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24/11/2020 | FRANCE | N°19/04596

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 24 novembre 2020, 19/04596


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 24 NOVEMBRE 2020



(n° / 2020 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04596 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7NRY



Décision déférée à la cour : Jugement du 07 Décembre 2018 - Tribunal de grande instance d'Evry - RG n° 16/09521





APPELANTE



SA ATHMO, société de droit luxembourgeois, reprÃ

©sentée par son président domicilié en cette qualité audit siège,

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SCP NOUAL DUVAL, avo...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2020

(n° / 2020 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04596 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7NRY

Décision déférée à la cour : Jugement du 07 Décembre 2018 - Tribunal de grande instance d'Evry - RG n° 16/09521

APPELANTE

SA ATHMO, société de droit luxembourgeois, représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège,

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SCP NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

INTIMÉ

Monsieur [G] [C]

Né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111,

Assisté de Me Philippe LIEF de la SCP GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX, toque : 748

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour, composée en double rapporteur de :

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de:

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, conseillère.

Un rapport a été présenté par Madame Anne-Sophie TEXIER dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Aciernet avait pour actionnaires M. [E] et M. [H], détenteurs, respectivement, de 51 % et 49 % du capital.

M. [H] a constitué la société de droit luxembourgeois Athmo le 7 novembre 2013 puis lui a apporté ses actions de la société Aciernet.

Suivant protocole d'accord du 27 mai 2016, avenant du 27 septembre 2016 et acte réitératif du 24 novembre 2016, la société Athmo, représentée par son dirigeant M. [H], a cédé ses actions de la société Aciernet à la société Aciernet Capital, représentée par M. [E] et substituée à la société Tenareze Participations.

Invoquant un contrat de louage ayant pour objet d'assister la société Athmo dans la cession de ses actions, M. [C], expert-comptable, a assigné cette dernière, le 4 novembre 2019, en vue de voir constater l'existence de ce contrat et en paiement de la rémunération prévue telle que résultant d'un SMS de M. [H] du 6 novembre 2015.

Par jugement du 7 décembre 2018, le tribunal judiciaire d'Evry a :

- condamné la société Athmo à payer à M. [C] la somme de 192 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2016,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- condamné la société Athmo à payer à M. [C] une somme égale à 4 % du prix complémentaire défini à l'article 3 du protocole d'accord du 27 mai 2016 conclu entre les sociétés Tenareze Participations et Athmo, soit dans l'hypothèse où, pendant la période comprise entre la date de réalisation et le 31 décembre 2017, la société Aciernet Capital (substituée à la société Tenareze Participations) procéderait en une ou plusieurs fois à une cession de plus de 51 % du capital et des droits de vote de la société Aciernet, autre que toute cession au profit d'un affilié de la société Aciernet Capital ou de M. [E], à un prix de cession par action supérieur à 2 449 euros, et quelles que soient les modalités de paiement du prix de revente, Ie complément de prix par action ainsi cédée est égal à :

* 80 % net de taxes et frais de la différence entre le prix de revente et 2 449 euros, multiplié par le nombre d'actions cédées par la société Aciernet Capital excédant le seuil de 51 %, si la cession intervient avant le 30 juin 2017 inclus,

* 50 % net de taxes et frais de la différence entre le prix de revente et 2 449 euros, multiplié par le nombre d'actions cédées par la société Aciernet Capital excédant le seuil de 51 %, si la cession intervient entre le 1er juillet et le 31 décembre 2017,

- condamné la société Athmo à payer à M. [C] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code dc procédure civile, outre aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Athmo a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 26 février 2019.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 30 avril 2020, la société Athmo demande à la cour :

- d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau :

- de constater l'inexistence et « l'inexécution » d'un contrat de louage entre elle et M. [C], subsidiairement, de dire nul ce contrat non écrit en ce qu'il prévoit des honoraires uniquement fixés au résultat et, en conséquence, de rejeter les demandes de M. [C],

- à titre plus subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une condamnation en principal sans ajouter la TVA,

- de condamner M. [C] à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Suivant conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 29 juin 2020, M. [C] demande à la cour de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner la société Athmo à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau conformément à l'article 699 du même code.

SUR CE,

- Existence et exécution d'un contrat de louage entre la société Athmo et M. [C]

La société Athmo conclut à l'inexistence d'un contrat de louage ayant pour objet le conseil en stratégie de cession d'entreprise ainsi qu'à l'absence d'actes d'exécution d'un tel contrat.

Elle fait valoir que la seule mission confiée à M. [C], en 2013, relevait de l'activité d'expertise comptable de ce dernier et avait pour objet, dans le contexte d'un projet de cession des actions Aciernet, d'optimiser les conséquences patrimoniales et fiscales de la cession, et non d'assister M. [H] ou elle-même dans la réalisation de cette cession, prestation dont ont été chargés les cabinets d'avocats CMS Francis Lefebvre puis [N].

Elle explique la proposition faite par M. [H] par SMS du 6 novembre 2015 d'allouer à M. [C] une rémunération proportionnelle au prix de cession des actions par l'insistance de ce dernier et prétend que cette rémunération était dépourvue de contrepartie, en l'absence d'accomplissement par M. [C] de diligences relevant d'une mission d'assistance à la réalisation de la cession et compte tenu de la rémunération déjà prévue au titre du travail d'expertise comptable par ailleurs effectué.

M. [C] réplique que la mission d'optimisation patrimoniale confiée en juin 2013 par M. [H] avait pris fin avec la création de la société Athmo et l'apport des actions Aciernet à cette dernière et qu'une nouvelle mission d'assistance à la cession de ces actions, non formalisée, lui a été confiée. Il argue que cette mission, qui permettait à la société Athmo de bénéficier de son savoir-faire en stratégie de cession d'entreprise et de négociation de prix, a été accomplie en complément de celle dont les cabinets d'avocats étaient investis. Il conteste avoir insisté pour obtenir la rémunération mentionnée dans le SMS du 6 novembre 2015 et fait valoir que celle-ci était cohérente avec l'avancement des opérations.

M. [C] a fait parvenir à M. [H] une première lettre de mission par courriel du 1er juin 2013 puis une seconde le 24 juin suivant.

Les deux lettres, non signées, prévoient une mission d'optimisation du patrimoine de M. [H], en principe par le biais d'une délocalisation d'actifs au Luxembourg, moyennant une rémunération de 90 000 euros HT à verser, à hauteur de 20 000 euros après réalisation de l'audit patrimonial et de la délocalisation des actifs et, pour le surplus, en lien avec la remontée de trésorerie faisant suite au transfert d'actifs.

La première lettre prévoit que la mission, d'une durée d'une année, est renouvelable chaque année par tacite reconduction sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire avant le 1er octobre de chaque année tandis que la seconde stipule que la mission s'achèvera par la remise du rapport « de conclusions, de préconisations et de finalisation de l'opération de délocalisation ».

La société Athmo soutient que M. [H] a signé les deux lettres et, partant, qu'elles entrent toutes les deux dans le champ contractuel, circonstance dont elle déduit que la mission s'est poursuivie par renouvellement tacite alors qu'étaient parallèlement conduites les négociations en vue de la cession des actions Aciernet.

Toutefois, les deux lettres prévoient des missions en substance identiques quant à leur objet et aux rémunérations stipulées et la seconde, plus détaillée, a fait l'objet d'un courriel de transmission intitulé « nouvelle mouture de la lettre de mission avec réponses aux interrogations », de sorte qu'il convient de retenir que seule cette dernière, datée du 24 juin 2013, régit les relations entre les parties.

Contrairement aux allégations de la société Athmo, la mission était donc limitée dans le temps et il n'est pas discuté que les honoraires de 20 000 euros dus au titre de la « réalisation de l'inventaire du patrimoine et [à la] mise en place de la délocalisation des titres professionnels » ont été réglés en deux versements, les 6 août et 6 novembre 2013. Il s'ensuit que la mission confiée en juin 2013, dont le terme était fixé à la remise du rapport « de conclusions, de préconisations et de finalisation de l'opération de délocalisation », s'est, comme le soutient M. [C], achevée au mois de novembre 2013, époque qui coïncide d'ailleurs avec celle de la constitution de la société Athmo par M. [H].

Pour établir l'existence et l'exécution d'un contrat ayant pour objet d'assister la société Athmo dans la négociation de la cession de ses actions Aciernet, M. [C] produit notamment les SMS et courriels suivants :

- SMS de M. [C] à M. [H] du 14 novembre 2015 (09h12) : « Bonjour [Y], [X] [[E] [V]] m'a appelé. Il est dépité par l'offre reçue ! Il va nous répondre et revenir rapidement vers nous. Je lui ai demandé de passer que par avocat car c'était la marche à suivre.... La stratégie adoptée semble fonctionner » ;

- SMS de M. [H] à M. [C] du 14 novembre 2015 (10h13) : « [G], tu pourras envoyer un bref compte rendu de ton entretien téléphonique avec [X] [[V] [E]] à Maître [S] [N] STP ' » ;

- SMS de M. [C] à M. [H] du 22 novembre 2015 (08h08) : « [...] Il me semble important de faire un point avec [N] afin de nous assurer qu'il ne nous oublie pas. En effet le fait de ne pas avancer par exemple en convoquant une assemblée générale et dénonçant l'absence de rémunération et en ne faisant pas un point sur l'activité de l'entreprise et son niveau de rentabilité eu égard aux données de l'exercice passé, cela nous met dans une situation de risque. Je pense en effet qu'il faut avancer de façon offensive et à la fois défensive » ;

Réponse de M. [H] (09h17) : « Bonjour [G], je vais faire un point avec eux en début de semaine. [...] » ;

- courriel du 24 novembre 2015 de M. [H] à Maître [N] : « Bonjour Maître, le sujet évoqué par [G] [C] ci-dessous doit être traité. Il représente une opportunité ou un gros risque potentiel pour moi. Je souhaite donc que nous l'abordions ensemble lors d'une confcall pour en mesurer l'impact. » ;

- SMS de M. [H] à M. [C] du 24 novembre 2015 (06h31) : « Hello [G], j'ai fait un point avec Me [N] hier soir, appelles moi dès que tu es réveillé. » ;

- SMS de M. [H] à M. [C] du 24 novembre 2015 (09h58) : « Tu serais dispo pour une confcall avec [N] ce vendredi matin à 11h30 ' »

Réponse de M. [C] (09h59) : « Bien sûr »

- SMS de M. [H] à M. [C] du 27 novembre 2015 (12h15) : « J'ai eu [N]. Il l'a relaté la tactique dont tu m'as parlé ce matin. Je l'ai approuvée à 100 %. On attend maintenant le retour du conseil des [X] [[V] [E]]. »

- SMS de M. [H] à M. [C] du 8 décembre 2015 (12h03) : « [G], tu pourras appeler Maître [S] [N] sur son mob STP [suit le numéro de téléphone portable] ' Échanges sur le dossier avant prise de décision » ;

- SMS de M. [H] à M. [C] du 15 décembre 2015 (10h35) : « Bonjour [G], tu pourras me dire si tu t'es accordé avec [N] pour produire la LOI [letter of interest, en français, lettre d'intention] cette semaine '

Réponse de M. [C] à 10h36 : « Je suis sur son réseau de télécom en attente » puis à 10h50 : « Je viens de l'avoir au fil. Il est OK avec moi. Il va ré le dire à 14h ».

- SMS de M. [H] à M. [C] du 16 décembre 2015 (09h18), relatif à la garantie d'actif et de passf : « un cadre strict doit conditionner mon accord pour vendre mes actions, je ne dois pas laisser croire que je suis prêt à tout accepter ».

- SMS de M. [H] à M. [C] du 22 décembre 2015 (11h35) : « [G], j'ai croisé [X] [[V] [E]] ce matin qui a voulu me faire parler en me disant qu'il n'avait pas de retour. Je lui ai dit que ne lui dirais rien et qu'il aurait des news de mes avocats. Il est assez décontenancé ».

Réponse de M. [C] (11h37) : « Je pense qu'il serait opportun de maintenant rebondir en face à face. Tu gagneras à échanger avec lui car vous avez fait 12 ans ensemble. Maintenant il vous faut construire. C'est mon point de vue. Courage et tout se passera bien. Vous avez fait une belle boîte. Tu as le droit de vouloir continuer seul. »

- SMS de M. [C] à M. [H] du 6 janvier 2016 (11h45) : « Pourrais-tu me récupérer le carnet de commandes Athmo à ce jour. Le montant des commandes signées non livrées et la liste des devis en instance de validation. Merci bien. »

- SMS de M. [C] à M. [H] du 12 janvier 2016 (08h54) : « Je viens de le lire. Surprenant ! Faut vite appeler [N] car ton entretien va être un outil de [X] [[E] [V]] contre toi. A très vite. »

- courriel de M. [H] à M. [C] du 14 janvier 2016 : « Bonjour [G], je viens de t'envoyer un SMS pour t'alerter et je t'envoie aussi ce courriel car le temps presse, nous avons besoin de ton mémo sur le cutoff 2014 pour avancer. Peux-tu nous l'envoyer aujourd'hui STP ' » ;

- courriel de M. [H] à M. [C] du 18 janvier 2016 : « Bonsoir [G], merci pour ce mémoire détaillé. Je pense que c'est ce document qu'attendait Maître [N]. » ;

- échanges de SMS entre M. [H] et M. [C] les 20 et 26 février 2016 sur une décision prise au sein d'Aciernet possiblement en violation des statuts se terminant par un SMS de M. [H] indiquant : « OK [G], je transmets au cabinet [N]. Ils décideront s'ils peuvent exploiter cet événement.»

Ces éléments attestent bien de l'exécution par M. [C], d'un commun accord avec la société Athmo (en la personne de son dirigeant M. [H]), d'une mission distincte de celle d'optimisation du patrimoine de M. [H] confiée en juin 2013, consistant en une assistance apportée à la société Athmo lors des négociations relatives à la cession des actions Aciernet et qui s'est ajoutée à celle confiée aux cabinets d'avocats (CMS Lefebvre puis Me [N]).

Enfin, force est de constater que, le 6 novembre 2015 à 14h20, M. [H] a proposé une rémunération à M. [C] en ces termes :

« Bjr [G], J'espère que ça va. On s'approche de la conclusion, on dirait. Du coup, si ça se passe bien avec [X] ([V] [E]) ça nous évitera d'aller batailler pour monter un dossier et aller chercher un tiers acquéreur, et je t'avoue que c'est pas plus mal car je le sentais moyen. Dans ce cadre, je souhaite te proposer une rémunération de 4 % du montant de la vente de mes actions Aciernet à [X] + 4 % sur ce qui peut tomber en earn out et 4 % sur le complément de prix s'il vend pendant la période. Ça te va ' Souhaites-tu officialiser avec un document écrit entre nous ' Dans l'attente de te lire. ».

M. [C] a répondu par SMS le même jour à 14h25 : « Tu es royal. Merci bien. »

Il ressort des termes mêmes du SMS de M. [H] et des modalités de la rémunération proposée que celle-ci ne se rapporte pas à la mission confiée en juin 2013, mais bien à la cession des actions Aciernet. L'allégation de la société Athmo quant à l'insistance de M. [C] pour obtenir une rémunération, non étayée, ne prive pas le SMS litigieux de sa force probante quant à l'existence du contrat.

Il s'évince de l'ensemble des éléments qui précèdent qu'un contrat de louage verbal ayant pour objet une assistance lors des négociations de la cession des actions Aciernet a bien été conclu entre la société Athmo et M. [C] et a reçu exécution, peu important que ce dernier ait, ou non, participé à la rédaction des actes.

- Sur la nullité du contrat de louage

Pour conclure à la nullité du contrat, la société Athmo soutient que celui-ci s'inscrit dans dans le cadre de l'activité d'expert-comptable de M. [C] et, partant, qu'il était soumis à l'exigence d'un écrit et à l'interdiction des honoraires de résultat édictées par les articles 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 et 151 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012. Elle estime en conséquence que le contrat est contraire à l'ordre public, notamment en ce qu'il méconnaît les obligations déontologiques de l'expert-comptable.

M. [C] réplique que les honoraires de résultat ne sont prohibés qu'en ce qui concerne les missions propres aux experts-comptables, définies par l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, et qu'en tout état de cause, ni l'absence de formalisation par écrit des relations entre un expert-comptable et son client, ni la stipulation d'honoraires de résultat ne constituent des causes de nullité du contrat.

L'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-443 du 30 avril 2014, applicable en la cause, dispose :

« Les membres de l'ordre et les succursales reçoivent pour tous les travaux entrant dans leurs attributions, des honoraires qui sont exclusifs de toute autre rémunération indirecte, d'un tiers, à quelque titre que ce soit.

Ces honoraires doivent être équitables et constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu.

Leur montant est convenu librement avec les clients sous réserve des règles et éléments de tarification qui pourraient être établis par le ministre chargé de l'économie, après avis du conseil supérieur de l'ordre et de l'application de la législation sur les prix. Ils ne peuvent en aucun cas être calculés d'après les résultats financiers obtenus par les clients. ».

Contrairement aux allégations de M. [C], l'expression « tous les travaux entrant dans [les] attributions » des experts-comptables renvoie à toutes les activités ouvertes à ces derniers, à savoir tant leurs missions principales, définies par l'article 2 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, que celles qu'ils peuvent exercer à titre accessoire en application de l'article 22 du même texte. Au demeurant, il convient d'observer, en défaveur de l'interprétation adoptée par M. [C], que l'article 24, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, autorise désormais les honoraires de résultat à titre seulement complémentaire et ce, pour « toutes missions à l'exception de celles mentionnées aux deux premiers alinéas de l'article 2 ou de celles participant à la détermination de l'assiette fiscale ou sociale du client ».

L'article 158, alinéa 1, du décret du 2012-432 du 30 mars 2012, dans sa rédaction antérieure au 26 février 2017, également invoqué par M. [C], énonce que « les honoraires sont fixés librement entre le client et les experts-comptables en fonction de l'importance des diligences à mettre en 'uvre, de la difficulté des cas à traiter, des frais exposés ainsi que de la notoriété de l'expert-comptable ». Il n'en résulte pas davantage une absence d'interdiction des honoraires de résultat pour certaines missions exercées par un expert-comptable. A la suite de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, qui a autorisé la fixation d'un honoraire au résultat dans les limites évoquées plus haut, l'article 158 a d'ailleurs été complété par un alinéa qui, sans distinguer entre les missions, dispose que « des honoraires ou rémunérations complémentaires peuvent être pratiqués conformément aux articles [...] 24 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 ».

Il s'ensuit qu'à l'époque des faits, les prestations tant principales qu'accessoires accomplies par un expert-comptable ne pouvaient être rémunérées par un honoraire de résultat.

Il n'est par ailleurs pas discuté que les relations entre un expert-comptable et son client doivent faire l'objet d'un écrit et ce, en application du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable qui, en son article 151, prévoit que les experts-comptables « passent avec leur client ou adhérent un contrat écrit définissant leur mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties ».

Toutefois, les règles de déontologie, dont l'objet est de fixer les devoirs des membres de la profession, ne sont assorties que de sanctions disciplinaires et n'entraînent pas, à elles seules, la nullité des contrats conclus en infraction à leurs dispositions.

La société Athmo invoque également une contrariété à l'ordre public sans toutefois la caractériser, ni même l'expliciter, étant observé qu'il n'est notamment pas allégué que les prestations objets du contrat seraient elles-mêmes illicites au regard des obligations déontologiques pesant sur les experts-comptables.

Dès lors, le contrat en cause n'encourt pas la nullité.

En considération des éléments qui précèdent, et dès lors que M. [C] ne demande pas que la TVA soit ajoutée aux montants retenus par le tribunal, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Athmo à payer à M. [C] la rémunération mentionnée dans le SMS de [H] du 6 novembre 2015 (à savoir 4 % du prix de vente des actions Aciernet payé à la société Athmo par la société Aciernet Capital, soit 192 000 euros, outre 4 % du complément de prix susceptible d'être perçu en application de l'article 3 du protocole d'accord du 27 mai 2016).

Les chefs de dispositif relatifs aux intérêts au taux légal et à leur capitalisation, qui ne sont pas critiqués, doivent également être confirmés.

- Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Athmo succombant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné cette dernière aux dépens de première instance ainsi qu'à payer à M. [C] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera également tenue aux dépens d'appel. En revanche, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [C] au titre des frais irrépétibles exposés par lui à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Rejette la demande de nullité du contrat présentée par la société Athmo,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [G] [C] au titre des frais irrépétibles exposés par ce dernier à hauteur d'appel,

Condamne la société Athmo aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La conseillère faisant fonction de Présidente,

Anne Sophie TEXIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/04596
Date de la décision : 24/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°19/04596 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-24;19.04596 ?
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