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15/12/2020 | FRANCE | N°19/04050

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 15 décembre 2020, 19/04050


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2020



(n° /2020, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04050 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7L3A



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2019 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2017F00659





APPELANTE



SARL LYS

Ayant son siège [Adresse 7]

[Localité 1]



Représen

tée par et assistée de Me Jérôme HASSID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0048







INTIMÉE



Société CHINA EXPORT & CREDIT INSURANCE CORPORATION prise en la personne de ses représentants légaux domici...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2020

(n° /2020, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04050 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7L3A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2019 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2017F00659

APPELANTE

SARL LYS

Ayant son siège [Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par et assistée de Me Jérôme HASSID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0048

INTIMÉE

Société CHINA EXPORT & CREDIT INSURANCE CORPORATION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège.

[Adresse 3]

- [Localité 2]

[Localité 6] CHINE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Marie-Christine, de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T700

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

M. Christian BYK, Conseiller

M. Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur SENEL Julien, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Vanessa ALCINDOR

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

La société de droit chinois CHINA EXPORT & CREDIT INSURANCE CORPORATION (ci-après CHINA EXPORT) a pour activité l'assurance crédit à l'export. Elle a son siège social en Chine.

La société LYS, gérée par M. [F] [U], né en Chine, de nationalité chinoise, a pour activité l'import/export, la vente en gros et au détail d'articles de maroquinerie, selon extrait k-bis en date du 29 avril 2013, du registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Créteil.

La société WENZHOU FANTAI CASE CO. Ltd (WENZHOU FANTAI), assurée par la société CHINA EXPORT, et la société LYS étaient en relation d'affaires pour la fourniture de valises, expédiés jusqu'au port du Havre, la société LYS se chargeant du transport final.

La société WENZHOU FANTAI reproche à la société LYS de ne pas lui avoir payé plusieurs expéditions de marchandises, au visa notamment de quatre lettres de voiture datées respectivement des 20 juin, 18 juillet, 1er août et 19 septembre 2013, pour un montant cumulé de 252 082 dollars américains (USD).

Soutenant être subrogée dans les droits de son assurée la société WENZHOU FANTAI, selon police d'assurance valable jusqu'au 31 août 2013, prolongée jusqu'au 31 octobre 2013 selon avenant, qu'elle avait indemnisée à hauteur de 170 623,80 USD le 08 avril 2014, et avoir reçu le 19 décembre 2013 un pouvoir express pour agir sur la totalité de la créance (252 082 USD outre les intérêts), et que la mise en demeure adressée le 10 janvier 2014 par son conseil allemand à la société LYS était demeurée infructueuse, la société CHINA EXPORT a, par acte d'huissier en date du 15 juin 2017, assigné la société LYS devant le tribunal de commerce de Créteil, lequel, par jugement du 15 janvier 2019, a :

- condamné la société LYS à payer à la société SOCIETE CHINA EXPORT & CREDIT INSURANCE CORPORATION la somme de 170 623,80 dollars américains, ou sa contrevaleur en euros au jour du paiement, outre les intérêts au taux légal français à compter du 15 juin 2017, et a débouté cette dernière du surplus de sa demande ;

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 15 juin 2017, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière ;

- condamné la société LYS à payer à la société CHINA EXPORT & CREDIT INSURANCE CORPORATION la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté du surplus de sa demande, et a débouté la société LYS de sa demande formée de ce chef ;

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement, sous réserve qu'en cas d'appel il soit fourni par le bénéficiaire une caution d'une banque de la place égale au montant de la condamnation prononcée à son profit ;

- condamné la société LYS aux dépens ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 77,08 euros T.T.C (dont 20% de T.V.A).

La société LYS a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 février 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2020, la société LYS demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ses prétentions et, statuant à nouveau,

- d'écarter des débats à défaut de traduction la pièce adverse n°23 sous réserve de sa communication en appel ;

- d'écarter des débats la pièce n°15 sous réserve d'une procédure de vérification d'écriture, qu'il plaira à la cour d'ordonner avant-dire-droit si cette pièce est communiquée devant la cour ;

- d'ordonner avant-dire-droit à la société CHINA EXPORT de préciser en application des articles 56 du code de procédure civile et 6 de la CEDH son argumentation juridique et en particulier lui faire injonction d'indiquer si elle sollicite l'application du droit chinois et si elle invoque la subrogation légale ou conventionnelle ;

- de juger que la société CHINA EXPORT est irrecevable à agir en paiement de la somme de 252 082 USD, qu'elle n'établit pas sa subrogation conventionnelle et que les conditions de la subrogation légale ne sont remplies et en conséquence, la débouter de ses prétentions.

Subsidiairement et sur le fond, elle demande en application des dispositions de l'article 1315 du code civil alors en vigueur, de constater que la société CHINA EXPORT ne communique aucun bon de livraison, aucun document de dédouanement, ni aucun bon de commande ou contrat de vente, s'agissant des factures en litige, alors qu'il s'agit de vente internationale et donc de la débouter de toutes ses demandes.

Subsidiairement, elle demande de constater que la première facture du 18 juin 2013 pour 68 350 USD est hors période de garantie, que la société WENZHOU FANTAI n'a pu être indemnisée à ce titre, que le contrat d'assurance ne prévoit qu'une indemnisation à hauteur de 50% et donc en ce cas infiniment subsidiaire, de limiter les droits de la société à la somme de 60 616 euros.

En tout état de cause, elle demande de :

- juger que la société CHINA EXPORT ne peut agir aux noms et pour le compte de la société WENZHOU FANTAI et donc la débouter à titre infiniment subsidiaire de toutes demandes supérieures à 170 623,08 USD et en cela confirmer sur ce point le jugement entrepris,

- déclarer l'appel incident formé par conclusions du 20 septembre 2019 irrecevable comme étant tardif en application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile,

- la condamner au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 08 juin 2020, la société CHINA EXPORT demande à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture prononcée le 18 mai 2020,

- recevoir les présentes conclusions,

- à défaut de révocation de l'ordonnance de clôture, écarter des débats les conclusions de LYS signifiées le vendredi 15 mai 2020,

- débouter la société LYS de ses demandes de voir écarter des débats la pièce 23 et la pièce 15 cette dernière, sous réserves d'ordonner avant dire droit une vérification d'écriture ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil en tant qu'il l'a jugée recevable et fondée en sa demande à hauteur de l'équivalent en euros à la date du paiement de la somme de170.623,08 USD, et ce en sa qualité de subrogée tant légalement que conventionnellement dans les droits de la société WENZHOU FANTAI, en vertu du droit chinois applicable à la subrogation, et ce avec les intérêts au taux légal français et capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- infirmer le jugement de première instance en tant qu'il l'a déboutée du surplus de sa demande à hauteur de 81.458,92 USD,

- la juger recevable et fondée à agir en son nom, pour le compte de la société WENZHOU FANTAI en vertu du mandat ad agendum que lui adonné la société WENZHOU FANTAI pour recouvrement de la somme de 81.458,92 USD,

- infirmer le jugement concernant la date de départ des intérêts:

- juger que les condamnations porteront intérêt à compter de la mise en demeure du 10 janvier 2014,

- en conséquence, condamner la société LYS SARL à lui payer :

. l'équivalent en euros à la date du paiement de la somme de 252.082 USD, outre les intérêts au taux légal français depuis la mise en demeure du 10 janvier 2014, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

.10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction pour les dépens d'appel

La clôture, intervenue le 18 mai 2020, a été révoquée à la demande de la société CHINA EXPORT afin de permettre de répliquer aux dernières conclusions de l'appelante, par ordonnance du 23 juin 2020 puis prononcée de nouveau le 21 septembre 2020. Cette demande est donc désormais sans objet.

SUR CE, LA COUR

Sur les demandes tendant à voir écarter les pièces 15 et 23, et la demande avant-dire droit formulée par l'appelante tendant à ordonner à la société CHINA EXPORT de préciser en application des articles 56 du code de procédure civile et 6 de la CEDH son argumentation juridique et à lui faire injonction d'indiquer si elle sollicite l'application du droit chinois et si elle invoque la subrogation légale ou conventionnelle

Comme le fait observer la société LYS dans ses dernières écritures, en produisant en pièce n°19 ses dernières conclusions devant le tribunal de commerce, celui-ci a omis de statuer sur deux de ses demandes ,visant à écarter des débats deux pièces communiquées en première instance sous les numéros 23 et 15 par la société CHINA EXPORT, la première à défaut de traduction en français, la seconde sous réserve d'une procédure de vérification d'écriture.

A l'audience, le conseil de la société LYS a précisé qu'au vu des dernières écritures et pièces de l'intimée, il n'y avait plus lieu d'ordonner avant dire-droit de procédure de vérification d'écritures de la pièces 15 (la signature de la pièce n°15 étant in fine attribuée à Mme [O] [V] Directeur des Finances et comptabilité, qui n'est pas la personne ayant signé les pièces n°13,16 et annexe à la pièce n°21 qu'elle verse au débat).

Le conseil de la société LYS a également précisé qu'il n'y avait plus lieu d'ordonner avant-dire-droit à la société CHINA EXPORT de préciser en application des articles 56 du code de procédure civile et 6 de la CEDH son argumentation juridique et en particulier de lui faire injonction d'indiquer si elle sollicite l'application du droit chinois et si elle invoque la subrogation légale ou conventionnelle (point sur lequel le tribunal avait également omis de statuer au vu des dernières conclusions de la société LYS).

L'examen de ces demandes est donc sans objet.

S'agissant de la demande tendant à écarter la pièce n°23 (extraits en anglais de site internet et extrait WIKIPEDIA), il convient d'y faire droit à défaut de traduction en langue française de ces pièces.

Sur la demande principale

La société LYS soutient que la société CHINA EXPORT est irrecevable à agir au nom d'un tiers en paiement de la somme de 252 082 USD, parce qu'en France, nul ne plaide par procureur, qu'elle n'établit pas la subrogation conventionnelle qu'elle invoque à hauteur de 170 623,08 USD, au moyen de sa 'quittance subrogative', qui a été établie sur papier à entête de l'assureur et non de l'assuré, signée non par le représentant légal de la société WENZHOU FANTAI mais une personne présentée comme étant la directrice des finances et de la comptabilité, habilitée pour ce faire, courant décembre 2013, ce qui est invérifiable en l'état des pièces produites par l'intimée.

La société LYS estime qu'au vu des pièces produites, à savoir le contrat et ce qui serait son avenant, les conditions de la subrogation légale ne sont pas davantage remplies, nonobstant la consultation juridique produite par la société CHINA EXPORT, en l'absence de définition du sinistre et de modalités de sa déclaration, et la 'quittance subrogative' ne visant pas les quatre factures litigieuses, de sorte qu'il est impossible d'établir un lien entre le virement de 170 623,80 USD reçu le 08 avril2014 par la société WENZHOU FANTAI et les factures de la société WENZHOU FANTAI qui auraient été impayées par la société LYS ; subsidiairement, la société LYS soutient que la demande de l'intimée est infondée dès lors qu'elle ne communique aucun bon de livraison, aucun document de dédouanement, ni aucun bon de commande ou contrat de vente, pour établir la créance qu'elle prétend avoir remboursée, alors même que le gérant actuel de la société LYS n'était pas aux affaires au moment où les relations se sont nouées avec la société WENZHOU FANTAI et qu'aucun contrat de vente afférent à ces factures n'est produit.

La société CHINA EXPORT réplique qu'elle est recevable à agir tant sur le fondement de la subrogation conventionnelle (au vu de la quittance subrogative qu'elle produit) que sur celui de la subrogation légale (en application de l'article 60 la Loi chinoise sur les assurances) dans les droits de la société WENZHOU FANTAI et qu'elle est fondée, comme l'a jugé le tribunal, à obtenir la condamnation de la société LYS à lui payer la somme de170 623,08 USD ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, outre les intérêts. Elle demande d'y ajouter la somme de 81 458,92 USD, rejetée par le tribunal, dès lors qu'elle était fondée à agir en son nom, pour le compte de la société WENZHOU FANTAI en vertu du mandat ad agendum que lui a donné la société WENZHOU FANTAI pour recouvrement de cette somme. Elle sollicite ainsi la somme totale de 252 082 USD, avec intérêts au taux légal français à compter de la mise en demeure du 10 janvier 2014, et capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil. Elle invoque, outre les diverses pièces produites, deux courriers d'avocat en date des 17 juillet 2014 et 12 avril 2015 qui demande, postérieurement à la subrogation, le paiement de la somme de 252 082 USD, pour attester du bien fondé de sa demande.

Sur ce,

La cour observe à titre liminaire que si les sociétés CHINA EXPORT et WENZHOU FANTAI sont de droit chinois, la compétence territoriale du tribunal de commerce de Paris n'est pas contestée, la société LYS ayant son siège social à [Localité 1] (94).

La cour constate que tant l'assureur que l'assuré sont de droit chinois, que le contrat d'assurance crédit à l'export et l' avenant produits sont rédigés en chinois (traduits en français) mais que les lettres de voiture produites (en date du 20 juin 2013, 13 juillet 2013, 1er août 2013 et 19 septembre 2013) sont en langue anglaise (traduites en français), pour un transport portuaire allant de Chine ([Localité 5]) vers la France ([Localité 4]).

Il se déduit de ces éléments que le droit applicable est le droit chinois.

La société CHINA EXPORT produit en pièce n°27 l'opinion juridique d'un avocat inscrit au barreau de [Localité 6], en Chine (Me [Y] [K]), qui atteste de l'existence du mécanisme de la subrogation légale dans le droit chinois, consacré par la 'Loi chinoise sur les assurances' promulguée par le Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire le 30 juin 1995, modifiée par la suite en 2002 et en 2009, et qui atteste plus particulièrement de ce qu'en application des articles 44 à 47 de ladite loi (devenus 60 à 63 depuis lors), l'assureur ayant payé l'indemnité d'assurance est subrogé à compter de la date de paiement à l'assuré, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers responsables d'un sinistre, qui par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Selon cette opinion juridique, trois conditions d'application sont requises pour bénéficier de la subrogation légale en droit chinois :

- l'assuré dispose d'un droit à agir contre le responsable du dommage,

- l'assureur est tenu d'indemniser l'assuré : les dommages subis par l'assuré étant couverts par le contrat d'assurance,

- l'assureur a payé l'indemnité d'assurance à l'assuré.

Il est précisé que l'assureur doit intenter cette action en son nom propre.

La société CHINA EXPORT justifie ainsi de l'existence du mécanisme de la subrogation légale en droit chinois, en application duquel un assureur ayant indemnisé son assuré en exécution de son contrat d'assurance est subrogé dans les droits dudit assuré à hauteur du paiement effectué.

Conformément au contrat d'assurance crédit à l'exportation à court terme en date du 17 septembre 2012 (et non 2014, s'agissant d'une erreur matérielle au vu de sa date de validité, à savoir du 1er septembre 2012 au 31 août 2013) qu'elle produit (avec une traduction assermentée), cette société assure la société WENZHOU FANTAI pour ses exportations 'par paiement sans lettre de crédit'de bagageries à roulettes.

L'avenant au contrat d'assurance produit par la société CHINA EXPORT (avec sa traduction assermentée) indique qu'il est valable à partir du 1er avril 2013 jusqu'à la date d'échéance de cette police.

Comme le fait valoir la société LYS, il est exact que cet avenant porte un numéro (SCH022676-121201) et fait référence à un numéro de police d'assurance (SCH022676), tandis que la police d'assurance produite par la société CHINA EXPORT ne comporte aucun numéro, et qu'aucun bon de livraison n'est produit.

Néanmoins, la société CHINA EXPORT justifie du rattachement de cet avenant à ladite police, en ce que l'une et l'autre concernent le même assuré, à savoir la société WENZHOU FANTAI, et que les trois factures impayées n° WZ13LYS003 (18 juin 2013, 68 350 USD), WZ13LYS004 (15 juillet 2013, 60 919 USD) et WZ13LYS005 (29 juillet 2013, 60 313 USD) concernant toutes l'exportation de valises à roulettes par voie maritime du port de [Localité 5] à destination de celui du Havre, n'ont pas été contestées tant dans leur principe que dans leur montant, lorsqu'il en a été demandé le paiement par lettre de mise en demeure du cabinet DS Graner du 10 janvier 2014, envoi dont il a été accusé réception par télécopie du 13 janvier 2014.

Le gérant de la société LYS a d'ailleurs répondu au cabinet DS GRANER par courrier du 20 janvier 2014 que sa société rencontrait 'actuellement des problèmes de trésorerie qui devraient se résorber courant 2014', ajoutant avoir pris contact avec le directeur de la société WENZHOU FANTAI, à qui il avait fait part de sa situation et avait convenu avec lui de régulariser son compte 'dans les meilleurs délais et au plus tard pour la fin de cette année'. Aucun délai de paiement n'avait été sollicité.

Enfin, la société CHINA EXPORT produit les justificatifs de son paiement par virement effectué le 8 avril 2014 au profit de la société WENZHOU FANTAI pour un montant de 170 623,80 USD.

Cette somme résulte, comme elle le soutient, de l'application du taux d'indemnisation prévu au contrat, soit 90%, aux trois factures impayées n° WZ13LYS003 (18 juin 2013, 68 350 USD), WZ13LYS004 (15 juillet 2013, 60 919 USD), WZ13LYS005 (29 juillet 2013, 60 313 USD) soit 189 582 USD x 90%, des commandes passées par la société LYS auprès de la société WENZHOU FANTAI.

La société CHINA EXPORT, qui demeure présumée de bonne foi, n'est pas utilement contredite lorsqu'elle explique avoir exclu de son indemnisation la dernière facture WZ13LYS006 de 62 500 USD du 29 juillet 2013 parce que l'assurée avait facturé bien avant la date d'expédition soit le 19 septembre 2013, alors même que l'assurée savait déjà à cette date que les deux factures antérieures des 18 juin et 15 juillet 2013, exigibles, n'étaient pas réglées.

C'est en outre vainement que la société LYS lui oppose d'une part, le fait qu'elle n'aurait pas procédé à un paiement obligé, en exécution du contrat d'assurance en prenant en compte la facture impayée du 18 juin 2013 au motif que le paragraphe XIV de l'avenant ayant prorogé la durée de la police exclurait la prise en charge de sinistres intervenus avant le 3 juillet 2013, et d'autre part, que le taux d'indemnisation prévu à l'avenant à la police d'assurance n'aurait été que de 50% et non de 90%.

En effet, l'article XIV de l'avenant au contrat d'assurance stipule que 'durant l'année de validité de la police, l'assureur couvre les exportations que l'assuré réalise avant le 3 juillet 2013 à condition qu'aucun dommage et aucun incident susceptible de causer des dommages ne s'est produit concernant les exportations de l'assuré jusqu'à cette date'. Il s'en déduit que le sinistre survenu avant le 3 juillet 2013 est exclu du bénéfice de la garantie, et non le sinistre au titre d'une exportation faite avant cette date.

S'il est exact que le contrat de vente correspondant à la facture du 18 juin 2013, et à l'expédition s'y afférent, n'est pas produit, la société CHINA EXPORT s'explique précisément sur ce point, de façon pour le moins confuse, en page 15 de ses dernières écritures, contrairement à ce que l'appelante soutient.

Au demeurant, les conditions des contrats de vente usuellement utilisés entre la société WENZHOU FANTAI et la société LYS dans le cadre de leur relation d'affaires, prévoyaient comme modalité de facturation, un délai de 60 jours à compter de la date d'expédition et comme mode de paiement, un transfert télégraphique ; la facture du 18 juin 2013 établie dans ce cadre contractuel ne venant ainsi à échéance qu'après le 3 juillet 2013, le sinistre constitué par le non paiement, n'était pas survenu avant le 3 juillet 2013, au sens de l'avenant.

C'est ainsi en exécution de ses obligations d'assurance que la société CHINA EXPORT a indemnisé son assurée au titre de cette expédition et de cette facture.

Quant au taux d'indemnisation applicable, l'avenant à la police d'assurance stipule ce qui suit :

'III. Concernant la proportion d'indemnisation convenue dans la police

1. Le taux d'indemnisation est de 50% pour les opérations assurées selon une ligne de crédit décidée par l'assuré. Le taux d'indemnisation forfaitaire est de 50% pour les exportations vers les pays/régions où le taux d'indemnisation est stipulé autrement selon la Classification des risques pays/territoires.

2. Pour les opérations assurées selon la ligne de crédit approuvée par l'assureur, le taux d'indemnisation est de 90% pour le risque de refus de marchandises par l'acheteur, 90% pour les autres risques commerciaux, 90% pour les risques politiques (s'il est convenu un autre taux d'indemnisation après la vérification de la ligne de crédit, il faut se conformer au résultat de vérification)'.

Or, la société CHINA EXPORT justifie en produisant le formulaire d'évaluation de la limite de crédit que, pour les exportations à destination de la société LYS, l'assureur après évaluation, a approuvé une ligne de crédit de 450 000 USD.

En application de l'article III.2 de l'avenant, cité ci dessus, la société CHINA EXPORT était tenue contractuellement d'appliquer le taux de 90% à l'indemnisation due, comme elle l'a exactement fait.

Enfin, la société CHINA EXPORT justifie avoir envoyé à son assurée une 'notification d'indemnisation' portant le N° de référence de la police d'assurance 'SCHO22676', pour la somme de 170 623,80 USD, demandant à son assurée de lui renvoyer signés l'accusé de réception de cette notification et le formulaire de reçu de paiement et de subrogation de l'assurance crédit à l'exportation en chinois et en anglais signés et tamponnés en deux exemplaires originaux pour qu'elle puisse effectuer le paiement.

La société WENZHOU FANTAI, représentée selon la société CHINA EXPORT par Mme [O] [V], dûment autorisée lui a renvoyé, signé et tamponné le 31 mars 2014, l'accusé de réception de cette notification puis, le formulaire de subrogation au moment de la réception du paiement, le 8 avril 2014.

Le lien entre le contrat d'assurance, l'avenant et le montant payé est ainsi caractérisé.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments, et des pièces justificatives versées au débat, que la société CHINA EXPORT justifie être subrogée légalement au moment de son paiement dans les droits de son assurée, la société WENZHOU FANTAI, en exécution d'un contrat d'assurance, après avoir procédé à un paiement obligé, à hauteur de la somme de 170 623,80 USD peu important que les lettres de mise en demeure de l'avocat des 17 juillet 2014 et 12 avril 2015 mentionnent que la société LYS reste devoir à la société WENZHOU FANTAI et non pas à la société CHINA EXPORT, la somme de 252 082 USD.

Le jugement sera ainsi confirmé sur ce point, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens concernant la subrogation légale, ainsi que ceux concernant la subrogation conventionnelle.

La société CHINA EXPORT sollicite par ailleurs, pour le compte de son assurée, le paiement de la somme de 81 459 USD, montant dû selon elle par la société LYS à la société WENZHOU FANTAI pour lequel cette dernière n'a pas été indemnisée par son assureur.

Cependant, la loi du for s'appliquant en matière de procédure civile, le principe selon lequel nul ne plaide par procureur lui est à juste titre opposé par la société LYS.

Dès lors, comme l'objecte la société LYS, le surplus de la demande formulée en vertu d'un mandat ad agendum que lui aurait donné la société WENZHOU FANTAI pour le recouvrement de la somme de 81 459 USD est irrecevable.

Sur l'appel incident

La société LYS estime au visa de l'article 909 du code de procédure civile que la société CHINA EXPORT est 'irrecevable en son appel incident', formé par conclusions notifiées par voie électronique du 20 septembre 2019, sans pour autant demander à la cour d'écarter lesdites conclusions et celles postérieures, effectivement tardives.

Du reste, la société LYS a répondu dans ses écritures aux moyens soutenus dans les conclusions de la société CHINA EXPORT, au visa des pièces communiquées par celle-ci, laquelle n'a pas répondu sur ce moyen.

Il s'en déduit que seule la demande formulée dans le cadre de son appel incident, par la société CHINA EXPORT, concernant le point de départ des intérêts des condamnations, est irrecevable à ce titre, le surplus des demandes formulées par elle reconventionnellement ayant été de facto examiné dans le cadre de l'appel principal interjeté par la société LYS.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'issue du litige, il ne sera pas fait application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et chacune des parties supportera la charge des dépens par elle engagés en cause d'appel, le jugement étant sur ces points quant à lui confirmé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement par mise à disposition de la décision au greffe,

- Dit que les demandes tendant à voir écarter des débats la pièce n°15 sous réserve d'une procédure de vérification d'écriture, communiquée par la société CHINA EXPORT, et à ordonner avant-dire-droit à la société CHINA EXPORT de préciser en application des articles 56 du code de procédure civile et 6 de la CEDH son argumentation juridique et en particulier de lui faire injonction d'indiquer si elle sollicite l'application du droit chinois et si elle invoque la subrogation légale ou conventionnelle, sont sans objet ;

- Ecarte des débats à défaut de traduction la pièce n°23 communiquée par la société CHINA EXPORT ;

- Confirme le jugement du tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a condamné la société LYS à payer à la société SOCIETE CHINA EXPORT & CREDIT INSURANCE CORPORATION :

. la somme de 170 623,80 dollars américains, ou sa contrevaleur en euros au jour du paiement, outre les intérêts au taux légal français à compter du 15 juin 2017, en sa qualité de subrogée légalement dans les droits de la société WENZHOU FANTAI, en vertu du droit chinois applicable à la subrogation ;

. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Confirme le jugement du tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a condamné la société LYS aux dépens liquidés à la somme de 77,08 euros T.T.C (dont 20% de T.V.A).

L'infirme pour le surplus des chefs déférés ;

- Déclare la société CHINA EXPORT & CREDIT INSURANCE CORPORATION irrecevable à agir en paiement de la somme complémentaire de 81 458,92 USD ;

- Déclare l'appel incident de la société CHINA EXPORT & CREDIT INSURANCE CORPORATION formé par conclusions du 20 septembre 2019 irrecevable comme tardif ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle engagés en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/04050
Date de la décision : 15/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°19/04050 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-15;19.04050 ?
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