REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 8 DÉCEMBRE 2020
(n° /2020, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/27798 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B64OT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de Paris - 4ème chambre 2ème section - RG n° 14/09430
APPELANTE
Madame T... N...
née le [...] à CAILLERES-SAINT-HILAIRE (85)
Domiciliée [...]
[...]
Représentée par Me David DANA de la SELARL DANA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1484
INTIMÉES
SA ALLIANZ FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant son siège social,[...]
[...]
SA COMPAGNIE D'ASSURANCE ALLIANZ VIE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant son siège social, [...]
[...]
Toutes deux représentées par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistées de Me VERGNE Marion de LUSSAN / SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077
SA GAN PATRIMOINE, prise en la personne de son Président en exercice et tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité.
Ayant son siège social, [...]
[...]
Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Assistée de Me RAFFY Mathieu de la SCP GUILLEMOTEAU-BERNARDOU-RAFFY, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
M. Christian BYK, Conseiller
M. Julien SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur SENEL Julien, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Vanessa ALCINDOR
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 novembre 2020 prorogé au 8 décembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et Madame Joëlle COULMANCE, Greffière présente lors de la mise à disposition.
*****
Par acte d'huissier délivré le 5 juin 2014, Mme T... N... a fait assigner la société GROUPAMA GAN VIE devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'expertise judiciaire destinée à vérifier la validité des contrats d'épargne au porteur qu'elle détenait et chiffrer le préjudice résultant de la fraude dont elle déclarait avoir été victime de la part de M. E... H..., mandataire de la société GAN, décédé au mois de novembre 2012. Elle sollicitait également la condamnation de la société GROUPAMA GAN VIE au paiement de la somme de 3 000 000 euros à parfaire sur le fondement de l'article L 511-1 du code des assurances.
Elle a fait assigner en intervention forcée la société GAN PATRIMOINE par acte d'huissier du 10 juin 2015.
Les instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 2 juillet 2015.
Mme N... a déposé au greffe pour consultation le 26 septembre 2016 :
- les originaux des contrats de capitalisation au porteur et les contrats d'assurance vie suivants :
. 19 contrats de capitalisation au porteur GAN INVEST
. 2 contrats de capitalisation au porteur GAN VALEURS
. 2 contrats de capitalisation au porteur GAN OPTIONS
. 12 contrats de capitalisation au porteur GAN CFE (en réalité 8 selon GAN PATRIMOINE)
. 5 contrats d'assurance vie GAN VALEUR.
- les six accusés de réception de versement du contrat GAN VALEUR n° [...].
Mme N... a fait assigner par ailleurs les sociétés ALLIANZ FRANCE et ALLIANZ VIE en paiement de dommages et intérêts devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 28 décembre 2015.
Par ordonnance du 3 novembre 2016, le juge de la mise en état de la cinquième chambre du tribunal a organisé la communication aux débats des pièces originales de Mme N... sous la forme de leur consultation au greffe.
Mme N... a déposé au greffe de la cinquième chambre pour consultation les 33 bons AGF AMPLOR qu'elle a repris le 10 novembre 2016.
L'affaire a été redistribuée à la quatrième chambre du tribunal le 14 décembre 2016 en raison de sa connexité avec la procédure opposant Mme N... à la société GROUPAMA GAN VIE et à la société GAN PATRIMOINE, les instances étant jointes le 9 février 2017.
C'est dans ces circonstances que, par jugement du 8 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
- prononcé la mise hors de cause de la société GROUPAMA GAN VIE ;
- déclaré recevables les demandes de Mme N... ;
- débouté Mme N... de ses demandes ;
- condamné Mme N... à payer à la société GROUPAMA GAN VIE et à la société GAN PATRIMOINE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme N... à payer à la société ALLIANZ VIE et à la société ALLIANZ FRANCE la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme N... aux dépens et fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Xavier AUTAIN ;
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Mme N... a interjeté appel de cette décision le 11 décembre 2018 en précisant que son appel tendait à l'infirmation ou la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à régler à la société GAN PATRIMOINE la somme de 3.000 euros et aux sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens .
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique en date du 5 septembre 2019, Mme N... demande à la cour au visa notamment des articles L.511-1 et suivants du code des assurances, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau de juger que :
- M. H... était le mandataire de la société GAN PATRIMOINE entre le 1er février 1994 et le 19 décembre 2005,
- il était le mandataire apparent de la société AGF,
- les sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ France viennent aux droits de la société AGF, - M. H... a commis des fautes à l'égard de Mme N... dans l'exercice des fonctions auxquelles il était employé,
- la société GAN PATRIMOINE est responsable des agissements de M. H... commis dans l'exercice des fonctions auxquelles il était employé,
- les sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE sont responsables des agissements de M. H... commis dans l'exercice des fonctions auxquelles il était employé,
En conséquence :
- condamner la société GAN PATRIMOINE à lui payer la somme de 2.167.399,70 €, en réparation de ses préjudices matériels, et la somme de 20.000 € au titre du préjudice moral ;
- condamner in solidum les sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE à lui régler la somme de 129.066 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et la somme de 15.000€ au titre du préjudice moral ;
En tout état de cause :
- débouter la société GAN PATRIMOINE et les sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ France de l'ensemble de leurs demandes incidentes,
- condamner la société GAN PATRIMOINE et les sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ France à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, dont distraction.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 03 février 2020, la société GAN PATRIMOINE demande à la cour de déclarer Mme N... mal fondée en son appel, l'en débouter, statuer ce que de droit sur l'appel incident des sociétés ALLIANZ France et ALLIANZ VIE et, à titre liminaire, vu les dispositions des articles L.114-1 et 2224 du code civil, la recevant en son appel incident, et y faisant droit, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Mme N... recevable en son action.
La société GAN PATRIMOINE demande en conséquence de juger Mme N... irrecevable comme prescrite en son action et de la débouter de l'intégralité de ses demandes.
En toute hypothèse, elle demande de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme N... de l'intégralité de ses demandes en constatant qu'elle ne rapportait pas la preuve de ses allégations et en conséquence, de la débouter de l'intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement d'une juste indemnité de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction.
A titre subsidiaire, elle demande de juger en toute hypothèse que les demandes de Mme N... ne sauraient excéder la somme de 769.502,36 € correspondant à la valeur des contrats à leur terme.
A titre infiniment subsidiaire et si la cour s'estime insuffisamment informée, elle demande de désigner un expert à l'effet de chiffrer le montant des sommes pouvant être sollicitées par Mme N... au regard de la valeur des contrats.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 18 février 2020, la société ALLIANZ VIE et la société ALLIANZ France demandent à la cour au visa notamment les dispositions des articles 32, 1384 ancien et 2224 du code civil, et L.511-1 du code des assurances, de :
- à titre liminaire, infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée à Mme N... ; en conséquence, opposer à Mme N... une fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir ;
- à titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la prescription de l'action de Mme N... ; en conséquence, déclarer l'action de Mme N... irrecevable car prescrite ;
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme N... de toutes ses demandes ; en conséquence, débouter Mme N... de l'ensemble de ses demandes ;
- à titre infiniment subsidiaire, juger que Mme N... ne rapporte pas la preuve des préjudices dont elle sollicite réparation ; en conséquence, débouter Mme N... de l'ensemble de ses demandes ;
- en tout état de cause, statuer ce que de droit sur l'appel incident de la société GAN PATRIMOINE ;
- condamner Mme N... à payer à ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel outre les entiers dépens, dont distraction.
La clôture est intervenue le 02 mars 2020.
Il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions ainsi visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient à titre liminaire de rappeler que l'appel principal de Mme N... et ceux incidents des intimés ne visant plus la société GROUPAMA GAN VIE, qui a été mise hors de cause par le jugement du 08 novembre 2018, cette mise hors de cause est désormais définitivement acquise.
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir soulevé par les sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE
Les sociétés ALLIANZ soulèvent de nouveau le défaut de qualité à agir de Mme N... au visa des articles 30 à 32 du code de procédure civile en exposant que E... H... n'était pas leur mandataire mais un courtier en assurances indépendant en ce qu'il avait le statut de conjoint collaborateur, exerçant avec son épouse, au sein d'un cabinet éponyme, et que Mme N... n'est pas détentrice d'un contrat souscrit auprès d'ALLIANZ qui n'a pas à répondre des agissements de E... H... dont elle n'était pas responsable, la preuve de l'existence d'un mandat entre ce dernier et l'une des sociétés du groupe ALLIANZ n'étant par ailleurs pas rapportée, les bons versés au débat par Mme N... étant des faux et aucun lien de droit entre la compagnie d'assurance et celle-ci n'étant démontré.
Mme N... ne disposant d'aucune qualité d'assurée, de souscriptrice ou de bénéficiaire d'un contrat qui puisse justifier d'un droit d'action contre la compagnie d'assurance, les sociétés ALLIANZ en déduisent que leur fin de non recevoir doit être accueillie, et en conséquence le jugement infirmé sur ce point.
Mme N... réplique que E... H... a été le mandataire de GAN PATRIMOINE jusqu'à ce qu'il résilie le mandat conclu avec celui-ci le 9 décembre 2005, qu'il se présentait comme étant également celui des AGF de sorte qu'il existait un mandat apparent, qu'il n'est devenu indépendant qu'à compter du 23 mars 2004, de sorte que les souscriptions effectuées avant ne sont pas concernées par ce statut et qu'entre le 23 mars 2004 et le 9 décembre 2005, il cumulait les fonctions à savoir mandataire des assureurs et intermédiaire auprès des assurés.
Cependant, comme l'a exactement rappelé le tribunal, l'appréciation de la qualité de E... H... ne relève pas de la recevabilité mais du bien fondé de 1'action diligentée par Mme N... de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par les sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE.
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes de Mme N... soulevée par la société GAN PATRIMOINE et les sociétés ALLIANZ
La société GAN PATRIMOINE soulève de nouveau la prescription des demandes de Mme N... au visa principalement de la prescription biennale visée à l'article L.114-1 du code des assurances seule applicable selon elle puisque l'action intentée par cette dernière le 10 juin 2015 à son encontre dérive de contrats d'assurances, E... H... n'étant pas courtier mais mandataire non salarié non agent général de la compagnie d'assurance ; la société GAN PATRIMOINE explique que l'action ainsi introduite est prescrite dès lors qu'elle est survenue plus de deux ans après le courrier en date du 25 mars 2013 qui, selon Mme N..., l'aurait informée des agissements de E... H..., celle-ci n'étant pas fondée à reporter de façon artificielle le point de départ de la prescription à la date de remise au greffe pour consultation des photocopies qui étaient déjà en sa possession, dès lors que les sociétés GAN n'ont eu de cesse depuis le début de la procédure d'indiquer que les contrats produits par Mme N... étaient de simples photocopies.
La société GAN PATRIMOINE invoque subsidiairement la prescription quinquennale édictée à l'article 2224 du code civil, en exposant que Mme N..., et sa fille, ont été informées par courrier du 23 janvier 2006 que E... H... n'était plus mandataire de la société GAN PATRIMOINE et de ses filiales, et qu' il n'avait de ce fait plus qualité pour les représenter, visiter sa clientèle, et/ou recevoir des fonds ou valeurs en son nom, ne pouvant évidement faire état dans ce courrier d'éventuelles malversations de sa part, en l'absence de condamnation pénale, de sorte qu'elle n'avait plus de raison de le solliciter pour se renseigner sur la valeur des contrats souscrits auprès du GAN à partir de cette date là.
Les sociétés ALLIANZ excipent également de la prescription des demandes de Mme N..., pourtant écartée par le tribunal, en exposant que celui-ci a, à tort, procédé à une analyse globale de la prescription à l'égard des deux assureurs alors qu'il s'agit de sociétés indépendantes, n'ayant pas d'intérêts communs, et que c'est à l'aune des éventuelles relations de Mme N... avec chacune des sociétés d'assurance qu'il convenait d'examiner la prescription soulevée. Elles estiment que, pour ce qui les concerne, Mme N... disposait de tous les éléments pour se convaincre de la fausseté des bons à une date bien antérieure au délai de prescription, soit dès leur remise s'agissant de faux grossiers (dénués de mention de date, de renvoi aux conditions générales et de très piètre qualité), d'autant plus qu'elle avait déjà acquis de nombreux bons au porteur auprès de différentes compagnies d'assurance, de sorte qu'elle connaissait l'apparence, la texture et les caractéristiques essentielles de tels bons, qu'elles ne pouvaient d'ailleurs acquérir sans en vérifier l'authenticité afin d'être plus tard réglés.
Les sociétés ALLIANZ ajoutent que Mme N... a en toute hypothèse été alertée dès 2006 des difficultés rencontrées par E... H... ce qui aurait dû l'inciter à davantage de prudence et de vigilance dès cet instant. Elles estiment que Mme N... est de mauvaise foi, qu'elle ne justifie d'aucun motif justifiant le report du point de départ du délai de prescription, et qu'elle ne rapporte la preuve ni d'avoir été dans l'impossibilité de déceler plus tôt la fausseté des bons, ni d'un lien quelconque avec E... H... et d'un report du point de départ de la prescription à la découverte des agissements de ce dernier. Elles en concluent que l'action, introduite à leur encontre le 28 décembre 2015, étaient manifestement prescrite.
Mme N... réplique que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté cette fin de non recevoir dès lors que son action en responsabilité qui ne dérive pas d'un contrat d'assurance est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil et non à celle biennale, prescription quinquennale dont les conditions d'application ne sont en l'espèce pas réunies, celle-ci n'ayant commencé à courir :
- à l'égard des sociétés ALLIANZ, à tout le moins, qu'à compter du 11 octobre 2013, lorsque ALLIANZ VIE lui a écrit que les bons AMPLOR 'semblaient' être des faux, de sorte qu'elle n'a appris qu'à cette date seulement que les bons AGF étaient vraisemblablement des faux ;
- à l'égard du GAN, à tout le moins, qu'à compter en ce qui concerne certains bons de la réunion qui s'est tenue en février 2013 à son domicile avec les contrôleurs et inspecteurs du GAN venus contrôler la validité des bons en sa possession, ceux-ci l'ayant à cette occasion informée du fait que certains bons GAN étaient vraisemblablement des faux, voire du 25 mars 2013, date du courrier GAN VIE l'ayant informée que certaines personnes revendiquaient être porteurs de bons qu'elle détenait mais assurément pas à compter de la lettre du GAN du 23 janvier 2006 qui n'indiquait pas que E... H... était un faussaire et qu'il détournait les fonds des souscripteurs.
In fine, elle soutient que le caractère certain de son dommage n'est apparu qu'après le dépôt au greffe des bons litigieux et après que les intimées aient pu affirmer qu'ils étaient falsifiés de sorte que la prescription ne peut courir qu'à compter des conclusions subséquentes aux consultations de ces bons.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 114-1 toutes les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
En l'espèce, Mme T... N... recherche la responsabilité des intimées sur le fondement des articles L 511-1 et suivants du code des assurances (renvoyant sur ce point aux dispositions de l'article 1242 du code civil) et du mandat qu'elle verse au débat, en soutenant que le mandataire de ces assureurs, E... H..., lui a remis des bons au porteur falsifiés, et qu'il n'a pas transmis au GAN les fonds qu'elle lui a remis à charge de les verser sur l'un de ses contrats d'assurance vie.
Elle a assigné à cette fin la société GAN PATRIMOINE le 10 juin 2015 (et non le 05 juin 2014 comme elle le prétend dans ses écritures, en page 11) et les sociétés ALLIANZ le 28 décembre 2015.
Pour que la responsabilité civile du mandant du fait de son mandataire agissant en cette qualité soit engagée en matière d'intermédiation en assurance ou en réassurance, par sa faute, imprudence ou négligence, l'action ainsi diligentée nécessite la preuve de l'existence d'un mandataire, autorisé à commettre des activités considérées comme de la distribution d'assurances (ou de réassurances) et ayant agi dans le cadre de ces activités.
* sur la prescription de l'action à l'égard de la société GAN PATRIMOINE
E... H... avait conclu avec le GAN CAPITALISATION et ses filiales un mandat prenant effet à compter du 1er février 1994, dans les termes des articles 1984 et suivants du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur. Il était chargé de développer les opérations de placement dans sa clientèle et dans le public, des contrats de la société GAN CAPITALISATION, aux droits de laquelle est intervenue la société GAN PATRIMOINE, et de ses filiales, notamment en développant la souscription de leurs contrats de capitalisation, en sa qualité de conseiller, sous la surveillance d'un inspecteur départemental.
Des contrats d'épargne au porteur et d'assurances-vie ont ainsi été souscrits entre 1994 et 2002 auprès du GAN PATRIMOINE par son intermédiaire, par Mme T... N... et pour le compte de sa fille B... N....
Mme T... N... affirme en outre qu'elle a hérité de bons au porteur transmis par sa mère V... W... veuve N..., à son décès (survenu le 07 juin 1997), bons souscrits auprès du GAN par l'intermédiaire de E... H..., qu'elle lui avait par la suite recommandé, sans toutefois justifier de cet héritage, ne serait-ce qu'au moyen d'une attestation, de la déclaration de succession ou d'un testament.
Par lettre manuscrite du 19 décembre 2005, E... H... a adressé sa démission à la direction du GAN PATRIMOINE à la suite d'une plainte déposée par une de ses clientes, Mme O.... Le GAN a pris acte de cette démission par courrier du 21 décembre 2005, à compter du 09 décembre 2005.
Par courrier rédigé par le responsable administration du réseau de la société GAN PATRIMOINE, en date du 23 janvier 2006, adressé à l'ensemble de ses clients, le GAN PATRIMOINE prenant acte de la démission de son mandant, les a informés que E... H... n'était plus mandataire des sociétés GAN PATRIMOINE et de ses filiales et qu'il n'avait plus, de ce fait qualité pour les représenter, visiter la clientèle, et/ou recevoir des fonds ou valeurs en son nom. Mme T... N... ne conteste pas avoir reçu ce courrier.
Par ailleurs, entre le 1er avril 2004 et le 1er août 2009, E... H... a exploité avec son épouse Mme D... H... le cabinet SANCHEZ situé à Montfaucon (30), exerçant l'activité de courtage en assurance, placement financiers et conseil en patrimoine ; puis, il a géré la société ARTFINANCES, dont l'activité de courtier d'assurances, conseils en placements financiers, gestion de patrimoine intermédiaire en vente d'oeuvres d'art, a débuté le 1er août 2009.
E... H... s'est suicidé le 24 novembre 2012. Les sociétés [...] et ARTFINANCES ont été respectivement radiées et liquidées les 21 décembre 2012 et 13 mars 2013.
Mme T... N... et sa fille B... N... s'estimant dans ce contexte victimes d'escroqueries et d'abus de confiance de la part de E... H..., ont déposé plainte le 4 juin 2015 entre les mains du Procureur de la République du Tribunal de grande instance d'Aix en Provence, et plainte avec constitution de parties civiles le 14 décembre 2015 entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Avignon des chefs d'escroquerie et abus de confiance.
N'étant selon le contrat de mandat conclu le 1er février 1994 entre la société GAN PATRIMOINE et E... H... pas courtier en assurance, mais mandataire non salarié, non agent général de la compagnie d'assurance, exerçant en profession libérale, remunéré par des commissions, E... H... a agit au nom de GAN CAPITALISATION, aux droits de laquelle est venue GAN PATRIMOINE et de ses filiales en vertu de ce mandat, opposable à Mme N... et sa fille jusqu'au 23 janvier 2006, date à partir de laquelle elles ont été informées de la résiliation de ce mandat comme en atteste le justificatif informatique de l'envoi de cette lettre produit par le GAN.
E... H... a par la suite créé les sociétés [...] et ARTFINANCES, sous lesquelles il a exercé à titre personnel. Le début d'activité de la première date du 1er avril 2004, tandis que celui de la seconde remonte au 1er août 2009, d'après les extraits K-bis produits au débat.
Les bons litigieux, délivrés par E... H... à Mme T... N... et pour le compte de sa fille figuraient parmi les contrats qu'il était autorisé à délivrer. Des experts, à savoir M. E... U... 'Contrôleur interne et inspecteur conformité et qualité' et M. S... G... 'Inspecteur contrôle interne et conformité' missionnés à cette fin par la compagnie d'assurance, sont venus confirmer au domicile de Mme T... N... qu'il s'agissait pour certains d'entre eux de faux, courant février 2013.
Il s'en déduit que l'action exercée concernant le GAN PATRIMOINE, qui ne vise pas uniquement à obtenir l'indemnisation de préjudice invoqués du fait de la remise de faux bons de capitalisation, mais plus globalement à indemniser l'ensemble des actes fautifs attribués à E... H..., dont son mandant doit répondre, dérive bien d'un contrat d'assurance au sens des dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, lesquels édictent une prescription biennale de cette action à compter de l'événement qui y donne naissance. Cependant, en cas de sinistre, ce délai ne court que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.
En l'espèce, lorsque Mme N... a assigné la société GAN PATRIMOINE le 10 juin 2015, elle se situait bien au-delà du délai de deux ans suivant l'événement y ayant donné naissance, à savoir la souscription des divers contrats, à savoir selon elle 'entre 1994 et 2002', étant précisé qu'elle soutient dans ses dernières conclusions qu'à l'exception des contrats reçus de sa mère, 48 contrats de capitalisation au porteur et 5 contrats d'assurance-vie ( dit 'DSK) lui ont été remis par E... H..., représentant un investissement total auprès de GAN PATRIMOINE de 10.795.943 francs.
Pour ne pas encourir la prescription, il lui appartient donc de démontrer qu'elle a ignoré les faits lui permettant d'introduire son action en justice moins de deux ans avant l'assignation en paiement délivré à l'encontre du GAN PATRIMOINE, le 10 juin 2015, quant bien même elle ne connaîtrait pas alors le quantum précis de son préjudice, son action aux fins d'expertise suspendant alors le cours de la prescription.
Comme l'a justement relevé le tribunal, la lettre adressée le 23 janvier 2006 par le GAN à l'ensemble de ses clients pour les informer que E... H... n'était plus mandataire de GAN PATRIMOINE et de ses filiales et qu'il n'avait plus qualité pour les représenter, visiter la clientèle et/ou recevoir des fonds ou valeurs en son nom, ne suffisait pas pour alerter Mme N... des malversations qu'il aurait pu commettre dans l'exercice de ses fonctions, par la généralité des termes employés.
Elle ne peut donc manifestement pas servir de point de départ de la prescription, contrairement à ce que soutient le GAN PATRIMOINE.
E... H... est décédé le 24 novembre 2012 et Mme T... N..., qui est présumée de bonne foi à défaut pour les intimées de démontrer le contraire sur ce point, reconnaît qu'elle en a été informée en décembre 2012 par l'épouse de E... H..., ainsi que des motifs de ce suicide, à savoir le détournement des fonds remis par 'certains de ses clients', alors qu'elle souhaitait l'interroger sur la valeur de ses contrats arrivés à terme, ce qu'il ne pouvait du reste plus faire en sa qualité de mandataire de GAN PATRIMOINE et de ses filiales depuis plusieurs années, comme Mme T... N... en avait été informée, par la lettre d'information adressée le 23 janvier 2006 .
La date de décembre 2012 ne peut donc être retenue en elle-même, mais à compter de cette date, Mme T... N... ne pouvait ignorer que les fonds remis à E... H... étaient susceptibles d'avoir en tout ou partie été détournés.
Contrairement à ce qu'elle soutient, le courrier du 12 juillet (et non 4 mars) 2013 qu'elle verse au débat en pièce 96, émanant de la société SKANDIA, répondant à une lettre de son conseil en date du 26 juin 2013, ne vient pas 'confirmer' le décès de E... H.... Il s'agit uniquement de la communication, à la suite de la demande formulée par le conseil de Mme T... N... et de sa fille B..., d'un tableau récapitulatif des opérations survenues sur les contrats de Mme T... N..., Mme L... N... et Mme B... N.... Ce courrier vise par ailleurs à préciser que les courriers correspondant à des demandes d'arbitrage formulées par Mme T... N... et Mme L... N... sur des contrats souscrits par elles leur avaient été adressés le 05 juillet 2013, et à les informer de l'impossibilité de procéder au changement de conseiller en gestion de patrimoine indépendant à la place de Mme T... N..., Mme L... N... et Mme B... N... comme elles l'avaient sollicité, dès lors que celui-ci intervient en tant que leur mandataire et qu'elles doivent en conséquence elles-mêmes indiquer qui elles désignent à cette fin.
La cour ne peut ainsi pas suivre Mme T... N... lorsqu'elle soutient en page 7 de ses écritures que ce n'est qu'à compter de cette 'confirmation' du décès de E... H... qu'elle aurait décidé d'interroger GROUPAMA GAN VIE sur la validité et la valeur de ses '54' contrats.
En outre, comme le souligne la société GAN PATRIMOINE à ce sujet, Mme N... n'avait plus de raison de solliciter d'informations de la part de E... H... sur la valeur des contrats souscrits auprès du GAN, sauf à ce que des opérations au second marché aient été mises en 'uvre post mandat alors que E... H... exerçait sous l'entête de son nouveau cabinet ARTFINANCE.
Le GAN PATRIMOINE n'apporte cependant aucune pièce pour étayer cette simple hypothèse.
C'est bien à la suite de la visite à son domicile de M. E... U... 'Contrôleur interne et inspecteur conformité et qualité', et de M. S... G... 'Inspecteur contrôle interne et conformité', de la société GAN PATRIMOINE que Mme T... N... a fait opposition auprès du GAN au paiement de plusieurs bons de capitalisation présentés par d'autres porteurs, le GAN PATRIMOINE n'apportant aucune pièce pour démentir cette présentation des faits.
Mme T... N... justifie de cette démarche, faite par deux courriers datés du 11 février 2013 concernant onze contrats GAN (n°...), démarche dont le GAN a accusé réception les 25 mars 2013 concernant plusieurs contrats (n°[...]), tandis que sa fille Mme B... N... a fait de même concernant le paiement de deux bons de capitalisation le 13 février 2013 (n°694/00345313 et 314), dont le GAN a pris note dès le 06 mars 2013.
A la date de ces oppositions, courant février 2013, faites sur la foi des observations des deux inspecteurs du GAN venus lui rendre visite et à tout le moins à partir du 25 mars 2013, date à laquelle Mme R... du service gestion Oppositions/Nantissements de la société GROUPAMA GAN VIE leur a indiqué que M. K... I... s'était présenté comme détenteur des contrats litigieux, et qu'il convenait d'engager au plus vite une action auprès du tribunal de grande instance compétent pour préserver leurs droits, Mme T... N... et sa fille B... ne pouvaient plus ignorer que certains des bons en leur possession étaient des faux.
Dans un précédent courrier, daté du 06 mars 2013, la société GAN prenant note auprès de Mme T... N... de la réception de sa déclaration d'opposition au paiement de deux contrats (n°[...] et [...]), parvenue par le courrier du 13 février 2013 évoqué ci-dessus, l'avait d'ailleurs informée de ce qu'aucun règlement ne serait effectué sur ces contrats pendant une durée légale de deux ans, à compter de cette date et de la possibilité d'engager une action en revendication de propriété à l'encontre du tiers porteur des contrats s'il s'en manifestait un, ce qui a été le cas, en la personne de M. I....
S'en sont suivies deux procédures distinctes devant le tribunal de grande instance de Carpentras diligentées l'une par Mme T... N..., l'autre par sa fille B..., dès le 29 avril 2013 à l'encontre notamment de GROUPAMA GAN VIE et de GAN PATRIMOINE, qui donneront lieu à deux jugements en date du 06 juin 2017, confirmés l'un en toutes ses dispositions, sauf à actualiser le quantum de la créance en réparation de Mme N... sur la société GAN PATRIMOINE, l'autre en toutes ses dispositions, par deux arrêts de la cour d'appel de Nîmes du 17 janvier 2019.
Si Mme T... N... justifie en pièce 101 du versement par remploi de la somme de 104 597,01 euros le 16 février 2013 sur le contrat GAN LIVRET de Mme B... N..., elle ne produit aucune pièce justifiant qu'il s'agit là du produit des rachats effectués par le GAN PATRIMOINE, sur les conseils de M. E... U... et M. S... G..., des contrats n° [...], n°[...], n° [...], n°[...], n°[...] et n°[...], que ces inspecteurs auraient authentifiés comme étant des bons originaux.
De même, si elle justifie avoir par la suite fait opposition par courrier du 12 février 2016 sur plusieurs autres contrats auprès de GAN, et que celui-ci en a accusé réception le 08 avril 2016 en lui précisant que plusieurs de ces contrats (les contrats [...]) n'avaient pas été émis par la société GAN PATRIMOINE et ses filiales, que trois contrats ([...], et [...]) étaient déjà en opposition, et que sa déclaration d'opposition n'était recevable que pour trois contrats ([...]), ceci ne démontre pas que Mme N... a ignoré le sinistre jusqu'à la date des conclusions subséquentes aux consultations organisées au greffe du tribunal de grande instance de Paris dans le cadre de l'instance initiée tout d'abord à l'encontre de la société GROUPAMA GAN VIE par l'acte d'huissier du 05 juin 2014 aux fins d'expertise et d'indemnisation, à parfaire.
En effet, comme elle le reconnaît elle-même, elle a engagé des actions en revendication à la suite du courrier du 25 mars 2013 que lui a adressé GAN PATRIMOINE, courrier à compter duquel elle a su que certaines personnes revendiquaient être les porteurs de bons qu'elle détenait et de ce fait ne pouvait ignorer que les bons détenus étaient douteux. C'est même précisément parce qu'elle avait des doutes sur l'authenticité de ces bons qu'elle a engagé des actions en revendication.
En reconnaissant dans ses écritures de façon plus générale que c'est 'dans le cadre des actions en revendication et de la première instance' qu'elle s'est vue confirmer par le GAN que les bons qu'elle détenait étaient 'vraisemblablement des faux', elle admet qu'elle avait des doutes sur la valeur de ces bons bien avant la date revendiquée in fine dans ses dernières écritures, au demeurant non précisée, à savoir 'celle des conclusions subséquentes de leur consultation au greffe', par le GAN (et ALLIANZ).
Or, comme le souligne le GAN PATRIMOINE, la société GROUPAMA GAN VIE a dès le début de la procédure, indiqué dans ses conclusions au fond que les contrats produits par Mme N... au soutien de sa demande d'indemnisation formulée à hauteur de 3 000 000 euros à parfaire selon le rapport d'expertise, étaient de simples photocopies de contrats dont elle semblait elle-même douter de la véracité puisqu'elle sollicitait une expertise pour déterminer s'il s'agissait de faux. La société GROUPAMA GAN VIE lui a par ailleurs aussitôt opposé l'absence de justificatif des versements allégués.
Il s'en déduit que la remise par Mme N... de ces photocopies au greffe pour consultation n'a pas modifié les termes du débat et qu'elle ne saurait être utilisée pour reculer le point de départ de la prescription à cette date.
La société GAN PATRIMOINE n'est par ailleurs pas utilement contredite lorsqu'elle fait remarquer que certains titres portent le même numéro, que les couleurs apparaissent comme étant passées, que des contrats ne comportent pas de filigrane, que le code barre de sécurité n'est pas en relief, que des bandes blanches apparaissent sur certains contrats, qu'il n'y a pas de conditions générales au verso et quele grammage des faux contrats est différent des contrats authentiques, de sorte qu'il était aisé de détecter qu'il s'agissait de faux, d'autant plus que Mme N... a elle-même produit un contrat original dont l'authenticité n'est pas contestée (contrat GAN VALEUR [...]) et que Mme N... a souscrit et a obtenu le rachat de nombreux autres contrats similaires authentiques auprès du GAN, comme en atteste le tableau qu'elle produit en pièce 62.
Il s'en déduit que Mme N... ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle ignorait moins de deux avant l'assignation délivrée à l'encontre de la société GAN PATRIMOINE, le 10 juin 2015, les faits lui permettant d'introduire son action en justice, dérivant d'un contrat d'assurance, à savoir les malversations reprochées à E... H..., dans le cadre d'un mécanisme frauduleux plus global, nonobstant l'absence de chiffrage précis du préjudice allégué au jour de délivrance de son assignation.
Le jugement sera ainsi infirmé sur ce point et l'action de Mme N... déclarée irrecevable car prescrite à l'encontre de la société GAN PATRIMOINE.
* sur la prescription de l'action à l'égard des sociétés ALLIANZ
Les sociétés ALLIANZ n'invoquent pas la prescription biennale, dès lors qu'elle conteste tout mandat de E... H..., même apparent, et donc que l'action en responsabilité dérive d'un contrat d'assurance au sens de l'article L 114-1 du code des assurances.
Elles invoquent le bénéfice de l'article 2224 du code civil, lequel dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, entrée en vigueur le 19 juin 2008, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent désormais par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En vertu de l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, la réduction de la durée de la prescription s'applique aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Mme T... N... soutient qu'elle a souscrit, les 27 novembre 1996 et 21 septembre 1997, toujours par l'intermédiaire de E... H..., 33 contrats d'épargne au porteur AMPLOR, de type capitalisation monosupport distribués et assurés par les AGF depuis 1993 d'une valeur globale de 440.000 Francs, réglés par chèques libellés à l'ordre des AGF, et que les versements sont intervenus dans le cadre d'une opération de capitalisation pour le compte de la compagnie ALLIANZ. Ils donnaient droit à des parts de fonds de répartition et Mme N... expose qu'elle devait bénéficier des intérêts promis.
Aucun mandat express n'est invoqué, de sorte que l'action intentée en responsabilité du commettant du fait de son préposé, ne peut dériver d'un contrat d'assurance. Un mandat apparent est cependant invoqué par Mme N..., qui sollicite le bénéfice de la prescription quinquennale à compter du courrier que la société ALLIANZ VIE lui a adressé le 11 octobre 2013, date à laquelle le dommage s'est révélé à elle.
Il est constant que Mme T... N... s'est adressée à la société ALLIANZ VIE courant 2013 afin d'obtenir des informations sur la valeur des titres de capitalisation et des avoirs détenus, selon elle, par la compagnie d'assurance.
Par courrier du 11 octobre 2013, répondant à cette demande de renseignements, concernant 33 bons de capitalisation au porteur AMPLOR, formulée par le conseil de Mme T... N..., la société ALLIANZ VIE a informé celui-ci que les photocopies transmises par sa cliente semblaient être des copies de faux bons, précisant par ailleurs que leur demande de communication des originaux visait ainsi à valider ou non cette situation. La société ALLIANZ VIE énumérait par la suite les éléments lui indiquant ces faits :
- les 19 bons de capitalisation n°56457609 à 627 n'existent pas et possèdent le même numéro d'imprimé '2229342',
- les 8 bons de capitalisation n°95443798 à 9544805 à 627 possèdent également le même numéro d'imprimé '2313576' et les deux derniers chiffres sont douteux.
- les 6 bons de capitalisation n°95443806 à n°95443811 possèdent le même numéro d'imprimé '2313577' et les deux derniers chiffres paraissent également douteux.
La société ALLIANZ VIE lui a en outre indiqué que chaque bon de capitalisation édité porte un numéro d'imprimé unique.
Il se déduit de ces échanges que la société ALLIANZ VIE a au plus tard le 11 octobre 2013 alerté Mme T... N... du fait que, sous réserve de vérifications des 'originaux' encore en sa possession, les photocopies soumises à son examen semblaient être des photocopies de faux bons, notamment parce qu'ils comportaient, par série, les mêmes numéros d'imprimés, alors qu'ils sont uniques.
Si ce courrier vise par ailleurs un numéro de souscription, à savoir [...], avec une date d'effet au 29 novembre 1996, ceci ne permet pas de caractériser l'existence d'un mandat apparent, d'autant plus que Mme T... N... précise bien, pour ne pas encourir la prescription biennale afférente, que son action ne dérive pas d'un contrat d'assurance.
Or, les sociétés ALLIANZ lui opposent sans être utilement contredites sur ce point le fait que la simple observation des bons de capitalisation au porteur AMPLOR/AGF remis en copies (pièces 63 à 95) puis en originaux (pièces 159 à 191) révèle qu'il s'agit de faux bons de capitalisation, notamment en ce qu'ils sont imprimés sur un papier classique de faible grammage, qu'ils sont dénués totalement d'hologramme ou de filigrane permettant d'en assurer l'intégrité, que le bon 0095443803 comporte une surimpression dans les tons jaunes ou roses, et qu'à partir du bon n° 0056457624 les bons :
- sont particulièrement délavés au recto ;
- présentent des caractéristiques au verso qui varient ;
- comportent un numéro en haut qui ne varie plus, à savoir 2229342 ;
- et comportent une date d'effet dont le mois a été modifié (la cour observant qu'il s'agit du '9', pour septembre, et du '7', pour l'année 1997) par l'utilisation d'un rectangle blanc pour permettre d'inscrire la nouvelle date, avec manifestement une police différente et une couleur de caractère plus marquée, en gras.
La cour observe qu'ils comportent en outre la modification du numéro du bon de capitalisation par rajout d'un chiffre sur une couleur blanchâtre, révélatrice de l'utilisation d'un correcteur, et qu'un bon authentique comporte pour sa part un numéro situé au milieu, en haut, du bon, et non sur le côté gauche.
Comme le soutiennent les sociétés ALLIANZ, Mme T... N... ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de déceler la fausseté de ces bons, dès leur remise et elle échoue ainsi à démontrer le report du point de départ du délai de la prescription quinquennale qui lui est opposée.
Dès lors, ses demandes doivent être déclarées irrecevables comme prescrites à l'encontre des sociétés ALLIANZ et le jugement infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Partie perdante, Mme T... N... sera condamnée aux entiers dépens et à payer à la société GAN PATRIMOINE d'une part, et aux sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE d'autre part, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, en sus de la somme allouée par le tribunal à ce titre, fixée en cause d'appel à la somme de 5.000 euros chacun.
Mme T... N... sera déboutée de sa demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par les sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE, et en ce qu'il a condamné Mme T... N... à payer à la société GAN PATRIMOINE la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE la somme de 5 000 euros sur ce même fondement ;
l'INFIRME pour le surplus des chefs déférés, et statuant de nouveau de ces chefs :
DÉCLARE irrecevables comme prescrites les actions diligentées par Mme T... N... à l'encontre de la société GAN PATRIMOINE d'une part, et des sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE d'autre part ;
CONDAMNE Mme T... N... aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme T... N... à payer en cause d'appel à la société GAN PATRIMOINE la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme T... N... à payer en cause d'appel aux sociétés ALLIANZ VIE et ALLIANZ FRANCE la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Mme T... N... de sa demande formée de ce chef.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE