Copies exécutoires délivrées aux parties le : REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 16
chambre commerciale internationale
ARRET DU 02 MARS2021
(no /2021, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/18455 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAXMT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2018000476
APPELANTS :
Monsieur [H] [W]
Né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 1] (Pakistan)
de nationalité pakistanaise
Demeurant : [Adresse 1])
Monsieur [Z] [W]
Né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 1] (Pakistan)
de nationalité pakistanaise
Demeurant : [Adresse 1])
Monsieur [F] [W]
Né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 1] (Pakistan)
de nationalité pakistanaise
Demeurant : [Adresse 1])
Représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD et THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055 - ayant pour avocat plaidant Me Cataldo CAMMARATA de la SELARL SQUADRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0538
INTIMES :
Monsieur [B] [D]
Né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 2]
de nationalité française
Demeurant :[Adresse 2]
et
Monsieur [K] [P]
Né le [Date naissance 5] 1987 à [Localité 3](Portugal)
de nationalité française
Demeurant : [Adresse 3]
et
SAS HOTEL HOMES
Immatriculée au registre de commerce de Paris sous le numéro 809 91 3 6 68
Ayant son siège social : [Adresse 4]
prise en la personne de ses représentants légaux,
et
S.A.S. QUARTER 5
Immatriculée au registre de commerce de Paris sous le numéro 831 208 939
Ayant son siège social : [Adresse 5]
prise en la personne de ses représentants légaux,
et
S.A.S. LEISURE
Immatriculée au registre de commerce de Paris sous le numéro 831 261 359
Ayant son siège social : [Adresse 6]
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentés par Me Loïc HENRIOT de l'AARPI COHEN et GRESSER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0049
SA ACCOR
Immatriculée au registre de commerce de Nanterre sous le numéro 602 036 444
Ayant son siège social : [Adresse 7]
prise en la personne de ses représentants légaux,
en son nom propre et en tant que venant aux droits des sociétés IJAG et AWOL,
et
SASU IJAG
Immatriculée au registre de commerce de Paris sous le numéro 814 281 754
Ayant son siège social : [Adresse 3]
prise en la personne de ses représentants légaux,
et
SASU AWOL
Immatriculée au registre de commerce de Paris sous le numéro 814 48 5 9 34
Ayant son siège social : [Adresse 3]
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentées par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 - ayant pour avocat plaidant Me Karim BEYLOUNI de la SELARL KARIM BEYLOUNI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J098
Monsieur [G] [L]
Demeurant : [Adresse 8]
Défaillante,
SASU RB CAPITAL
Immatriculée au registre de commerce de Paris sous le numéro 805 242 807,
Ayant son siège social : [Adresse 9]
prise en la personne de ses représentants légaux,
Défaillante,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère appelée d'une autre chambre en remplacement du Président empêché,
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Fabienne SCHALLER dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET
ARRET :
- PAR DEFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Fabienne SCHALLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Clémentine GLEMET, greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.
I- FAITS ET PROCÉDURES
1. M. [F] [W], homme d'affaires pakistanais, a été approché en 2012 par Messieurs [B] [D] et [K] [P] pour financer un projet de plateforme internet dénommé « Squarebreak » qui met en relation des propriétaires et locataires de villas de vacances avec prestations de services hôteliers.
2. Monsieur [F] [W] a accepté d'investir en 2013 une somme de 300.000 euros dans ce projet sous forme de prêt. Une société de droit anglais dénommée Squarebreak Limited a été constituée par Messieurs [D] et [P], étant associés chacun à hauteur de 25%, ainsi que les deux fils de Monsieur [W], ce dernier étant nommé Président de la société. Un contrat de prêt (« Loan Agreement ») pour un montant de 300 000 euros a été signé le 26 mars 2013 entre la société Squarebreak Limited et M. [F] [W].
3.En mars 2014, l'activité de la société Squarebreak Ltd a été transférée à la société Squarebreak International (FZC) (ci-après « Squarebreak FZC »(, société de droit émirati détenue à 50% par Messieurs [D] et [P] (25% chacun) et à 50% par Messieurs [H] et [Z] [W], fils de Monsieur [F] [W] (25% chacun), M. [F] [W] en conservant la présidence.
4. Le 27 octobre 2014, M. [F] [W] et la société Squarebreak FZC ont régularisé un contrat pour formaliser le transfert de la dette d'emprunt de Squarebreak limited à Squarebreak FZC, à hauteur de la somme de 387.071 €.
5.La société française Hôtel Homes, a été créée le 15 février 2015 avec pour actionnaire unique la société Squarebreak FZC, afin de développer l'activité de Squarebreak FZC en France, en Espagne et au Maroc.
6.A la suite de discussions entre les associés sur la situation financière et l'avenir de la société Squarebreak FZC et l'éventualité pour Monsieur[W] de consentir un nouveau prêt, qui n'a finalement pas abouti, Monsieur [P] a sollicité la réunion d'un conseil d'administration le 15 juin et par courriel du 29 juin 2015, confirmé les difficultés de la société et fait état de son souhait de modifier la stratégie prise jusqu'alors. Il a été convenu lors du conseil d'administration du 13 juillet 2015 que les consorts [W] se retiraient du projet Squarebreak selon des modalités arrêtées par un courriel du 27 juillet 2015 et formalisées dans un protocole d'accord )« Memorandum of Understanding » ou « MoU »( envoyé par M. [P] fin août aux consorts [W] et validé en retour par courriel du 12 octobre 2015, puis signé par toutes les parties le 10 décembre 2015.
7. Cet accord prévoyait la cession par la société Squarebreak FZC de l'intégralité de sa participation dans la société Hôtel Homes aux sociétés AWOL et IJAG, sociétés appartenant à Messieurs [D] et [P], moyennant paiement par ces sociétés de la somme de 387.071,02 euros, ainsi que l'engagement de la société Squarebreak FZC à remettre cette somme à M. [F] [W] en remboursement de son prêt. Messieurs [Z] et [H] [W] s'engageaient par ailleurs à racheter pour 1 euro la participation de Messieurs [D] et [P] dans la société Squarebreak FZC puis à procéder à la dissolution des deux sociétés Squarebreak. Les pactes d'actionnaires étaient tous résiliés. Les cessions de titres ont été exécutées le 18 décembre 2015 s'agissant des actions Hôtel Homes et le 21 décembre 2015 s'agissant des actions Squarebreak FZC.
8.La société AccorHotels et la société Hôtel Homes ont signé une lettre d'intention (letter of intent) le 15 décembre 2015, par laquelle AccorHotels se proposait d'investir dans la société Hôtel Homes par une augmentation de capital de 3 millions d'euros et se réservait une option d'achat de l'intégralité des titres détenus par les autres associés à l'horizon fin 2018.
9.Le 4 janvier 2016, M. [G] [L], via la société RB Capital, est entré à hauteur de 6% dans le capital de la société Hôtel Homes par un apport en nature de la plateforme informatique de gestion hôtelière valorisée à 185 783 euros en contrepartie d'une augmentation de capital de 636 actions de la société Hôtel Homes, d'une valeur nominale de 1 €.
10. Le 4 février 2016, la société AccorHotels est entrée dans le capital de la société Hôtel Homes à hauteur de 49,2% par un apport en numéraire de 2.999.969 euros. L'augmentation de capital a été mise en œuvre par l'émission de 10.270 nouveaux titres de 1 € au profit de la société AccorHotels, les autres actionnaires étant les sociétés Awol et Ijag et la société RB Capital.
11. Les sociétés Squarebreak Ltd et Squarebreak FCZ ont fait l'objet d'une dissolution par les consorts [W] respectivement les 15 mars et 12 mai 2016.
12. En juillet 2017, les sociétés Ijag et Awol ont apporté leurs titres de la société Hôtel Homes aux sociétés Leisure et Quarter 5, constituées par Messieurs [D] et [P], et, le 3 août 2017, la société AccorHotels a racheté l'ensemble des actions de la société Hôtel Homes pour un montant total de 11.280.271,60 euros.
13.Les sociétés Ijag et Awol ont été liquidées par décision de leur associé unique, la société AccorHotels, le 18 octobre 2019, entraînant la transmission universelle de leur patrimoine au profit de cette dernière, qui vient aux droits de ces sociétés dans la présente procédure.
14. Estimant que la cession des actions de la société Hôtel Homes s'est faite à un prix nul à leur détriment du fait de leur ignorance des négociations engagées avec M. [L] et la société AccorHotels, les consorts [W] ont assigné par actes des 27 novembre, 4 et 6 décembre 2017 devant le tribunal de commerce de Paris, Messieurs [D] et [P], leurs sociétés AWOL et IJAG, M. [L] et la société RB CAPITAL, la société Hôtel Homes et la société AccorHotels, aux fins d'obtenir la nullité du protocole d'accord du 10 décembre 2015 et des cessions de titres des 18 et 21 décembre 2015 sur le fondement du dol, de l'erreur et de la vileté du prix et d'obtenir l'attribution judiciaire de 50 % des titres de la société Hôtel Homes ou, à titre subsidiaire, des dommages et intérêts à hauteur de 6 millions d'euros.
15. Les 24 juillet et 1er août 2018, les consorts [W] ont assigné en intervention forcée devant le tribunal de commerce les sociétés Quarter 5 et Leisure. Cette instance a été jointe à l'instance principale au fond.
16. Par jugement du 21 juin 2019, le tribunal de commerce de Paris a :
-Réitéré la jonction des affaires enrôlées sous les no201707056 et 2018047585 sous le no J 2018000476 dans le prolongement de la décision de jonction du tribunal du 11 octobre 2018;
-Débouté Messieurs [B] [D], [K] [P], la SASU IJAG, la SAS AWOL, la SASU LEISURE, la SASU QUARTER 5, la société Hôtel Homes, la société AccorHotels, M. [G] [L] et la SAS RB CAPITAL de leurs fins de non-recevoir,
-Débouté Messieurs [F], [H] et [Z] [W] de leur demande de nullité pour dol du protocole d'accord du 10 décembre 2015 et des actes de cession des actions des 18 et 21 décembre 2015 qui ont suivi ;
-Débouté Messieurs [F], [H] et [Z] [W] de leur demande de nullité pour erreur sur la substance ou pour contrepartie dérisoire du protocole d'accord du 10 décembre 2015 et des actes de cession des actions des 18 et 21 décembre 2015 qui ont suivi ;
-Débouté Messieurs [F], [H] et [Z] [W] de leur demande de dommages et intérêts et de toutes leurs autres demandes ;
-Débouté M. [G] [L] et la SAS RB CAPITAL de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
-Condamné in solidum Messieurs [F], [H] et [Z] [W] à payer 5.000 euros à Messieurs [B] [D], [K] [P], la SASU LEISURE, la SASU QUARTER 5, la société Hôtel Homes, la société AccorHotels, M. [G] [L], chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;
-Condamné in solidum Messieurs [F], [H] et [Z] [W] aux entiers dépens de l'instance.
17. Le 1er octobre 2019, les consorts [W] ont interjeté appel de ce jugement. Monsieur [G] [L] et la société RB CAPITAL n'ont pas constitué avocat.
18. La clôture a été prononcée le 24 novembre 2020.
II- PRÉTENTIONS DES PARTIES
19. Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 novembre 2020, les consorts [W] demandent à la Cour de bien vouloir :
1. Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 juin 2019, sauf en ce qu'il a (i) déclaré recevables les demandes des Consorts [W] en l'e tat de leur inte rêt à agir, (ii) jugé les sociétés SQUAREBREAK INTERNATIONAL FZC, SQUAREBREAK LTD et HOTEL HOMES constitutives «d'un ensemble économique unique » (cf. jugement p. 12 § 4 et 5) et (iii) débouté [G] [L] de sa demande pour procédure abusive ;
Et statuant à nouveau :
PRINCIPALEMENT
2. Juger les Consorts [W] recevables et bien fondés dans leur critique du chef du jugement les ayant débouté de leur demande de rejet des pièces communiquées en première instance no 1, 4, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 43, 47, 56, 57 (traduction non jurée), par les consorts [P] et [D] en version anglaise par application de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts sur le fait de la justice (août 1539), ensemble la loi no 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française ; ce chef de critique du jugement étant dépendant des chefs expressément critiqués par application des articles 562 et 901 du CPC ; en conséquence, écarter lesdites pièces du débat ;
3. Annuler pour dol le protocole d'accord ( MEMORANDUM OF UNDERSTANDING – MOU) du 10 décembre 2015 et ses suites indivisibles, à savoir les cessions de titres des 18 et 21 décembre 2015, par application des articles 1108, 1109, 1116 et 1169 du code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, ensemble les nouveaux articles 1102, 1104, 1112-1 du code civil, issus de l'ordonnance du 10 fe vrier 2016, portant obligation d'ordre public du devoir d'information pre contractuelle et le devoir de bonne foi, et les articles 1112-1, 1130, 1132, 1137 et 1139 du même code modifié, ensemble l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union europe enne, l'article 1 du Protocole no 1 et article 6 de la CEDH et l'article 17 de la De claration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (droit de propriété et au droit à un procès équitable) ;
4. Annuler pour erreur sur la substance ou contrepartie dérisoire ou vileté du prix le protocole d'accord (MEMORANDUM OF UNDERSTANDING – MOU) du 10 décembre 2015 et ses suites indivisibles, à savoir les cessions de titres des 18 et 21 de cembre 2015 en l'e tat du consentement vicié par erreur sur une qualité essentielle par application des articles 1109, 1110 du code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016 et 1112-1, 1130, 1131, 1132, 1133, 1169 et 1179 du même code dans sa version issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union europe enne, l'article 1 du P rotocole no 1 et article 6 de la CEDH et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (droit de propriété et au droit à un procès équitable) ;
En conséquence,
5. Ordonner l'attribution judiciaire de 50% des titres actuels de HOTEL HOMES - SQUAREBREAK, soit 10 437 actions sur un total de 20 874 actions, représentées par les actions no 1 à 5 218 à [H] [W], et no 5 219 à 10 436 à [Z] [W] ; ces derniers faisant leur affaire personnelle de l'attribution de l'action rompue no 10 437 à [H] [W] ou [Z] [W]
6. Ordonner au président actuel de HOTEL HOMES-SQUAREBREAK ou, à défaut, à tout associé, en vertu des articles 20 et 21 al. 3 des statuts de cette société, de convoquer, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, dans les quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir, une assemblée générale à l'effet de proce der à l'e tablissement d'un procès -verbal constatant la nouvelle répartition du capital social de la société et ses suites, sous la même astreinte que ci-dessus indiquée par application des articles L131-1 et s. du CPCE ;
SUBSIDIAIREMENT
7. Condamner le manquement au devoir de loyauté et de bonne foi, règle d'ordre public, de [K] [P], [B] [D], HOTEL HOMES, [G] [L], RB CAPITAL et ACCORHOTELS, AWOL SAS et IJAG SASU, ACCORHOTELS venant aux droits de ces deux dernières selon ses e critures du 04/03/2020 et 29/10/2020, pour avoir dissimule à [F] [W], [H] [W] et [Z] [W] les négociations en cours avec ACCORHOTELS, par application du principe directeur du droit des contrats renforcé par l'article 1112-1 nouveau du code civil, « en raison de l'évolution du droit des obligations » issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 1382 du code civil et 1240 du code civil (Ord. no 2016-131 du 10/02/2016), 1104 du code civil (art. 1134 ancien), l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union europe enne, l'article 1 du Protocole no 1 et article 6 de la CEDH et l'article 17 de la De claration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (droit de propriété et au droit à un procès équitable) et les articles 10 du code civil, 3, 15 et 24 du CPC ;
8. Condamner, en conséquence, in solidum [K] [P], [B] [D], HOTEL HOMES, [G] [L], RB CAPITAL et ACCORHOTELS, AWOL SAS et IJAG SASU, ACCORHOTELS venant aux droits de ces deux dernières selon ses e critures du 04/03/2020 et 29/10/2020, à payer la somme en principal de 11 811 013 € à [H] [W] et [Z] [W], outre les intérêts de droit capitalisés à compter de l'assignation du 27 novembre 2017, valant mise en demeure, par application de l'article 1343-2, 1231-6 et 1231-7 du code civil ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
9. Condamner in solidum [K] [P], [B] [D], HOTEL HOMES, [G] [L], RB CAPITAL et ACCORHOTELS, AWOL SAS et IJAG SASU, ACCORHOTELS venant aux droits de ces deux dernières selon ses e critures du 04/03/2020 et 29/10/2020, en raison du préjudice moral causé par leur comportement fautif à [F] [W], [H] [W] et [Z] [W] à leur payer chacun la somme de 50 000 € par application de l'article 1240 (1382 ancien) du code civil ;
10. Condamner in solidum [K] [P], [B] [D], HOTEL HOMES, [G] [L], RB CAPITAL et ACCORHOTELS, AWOL SAS et IJAG SASU, ACCORHOTELS venant aux droits de ces deux dernières selon ses e critures du 04/03/2020 et 29/10/2020 à (i) la somme de 35 000 € chacun au titre de l'article 700 du CPC de première instance et (ii) la somme de 35 000 € chacun pour les frais irrépétibles d'appel ;
11. Condamner in solidum [K] [P], [B] [D], HOTEL HOMES, [G] [L], RB CAPITAL et ACCORHOTELS, AWOL SAS et IJAG SASU, ACCORHOTELS venant aux droits de ces deux dernières selon ses e critures du 04/03/2020 et 29/10/2020, en tous les dépens de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 699 du CPC, outre (i) les frais des huissiers instrumentaires des ordonnances sur requête du 1er fe vrier 2017 rendues en application de l'article 145 du CPC et (ii) les frais de traduction jurée nécessités par la présente procédure au profit des demandeurs les ayant exposés ;
20. Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 octobre 2020, Messieurs [D] et [P], les sociétés Hôtel Homes, QUARTER 5 et LEISURE (ci-après « M. [D] et ses colitigants») demandent à la Cour de bien vouloir :
Sur la production de pièces en langue anglaise :
A titre principal : DIRE ET JUGER irrecevable la demande de [F], [H] et [Z] [W] de voir infirmer le jugement en date du 21 juin 2019 sur leurs demandes d'exclusion des débats de certaines des pièces des Intimés ;
A titre subsidiaire : DEBOUTER [F], [H] et [Z] [W] de leur demande de rejet des pièces non traduites en français par un traducteur assermenté ;
Sur l'appel à titre incident des Intimés :
INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce en date du 21 juin 2019 uniquement en ce qu'il a débouté les Intimés de leur fin de non-recevoir ;
Et statuant à nouveau,
DIRE ET JUGER que les consorts [W] ne disposent pas de la qualité à agir pour solliciter :
(i) l'annulation de la cession des titres de la société Hôtel Homes détenus par la société Squarebreak FZC aux sociétés AWOL et IJAG en date du 18 décembre 2015 ;
(ii) l'attribution judiciaire de 50% des titres de la société Hôtel Homes, soit 10 437 actions sur un total de 20 874 actions a leur bénéfice ;
(iii) qu'il soit ordonné au président actuel de la société Hôtel Homes ou, a défaut, a tout associé, de convoquer, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, une assemblée générale a l'effet de procéder a l'établissement d'un procès-verbal constatant la nouvelle répartition du capital social de la société et ses suites ;
(iv) la condamnation in solidum de M. [B] [D], M. [K] [P], la société Hôtel Homes, la société IJAG SAS, la société AWOL SAS, M. [G] [L], la société RB Capital et la société AccorHotels a payer la somme en principal de 11 811 014,71 euros aux Consorts [W] ;
En conséquence,
DIRE ET JUGER que les consorts [W] sont irrecevables en leurs demandes en toutes fins qu'elles comportent ;
Sur l'appel des consorts [W] :
DEBOUTER [H], [Z] et [F] [W] de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions,
En tout état de cause :
CONDAMNER in solidum M. [H] [W], M. [Z] [W] et M. [F] [W], a payer a chacun de M. [B] [D], M. [K] [P], la société Hôtel Homes, la société Leisure SAS et la société Quarter 5 SAS la somme de vingt mille (20.000) euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER in solidum M. [H] [W], M. [Z] [W] et M. [F] [W], aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Loïc Henriot, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
21. Dans ses conclusions communiquées par voie électronique le 20 octobre 2020, la société Accor Hotels, venant également aux droits des sociétés IJAG SAS et AWOL SAS, demande à la Cour de bien vouloir :
RECEVOIR AccorHotels en son appel incident ;
En conséquence,
A titre principal :
INFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 juin 2019 en ce qu'il a constaté la qualité à agir des consorts [W] ;
Statuant à nouveau :
CONSTATER le défaut du droit d'agir de [H] [W], [Z] [W] et [F] [W] ;
JUGER irrecevables [H] [W], [Z] [W] et [F] [W] en leurs demandes ;
A titre subsidiaire :
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté les Consorts [W] de leurs demandes de nullité du protocole d'accord du 10 décembre 2015 et des actes de cession des 18 et 21 décembre 2015 qui ont suivi ;
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté les Consorts [W] de leur demande de nullité pour erreur sur la substance ou pour contrepartie dérisoire du protocole d'accord du 10 décembre 2015 et des actes de cession des actions des 18 et 21 décembre 2015 qui ont suivi ;
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté les Consorts [W] de leur demande de dommages et intérêts et de toutes leurs autres demandes ;
En tout état de cause :
CONDAMNER solidairement [H] [W], [Z] [W] et [F] [W] a payer a AccorHotels la somme de 25.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
22. La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
III- MOYENS DES PARTIES ET MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rejet des pièces en anglais non accompagnées de traduction assermentée
23. Les consorts [W] demandent que les pièces no1, 4, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 43, 47, 56 et 57 produites par Messieurs [P] et [D] en première instance en anglais sans traduction assermentée en français soient écartées des débats. Ils font valoir qu'ils sont recevables en leur moyen dès lors qu'il dépend des chefs du jugement expressément critiqués dans la déclaration d'appel. Ils font grief au tribunal de commerce de Paris d'avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur cette demande en retenant qu'elle n'était formalisée ni dans leur assignation ni dans leurs conclusions, alors que les pièces litigieuses ont été communiquées postérieurement à l'assignation et qu'ils ont bien soumis cette demande dans leurs conclusions.
24. En réponse, M. [D] et ses colitigants font valoir à titre principal que la Cour n'est pas saisie de cette demande au motif que les consorts [W] n'ont pas critiqué ce chef du jugement dans leur déclaration d'appel. Ils ajoutent à titre subsidiaire que cette demande est artificielle, les consorts [W] produisant eux-mêmes des pièces en anglais sans traduction jurée et affirmant ne pas parler français et communiquer en anglais.
25. La société AccorHotels conclut au rejet de cette demande au motif que l'ordonnance de Villers-Cotterêts, dont se prévalent les consorts [W], ne vise, selon la Cour de cassation, que les actes de procédure et non les pièces et qu'aucune disposition du code de procédure civile n'impose la traduction en français des pièces versées au débat. Elle ajoute que la production de pièces en langue anglaise ne porte pas atteinte au principe de la contradiction, les consorts [W] maitrisant la langue anglaise, connaissant déjà des pièces, dont certaines sont accompagnées de traduction libre et souligne par ailleurs qu'ils ont souhaité faire application du protocole relatif à la procédure devant la chambre internationale, permettant la production de pièces en langue anglaise sans traduction.
Sur ce,
26. En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
27.Aux termes de l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité (4o) les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
28.Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
29.En l'espèce, il ressort des motifs du jugement que le tribunal de commerce a dit n'y avoir lieu à statuer sur cette demande et débouté dans son dispositif les consorts [W] de toutes leurs demandes.
30.Dans leur déclaration d'appel notifiée le 1er octobre 2019, les consorts [W] ont demandé la réformation du jugement des chefs critiqués, notamment en ce que le jugement a débouté Messieurs [F], [H] et [Z] [W] de leur demande de dommages et intérêts et de toutes leurs autres demandes.
31.Il s'en déduit que la dévolution a opéré pour ce chef de demande.
32.Par ailleurs, l'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
33.L'ordonnance de Villers-Cotterêts impose que les décisions soient prononcées en français mais n'interdit pas la production de pièces en langue étrangère dès lors que le tribunal et les parties les comprennent et peuvent en débattre contradictoirement. Elle n'interdit pas a fortiori la production de traduction libre et non assermentée de telles pièces, seuls les actes de procédure devant être en français.
34.En l'espèce, il est constant que l'anglais est la langue des affaires entre les parties et comprise par les consorts [W], comme en attestent leurs échanges avec les intimés, menés exclusivement en anglais. L'anglais est une langue également comprise de la Cour. Dans ces conditions, la production de pièces en langue anglaise ne saurait porter atteinte en l'espèce au principe du contradictoire et aux droits de la défense, ni, a fortiori, la production de pièces accompagnées d'une traduction libre, mais non assermentée en français. Les consorts [W], qui ont régulièrement conclu dans la présente procédure, ne justifient pas en quoi ils auraient été entravés de ce fait dans leur action, ni que cette absence de traduction aurait porté atteinte au respect du principe du contradictoire.
35.Il y a lieu par conséquent de débouter les consorts [W] de cette demande et de confirmer le jugement entrepris qui les a déboutés de ce chef, par substitution de motifs.
Sur les fins de non-recevoir opposées aux consorts [W], tirées de leur défaut d'intérêt et de qualité à agir
36.Monsieur [D] et ses colitigants font valoir que seule la société Squarebreak FCZ avait qualité pour agir en nullité de la cession des titres Hôtel Homes qu'elle détenait à 100% et solliciter une restitution en nature de titres de la société Hôtel Homes. Ils ajoutent que la dissolution de la société Squarebreak FZC depuis le 12 mai 2016 ne confère pas aux consorts [W] qualité à agir, la personnalité morale subsistant aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés et seul un mandataire ad hoc désigné en justice pouvant alors représenter la société Squarebreak FZC. Enfin, ils expliquent qu'en qualité d'actionnaires de la société Squarebreak FZC, les consorts [W] ne peuvent se prévaloir que d'un préjudice distinct de celui de la société Squarebreak FZC, et qu'ils n'en rapportent pas la preuve en l'espèce. Ils ajoutent que le fait que les sociétés Squarebreak FCZ Hôtel Homes soient qualifiées d'ensemble économique unique par le tribunal de commerce est sans conséquence, la qualité de l'une n'entrainant pas la qualité de l'autre car il s'agit de deux personnes morales distinctes.
37.La société AccorHotels reprend en substance les mêmes moyens que Monsieur [D] et ses colitigants pour conclure à l'infirmation du jugement de ce chef et voir juger que les consorts [W] n'ont pas la qualité pour agir, l'action revenant seule à la société Squarebreak FZC.
38.En réponse, les consorts [W] font valoir que leur demande principale porte sur la nullité du MoU du 10 décembre 2015, dont ils sont signataires, fondée sur les vices du consentement, de sorte qu'il est indifférent qu'ils n'aient pas été directement détenteurs des titres de la société Hôtel Homes. Ils ajoutent que les sociétés FZC la société Hôtel Homes formaient un ensemble économique qu'ils détenaient de manière égalitaire avec Messieurs [D] et [P]. Ils ajoutent que ces derniers étaient débiteurs d'une obligation d'information et de transparence à leur égard en leur qualité de dirigeants. Par ailleurs, ils font valoir que le fait que M. [F] [W] était président du conseil d'administration est inopérant sur leur intérêt à agir dès lors qu'il a été maintenu dans l'ignorance des pourparlers engagés avec la société AccorHotels. Ils soulignent que selon la jurisprudence l'inte rêt à agir d'associés victimes de dol ou de de loyaute n'est pas lié à la société, c'est le fait dolosif ou dommageable qui ouvre le droit à agir de la victime.
Sur ce,
39.En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable.
40.Conformément à l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
41.L'action en nullité relative fondée sur les vices du consentement est ouverte au cocontractant dont le consentement a été vicié, de sorte que les consorts [W], qui sont parties au protocole du 10 décembre 2015 (MoU) dont ils poursuivent la nullité sur le fondement de l'erreur et du dol, justifient d'un intérêt et d'une qualité à agir. Il en est de même pour Messieurs [Z] et [H] [W] de la demande de nullité de la cession de titres du 21 décembre 2015, par laquelle Messieurs [D] et [P] ont cédé pour un euro à Messieurs [Z] et [H] [W] la participation qu'ils détenaient dans Squarebreak FZC (50%).
42.En outre, les consorts [W], qui se prétendent victimes de manquements au devoir de loyauté et de bonne foi de la part de MM [D] et [P], les ayant conduit à signer le MoU du 10 décembre 2015, justifient de ce fait également d'un intérêt et d'une qualité à agir.
43.En revanche, les consorts [W] n'ont pas qualité pour poursuivre la nullité de la cession de titres du 18 décembre 2015, par laquelle la société Squarebreak FZC a cédé sa propre participation dans la société Hôtel Homes aux sociétés Awol et Ijag, les consorts [W] n'étant pas détenteurs de titres de la société Hôtel Homes et n'ayant jamais eu la qualité d'associés de la société Hôtel Homes, seule la société Squarebreak FZC ayant détenu 100% de la participation dans Hôtel Homes. De même, seule la société Squarebreak FZC aurait eu vocation à se voir restituer les titres de la société Hôtel Homes en cas de nullité de la cession, les consorts [W] n'en ayant jamais été propriétaires. Ils n'ont dès lors pas qualité pour revendiquer les actions de la société Hôtel Homes.
44.De même, les consorts [W] n'ont pas qualité à agir en nullité de l'acte de cession d'actions du 18 décembre 2015 pour vileté du prix ou prix dérisoire, une telle action n'étant pas une action en nullité absolue, comme ils le soutiennent, mais en nullité relative, dans la mesure où elle ne tend qu'à la protection des intérêts privés des cédants.
45.Dès lors, il convient d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de juger irrecevables pour défaut de qualité les consorts [W] pour agir en nullité de l'acte de cession des actions de la société Hôtel Homes par la société Squarebreak FZC en date du 18 décembre 2015, ainsi qu'en leur demande d'attribution judiciaire de 50 % des actions de la société Hôtel Homes et de convocation d'une assemblée générale à cet effet.
Sur la nullité du protocole du 10 décembre 2015 pour dol
46.Les consorts [W] font valoir en substance qu'ils ont été évincés du capital social de la société Hôtel Homes à la suite de manoeuvres dolosives les ayant conduit à signer le protocole d'accord du 10 décembre 2015.
47.Ils soutiennent que le dol est constitué au motif que:
-Messieurs [D] et [P] ont menti en faisant état au mois de juin 2015 d'une situation financière difficile alors que les comptes arrêtés au 30 septembre 2015, qui ne leur ont été communiqués que le 15 décembre 2015, postérieurement à la signature du MoU, montrent une augmentation du chiffre d'affaires de 23,86%, et un re sultat de l'exercice positif de 152 008 €. Ils soutiennent également que Messieurs [D] et [P] leur ont fait croire recourir à un financement familial pour rembourser la dette d'emprunt, alors qu'ils ont eu recours à un prêt bancaire et surtout qu'ils voulaient exploiter la plateforme Squarebreak dans une petite structure en famille, alors qu'en réalité ils recherchaient des investisseurs.
- Messieurs [D] et [P] ont fait preuve de réticences dolosives pour les pousser à signer le MoU du 10 décembre 2015 sans avoir en main toutes les informations et en ayant été trompés. Ils soutiennent que Messieurs [D] et [P] leur ont dissimulé les négociations engagées avec la société AccorHotels dès le mois d'août 2015, alors qu'ils avaient l'obligation de révéler ces négociations au titre de la bonne foi précontractuelle et du devoir de loyauté, et soulignent que leur accord sur les modalités de leur départ ressort de la signature du MoU et non des échanges de correspondance du mois de juillet 2015. Ils font valoir que le caractère intentionnel du silence gardé par Messieurs [D] et [P] sur les négociations engagées avec la société AccorHotels est établi par le fait de n'avoir rien dit pendant plusieurs mois, tant lors des conseils d'administration que des assemble es ge ne rales ou dans les nombreuses correspondances échangées entre eux, alors par ailleurs que Messieurs [D] et [P] insistaient sur le risque imminent de faillite de la société.
48.Ils ajoutent que l'information relative à ces négociations était déterminante de leur consentement, en affirmant qu'ils n'auraient pas cédé leurs actions à un prix nul, sachant que la société a été valorisée à 3 096 397,33 € avec l'entre e au capital de M. [L] et à 6 097 499,39 € avec l'entre e au capital de la société AccorHotels.
49.Ils exposent que c'est en raison de la croyance erronée que la société était au bord de la faillite, dans l'ignorance de ce qu'elle e tait déjà convoitée par la société AccorHotels, qu'ils ont consenti à céder leurs titres à 1 euros et font valoir que leur erreur est excusable en ce qu'elle a été provoquée par la réticence dolosive de Messieurs [D] et [P].
50.En réponse, Monsieur [D] et ses colitigants contestent avoir menti et manqué à leur devoir de loyauté et font valoir que le dol et l'erreur ne sont pas caractérisés.
51.Ils rappellent que la situation financière de la société Squarebreak FZC était réellement très obérée dès la fin de 2014 et pendant toute l'année 2015, de sorte que sans un apport important de capitaux, la faillite était inévitable et qu'il n'y a eu aucun mensonge sur la situation de la société dont les consorts [W] ont toujours été parfaitement et loyalement informés. Ils soulignent que les consorts [W] ne pouvaient ignorer la situation comptable de la société Squarebreak FZC, pour avoir été destinataires des documents comptables et des business plans et avoir disposé des codes d'accès en ligne aux comptes bancaires français de la société. Ils ajoutent leur avoir remis le 15 décembre 2015 la situation comptable de la société arrêtée au 30 septembre 2015, soit antérieurement aux cessions du 18 et 21 décembre 2015.
52.Ils ajoutent qu'ils n'ont pas caché aux consorts [W] que la société avait un énorme potentiel. Ils font valoir qu'ils n'avaient pas à tenir informés les consorts [W], investisseurs sortants, des termes de la négociation avec d'éventuels nouveaux investisseurs, notamment dès lors qu'il ne s'agissait pas de revendre à un prix supérieur les actions de l'investisseur sortant aux nouveaux entrants. Ils ajoutent que les négociations avec le Groupe Accor sont postérieures à l'accord trouvé dès le 20 juillet 2015 et au plus tard le 3 août 2015 avec les consorts [W] sur les modalités de leur sortie du projet Squarebreak et que l'information sur le financement futur du projet n'était pas une condition déterminante de leurs accords.
53.Ils soutiennent avoir toujours informé les consorts [W] de leurs besoins d'investissements supplémentaires et font ainsi valoir que l'entrée de la société AccorHotels est la conséquence directe de leur sortie du projet et non la cause.
54.Enfin, ils rappellent que ce n'est qu'en août 2017 que le groupe AccorHotels a racheté les actions de la société Hôtel Homes, après être entrée au capital en 2016 suite à une augmentation de capital et non à une cession d'actions. Ils soulignent que si la revente des titres a été faite à un prix supérieur, c'est en raison de leur investissement dans le développement de la société Hôtel Homes entre février 2016 et août 2017 et de la stratégie de regroupement du Groupe Accor pour développer l'activité de la société Hôtel Homes ayant nécessité des apports significatifs de capitaux.
55.La société AccorHotels rappelle qu'elle n'est pas partie au MoU et qu'elle n'a pas acheté des titres de la société Hôtel Homes, mais participé à une augmentation de capital à hauteur de 3 millions d'euros et qu'à l'issue d'une assemblée générale d'Hôtel Homes du 4 février 2016 approuvant l'augmentation de capital, elle est entrée au capital de la société pour en devenir actionnaire à 49,2 %. Elle conteste toute erreur et tout dol et apporte son soutien aux moyens développés par Messieurs [D] et [P].
56.La société AccorHotels fait valoir qu'il n'existait pas d'obligation d'information sur les négociations car les discussions avec la société AccorHotels n'étaient pas encore engagées lorsque les parties se sont mises d'accord sur les modalités de sortie à l'été 2015.
57.Elle souligne que l'augmentation de capital de la société Hôtel Homes, qui intervient non pas un mais deux mois après le protocole d'accord du 10 décembre 2015, ne correspond pas à une valorisation des titres Squarebreak cédés par les Consorts [W].
Sur ce,
58.Le MoU daté du 10 décembre 2015 dont les consorts [W] poursuivent l'annulation est soumis au droit français en vertu de son article 7.5, dont les parties ne contestent pas l'application.
59.Aux termes de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, postérieurement à la conclusion du MoU du 10 décembre 2015, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
60.Une partie qui garde intentionnellement le silence dans le dessein de tromper son cocontractant commet un manquement à l'obligation de bonne foi qui découle de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui peut être constitutif d'un dol par réticences en présence d'une erreur provoquée déterminante du consentement.
61.De même, le manquement à une obligation d'information précontractuelle, si elle est établie, peut caractériser un dol par réticence, cause de nullité de la convention, dès lors que le caractère intentionnel de ce manquement est établi et que le silence a provoqué une erreur déterminante du consentement du cocontractant.
62.Le dol ne se présume pas, et doit être prouvé par la partie qui s'en prétend victime.
63.En l'espèce, sur le mensonge allégué, les consorts [W] ne démontrent pas que la situation financière de la société leur aurait été présentée de manière trompeuse.
64.D'une part, les fonctions de directeur de M. [F] [W] et de membres du conseil d'administration de la société Squarebreak FZC de Messieurs [H] et [Z] [W] leur permettaient d'avoir accès aux informations comptables et financières intéressant la société, et les échanges de courriels en 2014 et 2015 entre les associés, concernant notamment le business plan transmis le 19 juin 2015, démontrent la parfaite connaissance qu'avaient chacun de la situation financière de la société.
65.D'autre part, il est établi que les comptes arrêtés au 31 janvier 2014 ont été remis le 29 octobre 2014 à M. [X] [O], comptable des consorts [W] et que les codes d'accès aux comptes bancaires français de la société leur ont été remis le 6 novembre 2014. Ils ont également reçu la situation financière de la société Squarebreak FZC, arrêtée au 30 septembre 2015, le 15 décembre 2015, avant l'exécution des cessions de participation des 18 et 21 décembre 2015. Ils ont également été destinataires du business plan sur la base duquel ils ont pu orienter leur stratégie, consistant en une réduction des charges d'exploitation, en précisant les postes d'exploitation qu'ils entendaient voir réduire, tel qu'il ressort par exemple du courriel de M. [H] [W] du 15 janvier 2015.
66.Enfin, il ressort des comptes sociaux versés aux débats que la société Squarebreak FZC s'est réellement trouvée dans une situation financière difficile pendant toute la durée pendant laquelle les consorts [W] étaient actionnaires. Il apparaît ainsi qu'au 31 janvier 2014, la société accusait une perte de 173 696, 28 euros, et au 31 janvier 2015 de 347 784 euros. Par ailleurs, si la société présentait au 30 septembre 2015 un résultat d'exploitation positif de 34 700 euros et une variation positive en valeur absolue de 351 500 euros par rapport à sa situation arrêtée au 31 janvier 2015, ce résultat n'est pas tant dû à une hausse importante du chiffre d'affaires (ici seulement de 90 000 euros) qu'à une baisse importante des charges d'exploitation à hauteur de 259 000 euros en raison d'économies résultant en particulier de la sortie de certains salariés de la structure, étant par ailleurs précisé que Messieurs [D] et [P] n'ont pas été rémunérés en tant que salariés. Dans son attestation, l'expert comptable de la société Squarebreak FZC souligne d'ailleurs que « suite à la demande des associés de réduire les frais généraux et la masse salariale, le résultat d'exploitation s'est amélioré mais au détriment des réservations pour l'exercice suivant ».
67.Au regard de ce qui précède, les consorts [W] sont donc mal fondés à conclure à l'existence d'informations trompeuses et mensongères sur la situation financière de la société.
68.Il n'est pas non plus établi que Messieurs [D] et [P] aient menti aux consorts [W] en les informant par courriel du 29 juin qu'ils entendaient re duire l'activité de la société pour l'exercer dans un cadre familial, à partir du sud de la France avec des fonds empruntés auprès de leurs familles, aucune information contemporaine de ce courriel ne venant en contredire le contenu, étant noté par ailleurs que le transfert du siège social de Paris vers le Sud de la France avait déjà été discuté et décidé entre les parties, notamment les 30 juillet et 23 novembre 2014, dans un but de réduction des coûts, et qu'il n'est pas rapporté la preuve de contacts avec de potentiels investisseurs extérieurs, y compris la société AccorHotels, avant la fin du mois d'août 2015.
69.Sur les réticences dolosives, les consort [W] ne rapportent pas la preuve d'une dissimulation intentionnelle par Messieurs [D] et [P] d'une information déterminante de leur consentement.
70.En effet, il ressort des éléments versés et rappelés ci-dessus que les consorts [W] ont privilégié une stratégie de réduction de coûts plutôt que d'investissements dans le projet Squarebreak, malgré les demandes de Messieurs [D] et [P]. Ainsi dès le mois de septembre 2014, M. [P] les a sollicités pour obtenir des financements supplémentaires, ce qui a notamment donné lieu à des discussions sur l'octroi d'un nouveau prêt par M. [F] [W], qui n'ont cependant pas abouti. Mi-octobre 2014, M. [P] a proposé de faire appel à des investisseurs extérieurs, proposition restée sans réponse par les consorts [W]. Dans les mois qui ont suivi, les consorts [W] ont demandé et contrôlé une politique de réduction de coûts, tandis que M. [P] a renouvelé les demandes de financements supplémentaires, sans succès.
71.Il apparaît également que des discussions relatives à la sortie des consorts [W] du projet Squarebreak ont été finalisées mi-2015, les parties se mettant d'accord par échange de courriels des 27 juillet et 3 août 2015 sur les modalités pratiques de cette sortie, prévoyant en particulier le remboursement du prêt au 31 octobre 2015 et la cession de la participation de Squarebreak FZC dans Hôtel Homes, établissant ainsi à cette date comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges par des motifs que la cour adopte, l'accord des parties sur ce plan de sortie. C'est dès lors dans cette perspective que le MoU a été rédigé sur la base de cet accord et envoyé par Messieurs [D] et [P] le 20 août 2015 aux consorts [W], ces derniers le validant de leur côté dès le 1er octobre 2015 et demandant la signature pour le 31 octobre. Sa signature a cependant dû faire l'objet de plusieurs reports, Messieurs [D] et [P] ne trouvant pas les financements nécessaires à son exécution prévue pour le 31 octobre 2015, pour être finalement régularisée le 10 décembre 2015.
72.La volonté de sortie des consorts [W] et l'accord de tous les associés étaient néanmoins acquis dès le mois d'août 2015, en parfaite connaissance des projets des fondateurs de trouver un nouvel investisseur, aucune dissimulation ou manoeuvre n'étant établie.
73.Il ne peut en conséquence être reproché à Messieurs [D] et [P] d'avoir commencé à chercher de nouveaux investisseurs, ce dont il n'est nullement soutenu qu'ils s'en soient cachés, ces derniers ayant contacté divers fonds d'investissements et la société AccorHotels fin août 2015.
74.La signature le 17 septembre 2015 d'un accord de confidentialité (Non-Disclosure Agreement) est une démarche classique dans ce type de prospection, et ce au début des négociations, même si elles n'aboutissent pas, et cela démontre de plus fort qu'aucune négociation n'avait sérieusement été entamée avant cela.
75.Dans ces conditions, les consorts [W] ne rapportent pas la preuve que Messieurs [D] et [P] auraient intentionnellement gardé le silence sur les négociations engagées avec M. [L] d'une part, qui ne sont au demeurant pas datées, et celles engagées avec la société AccorHotels après le 17 septembre 2015 alors que les consorts [W] avaient déjà manifesté leur volonté de quitter le projet Squarebreak dans des conditions définies d'un commun accord dès le 3 août 2015, pressant Messieurs [D] et [P] de rembourser le prêt de M. [F] [W] au plus tard le 31 octobre 2015, et alors par ailleurs qu'ils étaient manifestement opposés à tout investissement supplémentaire dans la société, sous quelque forme que ce soit.
76.Il en résulte que la décision des consorts [W] de se retirer de cette société dès la fin du mois de juin 2015 était parfaitement éclairée et indépendante des tentatives de recherches d'investisseurs faites par Messieurs [D] et [P], la volonté de Monsieur [W] père de récupérer les sommes prêtées rapidement et de ne plus investir dans ce projet, et celle des fils [W] de ne plus participer à cette aventure étant clairement exprimée dès le mois de juillet 2015 et confirmée en octobre 2015 puis réitérée lors de la signature du MoU.
77.Enfin, concernant le prix de cession des titres de la société Hôtel Homes, qui avait été fixé au montant du remboursement intégral, intérêts compris, du prêt consenti, sa fixation était totalement autonome des négociations en cours avec les investisseurs potentiels portant sur une augmentation de capital donnant lieu à l'émission de nouveaux titres, et n'était conditionnée par aucun autre élément, la volonté des consorts [W] étant de sortir de la société sans perdre d'argent.
78.Par ces motifs et ceux précis et pertinents des premiers juges que la cour adopte, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur l'annulation du protocole pour erreur
79.Les consorts [W] soutiennent qu'ils ont commis une erreur sur l'activite e conomique, la rentabilite et le potentiel de la socie te Squarebreak FZC à réaliser son objet social en consentant une cession à prix nul dans la croyance que la société était au bord de la faillite, alors qu'elle était convoitée par la société AccorHotel qui l'avait valorisée à 6 000 000 €.
80.En réponse, Monsieur [D] et ses colitigants font valoir que les consorts [W] ne justifient pas d'une erreur sur la substance, soulignant que l'erreur sur la valeur des parts sociales ou des actions cédées, sur la situation exacte de la société ou sur une appréciation erronée de la rentabilité économique d'une opération ne constitue pas une cause de nullité.
81.La société AccorHotels fait valoir que les consorts [W] ne démontrent pas en quoi consiste leur erreur et souligne que la valeur de la société ne leur a jamais été dissimulée, pas plus que la recherche de nouveaux investisseurs.
Sur ce,
82.Aux termes des dispositions de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
83.L'erreur sur la substance peut s'entendre comme portant sur l'aptitude de l'objet à réaliser la fin voulue par celui qui s'oblige, dans le cas où cette fin est connue de l'autre partie et que la représentation du but poursuivi avait déterminé le consentement du bénéficiaire.
84.Il est constant que l'erreur sur la valeur ou sur la rentabilité qui résulte d'une appréciation économique erronée ne peut être retenue sur ce fondement, ni l'erreur postérieure à la conclusion du contrat.
85.En l'espèce, les griefs des consorts [W] reviennent à critiquer le prix de la cession des actions Hôtel Homes, dont ils n'étaient pas titulaires, soit la valeur des actions de la société Hôtel Homes, en raison d'une appréciation économique erronée du potentiel du projet Squarebreak. Ils opèrent une confusion entre la valeur à laquelle ils ont racheté les titres de la société Squarebreak, et la cession des titres de la société Hôtel Homes, pour soutenir que la cession « de tous leurs intérêts » serait faite à vil prix, alors que la cession des titres Hôtel Homes a donné lieu à un prix de cession de 387.071,02 € et que la société Squarebreak FZC s'est engagée à rembourser l'intégralité du prêt à Monsieur [F] [W]. Une telle absence de précision sur l'erreur alléguée ne répond pas aux exigences de l'article 1110 ancien du code civil.
86.Au demeurant, les actions de la société Hôtel Homes ayant été transférées moyennant un prix de 387 071,02 €, elles n'ont ainsi pas été cédées pour un vil prix, de même que le fruit de cette cession ayant ensuite été utilisé par la société Squarebreak FZC pour rembourser sa dette d'emprunt auprès de M. [F] [W], les « intérêts » des consorts [W] n'ont pas été cédés pour un prix nul.
87.La nullité pour erreur n'est dès lors pas encourue.
88.Il sera également observé que le potentiel de développement du projet avait été mis en avant par Messieurs [D] et [P], ainsi que leur souhait de poursuivre son développement au moyen d'investissements supplémentaires. La vision stratégique de développement des consorts [W] était nettement différente puisqu'elle consistait en une réduction des charges d'exploitation, signe qu'ils n'avaient pas la même appréciation du potentiel de ce projet. Dans ces conditions, et alors que ce sont des hommes d'affaires, investisseurs professionnels, rien ne permet d'apprécier qu'ils auraient modifié leur approche sur cet investissement, eussent-ils eu connaissance de l'intérêt porté par la société AccorHotels au projet, et ce d'autant moins que l'investissement consenti par la société AccorHotels dans la société Hôtel Homes ne garantissait pas le succès de son développement, comme le montre notamment le fait que la société AccorHotels s'était donné un délai de deux ans pour racheter les parts des autres actionnaires.
89.Par ces motifs et ceux précis et pertinents des premiers juges que la cour adopte, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la nullité du MoU du 10 décembre 2015 et des cessions de titres du 21 décembre 2015 pour atteinte aux droits fondamentaux des associés
90.Les consorts [W] soutiennent que Messieurs [D] et [P] ont porté atteinte à leur droit de propriété garanti par les articles 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er du Protocole No1 de la CEDH et à leur droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la CEDH, en tentant de faire juger que l'ope ration qu'ils ont imaginée et retracée dans le MOU les priverait du droit d'agir contre eux, ce qui justifie la nullité demandée.
91.En réponse, Monsieur [D] et ses colitigants exposent que les consorts [W] n'ont jamais été propriétaires d'actions de la société Hôtel Homes, de sorte qu'aucune atteinte à leur droit de propriété n'a pu être portée. Par ailleurs, ils affirment qu'il ne peut être reproché à des défendeurs de soulever des fins de non-recevoir justifiées et étayées, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sur le droit au procès équitable assurant justement le droit des parties au procès à présenter leurs observations qu'elles estiment pertinentes pour leur affaire.
Sur ce,
92Les consorts [W] ne caractérisent pas les faits de nature à porter atteinte à leur droit de propriété et qui justifieraient l'annulation du MoU du 10 décembre 2015 et des cessions de titres du 21 décembre dès lors que la cession dont ils affirment qu'elle leur a fait grief est précisément celle des titres de la société Hôtel Homes dont ils n'ont jamais été propriétaires. Ils n'ont par ailleurs pas cédé leur participation dans la société Squarebreak FZC, seule propriété dont ils peuvent ici se prévaloir.
93.Ni l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni l'article 1 du Protocole additionnel à la CEDH n'ont vocation à s'appliquer.
94.Les consorts [W] ne caractérisent ni ne justifient pas plus le grief fondé sur l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, alors qu'il est constant que seule la société Squarebreak FZC était propriétaire des actions de la société Hôtel Homes.
95.Dès lors, les consorts [W] seront déboutés de leurs prétentions et le jugement confirmé.
Sur les responsabilités délictuelles de Messieurs [D] et [P], de leurs sociétés IJAG et AWOL, de M. [L] , la société RB Capital et de la société ACCORHOTELS sur le fondement d'un violation de l'obligation de loyauté
96.Les consorts [W] font valoir à titre subsidiaire, en se fondant sur la jurisprudence relative à l'obligation de loyauté du dirigeant cessionnaire envers l'associé cédant, qu'en méconnaissant leur devoir de ne pas entreprendre, sans en informer leurs coassociés, des pourparlers avec la société AccorHotels, Messieurs [P] et [D], et leurs sociétés IJAG et AWOL, ont engagé leur responsabilité délictuelle par application de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016.
97.Ils ajoutent que M. [L] et sa société RB Capital ont également engagé leur responsabilité délictuelle pour avoir été à l'origine de la levée de fonds auprès de la société AccorHotels.
98.Ils concluent également à la responsabilité délictuelle de la société la société AccorHotels pour avoir établi en janvier 2016 une valorisation de la société Hôtel Homes de plus de 6 000 000 € en sachant que les consorts [W] n'avaient reçu qu'un prix nul pour la participation de 50% dans la société Hôtel Homes. Ils estiment également que la société AccorHotels a agi de manière collusive en faisant l'acquisition des actions de la société Hôtel Homes le 3 mars 2017, à une date à laquelle elle était informée des contestations des consorts [W] sur la propriété de ces titres et que sa mauvaise foi est d'autant plus établie compte tenu du caractère précipité de la cession intervenue en 2017, alors qu'elle avait été initialement prévue pour 2018, voire 2019.
99.Les consorts [W] demandent en conséquence la condamnation in solidum de Messieurs [D], [P], leurs sociétés IJAG et AWOL, la société Hôtel Homes, M. [L], sa société RB Capital et la société la société AccorHotels, au paiement de la somme de 11.811.013 euros, correspondant à la moitié de la valorisation de la société Hôtel Homes arrêtée à la somme de 23 622 029,42 €, et d'un préjudice moral à hauteur de 50 000 euros.
100.En réponse, Monsieur [D] et ses colitigants contestent tout manquement à la loyauté au motif qu'ils n'ont pas menti ni caché aux consorts [W] la situation financière de la société Squarebreak FZC, ni qu'ils rechercheraient un financement extérieur en l'absence de financement complémentaire de leur part et qu'ils n'ont pas immédiatement rétrocédé à la société AccorHotels les actions de la société Hôtel Homes.
101.Ils font valoir qu'en tout état de cause, seule la perte de chance serait indemnisable qui serait en l'espèce très aléatoire. Ils ajoutent que l'évaluation de leur préjudice par les consorts [W] est faite sur la base d'hypothèses non démontrées et à partir de chiffres non justifiés. Ils concluent également à l'absence de préjudice moral en soutenant ne jamais avoir discrédité les consorts [W] qui ont décidé de quitter la société au moment où la société était au plus mal financièrement.
102.La société AccorHotels fait valoir que la jurisprudence relative à l'obligation de loyauté du dirigeant cessionnaire envers l'associé cédant n'est pas applicable en l'espèce, dès lors qu'au moment de l'échange des consentements entre Messieurs [D] et [P] et les consorts [W] au cours de l'été 2015, les négociations avec la société AccorHotels n'étaient pas encore engagées et qu'en outre, cette dernière a participé à une augmentation de capital - et non à un rachat de titres existants - dont le principe et les conditions n'ont été arrêtés qu'au début de l'année 2016.
103.Elle ajoute que les consorts [W] ne démontrent pas sa participation à un comportement dolosif. Elle expose qu'elle n'avait pas connaissance de l'existence des consorts [W] en tant qu'actionnaires de la société Squarebreak et qu'elle ignorait les discussions entre Messieurs [D], [P] et les consorts [W]. Elle ajoute qu'elle n'a jamais eu la volonté de dissimuler une quelconque information, et que l'acquisition de la totalité des titres de la société Hôtel Homes est totalement indépendante de la sortie de la société des consorts [W] et ne résulte pas d'une précipitation.
104.Elle soutient que le montant du préjudice invoqué par les consorts [W] est fantaisiste, seule une perte de chance de pouvoir négocier ses actions à un meilleur prix en cas de manquement par un dirigeant à son devoir de loyauté pouvant être le cas échéant octroyée. Elle fait valoir que les consorts [W] ont choisi de mettre un terme à leur participation au capital de Squarebreak FCZ et de récupérer leur financement par la mise en vente de leurs titres, sans avoir à participer aux risques, de sorte que leur perte de chance de bénéficier d'une situation plus favorable alors qu'ils ont souhaité sortir de la société cédée est nulle. Enfin, elle conteste l'existence d'un préjudice moral.
Sur ce,
105.La Cour observe que l'action en responsabilité délictuelle des consorts [W], en ce qu'elle est dirigée par des parties résidant à l'étranger (les consorts [W]) contre des parties résidant en France (les intimés) présente un élément d'extranéité susceptible de faire naître un conflit quant à la loi applicable à cette action. Toutefois, les parties s'accordant dans la procédure sur l'application du droit français, la Cour en fera application, s'agissant de droits disponibles.
106.La jurisprudence française antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 qui a consacré l'obligation d'information précontractuelle dans le nouvel article 1112-1 du code civil, a mis à la charge des parties, lors de la phase de négociations précontractuelles, l'obligation de révéler toute information susceptible d'être déterminante du consentement. En matière de cession de droits sociaux, manque à son devoir de loyauté le dirigeant cessionnaire qui n'informe pas l'associé cédant de négociations en cours avec un tiers en vue de la revente des titres objet de la cession, peu importe leur état d'avancement. Les membres du conseil d'administration qui disposent, en raison de leurs fonctions d'administrateurs, d'informations privilégiées, sont tenus individuellement de l'obligation de loyauté.
107.En l'espèce, comme il a été relevé plus haut, il ressort des éléments du dossier que les consorts [W] n'ont pas souhaité investir plus que le prêt initialement concédé par M. [F] [W], ni fait suite à la proposition de leurs associés de chercher des investisseurs extérieurs, comme il leur était proposé mi-octobre 2014. Ils ont privilégié une stratégie de réduction des coûts d'exploitation plutôt qu'une stratégie de développement par apport de fonds extérieurs. De plus, les échanges de correspondance entretenus entre les parties à l'été 2015 montrent que les consorts [W] ont alors cherché à être remboursés du prêt consenti par M. [F] [W] au plus vite. Ils ont par ailleurs validé le mécanisme de leur sortie du projet, dans son principe dès début août 2015, puis formellement le 1er octobre 2015, le MoU validé n'ayant pu être exécuté au 31 octobre, comme initialement convenu, faute pour Messieurs [D] et [P] de trouver les sommes leur permettant le remboursement du prêt, pour une raison ainsi étrangère des consorts [W]. Les consorts [W] ne démontrent pas de plus qu'ils auraient réservé leur sortie à la poursuite du projet ou à l'arrivée de nouveaux investisseurs.
108.Dans ces conditions, Messieurs [D] et [P] n'étaient pas tenus d'informer les consorts [W] de la recherche d'investisseurs à compter de la fin du mois d'août 2015, et encore moins de négociations en cours, à compter de mi septembre 2015 avec la société AccorHotels, dès lors que les consorts [W], investisseurs sortants, avaient clairement manifesté leur volonté de cesser de collaborer au développement du projet Squarebreak, sans se préoccuper des conditions de son éventuelle poursuite.
109.En outre et en tout état de cause, les consorts [W] manquent à établir leur préjudice, qui ne pourrait être qu'une perte de chance, au regard d'une part de leur stratégie totalement opposée à celle de Messieurs [D] et [P] et consistant non à investir mais à réduire les coûts d'exploitation, de leur désintérêt à investir plus ou rechercher de nouveaux investisseurs pour développer le projet Squarebreak, et de l'incertitude existante au jour de la signature du MoU le 10 décembre 2015, sur l'entrée effective de la société AccorHotels dans le capital de la société Hôtel Homes, alors que les opérations de due diligence n'étaient pas encore engagées. S'y ajoute le fait que cette entrée au capital s'est faite au risque de la société AccorHotels sans garantie de succès, et qu'il existait à cette date une incertitude sur l'exercice par la société AccorHotels de son option d'achat prévue dans le MoU du 15 décembre 2015.
110.Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
111.Enfin, les consorts manquent à établir leur préjudice moral, dont ils seront déboutés, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur la demande de M. [L] et de la société RB Capital pour procédure abusive
112.Les consorts [W] sollicitent la confirmation du jugement entrepris qui a débouté M. [L] et de la société RB Capital, défaillants à hauteur d'appel, de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur ce,
113.Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
114.L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.
115.En l'espèce, il n'est pas établi en quoi M. [L] et la société RB Capital auraient subi un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour leur défense.
116.Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
117.Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le tribunal de commerce.
118.L'équité commande en appel que Messieurs [F], [H] et [Z] [W] qui succombent soient condamnés in solidum à payer aux sociétés Hôtel Homes, Quarter 5, Leisure à chacune la somme de 2 000 euros et à Messieurs [D], [P] et la société AccorHotels, à chacun la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
IV- DISPOSITIF
1- Confirme le jugement du 21 juin 2019 du tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il a débouté Messieurs [D], [P], les sociétés Ijag et Awol, Leisure, Quarter 5, Hôtel Homes, Accor SA, M. [L] et de la société RB Capital de leurs fins de non recevoir
Statuant à nouveau sur ce point,
2- Déclare irrecevables les demandes Messieurs [F], [H] et [Z] [W] en nullité de l'acte de cession des actions de la société Hôtel Homes par la société Squarebreak FZC en date du 18 décembre 2015, ainsi qu'en leur demande d'attribution judiciaire de 50 % des actions de la société Hôtel Homes et de convocation d'une assemblée générale à cet effet.
Y ajoutant,
3- Condamne Messieurs [F], [H] et [Z] [W] in solidum à payer aux sociétés Hôtel Homes, Quarter 5, Leisure à chacune la somme de 2 000 euros et à Messieurs [D] et [P] et à la société AccorHotels la somme à chacun de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel;
3- Condamne Messieurs [F], [H] et [Z] [W] in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Loïc Henriot, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La greffière Le président
Clémentine GLEMET Fabienne SCHALLER