Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9
ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2020
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/20415 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6K3E
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 février 2013 - Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT - RG n° 11-12-000626
Arrêt du 13 janvier 2015 - Cour d'appel de VERSAILLES - RG n° 13/02381
Arrêt du 7 février 2017 - Cour de Cassation - n° 1577 F-P+B
DEMANDEUR À LA SAISINE
M. [E] [Y]
né le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté et assisté de Me Sandra THENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1094
DÉFENDEURS À LA SAISINE
M. [I] [D], en qualité d'ayant droit de M. [Z] [D], décédé
né le [Date naissance 6] 1973 à [Localité 10] (92)
[Adresse 7]
[Adresse 7]
représenté et assisté de Me Marie-Anne LAPORTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0455
M. [O] [D], en qualité d'ayant droit de M. [Z] [D], décédé
né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 10] (92)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté et assisté de Me Marie-Anne LAPORTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0455
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 novembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Agnès BISCH, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
MINISTÈRE PUBLIC :
dossier transmis au ministère public le 23 novembre 2020 et visé le 23 novembre 2020 par Mme Sylvie SCHLANGER, avocate générale
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
MM. [I] et [O] [D], ayants droit de [Z] [D] et M. [E] [Y] sont propriétaires de fonds voisins situés, respectivement, au [Adresse 1]. Ces deux héritages ont été constitués le 18 mars 1953 par division d'une parcelle.
Une clôture a été artificiellement implantée pour délimiter les nouvelles parcelles, au milieu des arbres qui formaient, à l'origine, un massif.
Après la division des fonds, des conventions et des stipulations de servitudes ont été signées par les parties en 1954.
Par acte du 17 avril 2002, [Z] [D] a assigné M. [Y] devant le tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt afin qu'il soit condamné sous astreinte à l'arrachage des arbres situés dans la limite séparative des propriétés et à l'élagage de toutes les branches d'arbres débordant sur l'allée privative donnant accès à sa propriété et ce sur le fondement de l'article 671 du code civil.
Par un jugement du 22 mai 2003 le tribunal a déclaré irrecevable les demandes reconventionnelles de M. [Y], à l'exception de celles visant à faire enlever le lierre sur la clôture, à interdire à [Z] [D] d'élaguer les branches d'arbres débordant sur son fonds et à obtenir des dommages et intérêts pour les coupes effectuées, et confié à un consultant, M. [K], la mission de dresser, notamment, un schéma représentant les arbres, arbrisseaux et arbustes de M. [Y] se trouvant proche de la limite du fonds voisin de [Z] [D] et de fixer la ligne séparatrice des plantations litigieuses.
Le consultant a remis son rapport le 7 novembre 2003.
Par jugement du 5 janvier 2005 le tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt, a :
- décidé qu'il n'y avait pas lieu d'annuler le rapport de consultation,
- condamné M. [Y] sur le fondement de l'article 673 du code civil, à couper, sous astreinte, au niveau de la limite séparative, les branches des arbres plantés sur le fonds et dépassant celui de [Z] [D],
- condamné M. [Y] à procéder, sur le fondement des articles 671 et 672 du code civil, sous astreinte, à l'élagage des 24 lauriers à 2,5 mètres de hauteur,
- condamné M. [D] à payer à M. [Y] la somme de 500 euros de dommages et intérêts,
- condamné M. [Y] à payer à [Z] [D] à la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] aux dépens comprenant le coût de la signification de la décision et de la consultation de l'expert.
Par un arrêt du 28 février 2006, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement de première instance.
Par décision du 13 juin 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. [Y].
Saisi le 3 février 2012 par M. [Y] d'un recours en révision du jugement du 5 janvier 2005 pour fraude à ses obligations découlant d'une convention de servitude et fraude à la loi, le tribunal d'instance de Boulogne Billancourt par jugement contradictoire du 27 février 2013, auquel il convient de se reporter, a :
- déclaré irrecevable la demande de M. [Y] en révision du jugement du tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt du 5 janvier 2005, ainsi que toutes les demandes qui en sont la conséquence,
- condamné M. [Y] à payer à [Z] [D] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. [Y] à payer à M. [D] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] au paiement des dépens.
Par un arrêt du 13 janvier 2015, la cour d'appel de Versailles a, principalement, confirmé le jugement rendu le 27 février 2013.
Saisi par un pourvoi de M. [Y], la Cour de cassation, par un arrêt du 7 décembre 2017, auquel il convient de se reporter, a :
- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,
- remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Paris,
- condamné [Z] [D] aux dépens,
- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes,
La Cour de cassation a principalement retenu que la communication de l'affaire au ministère public en cause d'appel du jugement statuant sur le recours en révision incombait à la cour d'appel et qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que le recours en révision ait été communiqué au ministère public de sorte que la cour d'appel a violé les articles 428 et 600 du code de procédure civile
Par une déclaration du 24 août 2018, M. [Y] a saisi la cour de renvoi désignée.
Par ses conclusions remises le 5 octobre 2020, M. [Y] demande à la cour :
- de dire et juger M. [Y] recevable et bien fondé en ses conclusions,
- d'infirmer le jugement du tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt du 27 février 2013,
- par voie de conséquence, d'infirmer le jugement du tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt du 5 janvier 2005,
- par voie de conséquence :
- de dire et juger que toutes les condamnations obtenues sur le fondement de ce jugemetn soient inopposables à M. [Y],
- de condamner M. [O] [D] et M. [I] [D] au paiement de 231 552 euros assortie des intérêts au taux légal au titre des frais et astreintes payés par M. [Y],
- de condamner M. [O] [D] et M. [I] [D] au paiement de la somme de 29 500,83 euros correspondant aux intérêts payés par M. [Y] dans le cadre d'un prêt bancaire souscrit,
- de condamner M. [O] [D] et M. [I] [D] au paiement de 70 000 euros au titre du préjudice moral,
- de condamner M. [O] [D] et M. [I] [D] au paiement de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner M. [O] [D] et M. [I] [D] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
L'appelant soutient que le jugement dont appel et celui qui a été rendu le 27 février 2013 sont entachés d'illégalité et d'erreurs manifestes d'appréciation en ce qu'ils sont fondés sur un rapport d'expertise affecté de nombreuses erreurs, qui préconise une violation de l'article L. 642-3 du code du patrimoine, que les premiers juges ont ignoré les dispositions de la ZPPAUP, l'appelant fait valoir que l'expertise réalisée par M. [K] méconnaissait la règlementation de la ZPPAUP car le rapport d'expertise ne précisait pas qu'une autorisation de la mairie de [Localité 8] de permis de construire et de travaux était nécessaire pour élaguer à 2,50 mètres de hauteur les lauriers et que par conséquent il ne pouvait valablement exécuter les termes du jugement du 5 janvier 2005.
Il se prévaut d'une convention de servitude conclue en 1954 qui prévoit le maintien d'un rideau de verdure et reprochent au premier juge d'avoir écarté cette convention qui faisait échec aux articles 671 à 673 du code civil.
Il fait état de plusieurs avis qui s'opposeraient aux termes du jugement rendu le 27 février 2013.
Il détaille le préjudice financier et moral qu'il impute à ses voisins.
Par des conclusions remises le 17 décembre 2018, M. [I] [D] et M. [O] [D], venant aux droits de [Z] [D], en tant qu'héritiers, demandent à la cour :
- de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de M. [Y] en révision du jugement du tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt du 5 janvier 2005, ainsi que toutes les demandes qui en sont la conséquence,
- à titre subsidiaire, si la cour estimait la demande recevable, de dire mal fondée la demande de révision formulée par M. [Y],
-de condamner M. [Y] à payer à [Z] [D] une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- de condamner M. [Y] aux dépens et à payer à [Z] [D] une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés dénoncent l'inexécution persistante par M. [Y] du jugement rendu le 5 janvier 2005. Au visa de l'article 595 du code de procédure civile, les intimés font valoir que le recours en révision est irrecevable, la demande étant formée hors délai car l'appelant ne démontre pas qu'il n'a pas pu faire valoir les causes de révision avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée, ni pu agir dans les deux mois de la découverte de la fraude qu'il allègue.
Ils soutiennent que les constatations erronées entachant le rapport définitif de l'expert et la contradiction des avis de l'ABF, de l'INRA et de l'ONF ne sont pas des causes d'ouverture d'une demande de révision. Ils relèvent que tous les faits et moyens avancés par M. [Y] étaient déjà soutenus lors de l'instance ayant abouti au jugement rendu le 5 janvier 2005. Ils indiquent que M. [Y] ne se prévaut d'aucune cause légitime de révision.
A titre subsidiaire, les intimés font valoir que les documents produits par M. [Y] contredisant le rapport d'expertise sont anciens et étaient déjà en sa possession avant que le jugement critiqué ne soit définitif, ne pouvant par conséquent le remettre en cause.
Ils soutiennent qu'il n'existe pas de fraude à la convention de 1954 et qu'il est parfaitement possible d'élaguer les arbres sans y contrevenir car elle ne concerne que la ligne séparative formant le fonds de la propriété de M. [Y] et non la ligne séparative se trouvant sur le long de la bande d'accès de la propriété des intimés.
Ils font valoir que l'appelant ne justifie pas la demande de dommages-intérêts.
Ils soutiennent que la procédure engagée par l'appelant est abusive.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2020.
L'entier dossier a été communiqué au ministère public qui, le 23 novembre 2020 a émis l'avis que les conditions d'exercice du recours en révision n'étaient pas remplies, que ce recours était irrecevable et a invité la cour à confirmer le jugement du 5 janvier 2005.
L'avis du ministère public a été porté à la connaissance des parties oralement avant l'ouverture des débats à l'audience du 24 novembre 2020. L'un des conseils a relevé que l'avis du ministère public faisait référence par erreur au jugement rendu le 5 janvier 2005 alors que le jugement dont appel est celui du 27 février 2013.
SUR CE,
Selon l'article 593 du code de procédure civile , le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
L'article 595 du même code dispose que le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :
1- S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
2- Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;
3- S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
4- S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
L'article 596 prévoit que le délai de recours est de deux mois à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision.
Alors qu'il se dispense de préciser la cause de révision sur laquelle il entend fonder son recours, M. [Y] ne fait état d'aucune pièce reconnue ou déclarée judiciairement fausse au sens du texte précité.
Il ne soutient pas davantage que l'une des pièces dont il se prévaut aurait été retenue par le fait de la partie adverse, ni ne qualifie la fraude susceptible d'être imputée aux consorts [D].
M. [Y] ne satisfait donc aucun des cas d'ouverture du recours en révision.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a relevé que la convention passée entre les auteurs des parties en 1954 et les dispositions applicables à la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) avaient été débattues dans le cadre de la première procédure et il faut observer que tous les documents que M. [Y] verse aux débats sont antérieurs à l'arrêt confirmatif rendu le 28 février 2006 à l'exception des avis que M. [Y] a sollicités de diverses autorités postérieurement au terme de la première procédure. Ces avis tendent à étayer la difficulté voir l'impossibilité d'exécuter le jugement rendu le 5 janvier 2005 et non pas l'existence d'une fraude ayant abouti à ce jugement ; ils datent au plus tard de 2006.
C'est donc à bon droit que le premier juge a dit M. [Y] irrecevable en son recours en révision exercé le 3 février 2012, en raison de sa tardiveté.
Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.
***
Succombant dans ses prétentions, M. [Y] supporte les dépens.
Il n'y a pas lieu à une application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de [Z] [D], décédé.
En application de l'article 32-1 du code de procédure civiledans sa réaction issue du décret 2017-892 du 6 mai 2017 entré en vigueur le 1er septembre 2017, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
La mise en oeuvre d'une voie de recours extraordinaire sans la moindre argumentation se rapportant aux cas d'ouverture de ce recours ou au délai de son exercice et l'absence totale de toute critique du jugement dont appel confèrent à la présente procédure d'appel un caractère abusif.
En l'espèce, il y a lieu de prononcer une amende civile de 2 000 euros.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande indemnitaire présentée au nom de [Z] [D], décédé.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
- Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Rejette toutes autres demandes ;
- Condamne M. [E] [Y] à une amende civile de 2 000 euros ;
- Condamne M. [E] [Y] aux dépens d'appel.
La greffièreLa présidente