La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2020 | FRANCE | N°20/04893

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 17 novembre 2020, 20/04893


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 17 NOVEMBRE 2020



(n° / 2020 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04893 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUOT



Décision déférée à la cour : Jugement du 26 Février 2020 - Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2019L3428





APPELANT



Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET

COMMERCIAL

[Adresse 4]

[Localité 9]





INTIMÉS



Monsieur [C], [E] [Y]

Né le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 9]

Demeurant [Adresse 5]

[Localité 8]



Représenté par...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2020

(n° / 2020 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04893 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUOT

Décision déférée à la cour : Jugement du 26 Février 2020 - Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2019L3428

APPELANT

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 4]

[Localité 9]

INTIMÉS

Monsieur [C], [E] [Y]

Né le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 9]

Demeurant [Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Jean-Marie HYEST de la SCP HYEST et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311,

Assisté de Me Béatrice HIEST NOBLET de la SCP HYEST et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311

SELAS M.J.S PARTNERS, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, agissant en la personne de Maître [S] [H] ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [C], [E] [Y],

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 403 608 136

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Marc VOLFINGER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 286

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE:

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, prise en la personne de son président, Monsieur [M] [I], venant aux droits de la FONDATION NATIONALE DE TRANSFUSION SANGUINE (FNTS), ès qualités de contrôleur à la procédure colletive de Monsieur [C] [Y], désigné par ordonnance en date du 12 mars 2013,

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280

Assisté de Me Aymar DE MAULEON DE BRUYERES du LLP LINKLATERS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J030

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l' article 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2020, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [F] [W] dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur françois VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître ses conclusions écrites le 31 juillet 2020 et entendu en ses observations orales lors de l'audience.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 mai 2012, M. [Y] s'est immatriculé en tant que commerçant en vue d'exploiter, en nom propre et sous l'enseigne « Materias », un fonds de commerce d'import/export de matériels et d'appareillages dans le domaine médical.

Sur déclaration de la cessation des paiements du 21 août 2012, M. [Y] a été mis en liquidation judiciaire le 19 septembre 2012, Me [H] étant désigné liquidateur puis remplacé par la Selas MJS Partners, prise en la personne de Me [H].

L'Etablissement français du sang a déclaré, le 30 novembre 2012, une créance chirographaire d'un montant de 1 614 221,67 euros fondée sur une condamnation prononcée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 mai 2001 et, par ordonnance du 12 mars 2013, a été nommé contrôleur.

A la demande du liquidateur et par jugement du 26 février 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a clôturé la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif et ordonné la radiation de M. [Y] du registre du commerce et des sociétés.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, d'une part, que la saisie des rémunérations ou arrérages de retraite de M. [Y] suppose un titre exécutoire « ce qui ne ressort pas des éléments des faits de l'espèce », d'autre part, que l'intérêt de la poursuite des opérations de liquidation judiciaire apparaissait disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels compte tenu du montant de la pension versée à M. [Y] (4 845,57 euros) au regard du passif (1 611 000 euros) et, enfin, que le liquidateur avait « mis en oeuvre les éléments caractérisant sa mission ».

Le ministère public a relevé appel du jugement selon déclaration du 6 mars 2020 en intimant M. [Y] et la Selas MJS Partners, ès qualités.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 22 avril 2020, le ministère public demande à la cour d'infirmer le jugement et de dire n'y avoir lieu à clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

Suivant conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 14 septembre 2020, M. [Y] demande à la cour de déclarer l'appel irrecevable, subsidiairement de confirmer le jugement et, en tout état de cause, de déclarer l'EFS irrecevable en son intervention volontaire.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 27 août 2020, la Selas MJS Partners, ès qualités, s'en rapporte à la justice sur le mérite de l'appel.

Dans ses conclusions en intervention volontaire déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 27 août 2020, l'EFS, en qualité de contrôleur, demande à la cour de le déclarer recevable en son intervention volontaire, d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire et de remplacer la société MJS Partners en qualité de liquidateur de M. [Y].

SUR CE,

- Sur la recevabilité de l'appel

M. [Y] soutient que l'appel du ministère public est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir au motif que le jugement est conforme à l'avis oral du représentant du ministère public exprimé lors de l'audience des débats qui s'est tenue le 14 janvier 2020 devant le tribunal de commerce.

Le ministère public, qui n'intervient pas dans son propre intérêt mais en vue d'une exacte application de la loi, est recevable à relever appel d'un jugement conforme à l'avis exprimé par lui en première instance.

La fin de non-recevoir doit, dès lors, être rejetée.

- Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'EFS

M. [Y] soutient que l'EFS est irrecevable en son intervention volontaire, d'une part, pour défaut de qualité à agir, au motif que le liquidateur a seul qualité pour agir au nom des créanciers, en application de l'article L. 622-20 du code de commerce et, d'autre part, pour absence d'intérêt, sur le fondement des articles L. 621-11 et L. 641-1, II, du même code qui définissent la mission du contrôleur.

L'EFS réplique en citant les motifs du jugement dont appel faisant référence à sa qualité de contrôleur « lui conférant un droit qui lui est dévolu du rôle d'observation et d'assistance du liquidateur », ajoute qu'il a été entendu en ses observations en première instance sans que cette audition n'ait eu pour effet de lui conférer la qualité de partie et argue qu'il a intérêt à intervenir volontairement à l'instance d'appel en qualité de contrôleur et de principal créancier.

L'article 325 du code de procédure civile prévoit que « l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ».

L'intervention est principale, selon la définitition qu'en donne l'article 329 du même code, « lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme » et n'est alors recevable, en application du même article, « que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention ».

Selon l'article 330, alinéas 1 et 2, du même code, « l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie » et « est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie ».

L'article 554 du même code énonce par ailleurs que « peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ».

L'EFS n'indique pas si son intervention est principale ou accessoire mais ses conclusions sont prises « ès qualité[s] de contrôleur à la procédure collective de M. [C] [Y] », de sorte qu'il ne peut prétendre être intervenu volontairement en tant que créancier.

L'EFS élève une seule prétention distincte de celle du ministère public, tendant à voir remplacer le liquidateur, qui ne se rattache pas par un lien suffisant à celles des parties, exclusivement relatives à la clôture de la liquidation judiciaire de M. [Y]. Au demeurant, l'article L. 641-1-1 du code de commerce n'autorisant pas le contrôleur à saisir directement le tribunal en vue de voir remplacer le liquidateur, il n'a pas qualité pour présenter une telle demande devant la cour.

S'agissant de la clôture de la liquidation judiciaire, l'EFS n'invoque pas un droit propre lui permettant de s'y opposer mais seulement son intérêt à le faire et, n'ayant pas qualité pour pour agir aux fins de clôture, action attitrée qui ne lui est pas ouverte par l'article L. 643-9 du même code, il ne dispose d'ailleurs pas d'un tel droit.

Il convient dès lors de retenir que l'intervention de l'EFS est, sur ce point, accessoire, et, partant, recevable à la condition que ce dernier justifie d'un intérêt à soutenir les prétentions du ministère public pour la conservation de ses droits en tant que contrôleur.

L'intérêt ainsi exigé se déduit de l'article R. 643-17 du code de commerce, qui impose au greffe d'aviser les contrôleurs de la date de l'audience d'examen, par le tribunal, de la clôture de la liquidation judiciaire.

Il résulte de ce qui précède que l'intervention de l'EFS est irrecevable en ce qu'elle tend à voir remplacer le liquidateur et recevable pour le surplus.

- Sur la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif

L. 643-9, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014, rendue applicable aux procédures en cours par l'article 116 de cette ordonnance, dispose : « Lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l'insuffisance de l'actif, ou encore lorsque l'intérêt de cette poursuite est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal, le débiteur entendu ou dûment appelé. »

L'article R. 643-16 du même code précise que « l'insuffisance d'actif est caractérisée lorsque le produit de la réalisation des actifs du débiteur et des actions et procédures engagées dans l'intérêt de l'entreprise ou des créanciers ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers ».

Il n'est pas discuté que le passif exigible, d'un montant de 1 611 000 euros, n'est pas apuré, que le liquidateur ne dispose pas de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et que le seul actif susceptible de revenir à la liquidation judiciaire est constitué des pensions de retraite versées à M. [Y] à hauteur d'un montant mensuel de 4 845,57 euros.

Le ministère public et l'EFS soutiennent que les pensions de retraite de M. [Y] peuvent être appréhendées pour un coût modique, par la voie d'une saisie des rémunérations ou en conséquence de l'effet réel de la procédure collective, et permettraient de désintéresser, même partiellement, les créanciers.

M. [Y] réplique que la seule procédure permettant l'appréhension de la fraction saisissable de ses pensions de retraite est la saisie des rémunérations, dont la mise en oeuvre ne peut être obtenue par le liquidateur.

Si la fraction saisissable des pensions de retraite du débiteur est appréhendée par l'effet réel de la procédure collective, il reste que le liquidateur confronté à une absence de remise spontanée des sommes en cause par le débiteur ne peut, contrairement aux allégations du ministère public, en obtenir le versement directement auprès des organismes payeurs en leur adressant un simple courrier mais doit, comme le soutient M. [Y], mettre en oeuvre une procédure de saisie des rémunérations. Or, cette procédure exigeant pour aboutir, conformément à l'article R. 3252-1 du code du travail, que son initiateur soit muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, le liquidateur, qui ne dispose pas d'un tel titre, se trouve, de fait, empêché d'y recourir.

De surcroît, le refus de clôturer une liquidation judiciaire ouverte depuis près de huit ans au seul motif que des pensions de retraite de 4 845,57 euros resteraient à percevoir mensuellement reviendrait, en pratique, compte tenu du montant du passif, à faire obstacle à cette clôture jusqu'au décès de M. [Y] et, partant, comme le fait valoir ce dernier à titre subsidiaire, méconnaîtrait le droit au respect des biens protégé par l'article 1er du protocole n°1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il s'infère des éléments qui précèdent que la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l'insuffisance de l'actif.

Force est de constater, par ailleurs, que ni le ministère public, ni l'EFS ne suggèrent une voie autre que celles précédemment évoquées et d'un coût raisonnable au regard du montant des pensions à percevoir, permettant la perception de celles-ci au profit de la liquidation judiciaire.

Dès lors, à supposer même que les pensions de retraite à percevoir par M. [Y] puissent être qualifiées d'actifs résiduels à réaliser, l'intérêt de la poursuite des opérations de liquidation judiciaire apparaît disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement.

Le ministère public succombant, les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS,

Déclare recevable l'appel du ministère public,

Déclare l'intervention volontaire de l'Etablissement Français du Sang irrecevable en ce qu'elle tend à voir remplacer le liquidateur et recevable pour le surplus,

Confirme le jugement,

Laisse les dépens d'appel à la charge du ministère public.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 20/04893
Date de la décision : 17/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°20/04893 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-17;20.04893 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award