Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 16
chambre commerciale internationale
ARRET DU 16 FEVRIER 2021
RECOURS EN ANNULATION
(no /2021, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/16695 - No Portalis 35L7-V-B7C-B57DD
Décision déférée à la Cour : Sentence arbitrale finale du 31 Mai 2018 (ICC CASE No 2384/DDA) rendue sous l'égide de la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale par le Tribunal arbitral composé de Mme [G] [L], arbitre unique.
Demanderesse au recours:
Société GRENWICH ENTERPRISES
Immatriculée au registre du commerce des Îles Vierges Britanniques sous le numéro 1616987 BVI
Ayant son siège social : [Adresse 1])
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Carol SABA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1782
Défenderesse au recours:
IDEMIA FRANCE SAS, anciennement dénommée OBERTHUR TECHNOLOGIES SA
Immatriculée au registre de commerce de Nanterre sous le numéro 340 709 534
Ayant son siège social : [Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090
Ayant pour avocat plaidant Me Catherine OTTAWAY de la SELARL HOCHE SOCIETE D AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. François ANCEL, Président
Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François ANCEL dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par le François ANCEL, président et par Clémentine GLEMET, greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.
I - FAITS ET PROCÉDURE
Faits
1-La société Grenwich Enterprises Ltd (« la société Grenwich ») est une société des Iles Vierges Britanniques qui a développé une expertise de conseil en SIERRA LEONE.
2-La société Idemia France SAS (« la société Idemia »), anciennement dénommée Obertur Technologies, est une société française ayant pour activité principale la conception et la commercialisation de supports d'information et de documents sécurisés.
3-Le 1er septembre 2011, un appel d'offre a été lancé par les autorités de Sierra Leone portant sur un projet de confection de passeports et cartes d'identité biométriques. La société Grenwich a introduit la société Idemia et l'a postionnée sur cet appel d'offre.
4-Le 15 septembre 2011, les parties ont signé un contrat intitulé « contrat cadre de courtage (« Framework Brokerage Agreement »), avec prise d'effet au 13 octobre 2011, et arrivant à échéance le 12 octobre 2012, sans reconduction tacite, accordant à la société Grenwich une exclusivité sur ce projet et une commission de succès de 10% sur les ventes envisagées, en contrepartie de l'engagement de la société Grenwich de faire ses meilleurs efforts pour permettre à la société Idemia de remporter l'appel d'offres.
5-La société Idemia a été pré-sélectionnée le 25 octobre 2011 et invitée à faire une proposition technique et financière pour le projet, qu'elle a fait parvenir le 24 novembre 2011.
6-Le 23 octobre 2012, les représentants des sociétés Idemia et Grenwich se sont réunis à [Localité 1] afin de définir la meilleure stratégie pour permettre à la société Idemia d'obtenir le projet portant sur le financement du projet.
7-Les 24 et 28 décembre 2012, la société Idemia a signé avec la société Sedna Enterprises Ltd, une société de droit du Sierra Leone, un « MOU » (Mémorandum of Understanding) entré en vigueur à compter du 20 novembre 2012, prévoyant que la société Sedna s'engageait à agir en tant que partenaire local opérationnel et financier de la société Idemia et que le détail de leur partenariat serait décliné par la signature d'un joint venture, ainsi que le 14 décembre 2012 un accord de confidentialité (« MNDA » - mutual non disclosure agreement).
8-Les 5 et 12 juillet 2013, les sociétés Idemia et Grenwich ont conclu un nouveau contrat de courtage (Brokerage Agreement) avec des conditions similaires au premier contrat, soumis à la loi française, et dont l'article 15 comporte une clause compromissoire stipulant que le siège de l'arbitrage serait à [Localité 2] et que l'arbitrage serait sous l'égide de la chambre de commerce internationale (CCI).
9-La société Idemia ayant appris que le projet avait finalement été attribué par le gouvernement de Sierra Leone à la société De la Rue International Identity Systems, a, par courrier du 6 juin 2014, notifié à la société Grenwich, sur le fondement de l'article 11 du contrat, la résiliation anticipée du second contrat de courtage devenu selon elle sans objet du fait de l'attribution du projet à une autre société.
Procédure
10-Estimant avoir subi un préjudice financier au titre de la perte de sa commission de succès et de l'ensemble des coûts et charges supportés pendant deux ans pour financer son intervention auprès de la société Idemia, son contrat ne prévoyant aucune commission forfaitaire et/ou aucun remboursement de frais mais uniquement une commission de succès, la société Grenwich a demandé une indemnisation à la société Idemia.
11-Après des tentatives de rapprochement amiable infructueuses, la société Grenwich a déposé le 8 novembre 2016 une requête d'arbitrage auprès de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) à l'encontre de la société Idemia.
12-Au terme de la sentence finale rendue par un arbitre unique le 31 mai 2018, le tribunal arbitral a décidé que :
-La société Idemia avait légitimement résilié le contrat ;
-Rejeté la perte de chance et de perte d'opportunité de la société Grenwich ;
-Rejeté la réclamation pour préjudice moral, commercial et de réputation de la société Grenwich ;
-Rejeté la réclamation morale de la société Idemia ;
-Dit que la société Grenwich supportera les frais d'arbitrage de la Partie Défenderesse fixés par la Cour de la CCI et versera à la Partie Défenderesse un montant total de USD 64.219 ;
-Dit que chaque partie supportera ses propres frais légaux.
13-La société Grenwich a introduit un recours en annulation par acte du 28 juin 2018 à l'encontre de cette sentence.
14-La clôture a été ordonnée le 10 décembre 2020 (après rabat de la 1ère clôture du 2 novembre 2020 pour recevoir les dernières conclusions de Idémia et ses pièces 20 et 21).
II - PRETENTIONS DES PARTIES
15-Aux termes de ses dernières conclusions en date du 26 octobre 2020, la société Grenwich demande à la Cour, au visa notamment des articles 6.1 et suivants de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 1520 alinéa 4, 1519, 1510, et 908 du code de procédure civile, de :
Rejeter toutes les demandes et prétentions, arguments, accusations, sans exception, de l'intimée, inclues dans ses dernières conclusions du 12 juin 2020 ;
Constater que la saisine de la Cour d'Appel par l'appelante au titre du présent recours en annulation introduit le 28 juin 2018 a été proprement et régulièrement faite par l'appelante ;
Prononcer par conséquent la recevabilité du présent recours en annulation introduit le 28 juin 2018 à l'encontre de la sentence arbitrale no22384/DDA du 31 mai 2018 - CCI [Localité 2] et de Prononcer et Constater également la recevabilité des conclusions remise au greffe le 27 septembre 2018 soit dans le délai de trois mois de l'Article 908 du code de procédure civile ;
Dire à toute fin utile, qu'il n'y a pas lieu tant que le recours en annulation n'a pas été définitivement tranché par la Cour d'Appel d'ordonner, sous aucune forme, l'exécution de ladite sentence arbitrale litigieuse attaquée
Constater, Juger et Déclarer, après s'être saisie souverainement de l'ensemble des faits et pièces de ce dossier, le bienfondé de chacun des manquements qui sont reprochés par la société Grenwich à la sentence arbitrale no22384/DDA du 31 mai 2018-CCI, et qui sont développés dans les présentes conclusions récapitulatives no2, à savoir :
- Les manquements au principe du contradictoire dans le traitement de la production d'un des documents clés (le Contrat Sedna) et des documents complémentaires demandés par l'appelante, nécessaires pour la reconstitution, la restitution et la compréhension de l'ensemble des faits du dossier
-Les manquements au principe du contradictoire dans le traitement de la demande relative à la convocation du témoin demandé par l'appelante, M. [R] [N] et de constater la rupture d'égalité des parties en raison du refus de l'arbitre de donner les garanties qui auraient permis à M. [N] de témoigner dans la procédure arbitrale ayant abouti à la sentence sus-indiquée, ce qui aurait établi un équilibre en terme processuel et de respect du contradictoire, entre les deux parties du litige permettant à chacun d'eux en fonction de ces éléments de compléter sa défense en toute connaissance de cause.
-Les manquements au devoir d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre développés dans la Section III, Sous-Section 3 des présentes conclusions et de juger et constater le bienfondé de ces différentes chefs d'interrogations qui y sont développés et de juger qu'ils constituent ensemble et/ou séparément chacun des indices concordants qui suscitent un doute raisonnable quant à l'impartialité de l'arbitre dans sa manière de structurer la sentence finale et de juger les prétentions et demandes des parties et qu'ils constituent chacun en ce qui le concerne, seul et/ou en conjugaison avec les autres, des raisons valables individuellement et/ou collectivement.
-Et tous les autres manquements présentés et invoqués dans le cadre des présentes.
Ordonner, Juger et de Déclarer sur cette base, et sur la base des différents arguments développés dans les présentes conclusions, l'annulation de la sentence arbitrale no22384/DDA du 31 mai 2018 - CCI [Localité 2] en toutes ses dispositions et de décider de la suite qui en résulte pour permettre aux parties de faire trancher leur litige dans le respect des principes du contradictoire et de l'égalité des parties
Condamner l'intimée à payer à l'appelante la somme de 15000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sans constitution de garantie
Condamner l'intimée aux entiers dépens, dont distraction au profit de l'avocat de l'appelante conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
16-Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 décembre 2020, la société IDEMIA, demande à la Cour, au visa des articles 1456, 1466, 1520 et 1527 du code de procédure civile de :
A titre principal,
Constater que la société Grenwich a pleinement participé à l'instance arbitrale sans reprocher à l'arbitre, ni le caractère non contradictoire de la procédure, ni son défaut d'indépendance et d'impartialité ; que partant, la société Grenwich a renoncé à se prévaloir de ces griefs ;
En conséquence
Prononcer l'irrecevabilité des moyens présentés par la société Grenwich à l'appui de son recours en annulation et dire n'y avoir lieu à annulation de la dite sentence arbitrale ;
Conférer l'exequatur à la sentence arbitrale no22384/DDA du 31 mai 2018 ;
A titre subsidiaire
Constater que les griefs présentés par la société Grenwich aux termes de son recours en annulation tendent en réalité à amener la Cour sur le terrain d'un débat sur le fond du litige échappant à la compétence du juge de l'annulation ;
En conséquence :
Débouter la société Grenwich de sa demande d'annulation de la sentence arbitrale no22384 du 31 mai 2018 ;
Conférer l'exequatur à la sentence arbitrale no22384 du 31 mai 2018,
En tout état de cause :
Constater que le manquement de l'arbitre au respect du principe du contradictoire n'est pas démontré ;
Constater que le défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre n'est pas démontré ;
Dire que les traductions françaises communiquées par la société Grenwich aux débats sont sujettes à caution, la société Idemia ayant fait toutes réserve à leur sujet ;
En conséquence :
Débouter la société Grenwich de sa demande d'annulation de la sentence arbitrale no22384 du 31 mai 2018 ;
Conférer l'exequatur à la sentence arbitrale no22384 du 31 mai 2018 ;
Débouter la société Grenwich de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Grenwich au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Grenwich aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Flaurand, avocat constitué, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
III- MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité du recours en annulation ;
17-Il convient de constater que la recevabilité du recours en annulation à l'encontre de la sentence arbitrale no22384/DDA du 31 mai 2018 n'a pas été contestée devant le conseiller de la mise en état et pas même alléguée par l'intimée.
18-Il n'y a donc pas lieu à statuer sur cette question, voire même, à constater la recevabilité du recours en annulation comme le sollicite le recourrant dans ses dernières conclusions.
Sur l'irrecevabilité des moyens d'annulation soulevés par la société Grenwhich ;
19-La société Idemia soutient au visa de l'article 1466 du code de procédure civile que les griefs formulés dans le cadre du présent recours en annulation au titre du non respect du principe du contradictoire et du manquement de l'arbitre à son devoir d'indépendance et d'impartialité doivent être déclarés irrecevables, au motif que la société Grenwich aurait dû les soulever au cours de la procédure arbitrale.
20-Elle ajoute que l'absence de renonciation à se prévaloir de ces moyens au cours de la procédure d'arbitrage ne suffit à les rendre recevables. Elle fait en outre valoir que loin de mettre en cause l'impartialité de l'arbitre, cette dernière lui a fait part de son respect pour son professionnalisme par courriel du 11 janvier 2018. Elle conteste également que la société Grenwich ait réservé sa position à cet égard et ajoute que l'arbitre a précisément organisé le contradictoire et que les parties ont pu échanger pas moins de 13 mémoires. Elle expose par ailleurs que la société Grenwich tente de détourner l'objet de l'action de recours en annulation qui tend en réalité à amener la Cour sur le terrain d'un débat sur le fond du litige échappant à la compétence du juge de l'annulation.
21-En réponse, la société Grenwich fait valoir qu'elle n'a pas renoncé à ces moyens d'annulation au cours de la procédure d'arbitrage et que par exemple par lettre du 3 octobre 2017 elle avait contesté la position de l'Arbitre qui exigeait du témoin M. [N] la production d'un témoignage écrit avant toute audition et témoignage oral. Elle précise ainsi qu'elle ne s'est jamais abstenue à formuler ses griefs et à réserver sa position et ses droits pendant la procédure arbitrale.
22-S'agissant du manquement à l'indépendance et l'impartialité, elle expose qu'il ne s'agit pas ici d'un contentieux pour un manquement à l'obligation de révélation mais d'un contentieux pour des manquements au devoir d'impartialité, ce qui est distinct et que le contentieux de la récusation ne saurait par conséquent « polluer » les griefs portés devant la Cour d'Appel dans le cadre du présent recours en annulation.
23-Elle ajoute qu'en l'espèce ce sont les circonstances ayant entouré la prise de décision par l'Arbitre qui suscitent une « crainte légitime de partialité de l'Arbitre », laquelle découle des manquements constatés au cours de la période d'ouverture de la procédure arbitrale et tout au long de la procédure elle-même jusqu'à la date de l'audience des 8 et 9 janvier 2018 et de l'audition du témoin, M [K], où l'arbitre a exprimé certaines positions qui ont été radicalement contredites par la suite par elle-même, dans la sentence arbitrale qu'elle a rendue. Elle ajoute que ces circonstances découlent aussi de la phase de la clôture des débats jusqu'à la date de remise de la sentence, où vraisemblablement quelque chose s'est passé et a dû changer et/ou influer sur les prises de position de l'arbitre qu'elle a exprimées publiquement lors des audiences des 8 et 9 janvier 2018 et qu'elle est venue contredire dans la sentence, et aussi des circonstances qui l'ont entrainée à reporter la date de remise de la sentence à deux reprises, sans aucune motivation et/ou explication sur les raisons d'un tel report.
24-Elle précise ainsi que ce sont les manquements que la sentence arbitrale contient qui révèlent la partialité « étonnante et surprenante » de l'Arbitre et qui lui permettent, après avoir cru en son professionnalisme, son indépendance et son impartialité de l'Arbitre, de douter désormais sérieusement de son impartialité et que c'est donc la sentence qui donne à ces griefs anciens ceux constatés par l'appelante tout au long de la procédure arbitrale et aux griefs nouveaux découlant de la sentence arbitrale elle-même, toute leur dimension et importance.
Sur ce ;
25-Il ressort de la déclaration de recours du 28 juin 2018 que la société Grenwich a fondé son recours en annulation sur les « dispositions des articles 1519 et 1520 et suivants du code de procédure civile français » et aux termes de ses dernières conclusions que son recours en annulation est fondé sur trois types de manquements, deux étant considérés comme des manquements « au principe du contradictoire » et s'appuyant expressément sur l'article 1520,4o du code de procédure civile et le dernier recouvrant des « manquements au devoir d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre » sans que le recourant ne précise expressément le moyen sur lequel elle se fonde au regard de la liste limitative prévue par l'article 1520.
26-Les parties ayant choisi [Localité 2] (France) en tant que siège de l'arbitrage, la loi française est applicable à la procédure.
27-Selon l'article 1466 du code de procédure civile, rendu applicable en matière d'arbitrage international par l'article 1506 du même code, « la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ».
28-Cette disposition ne vise pas les seules irrégularités procédurales mais tous les griefs qui constituent des cas d'ouverture du recours en annulation des sentences, à l'exception des moyens fondés sur l'article 1520, 5o du code de procédure civile et tirés de ce que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence violerait l'ordre public international.
29-Il convient en outre de rappeler que la renonciation présumée par l'article 1466 précité du code de procédure civile vise des griefs précisément et concrètement articulés et non des catégories de moyens.
Sur l'irrecevabilité du moyen tiré du non respect du principe de la contraction ;
30-En l'espèce, il ne résulte d'aucune pièce une contestation de la société Grenwich durant la procédure arbitrale quant au respect du principe de la contradiction alors que pas moins de 13 mémoires ont été échangés entre les parties et que sept ordonnances de procédure ont été rendues par l'arbitre.
31-Si pour justifier la recevabilité de ce moyen la société Grenwich s'appuie sur une lettre qu'elle a adressée à l'arbitre le 3 octobre 2017 pour contester l'exigence d'un témoignage écrit imposé à M. [N] dont l'arbitre avait autorisé l'audition à sa demande, il convient de relever que ce courrier ne s'appuie pas sur le respect du principe de la contradiction pour fonder cette contestation mais plus précisément sur les « due process and procedural fairness requirements» ce qui peut être traduit non pas comme le principe de la contradiction comme le fait la société Grenwich dans la traduction libre qu'elle produit mais comme le respect du principe du procès équitable, qui pourrait le cas échéant relever d'un moyen fondé sur la violation de l'article 1520-5o du code de procédure civile, tiré de la méconnaissance de l'ordre public international, dont la cour n'est cependant pas saisie.
32-Au demeurant, l'arbitre, examinant cette demande, a rendu une ordonnance de procédure no3 le 11 octobre 2017 au terme de laquelle s'il a maintenu la nécessité pour le témoin de produire une déclaration écrite, a accordé un délai supplémentaire pour le faire, comme le sollicitait à titre subsidiaire la société Grenwich. En outre, à la suite de cette décision, la société Grenwich n'a aucunement émis de réserves et l'a même acceptée puisqu'elle a écrit au contraire à l'arbitre le 17 novembre 2017 pour lui faire part des démarches entreprises auprès du témoin aux fins de mettre en oeuvre cette ordonnance de procédure no3 étant observé que le débat sur l'exigence d'une telle déclaration écrite préalable à l'audition du témoin est inopérant dès lors que cette audition n'a finalement pas eu lieu en raison du refus de l'intéressé de venir témoigner.
33-En outre, la société Grenwich reconnaît dans ses conclusions que l'arbitre a respecté « «la « lettre » du droit processuel et du contradictoire « habituel » entre les parties, en leur donnant la possibilité et le temps de s'exprimer et de se positionner d'une manière contradictoire sur leurs prétentions et demandes respectives » lui reprochant en revanche de ne pas en avoir respecté « l'esprit » qui ne résiderait pas selon la société Grenwich « que dans l'organisation des échanges des parties en leur ouvrant la possibilité et le temps d'échanger en contradictoire et de déployer leurs arguments, mais aussi, et surtout, dans la nécessité de trancher d'une manière « proactive » ».
34-Cependant, le principe de la contradiction exige que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n'ait échappé à leur débat contradictoire. Il interdit ainsi qu'une décision soit rendue sans que chaque partie ait été en mesure de faire valoir ses prétentions de fait et de droit, de connaître les prétentions de son adversaire et de les discuter. Il interdit également que des écritures ou des documents soient portés à la connaissance du tribunal arbitral sans être également communiqués à l'autre partie, et que des moyens de fait ou de droit soient soulevés d'office sans que les parties aient été appelées à les commenter.
35-Il convient de constater qu'à aucun moment la société Grenwich au cours de la procédure n'a formulé un de ces griefs et qu'elle reconnaît d'ailleurs expressément avoir fait le choix de ne pas le soulever devant le tribunal arbitral en indiquant que s'agissant « (…) des circonstances qui auraient pu faire l'objet d'une mise en cause de l'arbitre, l'appelante [a] choisi l'option, dans l'intérêt de l'avancement du dossier, de ne pas le faire pendant la procédure arbitrale, sans pour autant renoncer à un quelconque de ses droits au moment venu au vu de la sentence finale (…) ».
36-En l'état de ces éléments, il convient de déclarer la société Grenwich irrecevable en son moyen d'annulation tiré du non respect du principe de la contradiction de sorte que les griefs qui s'y rapportent ne seront pas examinés.
Sur l'irrecevabilité du moyen tiré du défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre ;
37-Il est constant également que la société Grenwich n'a à aucun moment contesté l'indépendance ou l'impartialité de l'arbitre durant l'instance arbitrale et ce alors même que la désignation de l'arbitre unique avait fait l'objet d'une discussion entre les parties qui ne se sont pas mises d'accord sur le nom d'un arbitre ayant conduit la CCI à informer les parties le 2 mars 2017 qu'elle y procéderait conformément à son règlement. C'est ainsi que le 21 avril 2017, la CCI les a informées de la désignation de Mme [G] [L] en tant qu'arbitre unique du litige.
38-Cette désignation n'a donné lieu à aucune contestation de la part de la société Grenwich qui a signé avec la société Idémia l'acte de mission le 2 juin 2017.
39-De même à l'issue de l'audience, la société Grenwich a par l'intermédiaire de son conseil exprimé par courriel du 11 janvier 2018 son « respect à la manière dont [l'arbitre a ] conduit (non seulement mais surtout) les deux jours d'audience avec beaucoup de maîtrise humaine et professionnelle ».
40-La société Grenwich a au demeurant réitéré dans ses conclusions devant la Cour « la position confraternelle et de respect à Mme l'Arbitre de la part de son avocat formulée d'une manière circonstanciée à la fin des auditions, et ne se décommande point ni ne désavoue ces compliments de confraternités et de professionnalisme adressés, de circonstance, à la fin des auditions des parties aux avocats de la partie adverse et à l'Arbitre à la clôture des débats ».
41-La société Grenwich est de ce fait dès lors réputée à avoir renoncé à se prévaloir de ce moyen pour toutes les circonstances dont elles se prévaut aujourd'hui et qui sont survenues durant l'instance arbitrale jusqu'à la clôture des débats.
42-Cependant, aux termes de ses conclusions, la société Grenwich précise que « Ce sont les manquements que la sentence arbitrale contient qui révèlent la partialité étonnante et surprenante de l'Arbitre et qui permettent à l'appelante après avoir cru dans le professionnalisme et l'indépendance et l'impartialité de cette Arbitre, plus particulièrement, de douter désormais sérieusement de son impartialité ».
43-Ainsi au soutien de ce moyen, la société Grencwich invoque des circonstances postérieures à l'audience et plus précisément souligne qu'il « y a eu aussi des circonstances troubles entre la clôture des débats et la date de rendu de la sentence qui suscitent des interrogations légitimes et des doutes comme par exemple le fait du report inexpliqué et non motivé à deux fois de la date « convenue » entre les parties et avec l'arbitre, de remise de la sentence arbitrale finale, le tout ayant été couronné par la remise d'une sentence arbitrale qui manifestement est marquée par une partialité attestée de l'arbitre, qui a été révélée par la manière dont la sentence a été structurée et motivée (et en l'espèce, peu motivée, et parfois d'une manière expéditive) des manquements au devoir d'impartialité de l'Arbitre et à son devoir d'assurer l'égalité des parties, dans la présentation de l'argumentaire des parties d'une manière complète, objective et non détournée (misleading) dans la sentence, ce qui en l'occurrence n'a pas été le cas ».
44-Dès lors que les circonstances qui fondent les doutes de la société Grenwich sur l'indépendance et l'impartialité portent ainsi sur des faits postérieurs à la clôture des débats et lui ayant été révélés une fois la sentence arbitrale rendue, elle ne peut être réputée y avoir renoncé durant l'instance arbitrale de telle sorte que, pour ces circonstances, le moyen doit être déclaré recevable devant le juge de l'annulation.
Sur le moyen tiré du défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre (article 1520 2o du code de procédure civile)
45-La société Grenwich soutient qu'il existe un faisceau d'indices concordants qui viennent soutenir un soupçon raisonnable de manquement par l'arbitre à son devoir d'impartialité. Elle fait valoir que l'arbitre a, dans sa sentence, sur plusieurs questions clés du dossier, fait des présentations courtes, partiales et partielles des faits en occultant des éléments de preuve et des pièces apportés par la société Grenwich. Elle expose en outre qu'il y a eu un retournement de situation inexpliqué de la part de l'arbitre, entre la date de l'audition et la date de remise de la sentence arbitrale.
46-Elle estime que plusieurs éléments établissent un alignement du tribunal arbitral sur les thèses de la société Idemia, qui traduirait sa partialité et notamment le fait d'avoir procédé, notamment au §168 de la sentence, à une analyse approximative du bienfondé de la résiliation anticipée par la société Idemia du contrat ; d'avoir suivi la thèse adverse et décidé que le premier contrat était arrivé à son terme, sans prendre en compte l'oubli des parties de renouveler avant l'échéance le premier contrat, et en particulier une de ses pièces justifiant de ce qu'il s'agissait bien d'un renouvellement du premier contrat.
47-Elle considère en outre que l'arbitre a fait une présentation erronée des faits au § 124 de la sentence et conteste ainsi que « les parties aient décidé respectivement de trouver un partenaire pour financer le projet », comme retenu par l'arbitre alors qu'elle s'était opposée à participer au financement du projet et de n'avoir pas relevé que lors des discussions sur ce financement, M. [K] n'avait pas dévoilé le nom de la société Sedna à la société Grenwich.
48-Elle estime encore que l'arbitre a minoré l'importance de l'annexe 1 du contrat Sedna, et fait une présentation partielle et partiale du contenu du contrat Sedna au §§ 230 à 252 de la sentence sans reprendre les interrogations et interpellations que l'arbitre a opposées à M. [K] lors de son audition. Elle fait grief à l'arbitre de ne pas avoir traité dans la sentence du contenu de l'exclusivité accordée à la société Sedna, en violation des accords passés avec la société Grenwhich, alors qu'elle a précisément interrogé M. [K] sur ce point.
49-Elle reproche enfin à l'arbitre de ne pas avoir mentionné les éléments révélés par l'audition de M. [K] le 9 janvier 2018, alors que l'arbitre l'avait interpellé ouvertement, dans une de ses questions directes et sans concession, sur la violation de l'exclusivité de la société Grenwich par l'article 2.3 du contrat Sedna (MOU), alors que la réponse donnée par M. [K] était hors sujet, ambiguë et inexpliquée. Elle souligne à cet égard que la longue audition de M. [K], témoin sous l'autorité de la société Idemia, a révélé de nombreux éléments factuels « à charge » contre cette dernière, qui constituaient autant d'aveux judiciaires au soutien des motifs et moyens présentés par la société Grenwhich et que ces éléments et aveux ont été écartés et/ou minorés par la sentence arbitrale. La société Grenwich s'interroge également sur les raisons qui ont présidé aux reports dans la remise de la sentence arbitrale et laisse à la Cour le pouvoir d'appréciation à cet égard.
50-En réponse, la société IDEMIA fait valoir que le faisceau d'indices dont fait état la société Grenwich pour justifier de doutes sur l'impartialité de l'arbitre consiste en une série de critiques sur le fond. Elle précise que le contrat de courtage conclu entre la société Grenwich et la société Idemia le 5 juillet 2013 ne comportait aucune obligation à sa charge d'attaquer en justice tout refus de la part du gouvernement et de la Sierra Leone de lui attribuer le marché des passeports biométriques et que d'autre part aucun élément sérieux ne permettait de fonder une telle action dans ce contexte, alors par ailleurs qu'elle avait évalué que les chances de succès d'un recours en Sierra Leone étaient nulles.
51-La société Idemia fait également valoir que les dires de la société Grenwich ont été longuement débattus au fond et lors de l'audition des parties et du témoin et que Monsieur [K] a longuement été interrogé par l'ensemble des parties et par l'arbitre elle-même. Elle affirme en outre que les documents, écritures et auditions permettent de confirmer que l'arbitre a pris le temps de considérer les positions respectives des parties et les éléments du débat avant de statuer de manière motivée et qu'il ressort de la tenue de l'arbitrage, du strict respect des procédures, du fait que chaque partie a toujours pu faire valoir ses arguments à plusieurs reprises sur chaque sujet discuté, des termes mêmes de la sentence que l'arbitre a jugé cette affaire sans aucun parti pris.
Sur ce ;
Sur le défaut d'indépendance allégué de l'arbitre ;
52-L'appréciation d'un défaut d'indépendance d'un arbitre procède d'une approche objective consistant à caractériser des facteurs précis et vérifiables externes à l'arbitre susceptibles d'affecter sa liberté de jugement, tels que des liens personnels, professionnels et/ou économiques avec l'une des parties.
53-En l'espèce, il convient de relever que comme elle l'indique dans ses conclusions, la société Grenwich entend critiquer « la méthode injuste et partiale [que l'arbitre] a suivi pour rédiger et rendre sa sentence arbitrale » et « les doutes qui survolent l'ensemble de la sentence arbitrale et la méthode suivie par l'Arbitre », dénonçant son « parti-pris en faveur de l'intimée dont la construction de la sentence et la motivation expéditive qu'elle contient, sont venues révéler à l'évidence » et reprochant à l'arbitre de s'être aligné sur l'argumentaire « abusif et manifestement non-fondé » de la société Idémia en s'interrogeant sur les pièces sur lequel l'arbitre a pu se fonder pour statuer en ce sens.
54-Ce faisant, la société Grenwich n'apporte, ni au demeurant n'invoque, aucun élément factuel précis et vérifiable susceptible de justifier l'existence d'un lien quelconque entre l'arbitre et la partie adverse permettant de remettre en cause son indépendance et conteste en réalité la motivation de l'arbitre et le sens de la décision qu'il a rendue pour déduire de ces seuls éléments intrinsèques à la sentence, insuffisants pour le caractériser, un défaut d'indépendance de l'arbitre.
55-Le grief fondé sur le défaut d'indépendance de l'arbitre sera en conséquence rejeté.
Sur le défaut d'impartialité de l'arbitre ;
56-L'impartialité de l'arbitre suppose l'absence de préjugés ou de partis pris susceptibles d'affecter le jugement de l'arbitre, lesquels peuvent résulter de multiples facteurs tels que la nationalité de l'arbitre, son environnement social, culturel ou juridique.
57-Toutefois pour être pris en compte ces éléments doivent créer, dans l'esprit des parties, un doute raisonnable sur son impartialité de telle sorte que l'appréciation de ce défaut doit procéder d'une démarche objective.
58-Si un tel doute peut le cas échéant résulter de la sentence elle-même, encore faut-il, dès lors que le contenu de la motivation de la sentence arbitrale échappe au contrôle du juge de l'annulation, que ce doute soit fondé sur des éléments précis quant à la structure de la sentence ou ses termes mêmes, qui laisseraient supposer que l'attitude de l'arbitre a été partiale ou à tout le moins seraient de nature à donner le sentiment qu'elle l'a été.
59-A cet égard, la société Grenwich reproche à l'Arbitre d'avoir balayé son argument fondant sa contestation du bien fondé de la résiliation anticipée du contrat selon lequel la société Idémia n'avait pas contesté en justice la méconnaissance des règles de l'appel d'offres afin de remettre en cause l'octroi du contrat du projet à la société De La rue et ainsi de n'avoir pas défendu en conséquence son droit et ses intérêts alors qu'elle avait travaillé deux ans sur le projet sans rémunération. La société Grenwich estime que « en disant cela, l'Arbitre ne prend aucunement en compte ce principe de droit français que les contrats s'exécutent de bonne foi entre les parties et dans leur intérêt réciproque, et de faire ainsi une lecture « minimaliste du contexte et du contrat » pour dédouaner la société Idémia de toute responsabilité ».
60-Cependant, il ressort de la sentence que sur ce point l'arbitre, après avoir rappelé dans les paragraphes 157 à 159 la position de la société Grenwich, puis dans ses paragraphes 160 à 162 celle de la société Idémia, a motivé sa décision en droit et en fait dans les paragraphes 163 à 168 de sorte que de ces éléments ne peut naître un doute raisonnable sur son impartialité, sauf à vouloir comme tente de le faire la société Grenwich, remettre en cause le bien fondé de la décision et ainsi, sous couvert d'un grief tiré de la partialité, réviser la sentence au fond.
61-Il en est de même du reproche fait à l'arbitre d'avoir suivi la thèse de la société Idémia et décidé que le premier contrat était arrivé à son terme, sans prendre en compte selon la société Grenwich l'oubli des parties de renouveler avant l'échéance le premier contrat, et en particulier une de ses pièces justifiant de ce qu'il s'agissait bien d'un renouvellement du premier contrat.
62-Il convient cependant de constater que pour considérer contrairement à ce que soutenait la société Grenwich qu'il n'y avait pas eu de « continuum contractuel » entre le premier contrat signé le 13 octobre 2011 et le second contrat signé le 5 juillet 2013, l'arbitre après avoir rappelé la position de chacune des parties dans les paragraphes 201 à 206 a motivé sa décision en droit et en fait dans ses paragraphes 207 à 221.
63-Là encore, il ne saurait résulter de ces éléments intrinsèques à la sentence un quelconque doute raisonnable quant à l'impartialité de l'arbitre, le fait que celui-ci tranche en faveur d'une thèse après un raisonnement en droit s'appuyant notamment sur l'interprétation de l'article 11 du contrat de courtage et une motivation à son soutien l'excluant, sauf à vouloir réviser le fond de la décision.
64-S'agissant du reproche fait à l'arbitre de faire une présentation erronée des faits au § 124 de la sentence présumant un accord des parties sur la nécessité de rechercher un partenaire pour financer le projet, ou encore d'avoir ignoré le fait que M. [K] ait cherché à s'associer M. [N] [Y], un des dirigeants d'une société de Sierra Leone Sedna, en violation selon la société Grenwich des accords pris avec elle, il convient de rappeler que l'erreur d'un arbitre, sa mauvaise appréciation des faits, à la supposer prouvée, ne constitue pas un moyen d'annulation d'une sentence et ne peut à elle seule être de nature à remettre en cause son impartialité, étant rappelé que l'arbitre n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.
65-Il en est même pour le reproche fait à l'arbitre d'avoir minoré l'importance de l'annexe 1 du contrat Sedna et d'avoir fait une présentation partielle du contenu de ce contrat Sedna au §§ 230 à 252 de la sentence sans reprendre les interrogations et interpellations que l'arbitre a opposées à M. [K] lors de son audition alors que sur cette question qui portait sur la violation de l'exclusivité alléguée par la société Grenwich, l'arbitre prend soin, après avoir rappelé les thèses des parties qu'il n'était pas tenu de reprendre dans le détail, de motiver sa décision aux termes de 23 paragraphes (§ 230 à 253) examinant ainsi les arguments des uns et des autres et les contrats communiqués.
66-Enfin, le juge de l'annulation ne peut, sous couvert d'un grief tiré de la partialité, remettre en cause l'appréciation qu'un arbitre a fait d'une pièce versée au débat et des éléments ou preuves résultant d'une audition, l'arbitre n'étant pas tenu de faire état dans sa sentence de toutes les pièces versées les parties mais des seules pièces utiles à sa décision.
67-A cet égard, il ne saurait être déduit une partialité de l'arbitre du sens de la sentence qui selon la société Grenwich ne reflèterait pas l'attitude de l'arbitre lors de l'audition du témoin et les questions qui lui ont été posées, qui aurait laissé penser à la société Grenwich au sortir de l'audience que l'arbitre inclinait en faveur de sa thèse alors même que ses seules impressions d'audience ne sont pas de nature à créer un doute raisonnable sur l'impartialité d'un arbitre et qu'en tout état de cause, elles ont été nécessairement démenties puisque la sentence qui a été rendue n'a pas été dans le sens de cette impression.
68-Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le moyen n'est pas fondé et de sorte que le recours en annulation sera en conséquence rejeté.
Sur les frais et dépens ;
69-Il y a lieu de condamner la société Grenwich, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
70-En outre, elle doit être condamnée à verser à la société Idémia, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 20 000 euros.
IV-DISPOSITIF
Par ces motifs, la Cour :
1-Dit n'y avoir lieu à statuer sur la recevabilité du recours en annulation ;
2-Déclare irrecevable le moyen tiré du non respect du principe de la contradiction ;
3-Déclare non fondé le moyen tiré du défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre ;
4- Rejette en conséquence le recours en annulation dirigé contre la sentence arbitrale no22384/DDA du 31 mai 2018 sous l'égide de la Chambre de commerce internationale ;
5- Condamne la société Grenwich Enterprises Ltd à payer à la société Idémia France la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
6- Condamne la société Grenwich Enterprises Ltd aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière Le président
Clémentine GLEMET François ANCEL