Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Cour d'appel de Paris
Pôle 4 - chambre 1
Arrêt du 11 décembre 2020
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :RG 19/04667 -Portalis 35L7-V-B7D-B7NYY
Décision déférée à la cour : jugement du 09 octobre 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG 13/09089
APPELANTES
Madame [Q] [T] épouse [G]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Thierry LAUGIER de la SCP GERARDIN LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0223
SCI du Départ
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Thierry LAUGIER de la SCP GERARDIN LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0223
INTIMES
Monsieur [M] [Q]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Monsieur [O] [Q]
ès qualités d'ayant droit de M. [F] [Q]
[Adresse 3]
[Localité 3]
SCI FOCH
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 4]
SCI GORMESONS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentés par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Ayant pour avocat plaidant Me Carine AIT-CHAMOUX de la SELARL AIT SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : E 960
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 12 novembre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Claude Creton, président, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier
Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
Par acte du 25 mars 2005, la société civile immobilière Foch (la SCI Foch) a vendu à la société civile immobilière du Départ (la SCI du Départ) un ensemble immobilier situé [Adresse 5] composé de trois bâtiments.
Le 19 juillet 2005, le préfet du Val d'Oise a pris un arrêté de péril grave non imminent portant préconisation de réaliser certains travaux.
Un arrêté municipal du 23 septembre 2015 a ordonné une interdiction temporaire d'habiter portant sur les appartements des deuxième et troisième étages de l'immeuble situé [Adresse 6].
Le 28 novembre 2015, un arrêté préfectoral a déclaré insalubres les immeubles situés [Adresse 5], à l'exception des locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée.
La SCI du Départ a obtenu en référé l'organisation d'une expertise sur l'existence des vices affectant les immeubles et leur caractère occulte ou apparent.
Après expertise, elle a assigné la SCI Foch, son gérant, M. [M] [Q], la SCI Gormesons et, [F] [Q] (aujourd'hui décédé), associés de la SCI.
Le 9 juillet 2013, la SCI du Départ a cédé à Mme [G], gérante et associée unique de la SCI, différentes créances parmi lesquelles figure sa créance sur la SCI Foch au titre des actions engagées contre celle-ci. Cet acte indique :
"Il s'agit de créances nées de procédures judiciaires entamées ou en passe de l'être, savoir :
1/ Procédure à l'encontre de la SCI Foch auprès du tribunal de grande instance de Paris après ordonnance de référé du 26/09/2006.
En annexe 1, le rapport d'expertise émanant de M. [B] [R] évaluant le préjudice subi par la SCI du Départ.
2/ Assignation contre la SCI Chemini devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'ordonner à la SCI Chemini de verser à la SCI du Départ l'indemnité d'immobilisatin versée et séquestrée à l'occasion d'une promesse de vente contestée.
3/ Procédure à l'encontre de la SARL du Lac, locataire de la SCI Foch aux droits de laquelle se trouve la SCI du Départ, pour les loyers impayés dans le cadre du redressement judiciaire.
En annexe 3 - copie de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 05/05/2011 et déclaration de créance pour les impayés postérieurs au jugement déclaratif.
(...)
Le cédant déclare au cessionnaire que les créances sont en germes et ne deviendront certaines, liquides et exigibles qu'en cas de condamnation des débiteurs de la SCI du Départ par les tribunaux compétents.
(...)
Compte tenu de l'aléa judiciaire et de l'incertitude de la condamnation par les tribunaux des etlt;etlt; débiteurs etgt;etgt; ci-dessus amplement nommés, ainsi que leur solvabilité, la présente cession est consentie et acceptée moyennant le prix forfaitaire de UN EURO (1 €).
Le cessionnaire a payé ce prix comptant, aujourd'hui même.
(...)
Affirmation de sincérité.
Les parties affirment, sous les peines édictées par l'article 1837 du code général des impôts, que le présent acte exprime l'intégralité du prix."
Par acte du 10 juillet 2014, les défendeurs ont déclaré exercer leur droit de retrait en application de l'article 1699 du code civil par le paiement de la somme de un euro outre les frais et loyaux coûts et les intérêts.
Suite au décès de [F] [Q], la SCI du Départ et Mme [G] ont assigné M. [O] [Q] en sa qualité d'héritier, l'autre héritier, M. [M] [Q], étant déjà partie à l'instance qui a été poursuivie à son encontre en cette qualité.
Se prévalant de l'exception prévue par l'article 1701, 1o du code civil et de la qualité de copropriétaire du droit cédé de Mme [G] en tant qu'associée unique de la SCI du Départ, celles-ci ont fait valoir que la SCI Foch, MM. [Q] et la SCI Gormesons ne pouvaient exercer leur droit de retrait.
Elles ont ajouté que la cession de créance portant sur plusieurs créances qui a été faite pour un euro symbolique, le prix de cession de la créance sur la SCI Foch est indéterminable.
Elles ont conclue ensuite à la résolution de la vente du 25 mars 2005 en raison des vices cachés affectant l'ensemble immobilier et à la condamnation de la SCI Foch à payer à Mme [G] la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts.
À titre subsidiaire, elles ont fondé leur action sur le dol et réclamé la condamnation de la SCI Foch à payer à Mme [G] la somme de 1 154 538 euros en réparation du préjudice causé par la perte de chance de vendre l'immeuble au prix du marché.
Mme [G] a sollicité en outre la condamnation de la SCI Foch à lui payer :
- la somme de 1 238 203,50 euros au titre de la perte de loyers ;
- la somme de 17 575,80 euros et la somme de 3 507,11 euros correspondant aux frais de relogement des locataires.
Par jugement du 9 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré irrecevable la demande d'annulation de l'assignation en intervention forcée du 31 août 2017 délivrée à M. [O] [Q] ;
- débouté la SCI Foch de la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit à agir de la SCI du Départ ;
- débouté la SCI Foch, la SCI Gormesons, M. [O] [Q] et M. [M] [Q] de la fin de non-recevoir opposée à Mme [G] au titre de l'exercice de son droit de retrait ;
- déclaré que la SCI Foch, la SCI Gormesons, M. [O] [Q] et M. [M] [Q] ont valablement exercé leur droit de retrait en offrant de payer à Mme [G] la somme de un euro ;
- constaté l'extinction de la créance dont se prévalait la SCI du Départ puis Mme [G] à l'encontre de la SCI Foch, la SCI Gormesons, M. [O] [Q] et M. [M] [Q].
Mme [G] et la SCI du Départ ont interjeté appel de ce jugement dont ils sollicitent l'infirmation en ce qu'il déclare que la SCI Foch, la SCI Gormesons, MM. [O] et [M] [Q] ont valablement exercé le droit de retrait, déclaré la créance litigieuse éteinte et débouté Mme [G] de ses demandes à l'encontre de la SCI Foch, la SCI Gormesons et MM. [O] et [M] [Q].
Elles soutiennent que la SCI Foch, la SCI Gormesons et MM. [Q] ne peuvent exercer leur droit de retrait au regard des dispositions de l'article 1701, 1o du code civil, la cession ayant été faite à un copropriétaire du droit cédé puisque Mme [G] était associée de la société cédante.
Elles ajoutent que la cession portait sur plusieurs créances au prix forfaitaire d'un euro, de sorte que le prix de la créance litigieuse était indéterminé et indéterminable compte tenu de l'existence de procédures en cours.
Elles demandent en conséquence à la cour de dire que la SCI Foch, la SCI Gormesons et MM. [Q] ne sont pas fondés à exercer le droit de retrait prévu par l'article 1699 du code civil et de faire droit à leurs demandes fondées sur la garantie des vices cachés, subsidiairement sur la responsabilité civile en raison du dol dont ils ont été victimes.
Elles réclament en outre une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Foch et Mme [G] ont formé un appel incident et sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de la SCI du Départ en raison de la cession de ses droits à Mme [G] et déclaré celle-ci irrecevable pour défaut du droit d'agir en raison de l'exercice du droit de retrait.
SUR CE,
Attendu que la SCI du Départ, d'une part, Mme [G], d'autre part, ont qualité pour agir dès lors que, parties à la cession de droits, elles contestent l'exercice par la SCI Foch, la SCI Gormesons et MM. [Q] du droit de retrait prévu par l'article 1699 du code civil ;
Attendu que la cession de droit a été faite par la SCI du Départ à son associée, Mme [G], alors que cette société n'était pas dissoute ; que cet associé, qui n'a aucun droit de propriété sur les biens détenus par cette société, ne peut être considéré comme copropriétaire du droit cédé ; qu'en conséquence, la cession de droit ne se heurte pas aux dispositions de l'article 1701 du code civil ;
Attendu que la cession en bloc de plusieurs droits de créances ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de retrait litigieux à l'égard d'une créance qui y est incluse dès lors que la détermination de son prix de cession est possible et déterminable ; qu'en outre, le retrait litigieux, qui a pour but de mettre fin à un procès, ne doit pas pouvoir être paralysé par les parties à la cession par la fixation d'un prix forfaitaire, la loi n'exigeant pas que le prix soit déterminé ; qu'il suffit dès lors que le juge puisse fixer le prix de la créance objet du retrait en fonction d'éléments d'appréciation produits par les parties ; qu'en l'espèce, les parties ont entendu retenir un prix forfaitaire d'un euro compte tenu du caractère aléatoire de la cession de créances litigieuses qui justifie ce mode de fixation du prix ; qu'ainsi, le retrayant est fondé, compte tenu, selon les termes mêmes de l'acte de cession, "de l'aléa judiciaire et de l'incertitude de la condamnation par les tribunaux des débiteurs", à offrir ce prix forfaitaire d'un euro au titre de l'indemnisation du retrayé, et non le prix de la créance qui est lui-même indéterminable compte tenu de son caractère litigieux ;
Attendu qu'il convient de confirmer le jugement ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les différentes demandes ;
Condamne la société civile immobilière du Départ et Mme [G] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,