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12/01/2021 | FRANCE | N°19/09565

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 12 janvier 2021, 19/09565


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 12 JANVIER 2021



(n° / 2021, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09565 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74WG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/00456





APPELANT



Maître [E] [I]

Né le [Date naissance 1] 1948 à

[Localité 3]

Demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté de Me Jean-Pierre ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 12 JANVIER 2021

(n° / 2021, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09565 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74WG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/00456

APPELANT

Maître [E] [I]

Né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 3]

Demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté de Me Jean-Pierre FABRE de l'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R044,

INTIMÉE

SAS NOVELTY FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS d'EVRY sous le numéro 419 822 408

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Marilyn HAGEGE, avocate au barreau de PARIS, toque : D0139,

Assistée de Me Alexandra CHILOUX, avocate au barreau de PARIS, toque : D0139

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l' article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2020, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'auidence par Madame [M] [V] dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La société Alexandre III, qui exerçait une activité de concerts, soirées spectacles et boîte de nuit, a bénéficié jusqu'en décembre 2016 d'une convention d'occupation consentie par la Ville de [Localité 3].

Le 15 mars 2014, elle a conclu un contrat avec la société Novelty France ('la société Novelty') aux termes duquel cette dernière s'est engagée à lui mettre à disposition du matériel d'éclairage et de sonorisation moyennant un loyer annuel de 12.000 euros hors taxe ramené à 10.000 euros hors taxe en juin 2014.

Le 21 janvier 2016, la société Novelty a fait assigner la société Alexandre III en référé en résiliation dudit contrat et paiement de l'arriéré de loyer et de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée.

Saisi par M. [P] [O] et la société VFE III dans le cadre d'un litige portant sur l'identité des propriétaires des parts sociales de la société Alexandre III et par ordonnance de référé du 23 février 2016, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné Maître [I] en qualité d'administrateur provisoire de la société Alexandre III avec pour mission de gérer et d'administrer la société avec les pouvoirs les plus étendus.

Le 13 avril 2016, le juge des référés a entériné l'accord intervenu entre la société Novelty et la société Alexandre III, Maître [I] intervenant en sa qualité d'administrateur provisoire, en faveur d'une poursuite du contrat, la société Novelty renonçant à sa demande de résiliation, la société Alexandre III reconnaissant devoir la somme de 186.347,64 euros au titre des loyers échus au 30 avril 2016 et des délais de paiement permettant à la société Alexandre III de régler l'arriéré en 12 échéances mensuelles.

En juin 2016, le local exploité par la société Alexandre III a été inondé en raison d'une crue de la Seine.

Sur assignation de l'Urssaf du 27 janvier 2014 et par jugement du 29 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Alexandre III, avec une période d'observation de deux mois, Maître [I] étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire avec pour mission d'assurer seul l'administration de l'entreprise.

Par courrier du 30 septembre 2016, Maître [I] a résilié le contrat de location avec la société Novelty. L'essentiel du matériel a été restitué le 18 novembre 2016, le surplus faisant l'objet d'une indemnité mensuelle d'utilisation de 5.000 euros versée par la société Alexandre III, qui avait repris son activité le 14 octobre 2016.

Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal a converti la procédure en liquidation judiciaire et maintenu l'activité jusqu'au 28 février 2017.

Le reste du matériel loué a été restitué à la société Novelty France le 28 février 2017.

Reprochant à Maître [I] des fautes tenant aux faits d'avoir pris des engagements, en sa qualité d'administrateur provisoire, de reprendre le paiement du loyer courant et de l'arriéré sans les tenir et sans la prévenir, d'avoir, en sa qualité d'administrateur judiciaire, laissé le contrat se poursuivre en toute connaissance que la société n'était pas en mesure de payer les loyers courants, et d'avoir permis l'utilisation d'un matériel sensible sans s'assurer de sa sécurité, la société Novelty France a assigné Maître [I], par acte du 11 janvier 2018, devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de la somme principale de 176.612,40 euros.

Par jugement du 3 avril 2019, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a condamné Maître [I] à payer à la société Novelty la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts, débouté la société Novelty du surplus de ses demandes indemnitaires, condamné Maître [I] aux dépens ainsi qu'à payer à la société Novelty la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré qu'aucun manquement n'était susceptible d'être retenu à l'encontre de Maître [I] en sa qualité d'administrateur provisoire mais que Maître [I] avait commis une faute, en sa qualité d'administrateur judiciaire, en ne résiliant le contrat que le 30 septembre 2016 et qu'il en résultait un préjudice constitué de la perte de chance de relouer plus tôt le matériel et évalué à 30.000 euros. Le tribunal a également considéré que la société Novelty ne rapportait pas la preuve de l'absence de récupération de son matériel ni celle d'une faute de Maître [I] dans le délai écoulé pour la restitution du matériel ni celle de la détérioration du matériel restitué ni celle d'une faute de Maître [I] quant à l'état de ce matériel.

Par déclaration du 2 mai 2019, Maître [I] a fait appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 juillet 2019, Maître [I] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Novelty la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts ainsi que la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de débouter la société Novelty de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Novelty du surplus de ses demandes indemnitaires, de condamner la société Novelty à lui verser, personnellement, une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 octobre 2019, la société Novelty demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que Maître [I] avait commis une faute dans l'exercice de ses fonctions et l'a condamné à lui verser des dommages-intérêts , de le réformer en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts à 30.000 euros, statuant à nouveau de condamner Maître [I] à lui payer la somme de 176.612,4 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi et celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur les fautes :

Sur les fautes reprochées en qualité d'administrateur provisoire :

La société Novelty soutient que Maître [I] s'était engagé à reprendre le paiement du loyer et à verser la somme de 13.628,97 euros par mois, pendant un an, afin de rembourser la dette de la société Alexandre III mais qu'il n'a pas honoré cet engagement sans lequel le contrat aurait été résilié dès le 13 avril 2016. Elle fait valoir qu'étant seul habilité à représenter et gérer la société Alexandre III à compter du 23 février 2016, Maître [I] a engagé son administrée et sa responsabilité comme tout dirigeant de société.

Maître [I] réplique qu'aucune faute ne lui est imputable pendant cette période d'administration provisoire. Il fait valoir qu'en cette qualité, il ne peut être tenu personnellement du paiement des loyers contractuellement dus par la société Alexandre III, qu'il a répondu à une proposition d'apurement échelonné de la dette de la société Novelty, qu'en l'état, il lui était impossible de s'engager faisant ainsi preuve de prudence, que la société Novelty a consenti devant le juge des référés aux délais de paiement sollicités et souverainement accordés par le juge, qu'à réception du rapport de l'expert-comptable à la fin du mois de mai 2016, il a pu constater l'état de cessation des paiements et demandé au tribunal le prononcé de la liquidation judiciaire.

Maître [I] a été désigné comme administrateur provisoire de la société Alexandre III le 23 février 2016 alors que celle-ci avait déjà été assignée par la société Novelty aux fins de résiliation du contrat et de paiement d'un arriéré locatif conséquent d'un montant de 126.347,64 euros le 21 janvier précédent. Il a été assigné devant le juge des référés le 11 mars 2016.

Dès le 21 mars 2016, le conseil de la société Novelty a fait part à Maître [I] de la volonté du précédent conseil de la société Alexandre III de procéder à un règlement amiable, a proposé un tel règlement en soumettant à son interlocuteur un projet de protocole d'ores et déjà signé par la société Novelty, la condition d'un accord étant que sa signature intervienne avant le 31 mars. Par courrier du 24 mars 2016, Maître [I] a répondu être dans l'impossibilité de s'engager tant qu'il ne disposerait pas des informations comptables de la société qu'il avait sollicitées.

L'ordonnance de référé du 13 avril 2016 indique que les parties sont parvenues à un accord par lequel la société Novelty renonce à ses demandes relatives à la résiliation du contrat, Maître [I] ès qualités reconnaît devoir la somme de 186.347,64 euros au titre des loyers échus jusqu'au 30 avril 2016 et sollicite des délais de paiement qui sont acceptés par la société Novelty. Elle prend acte du règlement des loyers de mars et avril 2016, condamne la société Alexandre III au paiement de la somme de 186.347,64 euros et l'autorise à s'acquitter de sa dette en 12 mensualités.

Il ne résulte pas de ces éléments que Maître [I] a pris un engagement personnel de régler l'arriéré locatif.

En outre, aucun projet de protocole ou protocole signé par les deux parties n'est produit aux débats. Tenu d'agir au mieux des intérêts de la société qu'il administrait, Maître [I] a obtenu des délais de paiement dans les termes acceptés par la société Novelty, laquelle avait été avertie par Maître [I], auquel elle avait adressé un projet de protocole à signer avant le 31 mars 2016, qu'il ne pouvait s'engager faute d'éléments comptables. Comme l'ont retenu les premiers juges, il n'y a pas lieu de déduire du seul non respect de l'échéancier fixé une faute de l'administrateur provisoire quant à l'acceptation de l'accord, dont les termes ont été repris par le juge des référés, dans la mesure où il n'en est pas à l'initiative et où il lui appartenait de garantir le maintien de l'activité exercée par la société Alexandre III pour laquelle la poursuite du contrat était indispensable et ce, dans l'attente d'éléments précis sur la situation comptable et financière de la société. Enfin, à l'audience devant le tribunal de commerce du 21 juin 2016 appelé à statuer sur la demande d'ouverture d'une procédure collective formée par l'Urssaf, Maître [I] a demandé la liquidation judiciaire de la société Alexandre III soulignant, à défaut, que des garanties devaient être assurées.

La cour retient ainsi, à l'instar des premiers juges, qu'aucun manquement n'est susceptible d'être retenu à l'encontre de Maître [I] au titre de la poursuite du contrat en période d'administration provisoire et du non-respect des délais de paiement de l'arriéré locatif.

Sur les fautes reprochées en qualité d'administrateur judiciaire :

Sur la poursuite du contrat :

Maître [I] soutient que le tribunal a fait une application erronée de l'article L. 622-13 du code de commerce, que la société Novelty ne lui ayant adressé aucune mise en demeure, il n'en a pas exigé la poursuite, qu'il n'avait dès lors pas à s'assurer des fonds nécessaires à la poursuite du contrat qui a été maintenu par l'effet de la loi et de la décision du tribunal de ne pas prononcer la liquidation judiciaire de la société Alexandre III. Il ajoute que le tribunal de commerce a reconnu que ce contrat était indispensable à la poursuite de l'activité de sorte qu'il ne peut être considéré qu'il aurait dû le résilier immédiatement et qu'il appartenait à la société Novelty de prendre l'initiative de la résiliation pour défaut de paiement, que l'ouverture du redressement judiciaire interdisait le paiement des dettes antérieures.

La société Novelty réplique qu'en application de l'article L. 622-13 du code de commerce, il appartient en principe à l'administrateur judiciaire de prendre position sur la poursuite des contrats déjà en cours au moment de l'ouverture de la procédure, qu'une mise en demeure adressée à l'administrateur judiciaire de prendre parti sur la poursuite du contrat n'est pas obligatoire, que le tribunal n'a pas imposé comme condition à la poursuite de l'activité de la société, la poursuite du contrat litigieux, d'autant qu'à cette période les locaux étaient fermés, que Maître [I] n'a pas mis un terme au contrat alors qu'il avait connaissance de la situation de trésorerie qui empêchait le paiement des loyers depuis le 17 mai 2016, que le contrat s'est poursuivi tacitement d'autant que Maître [I], en refusant de lui restituer l'intégralité du matériel, a manifesté la volonté de poursuivre le contrat.

Aux termes du II de l'article L. 622-13 du code de commerce, l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

Maître [I], qui exerçait une mission d'administrer seul la société Alexandre III, se devait de s'assurer qu'il disposait des fonds nécessaires pour s'acquitter du paiement résultant de la poursuite du contrat litigieux en cours au jour du jugement d'ouverture et ce, quand bien même il n'avait pas été mis en demeure par la société Novelty d'opter pour la poursuite ou la résiliation du contrat. Or, il avait connaissance de la situation financière de la société Alexandre III pour avoir exercé son administration provisoire depuis le 23 février 2016, avoir accepté un échéancier de paiement de l'arriéré locatif, avoir obtenu, le 17 mai 2016, une situation active et passive faisant ressortir l'impossibilité pour la société de s'acquitter de sa dette et du loyer courant, et avoir eu connaissance de la mise en demeure, dont il a eu copie, adressée par la société Novelty à la société Alexandre III le 15 juin 2016 faisant état du défaut de paiement de la première échéance due, au titre de la dette de loyers, le 23 mai précédent. En outre, c'est une crue qui s'est produite dans la nuit du 3 au 4 juin 2016 qui a provoqué l'inondation du site et la suspension de toute activité interdisant ainsi toute espérance d'encaissement de recettes à court terme. Si le tribunal a, par jugement du 29 juin 2016, ouvert le redressement judiciaire, ne faisant pas ainsi droit à la demande de Maître [I] de prononcer la liquidation judiciaire, il n'a pas pour autant considéré le contrat litigieux comme indispensable à la poursuite de l'activité, ce qu'au demeurant il ne lui appartenait pas de faire dans le jugement d'ouverture de la procédure collective. Il s'ensuit que durant la période d'observation Maître [I] se devait de s'assurer qu'il disposait des fonds nécessaires pour s'acquitter du paiement des loyers courants et ce, quand bien même le contrat était susceptible d'être considéré comme nécessaire à la continuation de l'activité, ce qui n'est pas démontré. Alors que la société Alexandre III n'était pas en mesure d'honorer ces paiements pendant la période d'observation, ce n'est que le 30 septembre 2016 que Maître [I] a résilié le contrat. En tardant à résilier le contrat, il a ainsi commis une faute.

Sur la non restitution du matériel :

La société Novelty soutient que Maître [I] s'est opposé à ce qu'elle récupère son matériel après la crue de la Seine et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires à sa préservation. Elle fait valoir que le matériel aurait dû être immédiatement démonté, transféré au sein des locaux de la société Cortex, asséché avant de décider de son sort mais que Maître [I], informé, a refusé qu'elle récupère l'intégralité de son matériel, son autorisation du 30 juin 2016 portant sur le seul matériel endommagé. Elle fait valoir encore que le matériel sinistré n'a été récupéré que le 18 novembre 2016, la société débitrice s'étant opposée à son démontage, que la restitution du reste n'a été faite que le 28 février 2017, que Maître [I] a laissé son administrée rouvrir les lieux le 14 octobre 2016 et utiliser le matériel, sans paiement de loyer, alors que le contrat était résilié depuis le 30 septembre 2016.

Maître [I] prétend qu'il ne s'est pas opposé à la restitution du matériel endommagé par la crue, que celui laissé sur place a donné lieu au règlement par la procédure collective d'une indemnité mensuelle de 5.000 euros hors taxe jusqu'en février 2017 et qu'il n'a ainsi commis aucune faute.

Par courriel du 30 juin 2016, Maître [I] a donné son accord pour que ne soient enlevés que les matériels endommagés et après constat contradictoire de leur état. Si l'huissier mandaté par la société Novelty a pu accéder aux locaux, son constat datant du 30 juin 2016, le matériel n'a pas été démonté compte tenu, selon une lettre du conseil de la société Novelty du même jour, de l'opposition de M. [O] qui empêchait le personnel présent de démonter le matériel. Le lendemain, sur sollicitation de la société Novelty, Maître [I], constatant la réalisation d'un constat, a confirmé son courrier du 30 juin 2016 visant le démontage du matériel endommagé. Pourtant, le 18 juillet 2016, il a réclamé ledit procès-verbal et un rapport de l'assureur Axa, établi dès le 22 juin 2016, ces deux pièces lui ayant été communiquées le même jour. Le 3 août 2016, la société Novelty l'a relancé sur la remise du matériel, en vain.

Le 30 septembre 2016, Maître [I] a résilié le contrat et transmis à la société Novelty les coordonnées du commissaire-priseur sous le contrôle duquel la restitution devait se faire. Pourtant, le 14 octobre 2016, le commissaire-priseur n'a pas été en mesure de faire ouvrir les portes des locaux pour superviser la restitution. En réponse, Maître [I] s'est borné à proposer de contacter M. [O], gérant, ou un salarié.

Or aucun des matériel, ni celui endommagé en juin ni le reste du matériel devant être restitué compte tenu de la résiliation du contrat, n'a été restitué et le 14 octobre 2016 la société Alexandre III a repris son activité en utilisant le matériel de la société Novelty.

Ce n'est que le 18 novembre 2016 que Maître [I] a confirmé que le matériel démonté était à la disposition de la société Novelty sur le site et que, sur ses instructions, le commissaire-priseur a restitué ce matériel le même jour.

S'agissant du matériel non démonté, selon ses propres termes, dans son courrier du 18 novembre 2016 adressé à la société Novelty, Maître [I] explique qu'il est 'normal d'avoir tenté de négocier le maintien sur le site du matériel non démonté' au motif que ce démontage condamnait l'activité faute de pouvoir en installer un similaire par un autre prestataire en termes de temps et de financement alors que la poursuite de la période d'observation, synonyme selon lui de poursuite d'activité, avait été ordonnée par le tribunal. Maître [I] avait pourtant résilié le contrat le 30 septembre précédent, ce qui impliquait une restitution immédiate de l'ensemble du matériel loué.

La société Novelty a toutefois accepté de laisser ce matériel non démonté à disposition après le 18 novembre 2016 en contrepartie d'une indemnité de 5.000 euros mensuels hors taxe.

Il résulte de ces éléments, en premier lieu, qu'alors qu'il avait donné son accord pour la restitution du matériel endommagé par la crue, Maître [I] n'a pas accompli les diligences nécessaires pour assurer l'effectivité du démontage et la remise du matériel avant le 18 novembre 2016, étant rappelé que sa mission était d'assurer seul l'administration de la société Alexandre III. Le défaut de restitution de ce matériel endommagé malgré son accord puis la résiliation du contrat le 30 septembre 2016 lui est donc imputable. En second lieu, s'agissant du matériel non démonté, l'absence de restitution après la résiliation du contrat est également imputable à faute à Maître [I] pour ne pas avoir accompli les diligences de remise effective de ce matériel. La cour relève toutefois que la société Novelty a accepté, le 18 novembre 2016, de laisser ce matériel à disposition moyennant une indemnité mensuelle qu'elle a perçue jusqu'à la restitution effective des biens le 27 février 2017.

Sur le préjudice et le lien causalité :

La société Novelty prétend que son préjudice est constitué du non paiement des loyers entre le jugement d'ouverture et la résiliation du contrat le 30 septembre 2016 (48.000 euros), de la perte de chance de relouer le matériel non restitué (80.000 euros) et de la perte et de l'endommagement du matériel résultant de l'absence de mesure de protection (21. 554, 46 euros). Elle précise n'avoir été indemnisée par son assureur qu'à hauteur de 19.626 euros, la société Alexandre III n'étant elle-même plus assurée au moment du sinistre.

Maître [I] soutient que la société Novelty ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien causal avec quelque faute, que son préjudice ne peut être égal à la somme des loyers demeurés impayés, qu'il peut tout au plus consister en une perte de chance de relouer le matériel litigieux aux mêmes charges et conditions, qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une telle perte de chance, que la demande de 80.000 euros au titre de la non-restitution du matériel n'est étayée par aucune pièce, que les perte et endommagement du matériel réclamés à hauteur de 21.554,46 euros ne sont pas plus justifiés, que la société Novelty a été partiellement indemnisée par son assureur du matériel endommagé par la crue et qu'elle a refusé de faire procéder à l'assèchement de ce matériel.

Le préjudice résultant de l'absence de résiliation du contrat avant le 30 septembre 2016 est constitué, comme le soutient la société Novelty, des loyers dus et impayés entre le jugement d'ouverture et la résiliation, ce préjudice étant certain et découlant directement de l'abstention fautive de Maître [I]. Le contrat stipulant que le loyer est dû avant le mois de la location avant le 1er de chaque mois, ces loyers sont ceux dus aux 1er juillet, août et septembre 2016 soit une somme de 36.000 euros. Il convient donc de réformer le jugement et de faire droit partiellement à la demande de la société Novelty.

La société Novelty demande par ailleurs des dommages-intérêts à hauteur de 80.000 euros au titre de la non-restitution du matériel sans l'étayer par aucune pièce comme l'observe Maître [I] alors qu'il lui appartient d'expliquer la somme sollicitée et d'en justifier. En outre, s'agissant du matériel restitué le 18 novembre 2016, elle ne démontre pas, alors que le matériel avait été endommagé par l'inondation, ni qu'il existait une chance de le relouer ni que la perte de chance alléguée résulterait du défaut de restitution et non de l'inondation. Concernant le matériel non démonté et restitué le 27 février 2017, la société Novelty a accepté, le 18 novembre 2016, de le laisser à disposition de la société Alexandre III et a reçu en échange une indemnité mensuelle de 5.000 euros HT jusqu'au 27 février 2017. Dans ces conditions, la société Novelty manque à établir qu'elle a subi un préjudice résultant de l'absence de restitution de ce matériel avant le 27 février 2017 et constitué de la perte de chance alléguée de le relouer. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée.

S'agissant du préjudice pour perte et endommagement, la société Novelty manque à établir l'existence d'un préjudice qui a résulté de l'absence de restitution avant le 18 novembre 2016 du matériel affecté par l'inondation, aucune aggravation de l'état de ce matériel entre la crue et la restitution n'étant démontrée puisque seuls les constats de l'expert de l'assureur et de l'huissier des 22 et 30 juin 2016 sont versés aux débats. De même la société Novelty ne démontre pas que le matériel demeuré intact après le sinistre et restitué le 27 février 2017 était endommagé au jour de la remise entre ses mains. Cette demande doit donc également être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Novelty France de ses demandes indemnitaires formées au titre de la poursuite du contrat litigieux en période d'administration provisoire, au titre de la non-restitution des matériels et au titre du préjudice pour perte et endommagement, en ce qu'il a condamné Maître [E] [I] à payer à la société Novelty France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

L'infirme en ce qu'il a condamné Maître [E] [I] à payer à la société Novelty France la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit que Maître [E] [I] a commis une faute en ne résiliant le contrat litigieux que le 30 septembre 2016;

Dit que le préjudice qui en a résulté est constitué du montant des loyers dus et impayés entre le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Alexandre III et la date de résiliation du contrat ;

Condamne en conséquence Maître [E] [I] à payer à la société Novelty France la somme de 36.000 euros à titre de de dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne Maître [E] [I] à payer à la société Novelty France la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Maître [E] [I] aux dépens d'appel.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/09565
Date de la décision : 12/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°19/09565 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-12;19.09565 ?
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