Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6
ORDONNANCE DU 27 NOVEMBRE 2020
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2020, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00024 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZM4
NOUS, Agnès TAPIN, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Vanessa ALCINDOR, Greffière lors de la mise à disposition de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
SELASU CABINET [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Hugo YOKOYAMA, avoat au barreau de PARIS
Demanderesse au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Madame [J] [S] divorcée [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Assistée par Me Nabil KHARRAZ, avocat au barreau de PARIS
Défenderesse au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 23 Septembre 2020 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 12 Novembre 2020 puis prorogée au 27 novembre 2020 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
Madame [J] [S] a confié la défense de ses intérêts à la selasu Cabinet [C] en mars 2013 face à son époux.
Une convention d'honoraires a été signée le 20 mars 2014.
Madame [S] a mis fin au mandat par mail du 6 octobre 2015 réitéré par lettre RAR du 28 décembre 2015 (cf sa pièce 5).
Par lettre RAR du 14 avril 2016, reçue le 21 avril 2016, Madame [S] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris d'une demande de restitution du montant des honoraires qu'elle a payés, de 2.916,67 € HT.
Par décision réputée contradictoire du 21 décembre 2017, la déléguée du bâtonnier a :
- fixé à la somme de 1.000 € HT le montant total des honoraires dus à la selasu Cabinet [C] par Madame [S],
- constaté le paiement d'une somme supérieure de 2.916,67 € HT,
- dit en conséquence que la selasu Cabinet [C] devra restituer à Madame [S] la somme de 1.916,67 € HT avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision, outre la TVA au taux de 20 % ainsi que les frais d'huissier de justice, en cas de signification de la décision,
- rejeté toutes autres demandes.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettres RAR en date du 21 décembre 2017 dont elles ont signé les AR le 6 janvier 2018 par Madame [S], et le 8 janvier suivant par la selasu Cabinet [C].
Par lettre RAR du 12 janvier 2018, le cachet de la Poste faisant foi, la selasu Cabinet [C] a exercé un recours contre la décision.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 29 janvier 2020 par lettres RAR dont elles ont signé les AR. Les deux parties étaient présentes ou représentées à l'audience du 29 janvier 2020. L'affaire a été renvoyée contradictoirement à l'audience du 18 mars 2020.
Des dossiers de l'audience du 18 mars 2020, dont le présent dossier n°18/00024, ont été renvoyés par lettres RAR du 16 mars 2020 à celle du 23 septembre 2020 en raison de la pandémie provoquée par le virus Covid 19, par application de la loi du 16 mars 2020 instaurant l'état d'urgence sanitaire en France et de l'ordonnance n° 304-2020 du 25 mars 2020.
Madame [S] a signé l'AR de la lettre de convocation à cette nouvelle audience le 19 mars. La selasu Cabinet [C] n'a pas retiré le pli, bien qu'avisée.
A l'audience du 23 septembre 2020, les parties qui ont déclaré s'en rapporter à leurs écritures figurant dans leurs dossiers, ont déposé ceux-ci.
La selasu Cabinet [C] demande de :
- annuler la décision du bâtonnier,
- constater l'existence de la clause de dédit,
- dire que la cour est incompétente pour statuer sur la dite clause de dédit,
A titre subsidiaire,
- fixer ses honoraires encore dus par Madame [S] à 3.750 € TTC,
- débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner Madame [S] à lui verser 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La selasu Cabinet [C] explique :
- qu'au cours du premier rendez-vous du 20 mars 2014, Madame [S] a indiqué que son époux avait débuté une procédure de divorce au Maroc, qu'elle souhaitait divorcer en France où ses droits seraient plus protégés, et qu'il avait convenu finalement de lancer une procédure de divorce en France ;
- qu'une convention a été signée par les parties comprenant un forfait non remboursable, et une clause d'indemnité de dédit ;
- que la selasu Cabinet [C] a rédigé rapidement la requête en divorce et attendait le dépôt de documents par Madame [S] et sa signature sur la requête pour engager la procédure, mais qu'elle est devenue injoignable.
Madame [S] demande en réplique de :
- confirmer la décision du bâtonnier,
- ordonner la restitution de la totalité des honoraires perçus par la selasu Cabinet [C] pour l'inexécution de la mission confiée par Madame [S],
- condamner la selasu Cabinet [C] au paiement de dommages et intérêts pour un montant de 8.000 €,
- condamner la selasu Cabinet [C] au paiement d'une amende civile pour procédure abusive pour un montant de 5.000 €,
- mettre les entiers dépens de l'instance à la charge de la selasu Cabinet [C],
- condamner la selasu Cabinet [C] par application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement d'une somme de 8.000 € au titre des frais non compris dans les dépens,
- condamner la selasu Cabinet [C] à la publication de l'ordonnance à intervenir sur son site internet.
Madame [S] explique à l'appui de ses demandes :
- qu'elle s'est adressée en mars 2014 à Maître [K] [C] de la selasu Cabinet [C] pour entreprendre des diligences en vue de liquider son indivision matrimoniale dès lors qu'un jugement marocain en date du 15 août 2011 avait prononcé son divorce d'avec Monsieur [G] [Y], mais sans régler la liquidation de l'indivision résultant de leur régime matrimonial et alors que les époux avaient acquis pendant le mariage un appartement de 35 m² à [Localité 5] que Monsieur [Y] menaçait de s'approprier et de vendre seul, Madame [S] ne figurant pas sur l'acte authentique d'acquisition de cet appartement ;
- qu'au cours de ce premier entretien, elle a signé une convention d'honoraires avec la selasu Cabinet [C] qui a accepté le paiement de ses honoraires de 3.500 € TTC en sept chèques répartis sur sept mois ;
- qu'ensuite, elle n'a pas eu de nouvelle du cabinet [C] pendant de longs mois, ni sur la procédure éventuellement engagée, ni sur la stratégie mise en place, et qu'il est d'ailleurs établi qu'aucune diligence n'a été effectuée entre mars 2014 et septembre 2015, alors qu'elle avait payé la totalité du forfait ;
- que ce n'est que le 7 septembre 2015 que lui a été communiqué un projet de requête en divorce, « tout à fait impersonnel » ne comportant aucune mention sur les mesures conservatoires afin d'éviter la vente de l'appartement « en indivision » ;
- et que « face notamment à cette négligence » de la selasu Cabinet [C], Madame [S] lui a notifié par lettre RAR postérieure son dessaisissement ; qu'elle s'est adressée à un autre avocat qui a dû reprendre l'affaire en son entier, sans reprise des « diligences » de la selasu Cabinet [C] ; qu'il a introduit une requête aux fins d'obtenir une interdiction de vente de l'appartement « en indivision », obtenant une ordonnance en ce sens.
SUR CE
Le recours de la selasu Cabinet [C] qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, est recevable.
Il convient de rappeler que les griefs de Madame [S] qui renvoient à la responsabilité de l'avocat dans l'accomplissement de sa mission ne relèvent pas de l'appréciation du bâtonnier, ni du Premier président statuant dans le cadre des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, mais de la compétence exclusive du juge de droit commun. En effet, la procédure de contestation des honoraires d'un avocat prévue par ces articles présente un caractère spécifique et n'a vocation qu'à fixer les honoraires éventuellement dus par un client à son avocat en exécution de la mission qu'il lui a confiée à l'exclusion de tout autre contentieux.
Sur le moyen d'irrecevabilité soulevé par la selasu Cabinet [C]
La selasu Cabinet [C] soulève l'irrecevabilité de la seconde requête devant le bâtonnier et la nullité de la décision en découlant, faisant valoir que Madame [S] avait introduit deux recours devant le bâtonnier les 14 avril 2016 et 25 septembre 2017 le premier recours n'ayant pas été suivi d'une décision dans le délai de 4 mois imparti par le décret du 27 novembre 1991.
Madame [S] conteste avoir saisi deux fois le bâtonnier, expliquant qu'elle l'a fait par courrier du 14 avril 2016, son courriel du 27 juin 2017 n'ayant pour seul but que de s'informer sur la procédure devant le bâtonnier. Elle ajoute que les faits objets du litige ainsi que la saisine du bâtonnier ont abouti à une décision unique du 5 janvier 2018.
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Certes les articles 175 et 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié, et applicable au présent litige, disent que
« article 175
Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l'intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d'appel dans le délai d'un mois.
L'avocat peut de même saisir le bâtonnier de toute difficulté.
Le bâtonnier, ou le rapporteur qu'il désigne, recueille préalablement les observations de l'avocat et de la partie. Il prend sa décision dans les quatre mois. Cette décision est notifiée, dans les quinze jours de sa date, à l'avocat et à la partie, par le secrétaire de l'ordre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La lettre de notification mentionne, à peine de nullité, le délai et les modalités du recours.
Le délai de trois mois prévu au troisième alinéa peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du bâtonnier. Cette décision est notifiée aux parties, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les conditions prévues au premier alinéa. »
Art. 176
La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois.
Lorsque le bâtonnier n'a pas pris de décision dans les délais prévus à l'article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit. »
Mais, outre que Madame [S] n'a pas eu à saisir directement le premier président puisque le bâtonnier a rendu une décision le 21 décembre 2017, il résulte des pièces du dossier :
- que, contrairement à ce que soutient la selasu Cabinet [C], Madame [S] n'a saisi qu'une seule fois le bâtonnier par lettre RAR en date du 14 avril 2016, et qu'aucune décision n'ayant été rendue dans les mois suivants, elle s'est enquise auprès des services du bâtonnier par courrier RAR du 25 septembre 2017 des suites données à sa saisine du 14 avril 2016 (cf pièce 8 de Madame [S]);
- que d'ailleurs le bâtonnier n'a mentionné dans sa décision que cette seule date de sa saisine du 14 avril 2016 par Madame [S].
Au vu de ces éléments, il est justifié de rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé par la selasu Cabinet [C].
Sur les honoraires
La selasu Cabinet [C] soutient ensuite à titre principal que la Cour de cassation a validé la pratique des honoraires au forfait non remboursables dans un arrêt n° 12-21300 du 13 juin 2013, la clause de dédit ne pouvant être assimilée à une clause pénale. Au vu de ces éléments, le bâtonnier n'était pas compétent pour réduire une clause de dédit, selon la selasu Cabinet [C].
Pour le cas ou ces arguments ne seraient pas retenus, la selasu Cabinet [C] demande de fixer les honoraires au temps passé, faisant valoir que le travail prévu par la convention a bien été réalisé, à savoir une procédure de divorce, et que ses recherches ont servi à Madame [S] puisque c'est bien sa stratégie qui a été mise en place par un autre cabinet d'avocats et qui a abouti à une ordonnance de non conciliation en date du 30 août 2016.
La selasu Cabinet [C] demande l'application du barême de ses diligences qui a été paraphé et signé par Madame [S] en même temps que la convention d'honoraires, et le paiement de 3.125 € HT correspondant à un temps passé total de 20 h 83 au taux horaire de 150 € HT.
Madame [S] répond :
- que la clause de dédit inscrite dans la convention d'honoraires lui est inopposable, comme étant réputée non écrite, parce qu'elle présente un caractère abusif (cf les article L.212 alinéa 1er, L.241-1 et R.212-2 du code de la consommation) ; qu'en effet, selon cette convention et sa clause de dédit, seul le client supporte les effets de la dite clause sans qu'aucune obligation réciproque ne soit mise à la charge du professionnel, qu'est l'avocat;
- que la selasu Cabinet [C] n'a accompli aucune diligence entre le premier entretien et la communication du projet de requête le 7 septembre 2015, et n'a pas communiqué dans sa convention d'honoraires son taux horaire ;
- et que la selasu Cabinet [C] mentionne de manière totalement artificielle avoir accompli des diligences correspondants à 20 h 83 facturables, dans le seul but de tenter de convaincre avoir consommé le budget forfaitaire conclu avec sa cliente.
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1 - La convention d'honoraires paraphée à chaque page et signée par Madame [S], ainsi que Maître [C] pour la selasu Cabinet [C], et datée du 20 mars 2014, comporte les articles suivants :
- sur la mission confiée à la selasu Cabinet [C] : « divorce TGI de Paris (tentative de divorce alors qu'il existe une procédure au Maroc, la cliente est informée des risques) »;
- sur les « diligences de l'avocat » : article 1 : « ' sont définies comme suit en l'état actuel du dossier et suivant les pièces qui ont été communiquées par le client :
*un rendez vous,
*étude du dossier,
*saisine de la juridiction le cas échéant,
*rédaction d'un jeu d'écriture en réponse le cas échéant,
*assistance à une audience.
Les diligences de l'avocat se terminent avec le prononcé du jugement ou la conclusion d'une transaction éventuelle ou le désistement d'instance ... »
- sur les « honoraires » : article III ' 1 : « Honoraires fixes : les honoraires sont fixés forfaitairement à la somme de 3.500 € TTC. En cas de retrait du dossier par le client durant la procédure, les honoraires forfaitaires sont dus en totalité.
A la demande du client les honoraires peuvent être fixés à l'acte selon le barême joint » (cf une page et demi, pièce 1 de Madame [S]) ;
- sur « l'indemnité de dédit » : article V-5.5 : « En cas d'honoraires forfaitaires, Maître [C] accepte de percevoir des honoraires inférieurs à ceux qui seraient dus au taux horaire. En contrepartie, il est dû une indemnité de dédit par le client qui retire son dossier en cours de procédure.
Cette indemnité de dédit correspond aux honoraires restant à courir dans le dossier et est plafonné à 2.500 € HT ».
2 - Il ressort tout d'abord de cette convention et des mails échangées entre les parties que l'avocate ne s'est pas vue confier lors du premier rendez vous de Madame [S] la mission de régler la difficulté relative à l'appartement « en indivision » avec son ex-époux, mais que le sort de cet appartement a été évoqué pour la première fois par écrit par le fils de Madame [S] dans un mail du 28 janvier 2015.
Cette mission limitée, telle qu'il résulte de la convention, établit les difficultés de communication et les incompréhensions entre les parties, surtout que d'une part le divorce avait été prononcé entre les époux [Y] par un tribunal marocain de Tetouan le 15 août 2011 (cf pièce 1 de Madame [S]) sans qu'il soit établi le moment auquel Maître [C] en a été informée, et que d'autre part l'avocat qui a succédé à la selasu Cabinet [C], a saisi le juge aux affaires familiales d'une demande d'interdiction de vente de l'appartement par l'ex-époux de Madame [S], et a obtenu une ordonnance en ce sens (cf pièce 7 de Madame [S]).
Il a été mis fin à la mission par Madame [S] par mail du 6 octobre 2015 réitéré dans une lettre RAR du 28 décembre 2015.
3 - Ensuite, la clause de dessaisissement ou « les indemnités de dédit » prévues dans la convention qui sont contestées par Madame [S], apparaissent être contradictoires au moins sur leur montant entre les articles III-1 et V-5.5 de la convention puisque le premier article prévoit qu'en cas de dessaisissement de l'avocat par le client, les honoraires forfaitaires de 3.500 € TTC restent dus en totalité, et le second article indique que les indemnités de dédit ne peuvent pas dépasser 2.500 € HT, soit 3000 € TTC.
Madame [S] soutient justement que les articles du code de la consommation sont applicables aux conventions d'honoraires d'avocats, en tant que contrat onéreux relatif à une prestation de service, et notamment les articles consacrés aux clauses abusives.
Elle soutient tout autant justement que sont abusives les deux clauses de dessaisissement ou de dédit prévues aux articles III-1 et V-5.5 de la convention, par application de l'article L.212 alinéa 1er du code de la consommation, dès lors qu'elles ont chacune pour effet de créer, au détriment du consommateur, en l'espèce Madame [S], un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat.
En effet, la selasu Cabinet [C] obtiendrait de Madame [S], grâce à ces deux clauses, le paiement de la totalité des honoraires (3.500 € TTC) ou leur quasi-totalité (3.000€ TTC) alors qu'il est justifié par les dossiers des parties qu'elle n'a effectué que les diligences suivantes :
- un seul rendez vous avec la cliente le 20 mars 2014,
- elle a reçu 3 mails de la cliente ou de son fils les 28 janvier, 7 septembre et 6 octobre 2015 (cf pièce 3 de Madame [S]), ainsi que deux courriers recommandés des 28 février 2015 et 19 février 2016 (cf ses pièces 5 et 6 ) ;
- elle a envoyé 6 mails à la cliente ou à son fils les 28 mars, 6 août et 4 décembre 2014 pour demander des informations à Madame [S], les 13 et 14 janvier 2015 pour adresser le projet de requête en divorce en vue d'une tentative de conciliation devant le juge aux affaires familiales, et le 7 septembre 2017 pour dire qu'il n'est pas dans sa mission de déposer une requête en matière immobilière (cf pièce 3 de Madame [S]) ;
- un projet de requête en divorce sur le fondement de l'article 251 du code civil, de 4 pages avec 4 pièces jointes (cf pièce 4).
Il résulte de la comparaison de ces diligences avec les différentes missions qui ont été confiées à la selasu Cabinet [C] dans la convention d'honoraires pour un forfait de 3.500€ TTC que sur les six que le cabinet d'avocats s'était engagé à effectuer pour ce montant, seules deux ont été exécutées : « *un rendez vous,*étude du dossier, » la juridiction n'ayant pas été saisie par Maître [C].
Les deux montants du dédit apparaissent totalement disproportionnés avec les diligences réalisées par la selasu Cabinet [C], et déséquilibrés au détriment de Madame [S] en ce sens qu'il n'est nullement prévu, en cas de dessaisissement anticipé par l'avocat, une clause de dédit en faveur du client. Il convient dans ces conditions de réputer non écrites ces deux clauses figurant aux articles III-1 et V-5.5 de la convention d'honoraires, par application de l'article L.241-1 du code de la consommation qui est d'ordre public.
4 - Ainsi, en raison du dessaisissement de la selasu Cabinet [C] par Madame [S], et de l'impossibilité d'appliquer les clauses de dédit, la convention d'honoraires est inapplicable.
Pour fixer les honoraires de la selasu Cabinet [C] qui a réalisé un certain nombre de diligences telles que décrites et justifiées comme indiqué précédemment, il convient de faire application de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par l'article 14 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011qui dit notamment :
« A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ... »
Pour évaluer le temps passé aux diligences effectuées par la selasu Cabinet [C], il est justifié de se reporter à titre indicatif au « barème des honoraires en cas d'honoraires non forfaitaires ' tarifs applicables à compter du 1er janvier 2013 » qui était joint à la convention et dont les deux pages ont été paraphées par Madame [S].
Eu égard aux diligences réalisées par la selasu Cabinet [C], et sus énumérés, il y a lieu de chiffrer son temps passé à un total de 5 h.
Certes le dossier de Madame [S] présentait une difficulté de droit international puisqu'une procédure de divorce était engagée au Maroc, et qu'il a été découvert ensuite que le divorce avait été prononcé au Maroc. La selasu Cabinet [C] a évoqué les conflits de lois internationales dans son projet de requête mais n'a pas fait état de la Convention franco marocaine de 1981 qui est pourtant applicable dès lors que Madame [S] est de nationalité marocaine (cf pièce 3 le projet de requête en divorce).
Il convient également de retenir le taux horaire de 150 € HT figurant dans le « barème des honoraires en cas d'honoraires non forfaitaires ' tarifs applicables à compter du 1er janvier 2013 » que Madame [S] a paraphé. Ce taux a bien été porté à sa connaissance et correspond à celui d'un avocat dont la notoriété n'est pas particulière dans un domaine, et qui ne justifie ni de sa date d'inscription au barreau, ni de spécialisations.
Il n'est justifié par la selasu Cabinet [C] d'aucun paiement de frais pour le compte de Madame [S].
Enfin, le projet de requête de divorce rédigé par la selasu Cabinet [C] établit que Madame [S] perçoit un revenu mensuel d'environ 900 € provenant d'une allocation d'adulte handicapée, et qu'elle ne peut exercer aucune activité professionnelle. Sa situation de fortune est très modeste.
5 - Au vu de l'ensemble de ces éléments, selon les critères fixés par l'article 10 précité de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié, il est justifié et raisonnable que les honoraires de la selasu Cabinet [C] dus par Madame [S] soient fixés à la somme totale de 750 € HT, soit 900 € TTC (5 heures x 150 € HT).
Dès lors que Madame [S] a payé une somme de 3.500 € TTC à la selasu Cabinet [C] (cf pièce 1 copies des sept chèques établis le 20 mars 2014 et tous encaissés ), cette dernière est condamnée à rembourser à Madame [S] la somme de 2.600 € TTC.
Sur les autres demandes
A l'appui de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1240 du code civil, Madame [S] qui reproche à la selasu Cabinet [C] « d'avoir souffert dans un premier temps des négligences commises par ce dernier, mais également des manoeuvres dilatoires visant artificiellement à retarder l'issue du litige les opposant », cette situation lui ayant causé un grave préjudice matériel, financier et moral que seuls des dommages et intérêts pourront réparer.
Cependant, Madame [S] ne produisant aucune pièce justifiant sa demande de dommages et intérêts, il convient de la rejeter.
En revanche, la selasu Cabinet [C] succombant à titre principal, est condamnée aux dépens de la présente instance.
De la même façon, il paraît inéquitable de laisser à la charge de Madame [S] les frais irrépétibles qu'elle a exposés dans la présente instance, le fait que son fils avocat plaide pour elle ne constituant pas un rejet de principe d'une telle demande. Ainsi, la selasu Cabinet [C] est condamnée à lui verser la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et est elle même déboutée de sa demande faite sur ce fondement.
Enfin Madame [S] ne justifie nullement par la production de pièces particulières d'ordonner une amende civile contre la selasu Cabinet [C], et la publication de la présente ordonnance sur le site internet de cette dernière, les dispositions prévues à l'article L.621-11 du code de la consommation sur la publication d'une décision judiciaire, n'étant que facultatives.
Il n'est pas plus justifié du caractère dilatoire ou abusif du recours de la selasu Cabinet [C], pouvant conduire à l'application de l'article 599 du code de procédure civile.
Ces deux demandes formées par Madame [S] sont donc rejetées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance CONTRADICTOIRE, en dernier ressort, après débats publics et par mise à disposition de la présente décision,
Infirmant la décision rendue le 21 décembre 2017 par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris,
Réputons non écrites les deux clauses de « dédit » figurant aux articles III-1 et V-5.5 de la convention d'honoraires, par application des articles L.212 alinéa 1er et L.241-1 du code de la consommation,
Fixons à la somme de 900 € TTC les honoraires dus à la selasu Cabinet [C] par Madame [J] [S] pour le mandat exercé entre le 20 mars 2014 et le 6 octobre 2015,
Constatant que Madame [J] [S] a versé à la selasu Cabinet [C] la somme de 3.500 € TTC au titre de ses honoraires,
Condamnons la selasu Cabinet [C] à rembourser à Madame [J] [S] la somme de 2.600 € TTC,
Condamnons la selasu Cabinet [C] aux dépens de la présente instance,
Rejetons toutes les autres demandes,
Disons qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT