Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 22 JANVIER 2021
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/05640-Portalis 35L7-V-B7D-B7QRD
Décision déférée à la cour : jugement du 22 janvier 2019 -tribunal de grande instance de paris - RG 17/05779
APPELANT
Monsieur Q... C...
[...]
[...]
Représenté par Me Suzy BLANCHEMANCHE de l'AARPI HENRIQUET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0867 substitué par Me Anne MATRIOLET-CHAUSSARD du même cabinet
INTIMES
Maître R... O...
es-qualités de liquidateur judiciaire du Cabinet STRADA ARCHITECTURE dont le siège social est sis au [...] [...]
intimé provoqué
[...]
[...]
n'a pas constitué avocat
Maître K... Y...
ancien notaire associé de la SCP K... Y... et L... P..., notaires associés, depuis lors dénommée SCP L... P... & G... Y..., notaires associés, titulaire d'un office notarial à [...] [...] )
appelant provoqué
[...]
[...]
Représenté par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
Ayant pour avocat plaidant, la SCP MADY-GILLET-BRIAND, avocat au barreau de POITIERS
SA CREDIT FONCIER DE FRANCE
intimée provoquée
[...]
[...]
Représentée par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SCP LEOPOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : R029
Mutuelle MAF - MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
agissant en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège
intimée provoquée
appelante provoquée
[...]
[...]
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Ayant pour avocat plaidant, Me Férouze MEGHERBI, avocat au barreau de PARIS,
SA ACS PATRIMOINE
agissant par son président directeur général
intimée provoquée
[...]
[...]
Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Ayant pour avocat plaidant, Me Christian DELPY, avocat au barreau de BRIVE
SARL IPF
marchand de biens immobiliers, agissant par le ministère de Me R... O..., associés gérant de la SCP [...] dont le siège social est [...]
ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL IPF, désigné par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 18 septembre 2015
[...], [...]
[...]
n'a pas constitué avocat
SARL TPF
promoteur immobilier de logements, agissant par le ministère de la SCP B.T.S.G en la personne de Me S... N... [...]
ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARLU TPF, désignée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 décembre 2016
[...]
[...]
n'a pas constitué avocat
ASL DE LA RÉSIDENCE DU PARC SAINT-JEAN A MONTLUÇON
intimée provoquée
[...]
[...]
n'a pas constitué avocat
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 03 décembre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Claude Creton, président dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier
Arrêt :
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Claude Creton, président et par M. Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
La société IPF, qui a pour unique associée la société Groupe Strada, a acquis à [...] les bâtiments d'une ancienne clinique en vue de leur réhabilitation et de leur transformation en 44 logements. Dans ce but, elle a obtenu le 26 avril 2006 un permis de construire.
Sur le conseil de la société ACS patrimoine, conseiller en gestion de patrimoine, M. C... a conclu le 16 septembre 2010 avec la société IPF un contrat de réservation portant sur les lots numéros [...], [...], [...] et [...] de la copropriété composés d'un appartement, d'une cave et de deux parkings. L'acte de vente a été reçu le 28 décembre 2010 par M. Y..., notaire, au prix de 25 518 euros.
L'association syndicale libre de la résidence du parc Saint-Jean (l'ASL) qui avait été créée le 1er décembre 2008, a décidé le 16 novembre 2011 d'engager les travaux de réhabilitation de l'immeuble pour un prix de 1 525 771,56 euros hors taxes. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société Strada architecture et la réalisation des travaux à la société TPF qui font toutes deux parties du Groupe Strada.
En vue de financer ces travaux, M. C... a souscrit le 29 novembre 2010 auprès du Crédit foncier de France un prêt de 143 874 euros. Il a ensuite réglé à l'ASL, qui lui avait adressé un appel de fonds en vue de l'exécution des travaux, une somme de 25 000 euros.
La société IPF a été placée en redressement judiciaire le 6 septembre 2013 puis en liquidation judiciaire le 18 septembre 2015.
La société TPF a été placée en redressement judiciaire le 14 octobre 2015 et en liquidation judiciaire le 8 décembre 2016.
La société Strada architecture a été placée en liquidation judiciaire le 10 avril 2015.
Les travaux n'ayant pas été réalisés, M. C... a assigné la société IPF représentée par son mandataire judiciaire, M. Y... et la société TPF en nullité de la vente et en paiement de dommages-intérêts.
M. C... a appelé en intervention forcée la société Strada architecture représentée par son mandataire liquidateur, son assureur, la société Mutuelle des architectes français assurance (la MAF), l'ASL, la société ACS patrimoine et le Crédit foncier de France.
Dans ses dernières conclusions, M. C... a sollicité la nullité de la vente et la condamnation :
in solidum de M. Y... et de la société IPF à lui payer :
- la somme de 25 518 euros correspondant au prix de vente ;
- la somme de 1 299 euros correspondant aux droits de mutation ;
- la somme de 3 501 euros correspondant aux frais de l'acte ;
in solidum de M. Y..., de la société IPF et de la société TPF à lui payer la somme de 25 000 euros qu'il a réglée en paiement des travaux ;
in solidum de M. Y..., de la société IPF, de la société TPF et de la société ACS patrimoine à lui payer :
- la somme de 24 720 euros au titre de la perte de loyers ;
- la somme de 15 795 euros au titre de la perte des avantages fiscaux ;
- la somme de 12 336 euros correspondant aux frais qu'ils a engagés ;
- la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral.
de toute partie succombante à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a en outre sollicité :
la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société IPF d'une créance de 158 168,06 euros ;
la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société TPF d'une créance de 127 851,06 euros.
A l'appui de sa demande de nullité de l'acte de vente, M. C... a fait valoir que les sociétés Strada architecture, IPF, TPF et l'ASL sont toutes l'émanation de la société Groupe Strada, qu'ainsi celle-ci, qui a vendu l'appartement par l'intermédiaire de la société IPF, est le véritable maître de l'ouvrage et non pas l'ASL, que la vente portait sur l'existant en prévoyant la réalisation de travaux et qu'en conséquence il s'agissait d'une vente en l'état futur d'achèvement qui encourt la nullité faute de respecter les prescriptions légales d'ordre public la régissant.
Il a reproché au notaire un manquement à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte pour avoir rédigé les statuts de l'ASL alors qu'il savait que le véritable maître de l'ouvrage était la société IPF, avoir reçu l'acte de vente alors que le permis de construire était périmé et avoir reçu un acte de vente au lieu d'une vente en l'état futur d'achèvement. Il lui a en outre reproché un manquement à son obligation de conseil en n'attirant pas son attention sur le fait que très peu de lots avaient été vendus et qu'en conséquence le financement des travaux ne pourrait être assuré, enfin pour ne pas s'être assuré qu'une assurance dommage-ouvrage avait été souscrite.
M. C... a reproché à la société IPF de se dissimuler derrière l'ASL pour ne pas apparaître comme maître de l'ouvrage et ne pas intégrer au prix de vente le coût des travaux pour transformer ce qui constituait une vente en l'état futur d'achèvement en une vente simple suivie d'un contrat d'entreprise afin d'échapper à la réglementation sur la vente en l'état futur d'achèvement.
Sur la responsabilité de la société TPF, il a fait valoir que celle-ci a perçu des fonds sans achever les travaux et a abandonné le chantier.
Enfin, sur la responsabilité de la société ACS patrimoine, il a reproché à celle-ci de ne pas l'avoir informé des risques de l'opération dont la bonne fin reposait sur la réalisation des travaux alors qu'aucune garantie d'achèvement n'avait été souscrite.
Par jugement du 22 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré les demandes de M. C... recevables mais l'a débouté de sa demande de nullité de la vente et de ses demandes en paiement de dommages-intérêts formées contre M. Y..., la société IPF, la société TPF. Il a déclaré partiellement bien fondée la demande de M. C... contre la société ACS patrimoine qu'il a condamnée à lui payer :
- la somme de 475 euros correspondant aux frais de dossier ;
- la somme de 3 979,50 euros correspondant aux taxes foncières de 2013 à 2017 ;
- la somme de 1 250 euros en réparation de son préjudice moral ;
- la somme de 3 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais de publicité foncière et de constat d'huissier.
Pour écarter la demande de nullité de la vente, le tribunal a constaté que c'est postérieurement à la conclusion de la vente que l'ASL a pris la décision de confier les travaux de réhabilitation de l'immeuble à la société TPF, que si au jour de la vente la société IPF était majoritaire au sein de l'ASL, cette situation n'avait pas vocation à perdurer et qu'ainsi il n'était pas acquis que la société TPF et la société Strada architectures seraient désignées pour réaliser les travaux. Il en a déduit que si les sociétés IPF, TPF et Strada architecture entretenaient des liens étroits avec la société Groupe Strada, il n'en résulte pas que la société IPF s'était engagée à réaliser les travaux et donc que la vente litigieuse était en réalité une vente en l'état futur d'achèvement.
Sur la responsabilité de M. Y..., le tribunal a ajouté que le vendeur n'ayant pas à réaliser les travaux, le notaire n'avait pas à s'assurer de l'existence d'une assurance dommage-ouvrage, qu'il n'avait pas à conseiller M. C... sur l'opportunité économique de l'opération, notamment en raison du faible nombre d'acquisition de lots alors qu'en outre il ne pouvait présumer que les autres lots ne seraient pas vendus et que les travaux ne pourraient être financés.
Le tribunal a cependant retenu que M. Y... avait commis une faute en n'informant pas M. C... de la péremption du permis de construire. Expliquant que le préjudice causé par cette faute devait s'analyser une perte de chance de ne pas contracter, il a écarté l'existence de ce préjudice au motif que M. C... s'était engagé par un acte sous seing privé à acquérir le bien litigieux, de sorte qu'au jour de la conclusion de l'acte de vente, il n'avait plus la liberté de refuser de contracter.
Pour écarter la responsabilité de la société IPF, le tribunal a retenu que celle-ci n'avait pas commis de faute dès lors que M. C... a acquis le bien en sachant que des travaux devaient ensuite être décidés par l'ASL.
Pour écarter la responsabilité de la société TPF, il a expliqué qu'il n'est établi ni que l'ASL avait conclu avec elle un marché de travaux ni qu'elle a perçu des sommes en paiement de ces travaux.
Enfin, pour retenir la responsabilité de la société ACS patrimoine, le tribunal a retenu que celle-ci avait commis une faute pour n'avoir pas informé M. C... sur les risques de l'opération dans le cas où les travaux ne pourraient être réalisés. Il a retenu que le préjudice causé par cette faute consistait en une perte de chance de ne pas contracter, a évalué cette chance à 50 % et a fixé le préjudice à la somme de 5 704,50 euros compte tenu des frais de dossier de crédit immobilier d'un montant de 950 euros, des taxes foncières réglées de 2013 à 2017 d'un montant total de 7 959 euros et du préjudice moral évalué à 2 500 euros.
M. C... a interjeté appel de ce jugement.
Il explique d'abord que les sociétés IPF, TPF et Strada architecture sont des filiales, chacune spécialisée dans une activité, de la société Groupe Strada qui est une holding opérant dans le domaine de la défiscalisation de biens immobiliers anciens éligibles à des régimes fiscaux spéciaux. Il ajoute que les travaux de réhabilitation étaient envisagés dès la conclusion de la vente et devaient être réalisés par la société Groupe Strada sous le couvert de l'ASL permettant à la société IPF, vendeur-promoteur, de réaliser les travaux et qu'ainsi, en scindant artificiellement la vente de l'existant et la réalisation des travaux, nominalement transmise à un tiers (l'ASL), la société IPF s'est frauduleusement soustraite à la qualification de vente d'immeuble à construire et aux garanties légales protectrices des acquéreurs.
M. C... soutient ensuite qu'est engagée la responsabilité de la société IPF qui a dissimulé sa qualité de maître de l'ouvrage en utilisant un artifice par la création de l'ASL dont elle était la dirigeante. Il ajoute que le coût des travaux a été délibérément exclu du prix de vente dans le seul but d'échapper à la qualification de vente en l'état futur d'achèvement.
M. C... reproche ensuite au notaire :
- d'avoir manqué à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte pour avoir dressé un acte de vente de droit commun alors qu'il s'agissait d'une vente en l'état futur d'achèvement ;
- d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil faute de s'être assuré que le permis de construire était toujours valable alors qu'il était périmé.
Au titre de l'indemnisation de son préjudice, il réclame la condamnation du notaire à la
restitution du prix de vente dès lors que la société IPF est insolvable et la réparation du préjudice causé par la perte de chance de ne pas contracter.
M. C... recherche enfin la responsabilité de la société TPF qui a encaissé les fonds réglés à l'ASF pour financer les travaux qui sont affectés de malfaçons et n'ont pas été achevés.
M. C... demande en conséquence à la cour de :
- prononcer la nullité de la vente du 28 décembre 2010 et ordonner les restitutions subséquentes ;
- déclarer la société IPF, la société TPF et M. Y... responsables ;
- condamner in solidum M. Y... et la société IPF à lui payer :
la somme de 25 518 euros au titre de la restitution du prix de vente ;
la somme de 37 080 euros au titre de la perte de loyers ;
la somme de 10 817,50 euros au titre de la perte des avantages fiscaux ;
la somme de 10 817,50 euros correspondant aux sommes engagées durant l'opération ;
la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- condamner in solidum M. Y..., la société IPF et la société TPF à lui payer la somme de 25 000 euros correspondant aux sommes versées en vue de la réalisation des travaux non réalisés ;
- condamner la société TPF à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société IPF à la somme de 132 369,50 euros ;
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société TPF à la somme de 30 000 euros ;
- condamner M. Y... à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... conclut principalement à la confirmation du jugement en ce qu'il déboute M. C... des demandes formées à son encontre et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans le cas où des condamnations seraient prononcées à son encontre, reprochant à l'ASL, au Crédit foncier de France, à la société ACS patrimoine et à la société Strada architecture d'avoir manqué à leurs obligations, il sollicite la condamnation in solidum de l'ASL, du Crédit foncier de France et de la société MAF, assureur de la société Strada architecture, à le garantir de ces condamnations et à lui payer une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il conteste d'abord avoir commis une faute. Il explique n'avoir pas participé aux négociations entre M. C..., la société ACS patrimoine et la société IPF qui ont conduit à la conclusion d'une promesse synallagmatique de vente entre la société IPF et M. C... qui s'est engagé hors sa présence, de sorte qu'il ne peut lui être reproché aucun manquement. Il ajoute que M. C... reprochant le défaut de rentabilité de l'opération qui ne lui a pas procuré les avantages espérés, cette situation de relève pas de la responsabilité du notaire qui n'est pas tenu d'une obligation de conseil et de mise en garde quant à l'opportunité économique de l'opération puisque son échec peut résulter de multiples facteurs qu'il n'est pas en mesure d'apprécier.
M. Y... soutient en outre que la vente ne relevait pas du régime de la vente d'immeuble à construire dès lors que les travaux de transformation de l'immeuble vendu n'étaient pas à la charge de la société IPF mais des acquéreurs par l'intermédiaire de l'ASL, qui avait pour objet la restauration de l'immeuble, dont ils étaient devenus membres au moment de l'acquisition de leurs lots. Il indique qu'il est à ce titre indifférent que les travaux aient été confiés à la société TPF et à la société Strada architecture qui font partie du même groupe que la société IPF sauf à nier le principe de l'autonomie des personnes morales. Il soutient en outre que le bénéfice de la "loi Malraux" justifiait d'exclure la conclusion d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement.
Sur le préjudice, M. Y... fait valoir que les préjudices allégués par M. C... procèdent du seul défaut d'achèvement des travaux de réhabilitation de l'immeuble, dont l'ASL avait la charge et dont la société Strada architecture assurait le suivi. Il ajoute qu'il appartenait à la société ACS patrimoine, conseil en gestion de patrimoine, d'informer M. C... lors de la conclusion du contrat préliminaire des risques de l'opération et qu'une telle obligation pesait également sur le Crédit foncier de France qui devait en outre s'assurer de l'avancement des travaux au fur et à mesure du déblocage des fonds. Il conclut en conséquence à l'absence de lien de causalité entre ces préjudices et son intervention alors qu'en outre M. C... s'est abstenu d'engager une action contre ces différents intervenants.
M. Y... explique ensuite que la restitution du prix de vente n'est pas un préjudice indemnisable par le rédacteur de l'acte, qu'en cas d'annulation de la vente M. C... est fondé à obtenir remboursement par l'administration fiscale des droits de mutation en application des dispositions de l'article 1961 du code général des impôts, que la somme de 25 000 euros versée par M. C... en vue de la réalisation des travaux et la perte de loyers ne relèvent pas de la garantie d'achèvement qui assortit une vente en l'état futur d'achèvement, que la perte des avantages fiscaux ne peut donner lieu à indemnisation dans le cas de l'annulation de l'opération qui permettait d'en bénéficier, qu'il appartenait à l'ASL de souscrire une assurance dommage ouvrage.
La société MAF conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il la met hors de cause.
Elle soutient d'abord qu'il n'est produit aucune pièce contractuelle ni un quelconque élément établissant l'intervention de la société Strada architecture dans la réalisation du projet ;subsidiairement qu'il n'est pas justifié qu'elle est l'assureur de cette dernière ; à titre plus subsidiaire qu'une faute de la société Strada architecture en lien avec les préjudices subis par M. C... n'est pas démontrée ; que plus subsidiairement encore qu'elle a résilié le contrat d'assurance la liant à la société Strada architecture avec effet au 31 décembre 2013, celle-ci ayant souscrit une nouvelle police d'assurance avec la société Alpha insurance avec effet au 1er janvier 2014 ; infiniment subsidiairement que sa garantie n'est pas due dès lors que la société Strada architecture a participé à la réalisation matérielle des travaux sans l'en informer, ce qui a aggravé le risque assurantiel ; à titre encore plus infiniment subsidiaire, que s'agissant d'un risque unique et sériel, s'applique le plafond unique de 500 000 euros qui est épuisé ; enfin, que les préjudices invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
Elle demande en tout état de cause à être garantie par M. Y... et par le Crédit foncier de France.
Elle réclame en outre la condamnation de tous succombants à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Crédit foncier de France conclut d'abord à l'irrecevabilité de l'appel en garanti de M. Y... pour défaut d'intérêt à agir dès lors qu'il invoque à son encontre des manquements à ses obligations contractuelles qui ne sont pas invoqués par l'appelant principal.
Il conclut ensuite à la prescription de l'action formé contre elle au delà du délai de cinq ans suivant la date de conclusion du contrat.
A titre subsidiaire, il conteste un manquement à ses obligations. Il fait valoir qu'il n'était pas tenu à mise en garde de M. C... en l'absence de disproportion du crédit à son patrimoine et à ses revenus, ce qui excluait tout risque de surendettement. Il soutient que son rôle s'est limité à la fourniture des fonds, de sorte qu'il n'était pas tenue à une obligation de conseil sur l'opération de défiscalisation et sur les risques de l'opération immobilière.
La société ACS patrimoine conclut au rejet des demandes formées à son encontre par la société MAF et par M. Y... et à la condamnation de ceux-ci à lui payer chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
1 - Sur les actions de M. C... contre la société IPF
- Sur la nullité du contrat
Attendu que selon l'article L. 261-1 du code de la construction et de l'habitation la vente d'immeuble à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat ; que lorsque, le contrat a pour objet le transfert de propriété d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation comportant l'obligation pour l'acheteur d'effectuer des versements ou des dépôts avant l'achèvement de la construction, il doit, à peine de nullité, revêtir la forme de contrats prévus aux articles L. 261-2 et L. 261-3 du code de la construction et de l'habitation ; qu'enfin, lorsque il y a transfert immédiat des droits sur le sol ainsi que sur la propriété des constructions existantes, que les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution et que l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux, le vendeur conservant en outre la maîtrise de l'ouvrage jusqu'à l'achèvement des travaux, le contrat constitue une vente en l'état futur d'achèvement.
Attendu qu'en l'espèce il apparaît que la société IPF ne s'est pas bornée à réaliser une simple opération de vente de locaux à rénover en vue d'un usage d'habitation, mais s'est comportée en véritable gestionnaire de l'opération immobilière sur la base d'un projet qu'elle avait seule conçu qui prévoyait des travaux assimilables à une reconstruction de l'immeuble pour un coût très supérieur à celui du prix d'acquisition des différents lots ; qu'en effet, la société IPF avait obtenu le 26 avril 2006 de la commune un permis de construire en vue de la réalisation de travaux de "Changement d'affectation de locaux" et de la "Transformation ancienne clinique en 44 logements sur un terrain sis : [...] " ; que le descriptif sommaire des travaux qu'elle a ensuite établi vise les travaux suivants : démolition-VRD-gros oeuvre, toiture (charpente, couverture, zinguerie, étanchéité), façades, cloisons-doublages-plâtrerie, menuiseries, électricité -chauffage, VMC, plomberie-sanitaires, revêtements de sol, peinture" ; qu'une information émise par le groupe Strada décrit l'opération réalisée à Montluçon en indiquant qu'elle a pour objet "une réhabilitation de l'ancienne clinique" afin "d'y réaliser une résidence de quarante-quatre logements" prévoyant "de lourds travaux (...) notamment pour la structure" et une livraison "au quatrième trimestre 2012" ; que par lettre du 26 juillet 2010, soit avant la vente à M. C..., la société Groupe Strada avait informé la société ACS patrimoine des délais prévus pour la réalisation des travaux ; que si la décision d'effectuer les travaux a été prise par l'ASL, il apparaît que celle-ci n'avait aucune autonomie par rapport à la société IPF dont elle était l'émanation, ce que révèle le fait qu'elle avait le même siège que celui du Groupe Strada à Montpellier où se tenaient ses assemblées générales, que la présidence de l'association était assurée par un responsable du Groupe Strada et que son pouvoir décisionnel était entre les mains de la société IPF qui, en sa qualité de copropriétaires de plusieurs lots, détenait la majorité des voix et disposait de procurations de l'ensemble des autres copropriétaires qui n'avaient en réalité aucune liberté dans le choix des décisions à prendre ; qu'en effet, la décision prise par l'assemblée générale du 16 novembre 2011 qui a approuvé le marché de travaux s'imposait à elle puisque les contrats d'entreprise et de maîtrise d'oeuvre proposés avaient été négociés par la société IPF sur la base de son projet de restructuration du bâtiment avec la société TPF qui a été désignée pour réaliser les travaux et la société Strada architecture qui a été désignée pour en assurer la maîtrise d'oeuvre, ces sociétés qui font toutes deux parties du groupe Strada ayant été les seules, à l'initiative de la société IPF, à avoir déposé un projet de contrat soumis à la décision de l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'il est ainsi établi que si la société IPF n'avait pas pris l'engagement formel de réaliser les travaux, la vente a été conclue alors que celle-ci avait conçu le projet de restructuration de l'immeuble en vue de sa transformation en logements avec le projet d'en assurer l'exécution par l'entremise de l'ASL qu'elle avait mise en place dans le but d'en assurer le contrôle, ainsi que de la société Strada architecture et de la société TPF qui faisaient toutes deux parties de son groupe, ce qui lui permettait de conserver la maîtrise de l'ouvrage jusqu'à l'achèvement des travaux ; qu'en outre, le financement des travaux était à la charge de l'acquéreur à qui a été adressé des appels de fonds, le premier d'un montant de 56 472 euros du 29 novembre 2011 ;
Attendu que si le bénéfice des avantages fiscaux procurés par la "loi Malraux" permettant une diminution du revenu imposable est incompatible avec la conclusion d'une vente en l'état futur d'achèvement, cette motivation fiscale, si elle peut expliquer le choix de réaliser la vente en dehors du dispositif applicable à une telle vente, n'est pas de nature à éluder la qualification de vente en l'état futur d'achèvement dès lors que ses conditions sont réunies ;
Attendu que dans ces conditions, la vente litigieuse devait impérativement être soumise aux dispositions réglementant le contrat de vente en l'état futur d'achèvement ; qu'à défaut, la vente doit être déclarée nulle ; que la créance de restitution du prix qui naît à la date de la décision annulant la vente, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société IPF ; que cependant, cette créance n'est pas utile à la procédure et devait donc être soumise à déclaration par son créancier ; qu'à défaut, l'action de M. C... est irrecevable ;
- Sur les demandes en paiement de dommages-intérêts
Attendu que suite au placement de la société IPF en redressement judiciaire le 6 septembre 2013 puis en liquidation judiciaire le 18 septembre 2015, est interdite en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce l'action engagée en 2015 par M. C... pour obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts dont le fait générateur, qui se situe à la date de conclusion du contrat de vente, est antérieur à l'ouverture de la procédure collective ; que cette action est donc irrecevable ;
2 - Sur l'action de M. C... contre M. Y...
Attendu que le notaire à le devoir d'assurer la protection des intérêts de l'ensemble des parties à l'acte qu'il a la charge de dresser ; qu'il doit s'assurer que la qualification proposée par l'une des parties est conforme à son objet ;
Attendu que M. Y..., qui était le notaire habituel de la société IPF et a reçu tous les actes de vente portant sur les opérations immobilières commercialisées par cette société, avait à ce titre connaissance des motifs des parties, spécialement les objectifs fiscaux poursuivis par l'acquéreur qui conduisaient à exclure par principe la conclusion d'une vente en l'état futur d'achèvement, ainsi que du rôle que le groupe Strada entendait tenir dans la réalisation de l'opération de restructuration de l'immeuble au travers de ses filiales ; qu'il ne pouvait donc ignorer que la vente conclue avec M. C... n'avait été conclue sous la forme d'une vente classique que pour permettre la réalisation de ces objectifs alors qu'elle portait sur les lots d'un immeuble qui devait subir une réhabilitation lourde dans des conditions qui devaient le conduire à s'interroger sur le rôle et la qualité des différents opérateurs, notamment sur le véritable maître d'ouvrage des travaux ; qu'ainsi la question de la soumission de cette vente au régime de la vente en l'état futur d'achèvement était déterminante et ne pouvait être éludée sans avoir attiré l'attention de l'acquéreur sur les risques que lui faisait courir l'opération immobilière dans laquelle il s'engageait en le privant des garanties dont lui permettait de bénéficier la conclusion d'une vente en l'état futur d'achèvement ;
Attendu que la faute du notaire est ainsi établie pour avoir manqué d'une part à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte afin que celui-ci assure non seulement la réalisation de l'opération poursuivie par les parties mais également leur sécurité juridique, spécialement celle de l'acquéreur profane ; qu'est également caractérisée un manquement à son obligation de conseil ; que le préjudice causé par cette faute est constitué par la perte de chance subie par M. C... de refuser d'acquérir le bien aux conditions de l'acte qui a exclu le régime protecteur de la vente en l'état futur d'achèvement ; qu'il convient de fixer cette perte de chance à 50 % ;
Attendu, sur le préjudice constitué par les débours effectués par M. C... à la suite de la conclusion du contrat, que la somme de 1 299 euros correspondant aux droits de mutation pourra donner lieu à restitution par l'administration fiscale en application de l'article 1961 du code général des impôts ; que ces droits de mutation ne constituent donc pas un préjudice indemnisable ; qu'il en est de même de la somme de 475 euros réglée par M. C... au titre des frais de dossier du prêt consenti par le Crédit foncier de France dès lors que l'annulation de la vente permet à M. C... d'invoquer la caducité du contrat de prêt conclu pour financer l'opération ; qu'il y a lieu en revanche de condamner M. Y..., à proportion de la perte de chance subie par M. C... de conclure la vente, à l'indemniser des préjudices constitués par les frais de l'acte de vente (3 501 euros) et les taxes foncières (5 542,50 euros) ;
Attendu que M. Y... est également responsable, également à proportion de cette perte de chance, du préjudice causé à M. C... qui a versé à perte une somme de 25 000 euros au titre des travaux de réhabilitation de l'immeuble ;
Attendu qu'en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente M. C... n'est pas fondé à réclamer l'indemnisation des préjudices constitués par la perte des loyers qu'aurait procurée la location de l'appartement et des avantages fiscaux liés à l'opération immobilière ; qu'en tout état de cause, M. C... n'aurait pu bénéficier des avantages fiscaux de la loi Malraux sous l'empire d'une vente en l'état futur d'achèvement ;
Attendu, en outre, que l'échec de cette opération a causé à M. C... un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à 10 000 euros ;
Attendu, enfin, que dès lors qu'en raison de son insolvabilité le prix de vente ne sera pas restitué par la société IPF, M. Y... doit être condamné à garantir cette restitution qui est la conséquence de l'annulation de la vente consécutive à la faute du notaire qui a reçu un acte dont la qualification n'était pas conforme à la réalité de l'opération ;
3 - Sur l'action de M. C... contre la société TPF
Attendu que la société TPF a été placée en redressement judiciaire le 14 octobre 2015 et en liquidation judiciaire le 8 décembre 2016 ; que la créance indemnitaire réclamée par M. C... résulte d'un contrat conclu et exécuté avant l'ouverture de la procédure collective et donc soumise à déclaration au passif de la procédure ; que M. C... ne justifiant pas avoir déclaré sa créance dans le délai légal ou obtenu un relevé de forclusion, son action contre la société TPF est irrecevable ;
4 - Sur les appels en garantie de M. Y... contre l'ASF, le Crédit foncier de France, la société ACS patrimoine et la MAF
Attendu que la société IPF ayant été placée en redressement judiciaire le 6 septembre 2013 et en liquidation judiciaire le 18 septembre 2015, l'action de M. Y... contre la société IPF engagée postérieurement est interdite en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce ;
Attendu que M. Y... ne justifie d'aucune faute de l'ASF qui s'est bornée à passer commande des travaux nécessaire à la réhabilitation de l'immeuble ;
Attendu que le point de départ du délai de prescription de cinq ans de l'action engagée par M. Y... contre le Crédit foncier de France se situe à la date à laquelle il a été mis en cause par M. C..., soit le 21 avril 2015 ; que son action est donc recevable, que cependant elle est mal fondée en l'absence de preuve d'un manquement du Crédit foncier de France à son devoir de mise en garde alors qu'en outre il n'était tenu d'aucune obligation de conseil sur l'opportunité et les risques de l'opération qu'il finançait ;
Attendu que le recours de M. Y... contre la MAF est fondé sur la faute reprochée à la société Strada architecture en raison de l'inachèvement des travaux et des malfaçons dont ils sont affectés ; qu'il n'est cependant produit aucun élément établissant un manquement de la société Strada architecture ; qu'il convient en conséquence de débouter M. Y... de son recours contre la MAF ;
Attendu que M. Y... n'apporte aucun élément de nature à établir une faute de la société ACS patrimoine ; que le recours formé contre celle-ci doit donc être rejeté ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il déboute M. C... de ses demandes :
- tendant à l'annulation de la vente ;
- tendant à la condamnation in solidum de M. Y... et de la société IPF, à la condamnation in solidum de M. Y... et de la société TPF ainsi qu'à la condamnation in solidum de M. Y..., de la société IPF et de la société TPF à lui payer certaines sommes ;
- à la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société IPF et au passif de la liquidation judiciaire de la société TPF ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Annule le contrat de vente conclu le 29 décembre 2010 entre M. C... et la société IPF ;
Déclare M. Y... responsable des préjudices subis par M. C... dans la proportion de 50 % correspondant à la perte de chance de ne pas contracter causée par la faute de M. Y... ;
Le condamne en conséquence à payer à M. C... :
- la somme de 1 750,50 euros correspondant aux frais de l'acte de vente ;
- la somme de 2 771,25 euros correspondant aux taxes foncières ;
- la somme de 12 500 euros au titre des sommes versées par M. C... à la société TPF en vue de la réalisation des travaux de rénovation de l'immeuble ;
- la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Déboute M. C... du surplus de ses demandes indemnitaires contre M. Y... ;
Condamne M. Y... à payer à M. C... la somme de 25 518 euros au titre de la restitution du prix de vente ;
Déclare irrecevable la demande en restitution du prix de vente et l'action en responsabilité engagée par M. C... contre la société IPF ;
Déclare irrecevable l'action en responsabilité engagée par M. C... contre la société TPF ;
Déboute M. Y... de son action contre le Crédit foncier de France, l'association syndicale libre de la résidence du parc de Saint-Jean à Montluçon, la société ACS patrimoine et la Mutuelle des architectes de France ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. C... la somme de 5 000 euros et rejette les autres demandes ;
Condamne M. Y... aux dépens.
Le greffier, Le président,