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08/12/2020 | FRANCE | N°18/09098

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 08 décembre 2020, 18/09098


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 8 DÉCEMBRE 2020



(n° / 2020 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09098 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5UQY



Décision déférée à la cour : Jugement du 13 Avril 2018 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2016070000





APPELANTE



SA BIOPART INVESTMENTS, société de droit Luxembourgeois

, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Ayant son siège social [Adresse 4]

L-1258 LUXEMBOURG

[Adresse 8]



Représentée pa...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 8 DÉCEMBRE 2020

(n° / 2020 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09098 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5UQY

Décision déférée à la cour : Jugement du 13 Avril 2018 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2016070000

APPELANTE

SA BIOPART INVESTMENTS, société de droit Luxembourgeois, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Ayant son siège social [Adresse 4]

L-1258 LUXEMBOURG

[Adresse 8]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050,

Assistée de Me Olivier CREN, avocat au barreau de PARIS, toque : E716

INTIMÉES

Madame [E] [B]

Née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 5]

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, Assistée de Me Maxence BLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : R294

SAS PAI PARTNERS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 443 837 331

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Anne-Laure VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : J007

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l' article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2019, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

M.[P], docteur en pharmacie, a acquis en 2003 les laboratoires luxembourgeois de biologie médicale Ketterhill. Il détient par ailleurs la SA Biopart Investments, société de droit luxembourgeois ayant une activité de holding.

Après avoir apporté le laboratoire Ketterhill à la SA de droit luxembourgeois LLAM, société de capitaux créée à cet effet par M.[P] et détenue par la holding Biopart Investments, la société Biopart Investments a, le 6 juin 2011, cédé la totalité des titres qu'elle détenait dans LLAM à la société Cerba Healthcare (la société Cerba), ayant en dernier lieu pour société mère la société Financière [Localité 7], cette dernière étant détenue à plus de 95% par les Fonds PAI.

A la suite de cette opération, M.[P] a été nommé membre du directoire de la société Cerba, ainsi qu'administrateur délégué de LLAM.

Le 10 juin 2011, Biopart Investments a adhéré au pacte d'actionnaires qui avait été conclu le 21 juillet 2010 entre les détenteurs des titres de la société Financière [Localité 7] 12. Ce pacte comporte en son article VIII une clause relative à la cession de contrôle.

Suite à une réorganisation du groupe Cerba, Biopart Investments est devenue actionnaire de la SAS Financière [Localité 7] 0, société mère de la société Cerba, présidée par Mme [B] (Mme [O]). Le capital de la société Financière [Localité 7] 0 se trouvait détenu à concurrence de 0,27% par Biopart Investments, de 95,52% par les Fonds PAI et le solde par le management du groupe.

Le 14 janvier 2014, M.[P] a été révoqué de ses fonctions d'administrateur délégué de LLAM, puis le 30 janvier 2014 de ses fonctions de membre du directoire de Cerba.

En 2016, les Fonds PAI, actionnaires majoritaires, ont décidé de mettre en vente la société Cerba et ont désigné les banques d'affaires JP.Morgan et Natixis pour conduire ce processus, qui a été mené jusqu'à son terme.

Le 24 janvier 2017, il a été notifié à Biopart Investments, en application du pacte, l'offre de cession de contrôle reçue de Partners Group et Public Sector Pension Investment Board ( PSP) datée du 20 janvier 2017 et portant sur 100% des titres de Financière [Localité 7] 0 pour le prix de 878.000.000 euros.

Suite à cette notification, Biopart Investments a usé, le 6 février 2017, de la faculté d'exercer son droit de retrait total, lui permettant de céder l'intégralité des titres qu'elle détenait dans Financière [Localité 7] 0 conjointement avec l'investisseur sortant.

La cession de la société Cerba à Partners Group est intervenue le 20 avril 2017.

La société Biopart Investments, considérant que le processus de cession de contrôle s'était déroulé en violation des droits attachés à sa qualité d'Investisseur Dirigeant prévus au pacte, a engagé le 22 novembre 2016 devant le tribunal de commerce de Paris une procédure en indemnisation à l'encontre des Fonds PAI et de Mme [O], en sa qualité de représentante des Investisseurs Dirigeants et de présidente du directoire de Cerba.

Par jugement du 13 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté Biopart Investments de toutes ses prétentions, à savoir, de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de céder sa participation dans Financière [Localité 7] 0 à un prix supérieur à celui reçu de PSP Partners, en la cédant au Fonds d'investissement Cinven, et de sa demande en réparation de son préjudice moral au titre de son exclusion de la catégorie des Investisseurs Dirigeants et consécutivement de la violation de son droit de concertation dans le processus de cession,

- rejeté les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Biopart Investments à payer 20.000 euros à la SAS Pai Partners en sa qualité de représentante des Fonds PAI Europe V-1 FCPR, PAI Europe V-3 FCPR, PAI EuropeV-B FCPR, Cerba Co-invest FCPR, et à Mme [O] chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- condamné Biopart Investments aux dépens.

Pour rejeter les demandes de Biopart Investments, le tribunal a retenu qu'il résultait de la commune intention des parties signataires du pacte et des statuts que Biopart Investments n'appartenait pas à la catégorie des Investisseurs Dirigeants à la date de la mise en oeuvre du processus de contrôle

Biopart Investments a relevé appel de cette décision le 7 mai 2018 en intimant la SAS Pai Parners en sa qualité de représentante des Fonds PAI Europe V-1 FCPR, PAI Europe V-3 FCPR, PAI Europe V-B FCPR, Cerba Co-invest FCPR, et Mme [O].

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 11 septembre 2018, la SA Biopart Investments demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses prétentions et l'a condamnée au paiement d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, statuant à nouveau, de la déclarer recevable et fondée en son action, de lui reconnaître la qualité d'Investisseur Dirigeant au sens du pacte d'actionnaires de Financière [Localité 7] 0, de constater les manquements contractuels de la société de gestion PAI Partners en sa qualité de représentante des Fonds PAI, ainsi que de Mme [B] et la violation de ses droits d'Investisseur Dirigeant, de condamner solidairement la société de gestion PAI Partners en sa qualité de représentante des Fonds PAI et Mme [B] à lui payer 800.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la perte de chance et 50.000 euros en réparation de son préjudice moral, en tout état de cause, condamner la société de gestion PAI Partners en sa qualité de représentante des Fonds PAI d'une part et Mme [B] d'autre part, à lui verser chacune 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 10 décembre 2018, la société Pai Partners demande à la cour, à titre principal, de dire que Biopart Investments ne rapporte la preuve ni que les Fonds PAI qu'elle représente auraient commis une faute dans l'exécution du pacte du 4 novembre 2014, ni l'existence d'un préjudice, dire l'appel abusif, en conséquence confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Biopart Investments de l'ensemble de ses prétentions et la condamner à lui verser 30.000 euros sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile, en tout état de cause, la condamner à lui verser 50.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 10 décembre 2018, Mme [B] demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes de Biopart Investments, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, infirmer le jugement de ce chef et condamner Biopart Investments à lui payer 100.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, et en tout état de cause, la condamner à lui verser 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit de la SELARL BDL Avocats.

SUR CE

La société Biopart Investments invoque en sa qualité 'd'Investisseur Dirigeant' la violation des dispositions des articles 8-1 (a) (i) et 8-1 (a) (ii) du pacte d'actionnaires conclu le 4 novembre 2014, aux termes desquels l'Investisseur s'engage à consulter les'Investisseurs Dirigeants' avant de déclencher tout processus de cession de contrôle.

L'article 8-1 du pacte d'actionnaires signé le 4 novembre 2014 est relatif aux engagements des parties lors de la cession de contrôle.

Il stipule:

- au point (a)(i) que : L'Investisseur [....] s'engage à consulter les Investisseurs Dirigeants avant de déclencher ou de laisser déclencher, directement ou indirectement [....] tout processus de Cession de Contrôle et, s'il déclenche, ou laisse déclencher un tel processus [....] à le mener en concertation avec les Investisseurs Dirigeants et à respecter les principes suivants dans le cadre du Processus de Cession de Contrôle ( et s'assurer que les personnes qui déclenchent le processus, le mènent en concertation avec les Investisseurs Dirigeants et respectent les principes exposés ci-après)'.

Le terme 'Investisseur' est attribué par le pacte aux Fonds PAI.

- au point (a) (ii) que 'Sauf accord contraire des Investisseurs Dirigeants, la banque d'affaire chargée de gérer le Processus de Cession de Contrôle sera désignée et choisie par les Investisseurs Dirigeants parmi trois banques d'affaires proposées par l'Investisseur. Les autres conseils en charge de mener le Processus de Cession de Contrôle (y compris les auditeurs et les avocats) seront choisis conjointement par l'Investisseur et les Investisseurs Dirigeants, étant précisé que les Investisseurs Dirigeants seront en charge de la négociation et de la maîtrise des frais engagés dans le cadre du Processus de Cession de Contrôle. Les Investisseurs Dirigeants pourront proposer des candidats qui seront admis à participer au Processus de Cession de Contrôle. L'objet du Processus de Cession de Contrôle sera de retenir à son issue, et sauf si l'Investisseur et les Investisseurs Dirigeants en conviennent autrement, l'offre la mieux disante.'

L'article 12-1 du pacte institue Mme [O] comme représentant des Investisseurs Dirigeants tant qu'elle sera présidente du directoire, et prévoit que les décisions qui requièrent un accord collectif des Investisseurs Dirigeants seront prises par ce représentant après consultation de ceux-ci.

L'appartenance de la société Biopart Investments à la catégorie des Investisseurs Dirigeants, à la date de mise en oeuvre du processus de cession est contestée par les intimés.

Dans le pacte d'actionnaires initial, conclu le 21 juillet 2010, Mme [O], M.[Z] et M.[C], sont dénommés les 'Investisseurs Dirigeants d'Origine', puis 'Les Investisseurs Dirigeants' 'ensemble avec les personnes qui accèderont par la suite à la qualité d'Investisseur Dirigeant conformément aux présentes'.

En 2011, Biopart Investments, devenue actionnaire, a adhéré à ce pacte. Elle est dénommée dans l'acte d'ahésion 'l'Investisseur Dirigeant Adhérent'.

Il n'est pas contestable, ni contesté, qu'en 2011 Biopart Investments est entrée dans la catégorie des Investisseurs Dirigeants. Les parties sont en revanche contraires sur le point de savoir si elle a conservé cette qualité après la révocation de M.[P] en janvier 2014 et par voie de conséquence si elle peut se prévaloir des prérogatives attachées à cette qualité.

La société Biopart Investments invoque sa personnalité juridique distincte de M.[P], le silence du pacte quant à l'incidence de la révocation de M.[P] sur sa qualité d'Investisseur Dirigeant, l'indépendance de cette qualité avec celle de membre du directoire, l'interprétation large qui doit être faite des clauses accordant des droits aux actionnaires, les mentions du pacte lors de son actualisation en novembre 2014 plusieurs mois après la révocation de M.[P], la reconnaissance de sa qualité d'Investisseur Dirigeant en 2016 par la présidente de la société Financière [Localité 7] 0 et l'esprit du pacte.

Mme [O], présidente de la société Financière [Localité 7] 0 et représentante des Investisseurs Dirigeants, expose au contraire que la commune intention des parties était de nommer comme Investisseur Dirigeant les actionnaires exerçant des fonctions de direction au sein du groupe, qu'en 2011 M.[P], via sa holding Biopart Investments a adhéré au pacte en qualité d'Investisseur Dirigeant car il cumulait la qualité d'associé, de membre du directoire et d'administrateur délégué de LLAM et qu'il devait participer au développement du groupe Cerba, que sans la nomination de M.[P] aux fonctions de dirigeant de filiale au sein du groupe Cerba, Biopart Investments n'aurait jamais fait partie de la catégorie des Investisseurs Dirigeants, que Biopart Investments a nécessairement perdu cette qualité lorsque M.[P] a cessé ses fonctions de membre du directoire et d'administrateur délégué de LLAM et que le 4 novembre 2014 lors des apports des titres à Financière [Localité 7] 0, l'ensemble des associés sont convenus que seuls M.[Z] et elle-même avaient la qualité d'Investisseurs Dirigeants, en dépit d'une erreur d'actualisation du pacte.

La société PAI Partners, représentant les Fonds PAI, soutient qu'aucun manquement contractuel ne peut lui être reproché dans l'exécution du pacte, arguant que Biopart Investments n'est pas fondée à se prévaloir des prérogatives accordées aux Investisseurs Dirigeants et qu'en toute hypothèse la transmission des informations aux Investisseurs Dirigeants et leur consultation relevaient du seul représentant de ceux-ci, engagement d'information et de consultation que les Fonds ont parfaitement respecté auprès dudit représentant.

M.[P] a cessé ses fonctions de direction au sein du groupe Cerba en janvier 2014.

Ni le pacte de 2010, ni celui de 2014 ne comportent de dispositions relatives au retrait de la qualité d'Investisseur Dirigeant ou aux conséquences de la cessation des fonctions de direction de M.[P].

Le 4 novembre 2014, à l'occasion de l'apport des titres par les associés de Cerba Healthcare (anciennment CEL) à la SAS Financière [Localité 7] 0, nouvelle holding de tête du groupe Cerba, un nouveau pacte d'actionnaires a été établi. Dans l'énoncé des parties signataires du pacte figurent Mme [O], M.[Z], et la société Biopart Investments, ces trois personnes étant dénommées les 'Investisseurs Dirigeants'.

Mme [O], se référant aux dispositions des statuts de la société Financière [Localité 7] 0 adoptés le même jour par l'ensemble des actionnaires, soutient que cette mention résulte d'une simple erreur d'actualisation du pacte antérieur.

L'article VI(x) des statuts de la SAS Financière [Localité 7] 0, à jour du 4 novembre 2014, définit sans aucune ambiguité les 'Investisseurs Dirigeants' à cette date comme étant Mme [E] [B], M.[W] [Z] ainsi que les personnes qui accèderont 'par la suite' à la qualité d'Investisseur Dirigeant en remplacement ou complément de ces derniers conformément aux dispositions du pacte.

Cette différence entre deux actes établis le même jour par les intéressés , que rien ne permet d'attribuer à une manoeuvre des contradicteurs de Biopart Investments, conduit à s'interroger sur la réelle portée de l'appellation d'Investisseur Dirigeant attribuée à la société Biopart Investments dans la seule en-tête du pacte, et ce d'autant que le contenu du pacte est très proche de celui d'origine, dont il constitue une actualisation.

Cette appellation, susceptible de constituer une erreur d'actualisation (Biopart Investments étant antérieurement un Investisseur Dirigeant) ne permet pas en elle-même d'établir que Biopart Investments était toujours un Investisseur Dirigeant en novembre 2014, alors que les mandats de son dirigeant au sein du groupe Cerba avaient été révoqués.

Il convient de rechercher au travers des autres éléments au débat quelle a été la commune intention des parties sur l'appartenance de Biopart Investments à la catégorie des Investisseurs Dirigeants.

Ainsi que le soutient Mme [O] la terminologie 'Investisseur Dirigeant' évoque deux critières cumulatifs, celui d'investisseur et celui de dirigeant, sachant qu'il existe par ailleurs aux termes du pacte de simples investisseurs.

Biopart Investments est la holding personnelle de M.[P], qui en est le seul actionnaire et dirigeant. C'est par le biais de cette holding que M.[P] a investi dans CEL,puis dans Financière [Localité 7] 0. M.[P] assurait concrètement les fonctions de direction en siégant notamment au directoire de CEL. L'intervention de M.[P] pour se porter-fort des engagements de Biopart Investments, tant lors de l'adhésion au pacte d'actionnaires en 2011, que lors de la signature du nouveau pacte en 2014, démontre le lien indivisible qui existe entre M.[P] et sa holding dans leurs rapports avec la société Financière [Localité 7] 0, quand bien même il s'agit de personnes juridiquement distinctes.

Sans la nomination de M.[P] aux fonctions de dirigeant de filiale au sein du Groupe Cerba, Biopart Investments n'aurait manifestement pas pu faire partie de la catégorie des Investisseurs Dirigeants, n'exerçant elle-même aucun mandat de direction. Biopart Investments ne peut dans ces conditions soutenir que l'éviction de M.[P] est sans incidence sur sa qualité d'Investisseur Dirigeant.

Depuis le départ de M.[P], la holding ne peut se prévaloir d'aucune fonction de direction.

La société Biopart Investments soutient toutefois que la catégorie d'Investisseurs Dirigeants a vocation à comprendre d'autres personnes que les membres du directoire et se prévaut à cette fin de l'analyse a contrario de l'article 8.1 (a) (v) du pacte du 4 novembre 2014.

Après avoir précisé au paragraphe précédent 8.1(a) (iv) que lors du processus de contrôle l'Investisseur [Les Fonds] s'engage à informer les Investisseurs Dirigeants de toute offre spontanée écrite reçue d'un tiers en vue de la réalisation d'une cession de contrôle, le pacte stipule en son article 8.1 (a) (v) que ' De leur côté les Investisseurs Dirigeants qui sont membres du Directoire s'engagent à faire en sorte que le Directoire prépare un plan d'affaires ( business plan) et mette à disposition des acquéreurs une vendor's due diligence Société ainsi que les autres informations habituellement fournies aux acquéreurs en pareille circonstance.'

Cette clause n'établit pas que la catégorie des Investisseurs Dirigeants comprend des personnes n'exerçant pas de fonctions de direction. Les termes' qui sont membres du directoire' permettent au contraire de souligner qu'en raison de leur appartenance au directoire, les Investisseurs Dirigeants sont à mêmes de fournir les éléments financiers utiles au processus de cession de contrôle.

Biopart Investments soutient encore que Mme [O] elle-même, avant de se rétracter, a reconnu en 2016, soit après la révocation de M.[P], son appartenance à la catégorie des Investisseurs Dirigeants.

Dans un courrier du 9 mai 2016, à l'en-tête de la société Financière [Localité 7] 0, Mme [O] a répondu à Biopart Investments qui se plaignait d'un manque d'information à propos d'une cession de contrôle à venir, qu'aucun processus de cession au sens du pacte n'était engagé, qu'elle n'avait aucun contrôle du processus de cession, ce processus relevant du seul contrôle de l'actionnaire majoritaire, les Fonds PAI, ajoutant :' Les Investisseurs Dirigeants ne bénéficient dans ce cadre, que d'un droit d'information et de consultation qui s'exerce sous l'autorité du Représentant des Investisseurs Dirigeants, c'est à dire de moi-même en ma qualité de Présidente du Directoire[....] Il m'appartient donc de prendre toutes décisions à ce titre, après consultation des Investisseurs Dirigeants. 'Or, l'intention de nuire dont vous faites preuve à l'encontre du Groupe et des ses dirigeants [....] rendrait très problématique toute consultation avec vous-même ou votre société quant à un éventuel Processus de Cession. Je veillerai donc, en particulier, à ce que tout échange relatif au Processus de Cession ( lorsqu'ilsera engagé) et dont vous devriez être destinataire en temps utile, soit soumis à la plus stricte confidentialité et à des engagements écrits de votre part.

J'ajouterai que votre appartenance à la catégorie des Investisseurs Dirigeants est aujourd'hui purement formelle.Je vous rappelle à cet effet que la catégorie des Investisseurs Dirigeants vise à regrouper les membres du Directoire qui sont de ce fait liés par un affectio societatis particulier, en leur consentant certains droits surtout consultatifs.Ces droits font l'objet d'un octroi et d'un exercice collectifs, et non à titre individuel ( d'où l'article 12.1 du Pacte rappelé ci-dessus) sachant que cette catégorie regoupe aujourd'hui [W] [Z] et moi-même. Il est évident que non seulement votre départ du Groupe, mais plus encore votre attitude hostile et contentieuse depuis lors, démontrent que vous vous êtes exclus de cette catégorie.Vous en réclamer relève d'une stratégie de mauvais aloi ne visant, une fois de plus, qu'à gêner le Groupe et ses dirigeants dans leurs actions et développement.'

Cette réponse est équivoque en ce qu'elle mentionne à la fois la transmission d'informations à Biopart Investments lorsque le processus de cession de contrôle sera mis en oeuvre et le fait que désormais seuls M.[Z] et elle-même relèvent de la catégorie des Investisseurs Dirigeants et ne consacre pas une reconnaissance de la qualité d'Investisseur Dirigeant à Biopart Investments par Mme [O]. Il sera au demeurant relevé que lors du processus de cession de contrôle tous les actionnaires reçoivent, lorsque l'opération se dénoue, des informations en application des articles 8.2, 8.3 et 8.4 du pacte, par le biais d'une notification par l'Investisseur de l'offre de cession de contrôle qu'il souhaite accepter, accompagnée d'une copie des derniers projets disponibles des Accords de Cession de Contrôle, ainsi qu'une estimation des frais. C'est ainsi que le 24 janvier 2017, l'Investisseur (Les Fonds) a notifié à Biopart Investments, en sa qualité d'actionnaire, l'offre de cession de contrôle reçue de Partners Group et de PSP portant sur 100% des titres de Financière [Localité 7] 0.

Dans un second courrier du 19 juillet 2016, répondant aux revendications de Biopart Investments se prévalant de la qualité d'Investisseur Dirigeant, Mme [O] a clairement réaffirmé que Biopart Investments ne pouvait aucunement revendiquer la qualité d'Investisseur Dirigeant depuis la cessation de toutes fonctions par M. [P] au sein du Groupe Cerba en ces termes :'C'est ce que commandent aussi bien l'esprit du Pacte, corroboré par la lettre des statuts, que la plus élémentaire sémantique : pour être Investisseur Dirigeant, encore faut-il être dirigeant du groupe. Les seuls Investisseurs Dirigeants en place sont [W][Z] et moi-même.

Il ne ressort pas de ces échanges que Mme [O] a reconnu que Biopart Investments disposait toujours de la qualité d'Investisseur Dirigeant après le départ de M.[P].

Biopart Investments ne saurait davantage déduire du silence du pacte sur la perte de la qualité d'Investisseur Dirigeant, qu'elle a conservé cette qualité en dépit de l'évolution de la situation des dirigeants, alors qu'une telle configuration ne correspond pas à la commune intention des parties.

Il s'ensuit que Biopart Investments manque à établir la persistance de sa qualité d'Investisseur Dirigeant après la révocation de M.[P] et n'est en conséquence pas fondée à se prévaloir des droits attachés à cette qualité lors du processus de cession de contrôle en 2016.

Dès lors que ni Mme [O], ni les Fonds PAI n'étaient tenus de procéder à l'égard de Biopart Investments à la consultation prévue aux articles 8-1(a), 8-1 (ii) du pacte réservée aux Investisseurs Dirigeants, c'est à bon droit, que le jugement a rejeté les demandes d'indemnisation de Biopart Investments tant en ce qu'elles sont dirigées contre Mme [O], que contre la société de gestion des Fonds PAI, étant surabondamment relevé que l'Investisseur a bien notifié à Biopart Investments le 24 janvier 2017 conformément au pacte l'offre de cession de contrôle reçue de Partners Group et de Public Sector.

- Sur les demandes de dommages et intérêts

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts Mme [O] fait valoir que Biopart Investments a engagé son action sans aucun fondement et l'a maintenue artificiellement, dans le seul but de nuire au Groupe Cerba et à sa dirigeante afin de favoriser les intérêts du laboratoire concurrent qu'elle a créé au Luxembourg et ce alors même que dans le cadre du processus de cession de contrôle elle n'a subi aucun préjudice, ayant au contraire réalisé une plus-value substantielle.

C'est cependant à juste titre que le tribunal a rejeté cette demande de dommages et intérêts, dès lors que Biopart Investments a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits au titre du pacte, spécialement sur le fait qu'elle avait perdu la qualité d'Investisseur Dirigeant.

Il en est de même de la demande de dommages et intérêts présentée par la société Pai Partners fondée sur l'appel abusif, la confirmation du jugement sur le rejet des demandes de Biopart Investments ne suffisant pas à caractériser un abus de droit dans l'exercice d'un recours prévu par la loi.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et la société Pai Partners sera déboutée de sa demande formée en cause d'appel.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La société Biopart Investments, partie perdante en première instance et en appel sera condamnée aux entiers dépens, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de cette société.

Il le sera également en ce qu'il a condamné en application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Biopart Investments à payer 20.000 euros à Mme [O] d'une part et à la société gestionnaire des Fonds PAI d'autre part.

Eu égard aux montants alloués par les premiers juges, il n'y a pas lieu d'ajouter de condamnation à ce titre à hauteur d'appel.

La société Biopart Investments, qui a été condamnée aux dépens, ne peut se voir allouer une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société Pai Partners de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Déboute toutes les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés à hauteur d'appel,

Condamne la société Biopart Investments aux entiers dépens et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par la SELARL BDL Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/09098
Date de la décision : 08/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°18/09098 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-08;18.09098 ?
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