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23/11/2020 | FRANCE | N°19/11937

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 23 novembre 2020, 19/11937


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2020



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11937 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADWE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/14320





APPELANTE



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Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée pa...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11937 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADWE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/14320

APPELANTE

Madame [O], [H] [B] usage [Y] veuve [Z]

née le [Date naissance 2] 1949 à Bruxelles (BELGIQUE)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée par Me Denis PERIANO, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

INTIMÉE

SA CREDIT FONCIER DE FRANCE

N° SIRET : 542 029 848

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Patrick VIDAL DE VERNEIX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1331, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Béatrice CHAMPEAU RENAULT, présidente , chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Béatrice CHAMPEAU RENAULT, Présidente

Monsieur Christian BYK, conseiller

MonsieurJulien SENEL conseiller

Greffier, lors des débats : Madame FOULON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Béatrice CHAMPEAU RENAULT, présidente et parJoëlle COULMANCE, greffière présente lors de la mise à disposition.

* * * * * *

Selon offre du 4 décembre 2007, acceptée le 17 décembre 2007, le CREDIT FONCIER DE FRANCE (ci après CFF) a consenti à M. [X] [Z] et Mme [O] [B], son épouse, un prêt immobilier d'un montant de 181 200 euros amortissable en 180 mensualités, destiné à financer, dans le cadre d'un dispositif défiscalisant, l'acquisition d'un bien immobilier locatif en cours de construction situé [Adresse 7]), au taux d'intérêt nominal révisable de 4,15 % l'an.

Le contrat de prêt comportait une affectation hypothécaire conventionnelle au profit du prêteur et prévoyait l'adhésion des emprunteurs à l'assurance-groupe souscrite par le CFF auprès de la compagnie d'assurances AXA FRANCE VIE couvrant notamment le risque de décès de M. [X] [Z] à concurrence de 100% des sommes dues.

Par acte du 31 décembre 2007, reçu par Maître [P], notaire à SAINT DENIS DE LA REUNION, les époux [Z] ont acquis en l'état futur d'achèvement le lot de copropriété financé par le prêt du CFF.

[X] [Z] est décédé le [Date décès 4] 2016 à l'âge de 72 ans, laissant à sa succession Mme [B] en qualité d'épouse commune en biens attributaire de la communauté et seule héritière ainsi qu'il résulte de l'attestation notariée délivrée le 4 octobre 2016 par Maître [K], notaire à [Localité 5].

Mme [B] ayant déclaré l'événement tant à la banque qu'à l'assureur, il lui a été répondu que la garantie décès de son époux était expirée depuis deux ans, soit à compter de son soixante-dixième anniversaire.

Par acte du 18 septembre 2017, Mme [B] a assigné le CFF, arguant essentiellement du fait que l'établissement bancaire n'avait pas respecté son obligation d'information et de conseil lors de la souscription du prêt.

Par jugement contradictoire du 14 mai 2019, le tribunal de grande instance de PARIS, a débouté Mme [B] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société CFF la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 13 juin 2019, Mme [B] a interjeté appel du jugement .

Aux termes de ses dernières écritures (n°2) transmises par voie électronique le 31 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [B] demande à la cour, de :

- infirmer le jugement ,en ce qu'il l'a :

* débouté de l'ensemble de ses demandes,

* condamné aux dépens,

* condamné à payer au CFF la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

- juger que le CFF n'a pas exécuté son obligation d'information et de conseil et qu'il a en conséquence engagé sa responsabilité,

- juger que cette faute lui a causé un préjudice consécutif à la perte d'une chance de ne pas contracter ou de ne contracter que convenablement assurée,

- évaluer le préjudice à la somme de 88.385,98 euros et condamner le CFF à lui payer la somme de 88.385,98 euros,

- condamner le CFF à lui payer une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl LEXAVOUE PARIS VERSAILLES, agissant par Maître Matthieu BOCCON-GIBOD.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 26 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le CFF demande à la cour, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

En conséquence,

- débouter purement et simplement Mme [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

Si par impossible la cour entendait entrer en voie de condamnation à l'encontre du CFF,

- dire et juger que le préjudice de Mme [B] ne saurait être évalué à une somme supérieure de 9 820,66 euros,

- la condamner à payer au CFF une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mai 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Mme [B] sollicite l'infirmation du jugement faisant valoir que :

- le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ;

- le CFF n'a pas respecté son obligation de conseil et a commis une faute engageant sa responsabilité dès lors qu'il aurait dû attirer leur attention sur le fait que la garantie d'assurance Décès concernant son époux cesserait à son 70ème anniversaire, soit 6 ans après la souscription du prêt alors que la durée d'amortissement de celui-ci était de 15 ans,

- la notice d'information ne leur a pas été fournie, et quand bien même elle l'aurait été, elle doit être suffisamment claire et le prêteur ne peut prétendre que cette remise vaut à elle seule parfaite exécution de son devoir d'information et de conseil, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction selon que le client est profane ou averti,

- la connaissance par l'emprunteur des stipulations, mêmes claires et précises, du contrat d'assurance groupe auquel il a adhéré ne dispense pas le banquier de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à la situation personnelle de l'emprunteur et il incombe au banquier de rapporter la preuve de l'exécution de son devoir d'éclairer,

- les époux [Z] n'ayant pas été en mesure de souscrire une assurance couvrant l'intégralité de l'emprunt, la banque leur a fait perdre une réelle chance de choisir une couverture d'assurance plus adaptée, offerte par différents établissements financiers, évaluée à 90 % du capital restant dû à la date du décès.

Le CFF sollicite la confirmation du jugement faisant valoir que :

- la notice d'information a bien été communiquée aux emprunteurs ainsi qu'il résulte des énonciations de l'offre de prêt reçue et acceptée du 17 décembre 2007, ainsi que de l'acte authentique du 31 décembre 2007 contenant prêt, énonçant , en pages 4 et 5, les conditions d'assurances et précisant que la notice d'information a été remise aux époux [Z] lors de la demande d'adhésion,

- la clause limitative de garantie à l'âge de 70 ans contenue dans la notice était apparente et non ambigüe et ne permettait aucune interprétation, l'âge de 70 ans y étant indiqué en gras,

- M. [Z], chiropracteur-kinésithérapeute, qui avait déjà effectué trois opérations de défiscalisation dont les prêts expiraient en 2020, avant celle en cause, n'était pas un profane en matière d'investissement immobilier et était en mesure de comprendre que la garantie d'assurance décès cesserait à son 70ème anniversaire, de refuser l'assurance groupe et de souscrire une autre assurance,

- rien ne prouve que M. [Z] aurait pu trouver une assurance acceptant de couvrir le risque décès au dela de 70 ans qui n'existait pas à l'époque de la souscription du prêt ; en tout état de cause, le coût de l'assurance aurait été largement supérieur à l'assurance souscrite et certainement prohibitif,

- enfin, s'agissant d'un investissement locatif destiné à obtenir la diminution de l'impôt sur le revenu par la défiscalisation partielle du prêt la couverture assurance revêtait un caractère moins impératif pour l'emprunteur, les loyers perçus étant destinés à régler les charges de l'emprunt.

- d'ailleurs, l'appel des cotisations d'assurance concernant M. [X] [Z] a cessé en août 2014 entraînant une diminution de la mensualité à compter de septembre 2014 sans aucune interrogation de la part des époux [Z],

- subsidiairement, l'indemnisation de la perte de chance ne peut être estimée qu'à 10% du capital restant dû au jour du décès, soit la somme de 9 820,66 euros.

SUR CE,

Le banquier qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la seule remise de la notice d'information ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.

Cependant, lorsqu'il est suffisamment démontré que l'emprunteur a été informé clairement et avec précision des risques exacts garantis, le banquier souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe n'est pas tenu de lui conseiller de contracter une assurance complémentaire.

Mme [B] soutient que la notice d'information n'a pas été communiquée aux emprunteurs et qu'elle n'en a eu connaissance qu'à la suite de la déclaration de sinistre et du refus de garantie de l'assureur.

Or, comme l'a retenu à juste titre le tribunal par des motifs pertinents que la cour adopte, l'argument tiré de l'absence de communication de la notice d'assurances aux époux [Z] est contredit tant par l'ensemble des documents contractuels versés aux débats (acceptation de l'offre de prêt du 17 décembre 2007 signée et paraphée par les époux [Z], acte authentique du 31 décembre 2017 reprenant intégralement les termes de l'offre, également signé et paraphé par les époux [Z]) et dont il résulte que la notice a bien été annexée auxdits actes, que du comportement des emprunteurs qui n'ont jamais interrogés leur banque sur les raisons de la cessation du prélèvement des primes concernant M. [X] [Z], l'ensemble de ces éléments permettant de retenir que la notice a bien été communiquée aux emprunteurs lors de la souscription du prêt.

Mme [B] soutient, ensuite qu'en tout état de cause, le CFF devait appeler leur attention sur la limitation de la garantie décès-invalidité au 70ème anniversaire de son époux, intervenant au cours de la période d'amortissement, ce devoir de conseil subsistant en dépit de la clarté de la notice et sans qu'il y ait lieu de faire de distinction selon que le client est profane ou averti.

Au cas particulier, l'analyse exégétique de la demande d'adhésion, de la notice d'information, des conditions particulières et de l'ensemble des documents contractuels remis aux époux [Z] ne permet pas d'établir une apparence trompeuse du contrat d'assurances crédit.

Il résulte en effet du paragraphe Cessation des garanties, en page 2 de la notice d'information, que ' les garanties prennent fin pour chaque assuré, notamment, pour la garantie DECES au 70ème anniversaire de l'assuré en ce qui concerne les prêts de catégorie A (...)' ;ces prêts sont clairement définis en page 1 du document comme étant les prêts amortissables et les mentions relatives à la catégorie des prêts et à l'âge limite de garantie sont imprimées en police normale et en gras ce qui permet de retenir l'attention du lecteur-emprunteur sur ces points.

La cour relève également avec le tribunal que la notice d'information décrit de façon suffisamment détaillée toutes les caractéristiques de l'assurance proposée, en particulier celles relatives à l'âge limite des trois risques assurés, ces informations étant dépourvues de toute ambiguïté et non sujettes à interprétation ; que la fiche relative aux risques décès et invalidité permanente et temporaire rédigée en termes concis, clairs et précis ne laisse exister aucun risque de confusion et n'est pas susceptible d'avoir incité les emprunteurs, qui avaient déjà effectué, préalablement à l'opération en cause, trois opérations de défiscalisation pour lesquelles les prêts devaient arriver à échéance en 2020, soit après le 70ème anniversaire de M. [X] [Z], à se croire garantis jusqu'à l'échéance du prêt.

La cour constate enfin que l'attention des emprunteurs a été suffisamment attirée lors de la remise du tableau d'amortissement du prêt qui définit les modalités de paiement de la prime d'assurance sans y inclure des cotisations d'assurance constantes sur toute la durée du prêt, de sorte qu'il n'a pas pu créer dans leur esprit une illusion de garantie au delà des 70 ans de M. [X] [Z].

Il s'en infère qu' il n'est démontré aucune faute à l'encontre du CFF, les époux [Z] ayant choisi en toute connaissance de cause l'assurance litigieuse dans le cadre d'un investissement locatif défiscalisant, après avoir été parfaitement informés de la fin de la garantie DECES du prêt couvrant M. [X] [Z] à la date anniversaire de ses 70 ans.

Mme [B] sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Mme [B] qui succombe sera condamnée à payer au CFF une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

CONDAMNE Mme [O] [B] veuve [Z] à payer au CREDIT FONCIER DE FRANCE une indemnité de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Mme [O] [B] veuve [Z] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE Mme [O] [B] veuve [Z] aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/11937
Date de la décision : 23/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°19/11937 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-23;19.11937 ?
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