Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d'appel de Paris
Pôle 4 - chambre 1
Arrêt du 05 mars 2021
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :RG 19/22585-Portalis 35L7-V-B7D-CBEOY
Décision déférée à la cour : jugement du 19 novembre 2019 -tribunal de grande instance de Paris - RG 19/08575
APPELANTE
Commune ville de Paris
agissant en la personne de son maire en exercice
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
INTIMÉE
SCI du [Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant, Me Aurore Guérin, avocat au barreau de PARIS, toque : A 906
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 28 janvier 2021, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude CRETON, président
Mme Christine BARBEROT, conseillère
Mme Monique CHAULET, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Christine BARBEROT, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude CRETON, président et par Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
Suivant acte authentique reçu le 22 décembre 1925, [S] [C] et [X] [X], épouse [C], ont vendu à [B] [U], époux en premières noces de [W] [G], et à [W] [A] [Z], épouse en seconds noces de [B] [B] [U] (les époux [U]), un terrain avec des constructions, sis [Adresse 2]) à Paris, 11e arrondissement actuel, dernièrement cadastré section AV no [Cadastre 1]. Après le décès du dernier survivant des époux [U], soit [B] [U], décédé le [Date naissance 1] 1954, [W] [Z], épouse [U], étant décédée le [Date décès 1] 1932), leurs héritiers ont constitué, suivant acte authentique reçu les 13 et 14 décembre 1957 par M. [O] [K], notaire à [Localité 2], la société civile immobilière du [Adresse 2], faisant l'apport à cette société de l'immeuble précité. Après obtention de permis de démolir et de construire en vue d'édifier un immeuble de bureaux, côté avenue [B] Aicard, en continuité avec l'immeuble industriel existant, côté [Adresse 2], la SCI du [Adresse 2] (la SCI) a achevé la démolition le 22 mars 2019. Par lettre du 26 avril 2019, la Ville de Paris a informé la SCI de ce qu'en 1936 une partie de la parcelle constituant le sol de voirie sur le passage Ménilmontant, avait été expropriée pour une surface de 34,8m2 au profit du services des voiries. Par assignation à jour fixe du 18 juillet 2019, la SCI du [Adresse 2] a assigné la Ville de Paris en revendication de la propriété de l'intégralité de la parcelle cadastrée section AV no [Cadastre 1] et en bornage.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 19 novembre 2019, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Ville de Paris,
- dit que la SCI était intégralement propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 1],
- ordonné le bornage de la parcelle telle que figurant au cadastre,
- rejeté la demande de dommages-intérêts,
- rejeté la demande de la Ville de Paris en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la Ville de Paris à payer à la SCI la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la Ville de Paris aux dépens.
La Ville de Paris a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 20 novembre 2020, cette Cour a :
- confirmé le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il avait rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Ville de Paris ;
- infirmé ce jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
- débouté la SCI de sa revendication de propriété de l'intégralité de la parcelle sise [Adresse 3]), telle qu'elle figure actuellement au cadastre, section AV no [Cadastre 1],
- dit que cette configuration cadastrale était erronée en ce qu'elle incluait une bande de terrain d'une largeur de 1,70 m située entre l'alignement de l'avenue [Adresse 4] et la propriété de la SCI, bande de terrain expropriée par ordonnance du 16 mai 1936, publiée le 3 octobre 1936 (volume 928, article 2),
- avant dire droit :
- ordonné la réouverture des débats à l'audience des plaidoiries du jeudi 28 janvier 2021, 14h, pour permettre aux parties de conclure sur l'appartenance de cette bande de terrain, soit au domaine public, excluant le bornage, soit au domaine privé de la Ville de Paris, permettant le bornage ;
- dit n'y avoir lieu à révoquer la clôture ni à renvoyer l'affaire à la mise en état ;
- sursis à statuer sur le surplus des demandes ;
- réservé les dépens.
Par dernières conclusions après réouverture des débats, la Ville de Paris, appelante, demande à la Cour de :
- vu les articles L. 220-1, L. 220-2 du Code de l'expropriation, 1240 du Code civil, et l'ordonnance d'expropriation du 16 mai 1936, publiée le 3 octobre 1936,
- infirmer le jugement dont appel,
- dire que la bande de terrain située entre l'alignement de l'avenue [B] Aicard et la propriété de la SCI, actuellement cadastrée section [Cadastre 1], dont il a été jugé par arrêt avant dire droit qu'elle, appelante, était propriétaire, identifiée sur le plan annexé en pièce 15, relève de son domaine public,
- rejeter, en conséquence, la demande de bornage,
- rejeter toutes les autres demandes de la SCI, notamment, vu l'article 564 du Code de procédure civile, la prétention nouvelle fondée sur la prescription acquisitive,
- vu l'article 1355 du code civil, dire que cette demande se heurte à l'autorité de chose jugée, la SCI ayant été déboutée de sa revendication de propriété de l'intégralité de la parcelle [Cadastre 1],
- condamner la SCI à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions après réouverture des débats, la SCI, du [Adresse 2] prie la Cour de :
- vu l'arrêt avant dire droit du 20 novembre 2020, les articles L. 112-1 du Code de la voirie routière, L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, 563, 565 du Code de procédure civile, 1240, 2265 et 2272 du Code civil,
- dire que la bande de terrain d'environ 1,70 mètres de largeur, située au droit de l'aligement au [Adresse 5], expropriée en 1936, n'appartient pas au domaine public mais au domaine privé de la Ville de Paris,
- déclarer que cette bande de terrain a été acquise par elle, intimée, par prescription acquisitive trentenaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu qu'elle était propriétaire de l'intégralité de la parcelle cadastrée [Cadastre 1] sise [Adresse 3] et en ce qu'il en a ordonné le bornage,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a refusé l'allocation de dommages-intérêts,
- statuant à nouveau :
- condamner la Ville de Paris à lui payer la somme de 1 284 275 € à titre de dommages-intérêts à parfaire à la date du bornage contradictoire et de la reprise subséquente des travaux,
- condamner la Ville de Paris à lui payer la somme de 50 545,42 € avec intérêts au taux légal depuis 1936 et anatocisme, au titre de son enrichissement sans cause,
- en tout état de cause,
- dire que la Ville de Paris a renoncé à réaliser toute plus value en cas de revente de la bande de terrain litigieuse,
- condamner la Ville de Paris à lui payer la somme de 36 914 € outre TVA u titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
MOTIFS DE LA COUR
L'arrêt de cette Cour du 20 novembre 2020 ayant infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il avait rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Ville de Paris, il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur l'infirmation de la décision de première instance.
Ce même arrêt a purgé sa saisine concernant la revendication de propriété de la SCI sur l'intégralité de la parcelle sise [Adresse 3]), telle qu'elle figure actuellement au cadastre, section AV no [Cadastre 1], ayant dit que cette configuration cadastrale était erronée en ce qu'elle incluait une bande de terrain d'une largeur de 1,70 m située entre l'alignement de l'avenue [Adresse 4] et la propriété de la SCI , bande de terrain expropriée par ordonnance du 16 mai 1936, publiée le 3 octobre 1936 (volume 928, article 2).
Par suite, se heurtent à l'autorité de la chose jugée les demandes de la SCI tendant, d'une part, à faire déclarer par la Cour qu'elle, avait acquis cette bande de terrain par prescription trentenaire, d'autre part, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait reconnu qu'elle était propriétaire de l'intégralité de la parcelle cadastrée [Cadastre 1] sise [Adresse 3], ainsi qu'en ce qu'il avait ordonné le bornage. En outre, par l'arrêt du 20 novembre 2020, cette Cour, qui n'a pas révoqué la clôture ni renvoyé l'affaire à la mise en état, n'a rouvert les débats que sur le bornage, n'invitant les parties à conclure que sur l'appartenance de la bande de terrain litigieuse, soit au domaine public, excluant le bornage par le juge judiciaire, soit au domaine privé de la ville de Paris, permettant ce bornage.
En conséquence, les demandes précitées de la SCI sont irrecevables.
La demande de restitution de la somme de 50 545,25 € au titre des taxes foncières qui auraient été payées par la SCI à la Ville de Paris depuis 1936, qui n'a pas été formulée avant la réouverture des débats ordonnée le 20 novembre 2020, est irrecevable pour excéder les limites de la question posée par la Cour aux parties.
Il résulte de ce qui a été dit dans l'arrêt du 20 novembre 2020 que la bande de terrain litigieuse qui n'appartient pas à la SCI est la propriété de la Ville de Paris.
A l'occasion de la réouverture des débats et pour répondre à la question posée par la Cour, relative au bornage, la Ville de Paris produit (pièce no 15 du bordereau de communication de l'appelante) un plan intitulé "Projet de délimitation au droit de la parcelle sise [Adresse 6]", dressé le 13 janvier 2021 par le service de l'action foncière du département de la topographie et de la documentation foncière de la direction de l'urbanisme de la Ville de Paris. Ce plan, qui n'est pas utilement critiqué par la SCI et qui montre que la bande de terrain litigieuse a une superficie de 34,99 m2, délimite suffisamment le bien litigieux pour que les droits de la Ville de Paris soient reconnus et publiés au service de la publicité foncière.
La question du bornage étant devenue sans objet, la demande de bornage de la SCI doit être rejetée.
S'agissant de la demande en paiement de la somme de 1 284 275 € de dommages-intérêts formée par la SCI à l'encontre de la Ville de Paris, cette dernière n'a ni abusé de ses droits ni commis de faute en défendant à l'action en revendication de propriété de la SCI et en s'opposant au bornage, le retard de réalisation des travaux trouvant son origine dans le refus de la SCI d'acquérir à l'amiable la bande de terrain litigieuse.
Il y a lieu d'ordonner la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière compétent à l'initiative de la partie la plus diligente et aux frais de la SCI du [Adresse 2].
La SCI, qui succombe en ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel. Dès lors, sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ne peut prospérer.
L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de la Ville de Paris sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Vidant la partie avant dire droit de son arrêt du 20 novembre 2020 :
Déclare irrecevables les demandes de la SCI du [Adresse 2] tendant à :
- faire déclarer par la Cour qu'elle a acquis par prescription trentenaire la bande de terrain d'une largeur de 1,70 m située entre l'alignement de l'avenue [Adresse 4] et sa propriété,
- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu qu'elle était propriétaire de l'intégralité de la parcelle cadastrée [Cadastre 1] sise [Adresse 7], ainsi qu'en ce qu'il avait ordonné le bornage,
- la restitution par la Ville de Paris de la somme de 50 545,25 € au titre des taxes foncières ;
Rejette la demande de bornage de la SCI du [Adresse 2] ;
Déclare la Ville de Paris propriétaire de la bande de terrain, sise entre l'alignement de [Adresse 4], et la parcelle, propriété de la SCI du [Adresse 2] actuellement cadastrée section AV no [Cadastre 1], bande de terrain d'une superficie de 34,99 m2 telle que délimitée au plan intitulé "Projet de délimitation au droit de la parcelle sise [Adresse 6]", dressé le 13 janvier 2021 par le service de l'action foncière, département de la topographie et de la documentation foncière de la direction de l'urbanisme de la Ville de Paris (pièce no 15 du bordereau de communication de la Ville de Paris dans le présent litige) ;
Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière compétent à l'initiative de la partie la plus diligente et aux frais de la SCI du [Adresse 2] ;
Déboute la SCI du [Adresse 2] de sa demande de dommages-intérêts ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SCI du [Adresse 2] au dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SCI du [Adresse 2], en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, à payer à la Ville de Paris la somme de 5 000 €.
Le greffier, Le président,