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26/02/2021 | FRANCE | N°19/16314

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 26 février 2021, 19/16314


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRÊT DU 26 FEVRIER 2021



(n°46, 9 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 19/16314 - n° Portalis 35L7-V-B7D-CARQT





Décision déférée à la Cour : jugement du 23 juillet 2019 - Tribunal de commerce de PARIS - 1ère chambre - RG n°2017070730







APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES





S.A.S. BREF SERVICE, agissant en la personne de son président en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Ad...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRÊT DU 26 FEVRIER 2021

(n°46, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 19/16314 - n° Portalis 35L7-V-B7D-CARQT

Décision déférée à la Cour : jugement du 23 juillet 2019 - Tribunal de commerce de PARIS - 1ère chambre - RG n°2017070730

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

S.A.S. BREF SERVICE, agissant en la personne de son président en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 311 801 112

S.A.S. BREF SERVICE [Localité 2] NORD, agissant en la personne de son président en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 480 017 151

S.A.S. BREF SERVICE PROCESS, agissant en la personne de son président en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 480 017 573

Représentées par Me Eric ALLERIT de la SELARL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque E 1210

Assistées de Me Joëlle HOFFMAN, avocate au barreau de PARIS, toque L 206

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.S. ADEQUAT 152, prise en la personne de son dirigeant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 807 865 399

S.A.S. ADEQUAT 123, prise en la personne de son dirigeant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Immatriculée au rcs de Beauvais sous le numéro B 793 855 248

S.A. GROUPE ADEQUAT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au rcs de Lyon sous le numéro 498 958 347

Représentées par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistées de Me Xavier VAHRAMIAN plaidant pour le Cabinet CMS FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme [T] [V] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 23 juillet 2019 par le tribunal de commerce de Paris,

Vu l'appel interjeté le 05 août 2019 par les sociétés Bref Service, Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process (sociétés Bref Service),

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 28 avril 2020 par les sociétés Bref Service, appelantes et intimées incidentes,

Vu, les conclusions uniques remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 31 janvier 2020 par les sociétés Adéquat 152, Adéquat 123 et le Groupe Adéquat (sociétés Adéquat), intimées et appelantes incidentes,

Vu l'ordonnance de clôture du 15 octobre 2020.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Bref service, créée en 1978, a pour activité la mise à disposition de salariés temporaires dans le secteur de l'électricité de chantier. Le groupe Bref Service se compose de neuf sociétés implantées principalement à Paris et en région parisienne, dont les sociétés Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process.

La société Bref Service expose qu'elle n'est présente que sur le marché du secteur de l'électricité de chantier.

Les sociétés Adéquat forment un groupe de sociétés spécialisées notamment dans le recrutement de salariés intérimaires dans des secteurs d'activité variés.

Les sociétés Adéquat 152 et Adéquat 123 exploitent respectivement une agence de travail temporaire sise pour la première dans le [Localité 2] et pour la seconde à [Localité 6] et sont toutes deux spécialisées dans le secteur de l'électricité, la société Groupe Adéquat est la maison mère.

Mme [X] [J] était salariée de la société Bref Service depuis le 22 juillet 2002 et occupait depuis le 1er mars 2009 un poste d'attaché de recrutement. Elle a démissionné par courrier du 7 juillet 2016 avec un délai de préavis d'un mois pour rejoindre la société Adéquat.

Le 29 juillet 2016, Mme [J] a transféré de sa boîte mail professionnelle vers sa boîte mail personnelle le dossier administratif d'un intérimaire électricien, M. [B], ainsi que des documents internes à l'entreprise à savoir le livret d'accueil et le test de sécurité.

La société Bref Service soupçonnant les sociétés Adéquat d'avoir débauché de manière déloyale certains de ses salariés a sollicité par une requête gracieuse des mesures de constat sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile qui ont été autorisées par une ordonnance présidentielle du tribunal de grande instance de Pontoise le 11 avril 2017. Les opérations de constat ont été effectuées le 19 mai 2017.

M. le Président du tribunal de grande instance de Pontoise par une ordonnance de référés du 26 sseptembre 2017 a rejeté la demande de rétractation formée par les sociétés Adéquat et ordonné la mainlevée des procès-verbaux de constat, de tous les documents séquestrés aux études des huissiers de justice dépositaires et leur remise à la société Bref Service.

La cour d'appel de Versailles a toutefois rétracté l'ordonnance sur requête par un arrêt infirmatif rendu le 7 juin 2018 et a en substance :

- rétracté l'ordonnance sur requête rendue le 11 avril 2017 par le Président du tribunal de grande instance de Pontoise,

- infirmé l'ordonnance du 26 septembre 2017 en toutes ses dispositions,

- annulé les procès-verbaux de constat dressés le 19 mai 2017 par les huissiers instrumentaires en exécution de l'ordonnance sur requête du 11 avril 2017,

- ordonné aux instrumentaires de restituer aux sociétés Adéquat l'ensemble des données et documents appréhendés au cours de leurs opérations,

- fait interdiction à la société Bref Service d'utiliser à quelque fin que ce soit les procès-verbaux de constat dressés en application de l'ordonnance rétractée, ainsi que l'un quelconque des documents obtenus dans le prolongement des opérations du 19 mai 2017, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction.

Le 19 novembre 2018, le tribunal correctionnel de Paris a jugé Mme [J] coupable d'abus de confiance au préjudice de la société Bref Service et l'a condamnée à 5.000 euros d'amende en application de l'article 314-1 du code pénal et 800 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale et prononcé la relaxe de Mme [E] qui était poursuivie pour recel en sa qualité de directrice de l'agence Adéquat employeur de Mme [J]. Mme [J] a interjeté de ce jugement devenu définitif à l'égard de Mme [E].

Le 11 décembre 2018, le conseil des Prud'hommes de Paris saisi par Mme [J] d'une demande de nullité de la clause de non concurrence qui la liait à la société Bref Service a déclaré valide cette clause et constaté sa violation par Mme [J] qu'il a condamné en conséquence à payer les sommes de 1.741,79 et de 13.845 euros à son ancien employeur. Mme [J] ainterjeté appel de cette décision.

Les sociétés Bref Services ont assigné le 1er décembre 2017 les sociétés Adéquat devant le tribunal de commerce de Paris.

Le jugement déféré rendu sur assignations délivrées le 5 décembre 2017 à la diligence des sociétés Bref Service aux sociétés Adéquat, a :

- débouté les sociétés Adéquat de leur exception de nullité de l'assignation,

- dit les demandes des sociétés Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process irrecevables,

- débouté la société Bref Service de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les sociétés Adéquat de leurs demandes reconventionnelles en dommages-intérêts,

- condamné la société Bref Service à payer à chacune des sociétés Adéquat la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les sociétés Adéquat du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Bref Service aux dépens.

Sur la validité de l'assignation

Les sociétés Adéquat demandent l'infirmation du jugement qui les a déboutées de leur exception de nullité de l'assignation. Elles soutiennent que l'assignation doit être déclarée nulle en vertu de l'article 56 du code de procédure civile car elle se fonde sur les procès-verbaux de constat d'huissier annulés par la cour d'appel de Versailles qui ne peuvent figurer au débat.

Pour autant, si la rétractation de l'ordonnance autorisant les opérations de constat par l'arrêt du 7 juin 2018 conduit à écarter des débats les procès-verbaux dressés en application de l'ordonnance rétractée, ainsi que l'un quelconque des documents obtenus dans le prolongement des opérations du 19 mai 2017 elle n'entraîne pas pour autant la nullité de l'assignation introductive d'instance dès lors que celle-ci répond aux exigences de l'article 56 du code de procédure civile.

Or, l'assignation comporte bien l'objet de la demande avec un exposé des moyens de fait et de droit, ainsi que les pièces sur lesquelles à l'appui des prétentions et ce même si certaines de ces pièces ou motivations ont été ultérieurement retirés des débats.

Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

Sur le retrait des débats de pièces communiquées par les sociétés Bref Service et d'extraits de leurs écritures

Les sociétés Adéquat demandent que la cour :

- ordonne que soient retirés des débats les procès-verbaux de constat, leurs annexes, ainsi que tout document ou fichier copié/saisi au cours des opérations de constat du 19 mai 2017 et tout document faisant référence à ces pièces,

- ordonne aux sociétés Bref Service le retrait dans leurs écritures de toute référence aux procès-verbaux de constat du 19 mai 2017 ainsi qu'aux pièces numérotées 21 à 28, 30, 32 et 37 à 40.

La cour au stade du présent arrêt ne peut faire droit à cette demande d'injonction qui n'aurait pas d'objet.

Pour autant la cour constate que les pièces 21 à 28 ont été retirées des débats par les sociétés Bref Service.

S'agissant des pièces n°30 (plainte pénale), n°32 (assignation introductive à la présente instance et n°37 (procès-verbaux d'audition au commissariat de Paris 12 de Mme [J]) il n'y a pas lieu de les écarter des débats, demande au demeurant non expressément formulée au dispositif des conclusions des sociétés Adéquat, mais leur valeur probante sera appréhendée par la cour exclusion faite des propos relatifs aux opérations de constats et aux documents obtenus à l'occasion de celles-ci conformément à l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 juin 2018.

De même, il ne sera pas tenu compte des passages des conclusions des sociétés Bref Services reproduisant textuellement les réponses apportées par Mme [J] dans le cadre de l'enquête de police dès lors qu'elle est interrogée sur les éléments saisis au cours des opérations de constats dont l'autorisation a été révoquée par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 juin 2018.

Sur la recevabilité des demandes des sociétés Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process

Le tribunal a retenu pour déclarer irrecevables les sociétés Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process que le contrat de travail de Madame [J] et ses avenants ont été conclus avec la seule société Bref Service et qu'il n'y est aucunement indiqué qu'elle avait pour mission d'intervenir également pour les dites sociétés.

Pour autant, l'action intentée à l'encontre des sociétés Adéquat est une action fondée sur des faits de concurrence déloyale entre sociétés et ne se limite pas à la violation par Mme [J] de son contrat de travail.

Les sociétés Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process qui entendent démontrer que les agissements fautifs des sociétés Adéquat ont entraîné à leur égard un préjudice qu'il convient de réparer sur le fondement de l'article 1240 du code civil sont parfaitement légitimes à agir en vertu de l'article 31 du code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre de la société Groupe Adéquat

Les sociétés intimées demandent à la cour de déclarer irrecevable la demande fondée sur l'article 1240 à l'encontre de la société Groupe Adéquat.

Pour autant la motivation avancée au soutien de cette irrecevabilité, à savoir l'absence de faute, est une motivation de fond qui sera examinée par la cour, et non un motif d'irrecevabilité de la demande.

Il ne sera dès lors pas fait droit à l'irrecevabilité de l'action ainsi soulevée.

Sur les faits de concurrence déloyale allégués

Les sociétés Bref Service reprochent aux sociétés Adéquat un débauchage massif des salariés intérimaires de Bref Service qui pouvaient aussi bien travailler pour la société mère que pour ses filiales, Bref Service [Localité 2] et Bref Service Process. Elles indiquent que ce débauchage massif a été opéré grâce à l'embauche de Mme [J] dès sa démission de la société Bref Service. Elles invoquent une désorganisation au sein de chacune des trois sociétés leur causant préjudice.

Il ressort des pièces versées aux débats et des écritures des parties que Mme [J] a été approchée par un chasseur de tête alors qu'elle était en poste comme attachée de recrutement technico-commercial à la société Bref Service, qu'elle a eu notamment des entretiens avec M. [P] directeur régional et Mme [E], directrice des agences de [Localité 2] et [Localité 6] de Adéquat.

Mme [E] a confirmé devant les services de police qu'elle était intéressée par le profil de Mme [J] du fait de ses compétences dans le secteur de l'électricité et que celle-ci a dès lors été embauchée comme assistante-recruteuse sous sa direction à compter du mois de septembre 2016.

Il n'est pas contesté que les sociétés Adéquat connaissaient l'existence de la clause de non-concurrence qui liait Mme [J] à la société Bref Service, Mme [E] a expliqué aux services de police que le débauchage était une pratique courante, que des clauses de non concurrence étaient toujours prévues dans ce type de contrat et qu'il appartient à l'employeur d'y renoncer ou pas. Pour autant il n'est pas allégué que les sociétés Adéquat se seraient enquises d'une éventuelle renonciation à la clause par la société Bref service.

La contestation des sociétés Adéquat portent non sur l'existence de la clause de non concurrence mais sur sa validité du fait d'une contrepartie financière jugée dérisoire.

La cour rappelle qu'une clause de non concurrence insérée dans un contrat de travail est valide dès lors qu'elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

La clause de non concurrence insérée au contrat initial du 22 juillet 2002 a été modifiée par un avenant signé le 1er avril 2003 et se lit comme suit :

«Compte tenu de la nature des fonctions de Secrétaire d'Agence de Mademoiselle [X] [J], du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise BREF SERVICE les parties conviennent qu'une clause de non-concurrence est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise. En conséquence, il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat, à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pour quelque cause que ce soit, y compris pendant la période d'essai, Mademoiselle [X] [J] s'interdit d'entrer directement ou indirectement au service d'une entreprise de travail temporaire concurrente dans le secteur géographique suivant : [Localité 2] et région parisienne (tous départements d'Ile-de-France).

Cette Interdiction est limitée à 2 ans à compter de la date de la notification de la rupture du contrat.

Mademoiselle [X] [J] convient que compte tenu de sa formation et/ou de son expérience professionnelle, la présente clause de non-concurrence n'a pas pour effet de l'empêcher d'exercer une autre activité dans un autre secteur que celui du travail temporaire.

En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, Mademoiselle [X] [J] percevra, à compter de la date de la notification de la rupture du contrat de travail et pendant la durée d'application de la clause, une indemnité mensuelle brute d'un montant égal à 20 % de la moyenne mensuelle de sa rémunération au cours des trois derniers mois de présence dans l'entreprise, pour la première année, et à 10 % pour la seconde année. Toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée à Mademoiselle [X] [J] pendant cette période ne sera prise en compte que prorata temporis».

Cette clause qui vise uniquement l'interdiction d'exercice dans une activité de travail temporaire concurrente à celle de la société Bref Service, et dès lors dans le secteur restreint de l'électricité de chantier, est limitée à deux années et aux seuls départements de l'Ile de France.

Elle prévoyait une rémunération qui n'apparaît pas dérisoire dès lors que Mme [J] pouvait exercer une activité concurrente en dehors de l'Ile de France et une activité dans le domaine de l'intérim hors le secteur de l'électricité sans restriction de localisation et qu'elle était, selon les termes du conseil des Prud'hommes qui l'a déclarée valide dans son jugement, non définitif, du 11 décembre 2018, conforme à celle prévue par la convention collective.

Il est également établi que Mme [J] avant son départ a transféré sur sa boîte mail le dossier administratif d'un intérimaire électricien ainsi que des documents internes de l'entreprise, faits pour lesquels elle a été condamnée par le jugement non définitif du tribunal correctionnel du 19 novembre 2018 qui a en revanche relaxé Mme [E] du recel qui lui était reproché.

La cour constate qu'il n'est pas apporté au débat la preuve que les sociétés Adéquat aient fait usage de ces documents, ni même qu'elles en ont eu connaissance.

Dès lors, il apparaît que les sociétés Adéquat en débauchant Mme [J] et en la faisant travailler dans le secteur de l'intérim spécialisé de l'électricité profitant ainsi nécessairement de ses connaissances acquises auprès de la société Bref Service son employeur depuis 2002, a commis une faute constitutive de concurrence déloyale vis à vis de ladite société.

De plus, il ressort des éléments versés au débat que Mme [J] a communiqué à plusieurs intérimaires qu'elle quittait la société Bref Service pour intégrer le groupe Adéquat et selon les écritures de la société Adéquat quatre intérimaires auraient rejoint cette dernière.

En revanche, les sociétés Bref Service n'apportent pas la preuve de leurs allégations relatives à des pertes de clients, ni que les pertes de chiffres d'affaires qu'elles allèguent seraient le fait des sociétés Adéquat.

Les sociétés Bref Service sollicitent de la cour qu'elle enjoigne aux sociétés Adéquat de produire les pièces n°23 à 25 et 27 à 28 qui ont été retirées des débats en suite de l'arrêt de rétractation de la cour d'appel de Versailles du 7 juin 2018 si elle s'estimait insuffisamment informée sur ce détournement de clientèle.

Pour autant, il appartient aux sociétés Bref Service de prouver les faits qu'elles allèguent et il n'appartient pas à la cour d'enjoindre la communication de pièces correspondant aux éléments dont la divulgation a été interdite par la cour d'appel de Versailles et dont elles ont eu connaissance par les constats qui avaient été autorisés par l'ordonnance rétractée.

Ainsi, la cour est à même de fixer à la somme de 20.000 euros l'indemnisation due à la société Bref Service en raison du débauchage de Mme [J] en violation de la clause de non concurrence qui la liait et qui a entraîné une désorganisation de la société et un préjudice d'image provenant de la présence de sa salariée au sein des sociétés Adéquat.

La condamnation sera prononcée in solidum à l'encontre des deux sociétés Adéquat 152 et Adéquat 123 qui ont participé à l'embauche de Mme [J] et exploitent des agences à [Localité 2] et [Localité 6] spécialisées dans le secteur de l'électricité. La société Groupe Adéquat, société juridiquement distincte, dont il n'est pas justifié qu'elle ait commis directement les actes liés à l'embauche de Mme [J] sera en revanche mise hors de cause.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a débouté la société Bref Service de l'ensemble de ses demandes.

La cour constate par ailleurs qu'il n'est pas justifié de préjudice spécifique subi par les sociétés Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process qui seront déboutées de leurs demandes.

Sur les demandes incidentes des sociétés Adéquat

Les sociétés Adéquat énoncent que les sociétés Adéquat 152 et Adéquat 123 ont subi un préjudice du fait des perquisitions subies le 11 avril 2017, en ce que l'huissier n'a respecté ni les termes de l'ordonnance, ni les dispositions légales encadrant le concours de la force publique et demandent la condamnation des sociétés Bref Service à leur payer à chacune un dédommagement de 25.000 euros.

Pour autant les reproches formulés par les sociétés Adéquat visent les agissements des huissiers de justice instrumentaires qui ne sont pas parties à la procédure. Aucune faute des sociétés Bref Service pouvant sur le fondement de l'article 1240 générer la responsabilité des sociétés appelantes n'est alléguée, ni justifiée.

Les sociétés Adéquat sollicitent également la condamnation des sociétés Bref Service pour résistance abusive.

Pour autant l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.

Les sociétés Adéquat ne rapportent pas la preuve d'une telle faute de la part des sociétés Bref Service dont l'action est partiellement reconnue bien fondée et qui pour le surplus ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Adéquat de l'ensemble de leurs demandes.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à injonction de retrait de pièces, ni retrait de pièces des débats,

Dit n'y avoir lieu à injonction de communication de pièces aux débats,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les sociétés Adéquat 152, Adéquat 123 et le Groupe Adéquat de leur exception de nullité de l'assignation et de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts,

Y substituant et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes formées par les sociétés Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process en concurrence déloyale mais les déboute,

Déclare recevables les demandes formées à l'encontre de la société Groupe Adéquat mais déboute les sociétés Bref Service, Bref Service [Localité 2] Nord et Bref Service Process,

Condamne in solidum les sociétés Adéquat 152 et Adéquat 123 à payer à la société Bref Service la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne in solidum les sociétés Adéquat 152 et Adéquat 123 à payer à la société Bref Service la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne in solidum les sociétés Adéquat 152 et Adéquat 123 aux dépens de première instance et d'appel dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/16314
Date de la décision : 26/02/2021

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°19/16314 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-26;19.16314 ?
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