Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6
ORDONNANCE DU 09 DÉCEMBRE 2020
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(No /2020, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/00171 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5HEO
NOUS, Estelle MOREAU, Conseillère, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Vanessa ALCINDOR, Greffière lors de la mise à disposition de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Monsieur R... L...
[...]
[...]
Comparant en personne,
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Maître Q... E...
[...]
[...]
Comparante en personne,
Défenderesse au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 28 Octobre 2020 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 09 décembre 2020 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
Vu la décision du bâtonnier de Paris en date du 15 février 2018 ayant notamment fixé à la somme de 9.200 euros HT le montant des honoraires dus par M. R... L... à Mme Q... E..., avocat, constaté le règlement de la somme de 1.526 euros HT et dit que M. L... devra régler à Mme E... la somme de 7.674 euros HT outre la TVA applicable et les frais de signification de la décision ;
Vu le recours formé par M. L... par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 mars 2018 ;
Vu l'audience du 28 octobre 2020 ;
Vu les conclusions de M. L..., notifiées à l'intimée en temps utile, déposées à la cour et développées oralement à l'audience, faisant valoir l'absence de prévisions d'honoraires, des irrégularités dans la transmission et le contenu des factures dont certaines ont été acquittées en espèces, et dont le montant est exagéré et injustifié compte tenu des manquements de Mme E... ;
Vu les conclusions de Mme E..., notifiées à l'appelant en temps utile, déposées à la cour et développées oralement à l'audience, sollicitant la fixation de ses honoraires à la somme de 15.000 euros HT soit 18.000 euros TTC et contestant la déduction par le bâtonnier d'une somme de 1.526 euros HT dont le règlement n'est pas justifié ;
SUR CE
Il résulte des pièces produites aux débats et des explications des parties que début juin 2016, M. L... a sollicité l'assistance de Mme E... dans sa procédure de divorce.
Aucune convention d'honoraires n'a été conclue entre les parties.
La procédure de divorce s'est révélée contentieuse et complexe. Mme E... a en effet assisté M. L... dans une double procédure de divorce, l'une diligentée sur requête déposée par ses soins à La Rochelle, l'autre initiée par son épouse à Perpignan, mais également dans une procédure de référé à Perpignan puis dans une procédure en référé devant le premier président de la cour d'appel de Montpellier, enfin devant la cour d'appel de Poitiers saisie d'un contredit. Elle a également assisté M. L... à Montpellier pour la vente de sa maison.
Ces diligences ont donné lieu à une facture 2016-005 du 2 septembre 2016 pour un montant de 300 euros HT au titre des "honoraires intervention notaire", qui a été réglée, ainsi que 11 factures litigieuses adressées par Mme E... à M. L... pour un montant total de 15.000 euros HT, mentionnant chacune un taux horaire de 230 euros HT soit :
- une facture 2016-0006 du 2 septembre 2016 d'un montant de 1.400 euros HT au titre de "rédaction conclusions, correspondance avec adversaire, envoi courrier magistrat (conclusions et pièces)",
- une facture 2017-0023 du 1er juillet 2017 d'un montant de 1.600 euros HT au titre de "rédaction de requête en divorce, négociations avec confrère adverse, suivi vente maison", prestations facturées à deux reprises ainsi que le relève M. L...,
- une facture 2017-0024 du 1er juillet 2017 d'un montant de 2.000 euros HT au titre de "appel ordonnance référé week-end, rédaction assignation premier président, transmission des pièces, audience du 14.09.2016, étude pièces adverses et leurs conclusions",
- une facture 2017-0025 du 1er juillet 2017 d'un montant de 2.000 euros HT au titre de "requête aux fins de date d'assignation à jour fixe, assignation à jour fixe, étude pièce adverses et conclusions, temps d'audience à Montpellier en décembre 2016",
- une facture 2017-0026 du 1er juillet 2017 d'un montant de 1.200 euros HT au titre de "rédaction conclusion de conciliation, étude demande adverse",
- une facture 2017-0027 du 1er juillet 2017 d'un montant de 900 euros HT au titre de "rédaction conclusions de litispendance, suivi audience par téléphone et internet, transmission dossier avocat sur place, déplacement gendarmerie novembre 2016",
- une facture 2017-0028 du 1er juillet 2017 d'un montant de 1.400 euros HT au titre de "étude conclusions et pièces adverses, échanges avec client, demande de renvoi et conclusions à déposer",
- une facture 2017-0029 du 1er juillet 2017 d'un montant de 2.200 euros HT au titre de "rédaction nouvelles conclusions, étude pièces et conclusions adverses, audience, dépôt demande de libération fonds communs, note en délibéré",
- une facture 2017-0030 du 1er juillet 2017 d'un montant de 800 euros HT au titre de "rédaction contredit après étude contredit adverse, envoi au greffe, correspondances client",
- une facture 2016-0056 du 24 octobre 2016 d'un montant de 600 euros HT au titre de "postulation devant la cour d'appel de Montpellier",
- une facture 2017-0031 du 2 juillet 2017 d'un montant de 1.500 euros HT au titre de "rdv Aytre - assignation divorce, forfait envoi 191 groupes de mails dont certains de 20 à 30 mails, rédaction courrier magistrat de Perpignan pour conciliation fin mars 2017".
M. L... démontre qu'ont également été émises deux factures 2016-0033 et 2016-0034, non produites aux débats, en paiement desquelles il a réglé les sommes de 145 euros et 217 euros par virement bancaire.
La tardivité de l'établissement des factures, leur production incomplète aux débats et le fait qu'il ait été convenu d'un paiement partiel en espèces, ne suffisent pas à remettre en cause l'ensemble des prestations facturées alors qu'il est produit aux débats les actes dont il est sollicité le règlement.
M. L... est mal fondé à faire valoir un montant forfaitaire convenu avec Mme E... par courriel de celle-ci du 2 septembre 2016, lui indiquant "pour un divorce contentieux, compte tenu de votre salaire et de nos relations de bonne qualité, je serai amenée à vous facturer entre 2.500 et 3.000 euros HT", tout en lui précisant cependant "Le gros travail est fait, reste la rédaction, les audiences etc...donc tout dépend aussi de la mauvaise volonté de votre ex. Dès que l'audience de Perpignan est passée, et que nous nous acheminons vers l'audience de la Rochelle, je refais le point financier avec vous et vous adresse une convention d'honoraires".
La procédure spéciale prévue à l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 ne concerne que les contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires d'avocat, de sorte que le bâtonnier et, en appel, le premier président sont incompétents dans le cadre de cette procédure pour connaître, même à titre incident, d'une demande tendant à la réparation d'une faute professionnelle de l'avocat par voie d'allocation de dommages et intérêts ou de réduction du montant de ses honoraires.
Ainsi, le premier président de la cour d'appel n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une éventuelle responsabilité de l'avocat à l'égard de son client liée au manquement à son devoir d'information préalable quant aux conditions de sa rémunération ainsi qu'aux manquements dans l'exercice de sa mission, tels qu'invoqués par M. L....
Compte tenu de l'absence de convention d'honoraires, les honoraires de l'avocat doivent être fixés, en application des critères énumérés par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Ainsi que l'a retenu le bâtonnier, le taux horaire de 230 euros HT est compatible avec la nature et la difficulté du dossier, l'ancienneté de Mme E... et les revenus de M. L....
Cependant, Mme E... ne produit aucune fiche de diligences mentionnant le temps passé, se bornant à y décrire les actes effectués et mentionner "Nombre d'heures consacrées au dossier : la base de calcul horaire est souvent le forfait, à défaut le taux horaire de 230 euros, repris à 50 euros s'agissant de rédaction d'actes ou d'envoi de courriers". Elle ne justifie donc pas du temps passé au titre des prestations facturées, dont celle correspondant à l'envoi de 191 groupes de mails dont certains de 20 à 30 mails que M. L... conteste en produisant aux débats des courriels confidentiels adressés entre elle et son confrère représentant la partie adverse, sur lesquels il figure en copie.
Au vu des éléments versés aux débats, le bâtonnier a fait une juste appréciation du temps passé à 40 heures, et fixé avec exactitude le montant des honoraires de Mme E... à 9.200 euros HT.
Il est démontré par le courriel du 2 septembre 2016 que Mme E... a accepté la proposition de son client d'un règlement en espèces en précisant "par contre payez moi par chèque ou virement les frais comme la facture relative à Montpellier, l'autre je la fais disparaître. En espèces, je divise la note HT reçue par deux, donc 300 euros". Ce courriel suffit à établir le règlement par M. L... d'une somme de 300 euros en espèces.
M. L..., à qui incombe l'obligation de prouver qu'il s'est acquitté des honoraires dus, ne démontre pas avoir réglé, au titre des factures litigieuses, la somme de 1.526 euros HT, mais celles de 145 et 217, et 300 euros soit un montant total de 662 euros devant venir en déduction des honoraires dus.
Il convient, en conséquence, de fixer les honoraires restant dus à Mme E... à la somme de 8.538 euros.
M. L... échouant en ses prétentions sera condamné aux dépens.
L'équité commande de débouter Mme E... de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en dernier ressort, après débats publics et ensuite par mise à disposition de la présente décision,
Confirme la décision en ce qu'elle a fixé à la somme de 9.200 euros HT le montant des honoraires dus par M. R... L... à Mme Q... E... et dit que M. R... L... devra régler les frais de signification de la décision,
Infirme la décision en ce qu'elle a constaté le règlement de la somme de 1.526 euros HT et dit que M. R... L... devra régler à Mme Q... E... la somme de 7.674 euros HT outre la TVA applicable,
Statuant de nouveau,
Constate le règlement de la somme de 662 euros et dit que M. R... L... devra régler à Mme Q... E... la somme de 8.538 euros HT outre la TVA applicable,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme Q... E... de sa demande à ce titre,
Condamne M. R... L... aux dépens d'appel.
Dit qu'en application de l'article 177 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée au parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LE GREFFIER LE CONSEILLER