Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6
ORDONNANCE DU 03 DECEMBRE 2020
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2020 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00266 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5MTA
NOUS, Sylvie FETIZON, Conseillère à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et à la mise à disposition de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Maître [O] [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparant en personne
Demandeur au recours RG n° 18/00266 //Défendeur au recours RG n° 18/00305
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Madame [W] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Rachel PIRALIAN, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : E1893
Défenderesse au recours RG n° 18/00266 // Demanderesse au recours RG n° 18/00305
Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 5 novembre 2020 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 3 décembre 2020 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
Statuant en application des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris a rendu une décision contradictoire le 16 mars 2018 qui a :
-déclaré la demande de fixation d'honoraires présentée par Maître [O] [S] irrecevable
-débouté les parties de toute autre demandes, plus amples ou complémentaires
Maître [O] [S] a formé un recours de cette décision et Mme [Y] a formé une demande reconventionnelle.
A L'AUDIENCE
Maître [O] [S] se présente.
Ce dernier demande à la Cour de :
-de voir fixer à la somme de 27 555 euros HT le montant total des honoraires qui lui sont dus (33 066 euros TTC) avec les intérêts courus depuis le 7 novembre 2018, date de la mise en demeure par Mme [Y]
Maître [S] fait valoir notamment que :
- si les honoraires fixes convenus à l'origine de la défense des intérêts de Mme [Y] ont bien été réglés, en revanche l'honoraire de résultat prévu dans la convention d'honoraires égal à 7 % des sommes recouvrées soit au terme de la procédure judiciaire soit à la suite d'un accord amiable est bien dû
-il a obtenu l'équivalent de sept années de salaire devant le conseil des prud'hommes au bénéfice de Mme [Y], licenciée pour faute grave soit la somme de 393 646 euros
-la société de restauration [E], ex employeur de Mme [Y] n'a pas interjeté appel, l'affaire a donc été radiée le 4 novembre 2016
-il a saisi le Bâtonnier de Paris d'une demande d'arbitrage jugée irrecevable, les sommes ayant été acquittées au titre d'un jugement prudhommal non définitif, la radiation n'ayant pas encore été prononcée par la Cour d'appel de Paris
-l'instance s'est donc trouvée périmée après radiation de l'affaire le 4 novembre 2016
-Mme [Y] a dessaisi son avocat au profit de Maître [M] [Z] laquelle l'informait de ce changement le 22 août 2019
-cependant, son successeur ne s'est pas présenté et la Cour d'appel de Paris a constaté le désistement de la société de restauration [E] la 12 décembre 2019
-en tout état de cause, le jugement prudhommal est définitif et a été exécuté en mars 2014
-la convention d'honoraires prévoyait bien un honoraire de résultat malgré un dessaisissement en raison de sa contribution au résultat finalement
Maître [M] [Z], représentant Mme [Y], demande à la Cour :
-d'infirmer la décision du Bâtonnier en date du 16 mars 2018
-de débouter Maître [S] de l'ensemble de ses demandes
-de condamner Maître [S] à lui verser 3000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3600 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel
Elle expose notamment que :
-Maître [S] a notifié à sa cliente le 11 juillet 2017 la rupture de son contrat alors même qu'il a saisi de sa propre initiative et sans consultation de sa cliente, la cour d'appel de conclusions afin de faire constater la péremption d'instance ; Mme [Y] n'est pas à l'origine de la rupture de leurs relations
-ce fait va entraîner l'arrêt de toute négociation avec M. [E]
-l'honoraire de résultat n'est pas dû conformément aux termes de la convention d'honoraires conclue entre les parties
-le taux horaire n'a jamais été communiqué à sa cliente ; de même, les diligences effectuées dans l'intérêt de Mme [Y] devront être détaillées et justifiées
-une somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts est sollicitée, l'arrêt des négociations du fait de la saisine par Maître [S] de la cour d'appel en vue de faire constater la péremption d'instance, engageant la responsabilité de l'avocat qui n'a pas reçu d'instruction de sa cliente
-une somme de 3600 est demandée au titre de l'article 700 du CPC
SUR CE
Sur la jonction :
Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de joindre les dossiers enrôlés sous les n° 18/00226 et 18/0030.
Sur la note en délibéré :
La Cour écarte la note en délibéré, seule était autorisée la réponse relative à l'accord amiable intervenu ou non.
Sur les sommes sollicitées au titre de l'honoraire de résultat :
Il ressort des pièces du dossier que Madame [Y] a confié en septembre 2012 à Maître [S] ses intérêts pour la représenter dans la cadre d'un litige l'opposant à son ancien employeur, la société de restauration [E], M. [E] étant également compagnon de Mme [Y].
Une convention d'honoraires était passée entre les parties le 2 janvier 2013 aux termes de laquelle il était prévu: « un honoraire forfaitaire de 8000 euros HT outre un honoraire complémentaire de résultat correspondant à 7% des sommes recouvrées , soit au terme de la procédure judiciaire soit à la suite d'un accord amiable.
Il ressort des pièces débattues contradictoirement que la chronologie de ce litige est la suivante :
Un jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Paris a été rendu le 7 novembre 2013 et a accordé à Mme [Y], dans la cadre de son licenciement pour faute grave, une indemnité de licenciement s'élevant à la somme brute de 393 646,95 euros, avec le prononcé de l'exécution provisoire.
La société de restauration [E] et M. [U] [E] ont interjeté appel de cette décision mais n'ont jamais conclu, malgré deux renvois prononcés à cette fin.
L'affaire a été radiée le 4 novembre 2016 en cause d'appel.
Il adressait une facture le 2 juin 2017 à Mme [Y] d'un montant de 27 555 euros TTC au titre de l'honoraire de résultat complémentaire impayé.
Maître [S] a saisi M. le Bâtonnier de Paris le 17 juillet 2017 d'une demande de fixation de ses honoraires pour un montant de 35 555 euros HT sur laquelle restait due 27 555 euros.
La péremption d'instance est intervenue le 4 novembre 2018 et un arrêt de la Cour d'Appel de Paris a été rendu le 12 décembre 2019 qui a formalisé cette péremption d'instance.
Si l'honoraire de résultat ne peut être réclamé que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement y compris les honoraires de résultat, ce qui est la cas en l'espèce.
Aux termes de la jurisprudence de la cour de cassation (2ème CIV, 4 février 2016), l'honoraire de résultat n'est dû que si, au jour où le premier président statue, un acte ou une décision irrévocable est intervenu
Or, à ce jour, une décision irrévocable est intervenue puisque la péremption d'instance a été actée le 4 novembre et formalisée par un arrêt daté du 12 décembre 2019.
Dès lors la décision relative aux honoraires réclamés par Maître [S] est infirmée dans son principe et son montant. Mme [Y] est condamnée à verser la somme demandée au titre des honoraires de résultat soit la somme de 27 555 euros HT augmentée de la TVA et des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2018.
Sur la demande en dommages et intérêts formulée par Madame [Y] :
La Cour est incompétente pour statuer sur une demande excédant les pouvoirs dévolus par les dispositions de l'article 174 et suivants du Décret du 27 novembre 1991; en effet, la compétence exclusive prévue par les textes dévolue au Bâtonnier et à la Cour porte sur le montant et le recouvrement des honoraires d'avocat sans pouvoir connaître, même à titre incident, de toute demande relative à des dommages et intérêts tendant à voir réparer une faute professionnelle d'un avocat.
Dès lors, il convient de constater l'incompétence de la Cour pour statuer sur ce chef de demande.
Sur l'article 700 du CPC :
Il n'apparaît pas inéquitable de faire supporter par chaque partie des sommes non comprises dans les dépens
Sur les dépens :
Chaque partie supportera les dépens par elles exposés.
PAR CES MOTIFS
Satuant en dernier ressort, publiquement, par ordonnance contradictoire et par mise à disposition de la décision au greffe de la chambre
Disons le recours recevable.
Infirmons la décision attaquée.
Statuant à nouveau,
Condamnons Mme [Y] à verser à Maître [O] [S] au titre des honoraires de résultat la somme de 27 555 euros HT avec la tva applicable et les intérêts légaux à compter du 7 novembre 2018.
Constatons l'incompétence de la Cour pour statuer sur une demande en dommages et intérêts formulée par Mme [Y].
Disons n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du CPC.
Disons que chacune des parties gardera par devers elles, les dépens par elles exposés.
Disons qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour le TROIS DECEMBRE DEUX MILLE VINGT par Sylvie FETIZON, Conseillère, qui en a signé la minute avec Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues dans l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE