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06/11/2020 | FRANCE | N°18/012847

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 06 novembre 2020, 18/012847


Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d'appel de Paris

Pôle 4 - chambre 1

Arrêt du 06 novembre 2020

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/01284-Portalis 35L7-V-B7C-B42GY

Décision déférée à la cour : jugement du 19 décembre 2017 -tribunal de grande instance de Paris - RG 16/10057

APPELANTE

Madame L... O...
[...]
[...]

Représentée par Me Janie LUGARINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0338

INTIMÉE

SARL

Washington Valorisation
prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]

Représentée par Me P...

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d'appel de Paris

Pôle 4 - chambre 1

Arrêt du 06 novembre 2020

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/01284-Portalis 35L7-V-B7C-B42GY

Décision déférée à la cour : jugement du 19 décembre 2017 -tribunal de grande instance de Paris - RG 16/10057

APPELANTE

Madame L... O...
[...]
[...]

Représentée par Me Janie LUGARINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0338

INTIMÉE

SARL Washington Valorisation
prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056 et par Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0235

INTERVENANTS

Monsieur P... C...
es-qualités de curateur de Mme L... O...
intervenant volontaire

[...]
[...]

Monsieur W... N...
es-qualités de curateur de Mme L... O...
intervenant volontaire

[...]
[...]

Représentés par Me Janie LUGARINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0338

Composition de la cour

L'affaire a été débattue le 03 septembre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Monique Chaulet, conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats, M. Grégoire Grospellier

Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

Une procédure de saisie immobilière a été engagée par la société Record Bank à l'encontre de Mme O... qui a donné lieu à la délivrance d'un commandement aux fins de saisie portant sur des lots lui appartenant sis dans un ensemble immobilier situé [...] ).

Le juge de l'exécution a, par jugement du 24 octobre 2013, autorisé la poursuite de la vente amiable des droits et biens saisis puis, par jugement du 20 mars 2014, a ordonné la reprise de la procédure de saisie immobilière et la vente forcée des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer.

Mme O... a consenti le 27 mai 2014 une promesse unilatérale de vente à la SARL Pierre Renovation Tradition portant sur les lots no [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] au prix de 1 450 000 euros.

L'acte prévoyait la faculté de substitution de la société Washington Valorisation à la société Pierre Renovation Tradition.

Par acte authentique du 9 juillet 2014, Mme O... a vendu les lots précités à la société Washington Valorisation.

Par acte d'huissier du 26 mai 2016, Mme O... a fait assigner les sociétés Washington Valorisation et Pierre Renovation Tradition devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'annulation de la vente pour vileté du prix, lésion et violence économique.

Par jugement du 19 décembre 2017, le tribunal a constaté son désistement d'instance et d'action à l'égard de la société Pierre Renovation Tradition, l'a déboutée de toutes ses demandes, a débouté la société Washington Valorisation de sa demande de dommages et intérêts et a condamné Mme O... aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a jugé que Mme O..., ne démontrant pas que le prix de 5 800 euros au m² est dérisoire, ne rapportait pas de preuve concernant la vileté du prix, ni la preuve de faits assez vraisemblables et assez graves pour présumer la lésion ainsi que la preuve d'un état de dépendance économique dont la société Washington Valorisation aurait abusé.

Mme O... a interjeté appel de ce jugement par acte des 6 janvier 2018 et 11 janvier 2018, les instances ayant été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 22 mars 2018.

Le conseil de Mme O... a, le 13 février 2018, informé la cour du placement de celle-ci sous curatelle renforcée par jugement du tribunal d'instance du 16ème arrondissement de Paris du 26 janvier 2018.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 29 mars 2018, une médiation a été ordonnée.

Le 25 février 2019, le médiateur a informé la cour de l'échec de la médiation.

Par conclusions du 10 mars 2018, MM. N... et C..., curateurs, ont déclaré intervenir volontairement à l'instance.

Par conclusions du 17 mai 2019, Mme O..., assistée de ses curateurs MM. N... et C..., demande à la cour de :
vu les articles 1134, 1108, 1109, 1116 et 1124 anciens du code civil,
- prononcer de la nullité de la promesse de vente signée le 27 mai 2014 et l'acte de vente en date du 9 juillet 2014 et déclarer nulle la vente intervenue,
- condamner de la société Washington Valorisation à lui payer la somme de 100000 euros à titre de dommage-intérêts,
- condamner de la société Washington Valorisation à lui payer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
subsidiairement,
vu l'inscripion de faux,
vu les articles 299 et suivants du code de procédure civile,
vu l'information ouverte des chefs de faux dans des actes authentiques et usage de ces faux,
- surseoir à statuer jusqu'à l'issue de ces deux procédures.

Mme O... soutient que les motifs retenus par les juges de première instance ne sont pas valables au cas de l'espèce ; outre qu'elle conteste avoir reçu l'assistance d'un avocat puis d'un notaire, elle soutient que cette assistance ne peut suffire à exclure la caractérisation du dol et de la violence et fait valoir son incapacité de discernement, souhaitant établir un état de faiblesse dont l'existence était selon elle antérieure à la demande de placement sous curatelle de septembre 2016, placement sous curatelle renforcée par ailleurs ordonné par jugement du 26 janvier 2018, état de faiblesse dont la société Washington Valorisation aurait abusé de nombreuses manières.

Par conclusions notifiées par RPVA le 19 août 2019, la société Washington Valorisation demande à la cour de :
. infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa fin de non-recevoir sur le terrain de l'article 2274 du code civil,
Statuant à nouveau de ce chef et en application des articles 544, 1134, 1599, 2274 et 2275 du code civil,
. déclarer Mme O... irrecevable en son action et sa demande de nullité des ventes des lots [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] qu'elle a revendus antérieurement à l'assignation à des tiers acquéreurs de bonne foi,
. déclarer Mme O... irrecevable en sa demande de sursis à statuer en vertu de l'article 74 du code de procédure civile comme formée postérieurement à ses moyens et demandes au fond,
. déclarer Mme O... irrecevable en sa demande de dommages et intérêts en vertu de l'article 566 du code de procédure civile comme nouvelle en cause d'appel, subsidiairement non fondée ni justifiée,
. déclarer Mme O... irrecevable en sa demande d'annulation de la promesse de vente du 27 mai 2014 en vertu de l'article 566 du code de procédure civile comme nouvelle en cause d'appel alors qu'elle s'est désistée de toute instance et action à l'égard de la société Pierre Renovation Tradition avec qui cette promesse a été signée,
. confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation de la vente du 9 juillet 2014 pour cause de vil prix et lésion faute par Mme O... de critiquer de ces chefs le jugement déféré,
. déclarer Mme O... irrecevable en sa demande d'annulation de la promesse de vente signée le 27 mai 2014 et de l'acte de vente en date du 9 juillet 2014 au seul motif de la décision de curatelle du 26 janvier 2018, en application de l'article 464 du code civil, s'agissant d'actes antérieurs de plus de deux ans audit jugement,
. déclarer les témoignages produits par Mme O... en pièces 8 et 14 irrecevables comme non conformes aux dispositions des articles 202 et suivants du code de procédure civile,
. déclarer ceux de ses curateurs irrecevables comme émanant de parties à l'instance,
. la débouter de sa demande d'annulation de la vente intervenue le 9 juillet 2014 comme non fondée ni justifiée en l'absence de preuve d'un quelconque vice du consentement, d'une insanité d'esprit ou d'un abus quelconque commis par elle au préjudice de l'intéressée,
. en conséquence la débouter de l'ensemble de ses demandes,
. condamner in solidum Mme O... et ses curateurs au paiement de la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts en application de l'article 1240 du code civil,
. les condamner in solidum au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SELARL 2H en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture l'instruction a été ordonnée le 5 septembre 2019 conformément à l'avis de fixation du 10 mai 2019 et avis en a été donné aux avocats par message RPVA du même jour à 16h59.

Par message du même jour adressé par la voie du RPVA à 17h28, Mme O... a sollicité le report de la clôture au jour des plaidoiries en faisant valoir la communication tardive des écritures de la société Washington Valorisation.

A l'audience du 19 septembre 2019, Mme O... a été autorisée par la cour à répondre par note en délibéré sur l'appel incident portant sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Washington Valorisation, ce qu'elle a fait par note en délibéré signifiée par RPVA le 9 octobre 2019 à laquelle la société Washington Valorisation a répondu par conclusions signifiées le 22 octobre 2019.

Par arrêt en date du 15 novembre 2019, la présente cour a rejeté la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de clôture formée par Mme O... aux fins de lui ouvrir un nouveau délai pour conclure et, avant-dire droit, a ordonné la réouverture des débats sur la question de la demande d'inscription de faux formée au visa de l'article 306 du code de procédure civile, fait injonction à Mme O... de justifier de la dénonciation de sa demande d'inscription de faux conformément aux dispositions de l'article 306 dernier alinéa du code de procédure civile et a sursis à statuer sur les demandes en réservant les dépens.

Le 18 novembre 2019, Mme O... a communiqué par RPVA les actes justifiant de la dénonciation de l'inscription de faux faite le 30 avril 2019 au visa des dispositions de l'article 306 du code de procédure civile.

La cour a adressé au ministère public la requête en inscription de faux formée par Me O... pour avis en application des dispositions de l'article 303 du code de procédure civile.

Le ministère public a rendu son avis sur la requête en inscription de faux le 11 mars 2020, avis qui a été transmis aux parties.

Le 5 mai 2020, avis a été donné aux parties d'une procédure sans audience conformément à l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020, procédure qui a été refusée par une des parties.

Par ses dernières conclusions sur l'inscription de faux signifiées le 3 septembre 2020, Mme O... assistée de ses curateurs, MM. N... et C... demande à la cour de :
- déclarer faux l'acte de vente du 9 juillet 2014,
- délarer fausse la promesse unilatérale de vente du 27 mai 2014 expressément visée par l'acte de vente du 9 juillet suivant,
- déclarer faux le mandat de vente du 9 mai 2014 expressément visé par les actes authentiques,
En conséquence,
- ordonner la remise des parties dans le statu quo ante,
Sur la demande de dommages-intérêts,
- condamner la société Washington Valorisation à lui payer la somme de cinquante mille euros,
Subsidiairement
Vu l'article 308 du code de procédure civile, ensemble les articles 138 à 141 du même code,
- ordonner toute mesure d'instruction nécessaire et notamment la production du registre de police de ses mandats de vente par l'agence Anselimmo pour le mois de mai 2014,
- condamner la société Washington Valorisation à lui payer la somme de trente mille euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamner la société Washington Valorisation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions sur l'inscription de faux signifiées le 2 septembre 2020, la société Washington Valorisation demande à la cour de :
vu l'avis du Ministère Public du 10 mars 2020,
- rejeter des débats les conclusions signifiées au nom de Mme O... et de ses curateurs depuis l'arrêt de la Cour du 15 novembre 2019, comme irrecevables car postérieures à l'ordonnance de clôture du 5 septembre 2019 non révoquée, et non requises par cette décision du 15 novembre 2019,
- déclarer Mme O..., assistée de ses curateurs, irrecevable en son inscription de faux du 9 avril 2019 à l'encontre de l'acte du 27 mai 2014 et demande d'annulation consécutive de cet acte, pour ne pas l'avoir sollicitée en première instance et pour avoir renoncé à toute instance et action à l'encontre de la société Pierre Rénovation Tradition, partie avec elle à cet acte,
- déclarer Mme O..., assistée de ses curateurs, irrecevable en son « inscription de faux complémentaire » du 11 mai 2020 à l'encontre du mandat de vente du 9 mai 2014, acte sous seing privé, faute de respecter les dispositions des articles 299, 285 et 287 du code de procédure civile et faute d'avoir été régularisée antérieurement à la clôture des débats du 5 septembre 2019,
- subsidiairement, et lui adjugeant de plus fort le bénéfice de ses conclusions signifiées le 19 août 2019 :
- déclarer Mme O... mal fondée à ses inscriptions de faux et demandes y afférentes,
- l'en débouter ainsi que de ses demandes indemnitaires déjà formées au fond,
- statuer pour le surplus comme précédemment requis aux conclusions du 19 août 2019.

La clôture de l'instruction sur l'inscription de faux a été ordonnée le 3 septembre 2020.

SUR CE,

Sur le rejet des débats des conclusions signifiées au nom de Mme O... et de ses curateurs depuis l'arrêt de la Cour du 15 novembre 2019

La société Washington Valorisation sollicite le rejet des conclusions signifiées le 6 décembre 2019 par Mme O... et ses curateurs ou postérieurement au motif qu'il s'agit de nouvelles conclusions sur la question d'inscription de faux outre celle de l'abus de faiblesse.

Il est constant qu'au terme de la réouverture des débats ordonnée par la cour sur la seule requête d'inscription de faux formée par Mme O..., les parties étaient autorisées à conclure sur l'inscription de faux dès lors que cette procédure nécessitait l'avis du ministère public et que les parties devaient pouvoir conclure en réponse à la communication de cet avis afin de respecter le principe du contradictoire.

Par ses dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2020 après réouverture des débats sur l'inscription de faux, Mme O... assistée de ses curateurs, MM. N... et C... n'a conclu que sur cette question.

En conséquence la société Washington Valorisation n'est pas fondée à invoquer l'irrecevabilité des écritures de Mme O....

Sur la fin de non-recevoir fondée sur l'article 2274 du code civil

La société Washington Valorisation sollicite, au visa de l'article 2274 du code civil, l'infirmation du jugement qui a rejeté sa demande visant à voir prononcer l'irrecevabilité de la demande de nullité de la vente des lots [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] qu'elle a revendus à des tiers de bonne foi.

Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, les dispositions de l'article 2274 du code civil ne sont pas de nature à fonder une fin de non-recevoir de la demande de nullité de la vente des lots intervenue entre Mme O... et la société Washington Valorisation, la vente ultérieure de certains de ces lots à des tiers de bonne foi par la société Washington Valorisation ne rendant pas irrecevable la demande en nullité de la vente intervenue le 9 juillet 2014.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande en nullité de la promesse de vente du 27 mai 2014

La demande aux fins d'annulation de la promesse de vente du 27 mai 2014 est formée par Mme O... au visa des irrégularités affectant cet acte ainsi que l'acte de vente du 9 juillet 2014.

Dès lors que l'objet de l'instance est la nullité de la vente passée par acte authentique du 9 juillet 2014, la demande aux fins d'annulation de la promesse de vente du 27 mai 2014 tend au même objet et doit être déclarée recevable.

Sur la demande d'inscription de faux formée au visa de l'article 306 du code de procédure civile

Il résulte des pièces du dossier que Mme O... a déposé devant la présente cour, le 9 avril 2019, une requête intitulée "inscription de faux à titre principal" formée au visa des dispositions de l'article 306 du code de procédure civile aux fins de voir déclarer faux la promesse de vente du 27 mai 2014 et l'acte de vente du 9 juillet 2014.

L'article 306 du code de procédure civile qui s'applique aux inscriptions de faux à titre incident dispose que la dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l'inscription.

L'article 307 dispose que le juge se prononce sur le faux à moins qu'il ne puisse statuer sans tenir compte de la pièce arguée de faux.

En l'espèce Mme O... vise, dans sa requête, les dispositions de l'article 306 du code de procédure civile relatives à l'inscription de faux à titre incident.

Dès lors que l'objet de la demande au fond porte sur la nullité de la vente de biens immobiliers consentie par acte authentique du 9 juillet 2014 et que cet acte est argué de faux par Mme O... eu égard aux conditions dans lesquelles il a été passé, il y a lieu, dans le cadre de la présente procédure, d'examiner la requête d'inscription de faux de Mme O... conformément aux dispositions de l'article 307 du code de procédure civile.

Mme O..., qui a reçu injonction de la présente cour de justifier de la dénonciation régulière de la requête d'inscription en faux à la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 306 du code de procédure civile, a justifié de la dénonciation de cette requête à la société Washington Valorisation par notification entre avocats le 30 avril 2019 soit dans le mois de l'inscription.

La requête a donc été régulièrement formée et a été communiquée au ministère public pour avis en application des dispositions de l'article 303 du code de procédure civile.

Par ailleurs Mme O... qui vise également dans sa requête les dispositions de l'article 314 du code de procédure civile relative à l'inscription de faux à titre principal ne justifie pas avoir délivré l'assignation prévue par cet article.

Suivant transmission du 10 mars 2020, le ministère public est d'avis que la demande d'inscription de faux à titre incident soit déclarée recevable et mal fondée et que la demanderesse soit condamnée à une amende civile en application des dispositions de l'article 305 du code de procédure civile après avoir constaté que Mme O... procède par affirmations et n'apporte aucun élément de preuve caractérisant les prétendues faussetés des mentions figurant à la promesse de vente et à l'acte de vente, les pièces produites ne permettant pas d'établir le caractère inexact desdites mentions.

La demande de nullité de la promesse du 27 mai 2014 étant déclarée recevable, la requête en inscription de faux est recevable que ce soit à l'encontre de la promesse ou de l'acte authentique de vente.

Mme O... soutient qu'elle a été amenée à signer l'acte authentique de vente du 9 juillet 2014 passé en l'étude de Me H..., notaire à Paris, sans jamais avoir reçu le projet lui permettant de formuler ses observations éventuelles et qu'elle n'a reçu une expédition de l'acte authentique qu'au mois de février 2016. Elle soutient que les mentions relatives à la comparution les parties qui figurent dans l'acte sont fausses dans la mesure où il est mentionné "avec la participation de Me U..." alors qu'elle n'était assistée de personne et que celui-ci s'est présenté comme le notaire de la Record Bank, son créancier, ainsi que cela ressort des énonciations figurant en page 4 de l'acte de vente et qu'en conséquence la mention de Me U... comme "assistant du vendeur" est fausse ; elle soutient en outre que cet acte fait référence à un autre acte authentique reçu par Me H... le 27 mai 2014 qui porte la mention également erronée qu'elle était personnellement assistée de Me S... U..., notaire à [...], ainsi que la présence de la société Pierre Renovation Tradition alors qu'elle s'est trouvée ce jour là seule chez Me H... et qu'elle a été invitée à signer un acte sans qu'il lui en soit donné lecture. Elle fait en outre valoir que la saisie avait été cantonnée aux lots no8 et 30, que ce bien avait été évalué à 1 800 000 euros et qu'elle s'est vue contrainte de céder, sous la pression, la totalité de ses lots pour un prix de 1 450 000 euros.

S'agissant de la promesse du 27 mai 2014, les déclarations de Mme O... sont contradictoires. En effet, alors qu'elle soutient n'avoir pas souvenir d'avoir signé un quelconque acte chez Mme H... à cette date contrairement à la mention portée sur l'acte authentique reçu par Mme H... le 9 juillet 2004 et qu'elle a d'ailleurs fait délivrer une sommation interpellative à ce notaire pour justifier de sa convocation à cette date, elle affirme par ailleurs que l'acte du 27 mai 2014 est faux puisqu'il mentionne que ses conditions ont été arrêtées entre le vendeur et la société Pierre Rénovation Tradition alors que cette société n'était pas présente le 27 mai 2014 dans l'étude notariale au moment où elle s'y trouvait et qu'elle a été invitée à signer un document sans même qu'il lui en soit donné lecture.

Par ailleurs Mme O... se contente d'affirmer, à l'appui de son allégation de faux de l'acte du 9 juillet 2014, que Me U... s'est présentée à elle le jour de la signature de la vente de ses biens, comme le notaire de la Record Bank, son créancier, et qu'en conséquence elle n'était assistée de personne.

L'acte authentique de vente en date du 9 juillet 2014 mentionne "avec la participation de Me S... U..., notaire assistant le vendeur", notaire qui figure également à l'acte comme notaire participant représentant la société Record Bank, créancier saisissant.

Il convient de rappeler que la vente du 9 juillet 2014 est intervenue alors qu'une partie des biens vendus faisaient l'objet d'une procédure d'adjudication, que la vente amiable, autorisée par le juge de l'orientationle 24 octobre 2013, n'avait pas abouti et que, par décision du 20 mars 2014, il avait décidé la reprise de la procédure et fixé l'adjudication au 5 juin 2014 ; en conséquence la vente des biens ne pouvait plus avoir lieu qu'avec l'accord du créancier poursuivant, raison pour laquelle l'acte de vente mentionne que le saisissant, représenté par Me U..., donne mainlevée du commandement de saisie publié le 14 juin 2013.

Le fait que Me U... figure également comme assistant Mme O... ne démontre pas une irrégularité de l'acte, la mainlevée du commandement par la société Record Bank ayant été faite dans l'intérêt de Mme O....

Mme O... ne produit donc aucun élément de nature à établir le caractère erroné des actes notariés ni même aucun élément de nature à constituer un début d'élément de preuve de la fausseté des actes qu'elle allègue, actes qui attestent qu'elle était assistée par Me U..., notaire.

En conséquence il convient de rejeter sa demande visant à voir déclarer fausse la promesse de vente passée en la forme authentique le 27 mai 2014 et à déclarer faux l'acte authentique de vente du 9 juillet 2014 sans qu'il soit nécessaire en l'espèce de faire droit à la demande d'instruction de Mme O... au visa des dispositions de l'article 308 du code de procédure civile, l'utilité de la production de ses mandats de vente par l'agence Anselimmo pour le mois de mai 2014 n'étant pas démontrée.

Sur la demande de sursis à statuer

Mme O... a sollicité, à titre subsidiaire, le sursis à statuer jusqu'à l'issue de deux procédures, une inscription de faux et une information ouverte des chefs de faux dans des actes authentiques et usage de ces faux.

Mme O... ne produit aucun élément pour justifier de l'existence de ces procédures.

La demande de sursis à statuer doit donc être rejetée.

Sur la demande en nullité de la vente

La société Washington Valorisation demande de déclarer Mme O... irrecevable en sa demande d'annulation de l'acte de vente du 9 juillet 2014 fondée sur le motif de la décision de curatelle du 26 janvier 2018, en application de l'article 464 du code civil, s'agissant d'actes antérieurs de plus de deux ans audit jugement.

L'article 464 du code civil dispose que les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue à l'époque où les actes ont été passés.

En l'espèce, si l'acte incriminé signé le 9 juillet 2014 est antérieur de plus de deux ans au jugement de tutelle du 26 janvier 2018, il n'en résulte par l'irrecevabilité de la demande.

La demande de nullité de la vente du 9 juillet 2014 doit donc être déclaré recevable.

Sur la nullité de la vente pour vileté du prix

Mme O... sollicite la nullité de la vente au visa de l'article 1658 du code civil qui dispose que le contrat de vente peut être résolu par la vileté du prix.

Il est constant que le bien a été vendu au prix de 1 450 000 euros soit, selon Mme O..., un prix de 5800 euros par m² très inférieur au prix du marché.

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, le fait invoqué par Mme O... que le prix de vente ait été inférieur au prix du marché ne caractérise pas pour autant la vileté du prix, celle-ci étant constituée en cas de prix quasi-nul et en tout état de cause dérisoire, ce qui n'est pas établi en l'espèce.

Mme O... produit une estimation de son bien réalisée en août 2007 à hauteur de 3 450 000 euros par une société Group Immo consulting, évaluation qui ne tient pas compte de l'état d'occupation du bien et, du fait de son ancienneté, ne prend pas en compte l'état du bien au jour de la vente.

En conséquence ce rapport ne permet pas d'établir la vileté du prix alléguée et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la nullité pour lésion

Mme O... soulève la nullité de la vente pour lésion au visa de l'article 1674 du code civil qui dispose que si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu'il aurait déclaré donner la plus-value.

Aux termes des dispositions de l'article 1674 du code civil, pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente.

C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que la demande de nullité pour lésion a été rejetée et Mme O..., qui a la charge de prouver la lésion de plus des sept douzièmes qu'elle invoque, ne développe aucun moyen nouveau ni ne produit aucune autre pièce que ceux de première instance.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la nullité pour violence économique

Mme O... sollicite la nullité de la vente au visa des dispositions de l'article 1112 du code civil en raison d'un vice du consentement et soutient que les motifs par lesquels le premier juge a rejeté sa demande à ce titre sont très insuffisants alors qu'il avait été justifié d'une mesure sous placement judiciaire par la famille dès septembre 2016.

Aux termes de l'ancien article 1112 du code civil, il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ; on a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes.

A l'appui de ses allégations, Mme O... produit les témoignages de sa famille qui affirment qu'elle faisait preuve d'une grande naïveté à l'égard des étrangers, qu'elle était frivole et caractérielle et qu'elle présentait donc une personnalité fragile, vulnérable.

Ces attestations, qui émannent de membres de la famille proches de Mme O... comme sa mère ou sa soeur, ne présentent pas le caractère d'impartialité requis et leur caractère probant n'est pas établi.

Le fait qu'une demande de placement sous curatelle ait été demandée plus de deux ans après la vente ne permet pas d'établir que Mme O... n'avait plus toutes ses capacités à la date de la vente.

Mme O... allègue des manoeuvres dolosives juste avant la vente et fait valoir que certaines personnes ont fait pression sur elle pour qu'elle vende le bien en lui faisant craindre les conséquences d'une vente forcée prévue quelques jours après la signature de l'acte de vente.

Ces pressions ne sont établies par aucune pièce et dès lors que le bien de Mme O... faisait l'objet d'une procédure de saisie immobilière, elle était assistée d'un avocat et bénéficiait donc de l'aide de son conseil.

Il convient donc de débouter Mme O... de sa demande de nullité de la vente pour violence économique et de confirmer le jugement de première instance de ce chef.

La demande de nullité de la promesse du 27 mai 2014 au visa des mentions de l'acte dont la fausseté n'est pas établie sera également rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme O...

La société Washington Valorisation soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts de Mme O... en application des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile au motif qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel.

Mme O... n'a pas formé de demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Washington Valorisation en première instance.

La demande de Mme O... est formée au visa des dispositions de l'ancien article 1147 du code civil devenu l'article 1231-1 qui dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Mme O... vise néanmoins la mauvaise foi de la société invoquant un abus de faiblesse caractérisé.

Cette demande de dommages et intérêts, bien que formée pour la première fois en appel doit être déclarée recevable dès lors qu'elle est la conséquence de la demande de nullité de la vente pour violence économique formée en première instance, peu importe qu'elle vise l'article 1147 du code civil.

Cette demande doit être rejetée dès lors que la violence économique invoquée n'est pas établie.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Washington Valorisation

La société Washington Valorisation sollicite des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil qui dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer en invoquant le fait qu'il n'a pas pu vendre les lots 8 et 30 du fait de la présente procédure.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande au motif qu'il n'est pas démontré que Mme O... ait fait un usage abusif de ses droits en assignant la société Washington Valorisation et en publiant l'assignation au service de la publicité foncière conformément aux dispositions réglementaires.

Sur l'amende civile

L'article 305 du code de procédure civile dispose que le demandeur à une inscription en faux contre les actes authentiques qui succombe est condamné à une amende civile.

Mme O... doit donc être condamnée à payer une amende civile de 2 000 euros.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner Mme O... à payer à la société Washington Valorisation une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Vu l'avis du ministère public du 11 mars 2020,

Déclare recevables la demande aux fins d'annulation de la promesse de vente du 27 mai 2014 formée par Mme O... et sa demande de dommages et intérêts,

Déclare recevable la requête en inscription de faux formée à titre incident par Mme O... à l'encontre de la promesse de vente passée en la forme authentique le 27 mai 2014 et de l'acte authentique de vente du 9 juillet 2014,

Rejette la requête en inscription de faux formée par Mme O...,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme O... au paiement d'une amende civile de 2 000 euros,

Condamne Mme O... à payer à la société Washington Valorisation une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme O... aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SELARL 2H en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 18/012847
Date de la décision : 06/11/2020
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2020-11-06;18.012847 ?
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