alors que ce bail est au centre du litige puisque pour admettre le bien fondé de la demande, le juge devra décider que ce bail est privé de tout effet.

Elle ajoute que le juge de la mise en état a également dénaturé les termes de la délibération du 21 décembre 1973 qui n'évoque pas une servitude mais indique que, sous des conditions qui n'ont pas été réalisées, il sera procédé à la création d'une "zone non aedificandi" de 4 553 m² à aménager en espaces verts. Elle précise qu'aucun accord n'a été conclu avec le syndicat des copropriétaires en vue de la constitution d'une servitude et qu'elle a seulement mis en oeuvre une prérogative qui lui est propre.

Le syndicat des copropriétaires conclut à la confirmation de l'ordonnance et sollicite la condamnation de Paris habitat à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait d'abord valoir que le cahier des charges du lotissement a valeur contractuelle entre les colotis et qu'en conséquence la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur une demande tendant à sanctionner une violation par un coloti d'une disposition du cahier des charges. Il ajoute que le bail conclu avec Paris habitat est régi par les dispositions du code rural et de la pêche maritime ainsi qu'il résulte de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales et des dispositions du bail qui font référence aux dispositions de droit commun du bail emphytéotique.

Le syndicat des copropriétaires soutient ensuite qu'un bien du domaine public peut être grevé d'une servitude de droit privé et que les litiges relatifs à l'existence de ces servitudes relèvent de la compétence des juridictions judiciaires et qu'ainsi il appartient au tribunal judiciaire de se prononcer sur l'opposabilité du cahier des charges à la société Paris habitat, titulaire d'un droit réel sur la parcelle litigieuse.

Il fait enfin valoir que la délibération du conseil de la ville de Paris qui a institué une servitude non aedificandi sur un terrain régi par le cahier des charges du lotissement est un acte de droit privé. Il explique que cette délibération a été prise pour mettre un terme au litige qui opposait la ville à la société Bugeaud La Pompe suite à l'installation de l'ambassade de l'Union soviétique sur un terrain voisin, de sorte que cette délibération n'avait pas un but réglementaire mais seulement d'instituer une servitude de droit privé.

SUR CE,

Attendu que le syndicat des copropriétaires fonde ses demandes sur l'existence d'une servitude non aedificandi de droit privé instituée par le cahier des charges du lotissement du 18 mars 1929 dont la disposition litigieuse, qui est de droit privé, est opposable aux colotis, et par la délibération du 21 décembre 1973 portant sur le terrain déjà régi par ce cahier des charges ; que portant sur l'existence d'une servitude de droit privé, le litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire ; qu'il convient par conséquent de confirmer l'ordonnance attaquée ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement,

Confirme l'ordonnance du 19 janvier 2021 ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Condamne l'établissement public Paris habitat-OPH aux dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 21/04044
Date de la décision : 04/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-06-04;21.04044 ?
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