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05/02/2021 | FRANCE | N°19/088387

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 05 février 2021, 19/088387


Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2021

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/08838 - No Portalis 35L7-V-B7D-B72EK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG no 16/03928

APPELANTS

Monsieur [U] [K]
[Adresse 1]
[Localité 1]

SCI DENIZ
prise en la personne de son gérant, M. [U] [K]

[Adresse 2]
[Lo

calité 2]

Représentés par Me Lisa PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0813

INTIMES

Monsieur [E] [V] [X]
[Adresse 3]
[Localité 2]...

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2021

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/08838 - No Portalis 35L7-V-B7D-B72EK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG no 16/03928

APPELANTS

Monsieur [U] [K]
[Adresse 1]
[Localité 1]

SCI DENIZ
prise en la personne de son gérant, M. [U] [K]

[Adresse 2]
[Localité 2]

Représentés par Me Lisa PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0813

INTIMES

Monsieur [E] [V] [X]
[Adresse 3]
[Localité 2]

Madame [I] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 2]

Représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD et THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Ayant pour avocat plaidant, Me Marie-Noëlle MARTINS-SCHREIBER, avocat au barreau de Paris, toque E 1967

Maître [L] [Q]
Notaire associé de la SCP CORIC-LEOTY-SAVARY-WLACHE-TREHOU
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représenté par Me Hervé-Bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Claude CRETON, Président
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
Mme Monique CHAULET, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Christine BARBEROT, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude CRETON, Président et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****
Suivant acte authentique reçu le 17 avril 2014 par M. [L] [Q], notaire, la SCI La Route d'Orléans a vendu à la SCI Deniz un pavillon à usage de bureaux et un terrain sis [Adresse 3] (91), sur une parcelle cadastrée section AB [Cadastre 1] provenant de la division d'une parcelle plus grande, cadastrée AB [Cadastre 2], en deux nouvelles parcelles cadastrées AB [Cadastre 1] (lot B) et [Cadastre 3] (lot A), au prix de 270 000 €. Par acte authentique reçu le 29 décembre 2015 par le même notaire, la société La Route d'Orléans a vendu à M. [E] [X] et à Mme [I] [Z] un terrain à bâtir non viabilisé, sis [Adresse 3] (91), cadastré section AB [Cadastre 3], au prix de 142 000 €. Le 11 mars 2015, la société Deniz a obtenu un permis de construire l'autorisant à changer la destination du pavillon pour le transformer en logements avec extension. Le 25 juillet 2015, les consorts [X]-[Z] ont obtenu un permis de construire les autorisant à construire un pavillon. La réception des travaux de ce pavillon est intervenue le 8 novembre 2016. Par acte extra judiciaire des 20 et 27 avril 2016, la société Deniz et M. [U] [K] ont assigné les consorts [X]- [Z] et M. [Q] en démolition du pavillon de ces derniers et en paiement de dommages-intérêts.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 18 février 2019, le Tribunal de grande instance d'Evry a :
- débouté la société Deniz et M. [K] de l'intégralité de leurs demandes,
- débouté les consorts [X]- [Z] de leurs demandes reconventionnelles,
- condamné la société Deniz et M. [K] à payer aux consorts [X]-[Z] la somme de 1 500 €,
- condamné la société Deniz et M. [K] à payer à M. [Q] la somme de 1 500 €.

Par dernières conclusions, la société Deniz et M. [K] , appelants, demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les consorts [X]- [Z] de leurs demandes reconventionnelles,
- dire que la parcelle appartenant à la société Deniz n'est pas grevée d'une servitude de vue,
- dire que la construction édifiée par les consorts [X]-[Z] engendre pour eux, appelants, un trouble anormal de voisinage,
- condamner les consorts [X]- [Z] à leur payer la somme de 15 000 € sauf à parfaire lorsque l'évaluation de la perte de valeur de la maison sera devenue possible,
- juger que toute nouvelle construction comportant des vues directes sur le terrain de la société Deniz ne pourra être entreprise pour l'avenir qu'à 8 mètres au moins de la limite séparative entre les deux fonds,
- condamner M. [Q] à payer à la société Deniz la somme de 145 840 € en réparation du préjudice subi par la perte de chance de renoncer à l'acquisition du lot B ou de modifier les conditions de la vente,
- débouter les consorts [X]- [Z] de leurs demandes,
- débouter M. [Q] de ses demandes,
- condamner solidairement les intimés à payer à la société Deniz la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions, les consorts [X]- [Z] prient la Cour de :
- vu les articles 675 et suivants, 1134 et 1382 (devenu 1240) du Code civil , 32-1 et 700 du Code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Deniz et M. [K] de l'intégralité de leurs demandes et en ce qu'il les a condamnés à leur payer la somme de 1 500 €,
- l'infirmer en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles,
- statuant à nouveau :
- condamner solidairement la société Deniz et M. [K] à payer la somme de 3 000 € d'amende civile pour procédure abusive et celle de 5 000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- condamner solidairement la société Deniz et M. [K] ou tout succombant à leur payer la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus,
- à titre subsidiaire : condamner M. [Q] à les garantir de toute condamnation.

Par dernières conclusions, M. [L] [Q] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions le concernant,
- débouter les appelants et les consorts [X]- [Z] de toutes leurs demandes formées contre lui,
- condamner la société Deniz et M. [K] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les 1 500 € accordés par le Tribunal, dépens en sus.

MOTIFS DE LA COUR

L'acte authentique du 17 avril 2014 aux termes duquel la société La Route d'Orléans a vendu à la société Deniz l'ensemble immobilier cadastré AB [Cadastre 1], d'une contenance de 4a 48ca, précise que cette parcelle (lot B au plan ci-annexé) provient de la division d'un immeuble de plus grande importance originairement cadastré section AB [Cadastre 2] d'une contenance de 10a 67ca dont le surplus (lot A), cadastré AB [Cadastre 3] d'une contenance de 6a 16ca, restait appartenir au vendeur.
Au chapitre "Constitution de servitude", l'acte de vente décrit une servitude de vue et non aedificandi réciproque entre les lots A et B, les parcelles AB [Cadastre 1] et [Cadastre 3] étant tour à tour fonds dominant et fonds servant, la définition de la servitude identique dans les deux cas étant énoncée ainsi qu'il suit :

"Servitude de vue et non aedificandi
Le propriétaire du fonds servant constitue au profit du fonds dominant une servitude de vue et non aedificandi.
La servitude de vue et non aedificandi est conventionnellement définie entre les parties comme une servitude interdisant l'édification de toutes sortes de constructions, mêmes enterrées, quelles qu'en soit la destination et la superficie, qu'elles soient temporaires ou définitives, démontables ou non, ainsi que l'installation de voiries et emplacement de stationnement sur tout ou partie de la parcelle grevée de cette servitude.
Cette servitude est consentie à titre gratuit, réel et perpétuel."

Ainsi rédigée, cette clause, qui ne révèle pas l'emprise de la servitude et ne renvoie à aucun plan, ne permet pas d'en déduire qu'elle rend licite la création d'une vue directe à moins de 8 mètres de la limite séparant les fonds.

Le plan de division dressé par la SCP JY Basset, géomètre expert, portant les dates des 25 mars 2014, 30 janvier 2014 et 30 octobre 2013, versé aux débats par M. [Q], qui révèle l'emprise des servitudes réciproques sur les deux lots, n'est pas revêtu de la mention constatant son annexion à l'acte de vente ni de la signature du notaire comme le prévoit l'acte du 17 avril 2014 dans son chapitre "Formalisme lié aux annexes". Ce plan n'est pas signé par les parties à la vente, notamment, par la société Deniz. La connaissance de l'emprise de la servitude de vue par la société Deniz ne résulte ni de la mention dans l'acte du 17 avril 2014 d'un document d'arpentage dressé le 6 mars 2014 par la SCP JY Basset qui aurait été annexé au contrat, ni de celle d'un "plan ci-annexé approuvé par les parties" figurant dans la clause de constitution d'une servitude de passage du même acte, l'existence de ces annexes n'étant pas prouvée. Si le notaire rédacteur a bien adressé à la société Deniz le 18 mars 2014 le projet d'acte de vente, cependant, rien n'indique que le plan de division précité, qui seul révèle l'emprise de la servitude de vue, était joint à cet envoi.

En conséquence, les intimés n'établissent pas que la société Deniz a eu connaissance de l'emprise de la servitude de vue litigieuse, ce que cette dernière dénie.

Toutefois, en l'absence du vendeur, il ne peut être fait droit à la demande de la société Deniz tendant à ce qu'il soit jugé que la parcelle lui appartenant n'est pas grevée d'une servitude de vue, une telle décision équivalant à une annulation de la clause de servitude de vue prévue par le contrat du 17 avril 2014. La société Deniz sera également déboutée de sa demande tendant à faire juger que toute nouvelle construction comportant des vues directes sur son terrain ne pourra être entreprise pour l'avenir qu'à 8 mètres au moins de la limite séparant les deux fonds,

L'existence d'un dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage n'est pas prouvée par la photographie versée aux débats par la société Deniz. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté cette société de sa demande en paiement de ce chef formée contre les consorts [X]-[Z].

S'agissant de la responsabilité du notaire, rédacteur de l'acte de vente du 17 avril 2014, ainsi qu'il vient d'être relevé, M. [Q] n'établit pas que la société Deniz avait connaissance de l'emprise de la servitude de vue lorsqu'elle a signé l'acte de vente. Ce faisant, le notaire n'a pas informé de manière complète et circonstanciée la société Deniz sur la portée de la clause relative à la servitude de vue et, ainsi, a manqué à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il recevait.

La responsabilité de M. [Q] doit donc être retenue, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a débouté la société Deniz de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

La société Denis étant seule partie à l'acte du 17 avril 2014 incluant la servitude de vue à l'origine du litige, la demande de M [U] [K], gérant de cette société, au titre d'un préjudice moral ne peut prospérer.

La SCI Deniz évalue le préjudice qu'elle a subi par la faute du notaire à la perte de chance de renoncer à l'acquisition ou de modifier les conditions de la vente, soit à la perte de la valeur actuelle du bien après les transformations faites soit 20% de la somme de 729 000 € = 145 840 €.

Si la perte de valeur du bien peut être évaluée à 20%, cette perte doit être rapportée à la valeur du bien lors de son acquisition le 17 avril 2014 au prix de 270 000 €, de sorte que le préjudice de la société Deniz doit être évalué à la somme de 54 000 € au paiement de laquelle il y a lieu de condamner M. [Q] à titre de dommages-intérêts..

La procédure intentée par la société Deniz n'étant pas abusive, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [X]-[Z] de leurs demandes sur ce fondement.

Les dépens d'appel sont mis à la charge de M. [Q].

La solution donnée au litige emporte le rejet de la demande M. [Q] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de la SCI Deniz et des consorts [X]-[Z] à l'encontre de M. [Q], sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, mai seulement en ce qu'il a débouté la société Deniz de ses demandes formée contre M. [L] [Q] ;

Statuant à nouveau :

Condamne M. [L] [Q] à payer à la SCI Deniz la somme de 54 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant :

Rejette la demande de la SCI Deniz tendant à ce qu'il soit jugé que la parcelle lui appartenant n'est pas grevée d'une servitude de vue ;

Déboute la SCI Deniz de sa demande tendant à faire juger que toute nouvelle construction comportant des vues directes sur son terrain ne pourra être entreprise pour l'avenir qu'à 8 mètres au moins de la limite séparant les deux fonds ;

Déboute M [U] [K] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne M. [L] [Q] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [L] [Q] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel à payer :

- à la SCI Deniz, la somme de 5 000 €,

- à M. [E] [V] [X] et Mme [I] [Z] la somme de 5 000 €.

Le greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 19/088387
Date de la décision : 05/02/2021
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2021-02-05;19.088387 ?
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