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16/04/2021 | FRANCE | N°19/152337

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 16 avril 2021, 19/152337


Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 AVRIL 2021

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/15233 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAOD5

Décision déférée à la cour : arrêt du 22 septembre 2017 -cour d'appel de Paris - RG no

DEMANDERESSES A LA TIERCE OPPOSITION

EURL PHC
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Marc DESCOUBES de la SELEURL DESCOUBES AVOCAT, avocat au barreau de PA

RIS, toque : D0969

SAS TRIMAX DEVELOPPEMENT
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Marc DESCOUBES de la SELEURL DESC...

Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 AVRIL 2021

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/15233 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAOD5

Décision déférée à la cour : arrêt du 22 septembre 2017 -cour d'appel de Paris - RG no

DEMANDERESSES A LA TIERCE OPPOSITION

EURL PHC
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Marc DESCOUBES de la SELEURL DESCOUBES AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0969

SAS TRIMAX DEVELOPPEMENT
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Marc DESCOUBES de la SELEURL DESCOUBES AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0969

DÉFENDERESSES A LA TIERCE OPPOSITION

SCPI PIERRE SELECTION
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Représentée par Me Catherine FAVAT de la SELARL FBC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806

SCCV DE LA NIÈVRE
[Adresse 2]
[Adresse 2]

n'a pas constitué avocat

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2021, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude CRETON, président
Mme Christine BARBEROT, conseillère
Mme Monique CHAULET, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Christine BARBEROT, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

Arrêt :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude CRETON, président et par Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

Vu le jugement du 1er avril 2015 du Tribunal de grande instance de Paris ayant :
- dit que le dol n'était pas établi,
- débouté la SCPI Pierre sélection de toutes ses demandes,
- condamné la société Pierre sélection au paiement des dépens et à payer à la SCCV de la Nièvre la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société Pierre sélection ;

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état de cette Cour du 23 juin 2016, confirmée par arrêt rendu sur déféré le 9 décembre 2016, ayant déclaré la société de la Nièvre irrecevable à conclure ;

Vu l'arrêt du 22 septembre 2017 de cette Cour (pôle 4, chambre 1) ayant :
- infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamné la société de la Nièvre à payer à la société Pierre sélection la somme de 550 000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2013,
- rejeté toute autre demande,
- condamné la société de la Nièvre aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Pierre sélection la somme de 10 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'arrêt du 11 juillet 2019 de la Cour de cassation (troisième chambre civile) ayant :
- rejeté le pourvoi formé par la société de la Nièvre contre l'arrêt du 27 septembre 2017,
- condamné la société de la Nièvre aux dépens et à payer à la société Pierre sélection la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu la tierce opposition formée contre l'arrêt du 22 septembre 2017 par l'EURL PHC et la SAS Trimax développement;

Vu les dernières conclusions des sociétés PHC et Trimax développement qui demandent à la Cour de :
- vu les articles 582 et suivants, 32-1, du Code de procédure civile,
- les déclarer recevables et bien fondées en leur tierce opposition,
. à titre principal :
- rétracter l'arrêt du 22 septembre 2017 en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris,
- rétracter cet arrêt en ce qu'il a condamné la société de la Nièvre à payer à la société Pierre sélection la somme de 550 000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2013,
. à titre subsidiaire :
- suspendre à leur égard l'exécution de l'arrêt du 22 septembre 2017,
. en tout état de cause,
- condamner la société Pierre sélection à leur payer à chacune la somme de 50 000 € en réparation du préjudice d'image ainsi que de leur préjudice moral,
- condamner la société Pierre sélection à leur verser la somme de 10 000 € chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens de l'instance en sus ;

Vu les dernières conclusions de la société Pierre sélection qui prient la Cour de :
- vu les articles 581, 583 et suivants du Code de procédure civile,
- juger irrecevables les sociétés PHC et Trimax développement en leur tierce opposition,
- en toute hypothèse :
- vu les articles 1108, 1116, 1117, 1353 et 1382 du Code civil,
- débouter les sociétés PHC et Trimax développement de leur tierce opposition,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 15 000 € de dommages-intérêts,
- les condamner in solidum au paiement d'une amende civile,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus ;

Vu l'assignation délivrée à personne habilitée à recevoir l'acte à la société de la Nièvre qui n'a pas constitué avocat ;

MOTIFS DE LA COUR

Sur la recevabilité de la tierce opposition

L'associé d'une société civile, poursuivi en paiement des dettes sociales dont il répond indéfiniment à proportion de sa part dans le capital social, est recevable à former tierce opposition à l'encontre de la décision condamnant la société au paiement dès lors que cet associé invoque des moyens que la société n'a pas soutenus.

Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que les sociétés PHC et Trimax développement sont les associées de la société de la Nièvre.

Par acte extra judiciaire des 15, 18 et 24 avril 2019, la société Pierre sélection a assigné en référé les sociétés PHC et Trimax développement, en qualité d'associées de la société de la Nièvre, en paiement provisionnel en exécution de la condamnation prononcée par l'arrêt du 22 septembre 2017. Par ordonnance du 16 janvier 2020, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a sursis à statuer sur les demandes jusqu'à la décision de la Cour d'appel de Paris statuant sur les tierces oppositions des sociétés défenderesses.

Les sociétés PHC et Trimax développement sont donc poursuivies en paiement des dettes sociales.

Bien que la Cour ait été formellement saisie par l'effet dévolutif de l'appel des moyens que la société de la Nièvre avait soutenus devant le Tribunal, cependant, cette société, déclarée irrecevable à conclure dans l'instance d'appel, n'a pas effectivement soutenu en cause d'appel les moyens dont font état les tierces opposantes dans la présente instance.

En conséquence, la tierce opposition est recevable.

Au fond

Si l'acte authentique de vente du 8 septembre 2011 a été rédigé par le notaire de l'acquéreur, cependant, il l'a été avec la participation du notaire du vendeur, conseil de ce dernier. En l'absence de mise en cause de l'officier ministériel rédacteur de l'acte, les sociétés PHC et Trimax développement ne peuvent utilement affirmer que c'est le rédacteur de l'acte qui aurait choisi toutes les clauses de l'acte et les aurait "imposées sur demande de sa cliente" (conclusions des sociétés PHC et Trimax développement, p. 11).

Aucun dol n'étant susceptible d'être reproché aux sociétés PHC et Trimax développement, tiers au contrat, leur moyen relatif à leur ignorance des conditions d'exécution du bail par la société Fashion céramiques est inopérant.

Par acte authentique du 8 septembre 2011, la société civile de construction-vente de la Nièvre a vendu à la société Pierre sélection, au prix de 4 425 200 €, un ensemble immobilier à usage commercial sis à [Adresse 4], ayant fait l'objet, pour partie, de baux commerciaux dont l'un, par acte sous seing privé du 20 octobre 2009, au profit de l'EURL Fashion céramiques. Aux termes de cet acte, le vendeur a déclaré et garanti, notamment, "que :
. le locataire exécute fidèlement ses obligations au titre des baux,
. le locataire exerce une activité commerciale dans les biens" (p. 46),
étant précisé que "la situation locatives et les déclarations faites par le vendeur constituent une condition essentielle et déterminante de l'engagement de l'acquéreur sans laquelle il n'aurait pas contracté" (p. 47).

Ces clauses montrent que la solvabilité du preneur était un élément déterminant du consentement de l'acquéreur à l'achat.

Au chapitre "Dépôt de garantie", l'acte de vente mentionne que "le vendeur verse à l'acquéreur qui le reconnaît et lui donne bonne et valable quittance, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné et de celle du notaire participant, le dépôt de garantie versé en numéraire par le locataire", soit la somme de 14 250 € correspondant au dépôt de garantie de la société Fashion céramiques (ibidem). Bien qu'aux termes du bail, cette sûreté ait consisté en une caution bancaire, le vendeur a déclaré dans l'acte de vente que la société Fashion céramiques "n'a pas remis de caution bancaire, mais a versé au vendeur à titre de dépôt de garantie, la somme de" 14 250 € (p. 39).

Aux termes du bail du 20 octobre 2009 conclu au profit de la société Fashion céramiques, les effets de ce contrat avaient été reportés à la levée des conditions suspensives d'obtention par le bailleur d'un titre et d'un permis de construire purgé de tout vice, le versement des loyers exigibles trimestriellement et d'avance, ainsi que du dépôt de garantie, étant, quant à lui, reporté à la livraison des locaux donnés à bail. Dans le contrat de vente, le vendeur a déclaré "que la réception des biens, objet du bail, a eu lieu le 19 juillet 2011, avec des réserves dont la levée à été constatée le 30 août 2011" (ibidem).

En effet, dès le 28 juin 2011, la société de la Nièvre avait convié la société Fashion céramiques à la prise de possession le 19 juillet 2011 des lieux loués, l'invitant à lui fournir dans le mois de la livraison un chèque d'un montant de 14 250 € correspondant à un terme de loyer trimestriel hors taxes. Le 1er septembre 2011, la société de la Nièvre a adressé à la société Fashion céramiques une facture d'un montant de 14 323,07 € au titre du loyer du 19 juillet 2011 au 30 septembre 2011.

En dépit de ces dates, le vendeur a affirmé dans le contrat de vente du 8 septembre 2011 que le locataire exerçait une activité commerciale dans les lieux loués et exécutait fidèlement ses obligations en exécution du bail.

Pourtant, par courriel du 27 juillet 2011, la société Fashion céramiques avait fait savoir à sa bailleresse qu'elle ne pourrait s'acquitter du dépôt de garantie que sous quinzaine dans l'attente de l'issue favorable d'un procès. En réalité, au 8 septembre 2011, date de la vente, la société Fashion céramiques ne s'était pas acquittée de ce paiement, la société de la Nièvre l'ayant fait pour elle par chèque du 8 septembre 2011. Le preneur n'avait pas davantage payé le loyer échu et appelé pour la période du 19 juillet 2011 au 30 septembre 2011, la société de la Nièvre ayant, là encore, payé pour le compte du preneur la quote-part de ce loyer revenant à l'acquéreur.

Ainsi, au 8 septembre 2011, non seulement la société de la Nièvre a faussement déclaré que le locataire avait exécuté ses obligations et qu'il avait versé le dépôt de garantie "en numéraire" , mais elle a encore dissimulé, par ses paiements pour le compte de ce dernier, les manquements de la société Fashion céramiques qui révélaient, dès avant la vente, son insolvabilité. Celle-ci est avérée par le rapport du 28 septembre 2012 du liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Fashion céramiques ouverte le 18 août 2012 précisant que cette société n'avait jamais pu exercer son activité depuis sa création en 2008 "du fait d'un manque total de trésorerie". Or, il vient d'être dit que le manque de trésorerie de la locataire était connu de la société de la Nièvre avant le 8 septembre 2011 et qu'elle l'avait dissimulé à son acquéreur.

En conséquence, le dol de la société de la Nièvre est constitué.

L'acquittement du prix étant la principale obligation de l'acquéreur, la mauvaise foi de la société Pierre sélection ne peut être déduite de ses paiements aux termes prévus par le contrat de vente. La collusion prétendue entre l'acquéreur et le locataire n'est pas davantage établie.

S'agissant de la restitution de l'excès de prix payé par la société Pierre sélection, les locaux vendus le 8 septembre 2011 avaient une SHON totale de 3 087 m2, les lieux donnés à bail à la société Fashion céramiques ayant une superficie de 597 m2. Le prix du bail d'une durée de 12 années, dont 6 années fermes était fixé à 57 000 € annuels, charges et TVA en sus. Après commandement de payer délivré le 1er juin 2012 pour avoir paiement des loyers dus depuis octobre 2011, par ordonnance du 26 juin 2012, le juge des référés a déclaré acquise la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire et a ordonné l'expulsion de la société Fashion céramiques. La société Pierre sélection a produit sa créance de loyers au passif de la liquidation judiciaire de la société Fashion céramiques ouverte le 18 août 212, mais le mandataire judiciaire lui a indiqué le 6 mai 2013 qu'en l'absence totale d'actif, elle ne serait pas désintéressée. La société Pierre sélection ne conteste pas qu'elle a pu relouer les locaux au début de l'année 2016. Au vu de ces éléments et la société Pierre sélection réclamant, non la nullité de la vente, mais la réduction du prix, celle-ci doit être évaluée à la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, les intérêts au taux légal étant dû à compter du présent arrêt.

L'arrêt du 22 septembre 2017 sera donc rétracté à l'égard des sociétés PHC et Trimax développement, mais seulement en ce qu'il a fixé les dommages-intérêts dus à la société Pierre sélection à la somme de 550 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2013.

Il n'y a pas lieu de suspendre les effets de l'arrêt du 22 septembre 2017 au profit des sociétés PHC et Trimax développement eu égard à l'ancienneté du litige.

En l'absence d'abus de droit ou de mauvaise foi, les autres demandes de dommages-intérêts sont rejetées.

Chacune des parties conservera la charge des dépens exposés dans l'instance en tierce opposition.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application en la cause de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevables l'EURL PHC et la SAS Trimax développement en leur tierce opposition ;

Rétracte l'arrêt no 305 (RG no 15/09949) de cette Cour du 22 septembre 2017 à l'égard de l'EURL PHC et de la SAS Trimax développement, mais seulement en ce qu'il a fixé les dommages-intérêts dus à la SCPI Pierre sélection à la somme de 550 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2013 ;

Fixe à l'égard l'EURL PHC et de la SAS Trimax développement les dommages-intérêts dus à la SCPI Pierre sélection à la somme de 200 000 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déclare les autres dispositions de l'arrêt du 22 septembre 2017 opposables à l'EURL PHC et la SAS Trimax développement ;

Déboute l'EURL PHC et la SAS Trimax développement de leur demande de suspension à leur égard des effets de l'arrêt du 22 septembre 2017 ;

Rejette les autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés dans l'instance en tierce opposition qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 19/152337
Date de la décision : 16/04/2021
Sens de l'arrêt : Rétracte une décision antérieure

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2021-04-16;19.152337 ?
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