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03/11/2020 | FRANCE | N°19/066687

France | France, Cour d'appel de Paris, C5, 03 novembre 2020, 19/066687


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2020

(no /2020, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/06668 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7THT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 4ème chambre 1 ère section - RG no 17/04221

APPELANT

Monsieur C... Y...
Demeurant [...]
[...]

Représenté par et assisté de Me David BOUSSEA

U, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 312

INTIMÉE

SA SAF BTP IARD, prise en la personne de ses dirigeants légaux domi...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2020

(no /2020, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/06668 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7THT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 4ème chambre 1 ère section - RG no 17/04221

APPELANT

Monsieur C... Y...
Demeurant [...]
[...]

Représenté par et assisté de Me David BOUSSEAU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 312

INTIMÉE

SA SAF BTP IARD, prise en la personne de ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant son siège social [...]
[...]

Représentée par et assistée par Me Paul DAVID substituant Me Bérangère MONTAGNE de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU RENAULT, Présidente
M. Christian BYK, Conseiller
M. Julien SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Béatrice CHAMPEAU RENAULT, Présidente de chambre et par Mme Vanessa ALCINDOR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Le 6 mai 1999, M. C... Y..., alors artisan, a renseigné une demande d'adhésion relative notamment au "contrat prévoyance coups durs" offrant une garantie "incapacité temporaire" et une "garantie invalidité", proposé, par l'intermédiaire de l'association Pro BTP, par la société d'assurances familiales Bâtiments et travaux publics Iard (ci-après la SAF BTP Iard).

La SAF BTP Iard a accepté la demande d'adhésion et elle lui a adressé, par courrier du 21 mai 1999, un exemplaire des conditions particulières du contrat "prévoyance coups durs : garanties Indemnités journalières/Rente invalidité", précisant que l'adhésion à ce contrat prenait effet le 06 mai 1999 et qu'il avait souhaité bénéficier pour ce contrat des avantages fiscaux de la loi "Madelin".

Le 24 septembre 2007, M. Y... a été placé en arrêt de travail. Il a déclaré son arrêt le 05 octobre 2007. La SAF BTP Iard a mobilisé la garantie et lui a versé des indemnités journalières.

Au mois de septembre 2010, la garantie contractuelle d'incapacité prévue pour 1.095 jours, venant à son terme, l'assureur a décidé de faire examiner M. Y... par un médecin expert, le docteur V... K.... Celui-ci, après l'avoir examiné a conclu qu'après consolidation le 3 décembre 2009, le taux d'incapacité fonctionnelle de M. Y... était de 20% et le taux d'incapacité professionnelle de 80%.

Par lettre du 18 novembre 2010, l'assureur a informé M. Y... des conclusions de l'expertise et du fait que puisque son taux global d'invalidité était inférieur à 33 %, il ne pouvait bénéficier de la prestation invalidité, conformément à l'article 2 de sa police d'assurance.

M. Y... ayant contesté cette décision en mars 2011, l'assureur lui a fait savoir par courrier du 27 mai 2011 qu'une procédure amiable pouvait être mise en oeuvre avec l'intervention d'un médecin arbitre. M. Y... n'ayant pas donné suite à cette proposition, sa demande a été classée le 21 septembre 2011.

Puis, à sa demande, M. Y... a été soumis à une nouvelle expertise du docteur K... le 4 avril 2015. Au regard de nouveaux éléments, le médecin a conclu que le taux d'incapacité fonctionnelle de l'assuré pouvait être évalué à 40%, le taux d'incapacité professionnelle étant toujours de 80%.

Par lettre du 4 juin 2015, le contrôle médical de la SAF BTP Iard a informé M. Y... de ce que les taux déterminés par le docteur K... conduisaient à un taux global d'invalidité de 50 % et qu'en conséquence une demi-rente trimestrielle lui serait versée à compter du 9 mai 2013.

Par courrier recommandé du 28 décembre 2016, le conseil de M. Y... a mis en demeure l'assureur d'allouer à celui-ci une rente mensuelle entière, courant à compter de la date de consolidation, soit la somme de 54 538,35 euros, outre les intérêts au taux légal pour chaque mois échu et une indemnité de 10 000 euros venant compenser son préjudice matériel et moral. L'assureur a refusé par lettre du 24 janvier 2017 et a proposé de recourir à un médecin arbitre.

C'est dans ce contexte que M. Y... a, par acte d'huissier du 15 mars 2017, fait assigner les sociétés SAF BTP Vie et SAF BTP Iard devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel, par jugement du 4 février 2019, a :
- mis hors de cause la SAF BTP Vie - société d'assurances familiales des salariés et artisans Vie ;
- dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause "PRO BTP" ;
- débouté M. Y... de l'ensemble de ses demandes ;
- constaté que la SAF BTP Iard - société d'assurances familiales des salariés et artisans Iard s'est engagée à verser la rente invalidité à M. Y... jusqu'au 62 ème anniversaire de ce dernier ;
- condamné M. C... Y... à payer à la SAF BTP Iard - société d'assurances familiales des salariés et artisants Iard - la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de l'instance ;
- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de cette décision.

M. Y... a interjeté appel de cette décision le 25 mars 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 12 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. Y... demande à la cour au visa des articles 1134 et suivants du code civil, et L 141-4 du code des assurances d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :
- constater son état d'invalidité ;
- lui déclarer inopposable la notice relative à la "DETERMINATION DU TAUX GLOBAL D'INVALIDITE" ;
- constater la défaillance de la société BTP IARD à son devoir d'information à son endroit ;
- constater qu'il doit bénéficier d'une rente à taux plein en exécution du contrat
[...], et à compter du 3 décembre 2009
- en conséquence la condamner à lui verser :
. la somme de 78 763,17 euros correspondant aux rentes échues, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2017 ;
. pour le futur, une rente mensuelle à taux plein revalorisée ;
. la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
. la somme de 5 000 euros pour résistance abusive ;
. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner "les succombantes" aux dépens d'instance ;
- "ordonner l'exécution provisoire" de la décision à intervenir.

"Pour le cas ou", ordonner une expertise judiciaire médicale pour déterminer si M. Y... répond à la définition de l'INVALIDITE GLOBALE ;

En tout état de cause :
. rejeter la demande subsidiaire de la société BTP Iard ;
. dire que la rente INVALIDITE doit être versée jusqu'au décès de M. Y... ;
. rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile formulée à son encontre.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 19 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SAF BTP IARD - Société d'Assurances Familiales des Salariés et Artisans IARD demande à la cour au visa des dispositions des articles 1134 et suivants, et 1315 du code civil, confirmant le jugement en ce qu'il a débouté M. Y... de ses demandes et l'a condamné à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, de :
- constater que les demandes de M. Y... ne sont ni justifiées, ni fondées.
- en conséquence, le débouter de l'intégralité de ses demandes.
- rectifier ou en toute hypothèse infirmer le jugement en ce qu'il a "constaté que la SAF BTP Iard - société d'assurances familiales des salariés et artisans Iard - s'est engagée à verser la rente invalidité à M. Y... jusqu'au 62 ème anniversaire de ce dernier";
- constater que SAF BTP a précisé que les garanties cesseront " au plus tard à la fin du trimestre au cours duquel est intervenu le 62ème anniversaire de l'assuré ou à la prise de retraite du RSI de M. Y...";
- dire que M. Y... devra fournir à l'assureur :
. une attestation du RSI précisant "la non prise de retraite" et cela tous les 3 mois.
. transmettre ses deux derniers avis d'impôts et/ou s'il est en cessation d'activité, son certificat de radiation.

Subsidiairement, si la cour décide que M. Y... peut prétendre à la mise en œuvre de la rente invalidité à compter du 03 décembre 2009 :
- dire que M. Y... est redevable des indemnités journalières qui lui ont été versées par l'assureur à compter de cette date, soit 8 888,51euros.
- dire qu'il pourra être procédé par voie de compensation.
- en conséquence, limiter la somme allouée à M. Y... à la somme de 60 206,34 euros euros.
- condamner M. Y... à la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance, dont distraction.

La clôture est intervenue le 18 mai 2020.

SUR CE, LA COUR,

Il convient de rappeler que les demandes de "dire et juger" et de "constater" ne saisissent pas la cour de prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile.

Sur l'opposabilité de la notice relative à la détermination du taux global

Vu les articles L 141-4 et suivants dans leur version applicable au litige ;

En l'espèce, comme l'a exactement relevé le tribunal, la "demande d'adhésion" datée du 6 mai 1999 que M. C... Y... ne conteste pas avoir signé contient la mention suivante, dans un paragraphe situé au-dessus de la signature de l'adhérent "Ma demande d'adhésion ne m'engage pas définitivement et je note que je bénéficie de 30 jours de réflexion à compter de la réception des conditions particulières pour revenir sur ma décision. Je serai alors intégralement remboursé dans le délai d'un mois. Je reconnais avoir reçu une notice résumant les conditions générales pour l'ensemble de ces contrats."

Certes ce paragraphe est écrit dans une police plus petite que le reste du contrat. Néanmoins, le paragraphe figure au dessus de la signature de l'adhérent, n'en est séparé que par trois lignes et est parfaitement lisible.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, la mention spécifique de la remise d'une notice "résumant les conditions générales pour l'ensemble de ces contrats" permet d'identifier suffisamment les documents effectivement remis, préalablement à la signature du contrat puisque remis avant la signature du bulletin d'adhésion.

En effet, cette mention figure dans un ensemble titré "récapitulation", faisant la synthèse des contrats dont il est demandé l'adhésion, expressément désignés comme étant d'une part, un contrat "prévoyance coups durs", pour lui-même, comportant les garanties indemnités journalières, rente invalidité et capital invalidité décès, et d'autre part, un contrat retraite supplémentaire des artisans du bâtiment.

La cour ne peut ainsi le suivre lorsqu'il soutient que la mention en cause laisse supposer qu'il a reçu une seule notice pour plusieurs contrats, alors que l'assureur produit une notice pour le seul contrat "prévoyance coups durs".

Enfin, il importe peu que M. Y... n'ait pas porté la mention "lu et approuvé" lors de la signature de son bulletin d'adhésion dès lors que cette mention n'est pas obligatoire.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a retenu que la notice versée aux débats, par la SAF BTP Iard comme étant celle remise lors de la souscription, lui est opposable dès lors qu'elle rapporte la preuve qu'elle la lui a remise, et qu'il ne produit pour sa part, pas celle qui lui a été remise, peu important dans ce contexte que la notice produite par la SAF BTP Iard ne soit pas datée ou qu'elle contienne (in fine, sur le côté) une référence "[...]" non reprise sur le bulletin d'adhésion, les conditions particulières ou le questionnaire de santé.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu l'opposabilité des conditions particulières que M. Y... ne conteste pas avoir reçues.

En revanche, contrairement à ce que prétend la SAF BTP Iard, elle ne démontre pas davantage en cause d'appel qu'elle ne l'a fait devant les premiers juges, avoir porté à la connaissance de M. Y... la modification des garanties qu'elle allègue.

En effet, comme le lui objecte l'appelant, la production de la lettre simple datée du 04 décembre 2011 censée porter à la connaissance de M. Y... les modifications des conditions générales applicables à (ses) contrat(s) à compter du 1er janvier 2012, ne permet pas de démontrer qu'il a été informé par écrit de ces modifications, en ce qu'il n'est pas démontré qu'il a reçu cette lettre et par là, l'exemplaire des modifications de la notice résumée des conditions générales applicables à son contrat visé dans la lettre, puisqu'il s'agit d'une lettre simple et non d'une lettre recommandée.

Il n'est en outre pas justifié de ce qu'il a eu connaissance de ces modifications trois mois au minimum avant la date prévue de leur entrée en vigueur, délai imposé par l'article L 141-4 du code des assurances (applicable au litige puisqu'entré en vigueur le 1er janvier 2006), en ce que les modifications des conditions générales applicables au(x) contrat(s) entraient en vigueur à compter du 1er janvier 2012, alors que la lettre l'en informant était datée du 04 décembre 2011, donc trop tardive pour satisfaire à cette exigence légale.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a exactement retenu que la modification invoquée par la SAF BTP Iard n'est pas opposable à M. Y..., aucun avenant signé n'étant par ailleurs invoqué.

Sur la détermination de la rente due en application du contrat

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 11 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, applicable au litige ;

Comme l'a exactement relevé le tribunal, la notice résumant les conditions générales du contrat "prévoyance coups durs" dans sa partie relative à la "garantie rente invalidité" stipule au paragraphe "Que couvre la garantie ?" ce que suit :
"En cas d'invalidité vous percevez :
100% de la rente si votre régime obligatoire AVA ne verse pas ou plus de pension et si votre taux global d'invalidité est supérieur à 66 % (déterminé après expertise médicale),
50% de la rente :
- si votre régime obligatoire AVA vous verse une pension d'incapacité au métier ou d'invalidité totale et définitive,
- ou si votre taux global d'invalidité est compris entre 33 et 66 %."

Il est précisé que AVA signifie "Assurance vieille artisanale".

Ce même paragraphe précise plus loin ceci :" Le taux global d'invalidité : il tient compte à la fois de l'incapacité fonctionnelle et de l'incapacité professionnelle."

En annexe de la même notice, à la dernière page, figure un tableau exposant les modalités de détermination du taux global invalidité.

En outre, les conditions particulières du contrat précisent dans la partie consacrée à la rente invalidité ceci : "en cas d'invalidité globale entre 33 % et 66 % vous percevrez une rente de 2.345,50 F par mois (niveau 02)." Elles font ainsi elles aussi référence à une "invalidité globale."

C'est ainsi à juste titre que le tribunal a estimé que l'assureur établit bien avoir porté à la connaissance de M. Y... que la condition de versement de la rente invalidité du contrat "prévoyance coups durs" était un taux d'invalidité global tenant compte à la fois de l'incapacité fonctionnelle et de l'incapacité professionnelle, selon une combinaison pré-établie portée également à sa connaissance par l'annexe de la notice, contrairement à ce que prétend de nouveau, mais vainement, M. Y....

Comme rappelé ci-dessus, le rapport d'expertise médicale daté du 2 novembre 2010 (examen du 29 octobre 2010), rédigé par le docteur K..., a reconnu à M. Y... un taux d'incapacité fonctionnelle s'élevant à 20 %, après consolidation au 03 décembre 2009, et un taux d'incapacité professionnelle s'élevant à 80% ; le rapport d'expertise rédigé par ce même docteur en date du 13 avril 2015 (examen du 04 avril 2015) a porté le taux d'incapacité fonctionnelle à 40 % et maintenu le taux d'incapacité professionnelle à 80 %.

M. Y... ne conteste pas les conclusions de ces expertises puisqu'il demande l'application du taux d'incapacité professionnelle de 80 % qu'elles ont fixé.

Le tableau, en annexe à la notice remise à M. Y... préalablement à la signature du contrat, qui permet la détermination du taux global d'invalidité énonce que pour un taux d'incapacité professionnelle de 80 % combiné à un taux d'incapacité fonctionnelle de 20 %, le taux global d'invalidité est inférieur à 33 %, et que pour un taux d'incapacité professionnelle de 80 % combiné à un taux d'incapacité fonctionnelle de 40 %, le taux global d'incapacité fonctionnelle est de 50,60, donc compris entre 33 % et 60 %.

La SAF BTP Iard justifie ainsi avoir appliqué la garantie conformément aux dispositions du contrat, selon la notice opposable à M. Y... pour lui avoir été remise préalablement à la signature du contrat, sans qu'il puisse utilement être reproché à la société BTP Iard un défaut d'information ou encore un vice du consentement voire une présentation trompeuse da la garantie invalidité, au regard de ces éléments.

En effet, comme l'expose la SAF BTP Iard, aux termes des conditions particulières du contrat, l'assuré pouvait prétendre contractuellement au versement d'une demi-rente à condition de justifier du versement d'une pension par l'AVA (son régime obligatoire) pour "une incapacité au métier ou une invalidité totale et définitive". Hors ce cas, le niveau de rente dépendait du taux global d'invalidité selon qu'il se situait entre 33 et 66 % (demi-rente) ou qu'il allait au-delà de 66 % (rente entière). Il n'est ainsi pas fait référence à une "incapacité au métier" mais au versement d'une "pension pour incapacité au métier" par le régime obligatoire, qui permet de bénéficier contractuellement du versement d'une demi-rente par l'assureur, les termes employés d'incapacité au métier ou d'invalidité totale définitive étant ici les qualificatifs employés par l'AVA, au sens du code de la sécurité sociale, notions que ce régime obligatoire peut retenir selon des conditions qui lui sont propres pour l'attribution d'une pension, inopposables à l'assureur.

Dans les autres hypothèses de mise en œuvre de la garantie, il est bien fait référence à un taux global d'invalidité, qui doit être médicalement fixé puisque le montant de la rente est fonction de son importance (défini en pourcentage), taux dont il est justifié dans le détail des écritures de la SAF BTP Iard et par les pièces qu'elle communique, qu'il a été parfaitement appliqué au regard des expertises médicales réalisées, et de la date de consolidation, avec le versement d'indemnités journalières pendant trois ans puis le versement d'une demi-rente, rétroactif au 09 mai 2013, rente régulièrement actualisée par l'assureur, sans qu'il soit nécessaire de faire droit à la demande subsidiaire d'expertise judiciaire pour caractériser ce point.

L'examen de la demande subsidiaire formulée par la SAF BTP Iard concernant la restitution, par M. Y... par voie de compensation, des indemnités journalières qu'elle lui a versées, demande à laquelle il oppose notamment la prescription, est dès lors sans objet, ces demandes étant soutenues dans l'hypothèse où la cour faisait droit aux demandes principales de l'appelant, ce qui n'est pas le cas.

Sur la durée de versement de la rente

La notice retenue par la cour prévoit que la rente invalidité "cesse d'être versée à la fin du trimestre au cours duquel est intervenu l'événement suivant :
- le taux global d'invalidité devient inférieur à 33% et l'AVA ne verse pas de pension,
- l'AVA cesse de verser une pension et le taux global d'invalidité est inférieur à 33 %,
- au départ de l'âge à la retraite ou à l'âge de 60 ans au plus tard,
- en cas de décès de l'adhérent.
Toutefois, en cas de résiliation de l'adhésion, le droit aux prestations est maintenu si une invalidité ouvrant droit à indemnisation est survenue avant la résiliation".

Comme le soutient la SAF BTP Iard, il était ainsi contractuellement prévu que la garantie prendrait fin, notamment au départ à la retraite ou à l'âge de 60 ans au plus, s'agissant non d'une rente viagère mais d'une garantie qui a vocation à intervenir pour compenser l'absence de revenus du travail, le principe étant dès lors le non cumul de la rente invalidité et de la pension de retraite.

Compte tenu de ce que l'âge légal de départ à la retraite a été progressivement relevé et afin d'assurer une continuité de couverture jusqu'à la retraite, les conditions contractuelles ont été modifiées dans la notice applicable au 1er janvier 2012 pour prévoir une cessation des garanties au départ à la retraite ou au 62ème anniversaire de l'assuré. Des précisions ont été apportées quant à la date de départ à la retraite, entendue comme étant "la date de liquidation des droits acquis dans le régime de retraite de base des artisans (RSI)".

La cour a, pour les motifs développés ci-dessus, estimé que M. Y... n'avait pas été correctement informé des modifications de la notice résumée des conditions qui adaptaient les garanties au regard des évolution de l'âge légal de départ à la retraite, modifications qui lui sont inopposables.

La notice résumée des conditions générales "Prévoyance coups durs" communiquée en pièce no6 par la SAF BTP Iard, présentée comme étant celles applicables au moment de la mise en oeuvre de la garantie, ne l'est pas davantage.

Il n'en demeure pas moins que l'âge légal de départ à la retraite s'applique de facto aux parties, ainsi que les changements successifs de régimes de protection sociale.

En l'espèce, l'AVA était visée dans la notice. Depuis, la Sécurité Sociale des Indépendants a remplacé le Régime Social des Indépendants, lui-même créé en 2006 pour remplacer les trois régimes qui géraient indépendamment ces missions auparavant (l'Ampi, l'Ava, l'Organic). Le RSI avait fusionné en 2008 avec l'Urssaf pour devenir l'interlocuteur unique de tous les indépendants. La SSI a été intégrée au régime général de la sécurité sociale depuis le 1er janvier 2020, changement automatique.

Compte tenu de ces éléments, il convient uniquement de constater que la SAF BTP Iard s'est engagée à verser la rente invalidité, jusqu'au plus tard la fin du trimestre au cours duquel est intervenu son 62ème anniversaire (étant rappelé qu'il est né le [...] ), ou à sa prise de retraite du régime anciennement dénommé Régime Social des Indépendants, sans qu'il y ait lieu de faire droit aux demandes tendant à dire que celui-ci devra fournir à l'assureur une attestation du RSI précisant "la non prise de retraite" et cela tous les 3 mois, celui-ci devant de par lui-même se conformer aux conditions contractuelles de mises en jeu de la garantie.

Il n'y a également pas lieu d'exiger dans le cadre du présent litige, que M. Y... transmette à l'assureur ses deux derniers avis d'impôts et/ou s'il est en cessation d'activité, son certificat de radiation, celui-ci devant en toute hypothèse respecter les dispositions prescrites par la loi "Madelin".

Sur les dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral, et résistance abusive

En l'absence de faute de la part de la SAF BTP IARD, génératrice du préjudice matériel et moral invoqué par M. Y..., sa demande en réparation ne peut qu'être rejetée.

En outre, ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de la SAF BTP IARD une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de défendre ses intérêts.

Il ne sera ainsi pas fait droit aux demandes de dommages-intérêts formulées par M. Y....

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté M. Y... de l'ensemble de ses demandes de condamnation.

Sur les autres demandes

L'arrêt, qui n'est pas susceptible d'une voie ordinaire de recours, est exécutoire de droit ; la demande tendant au prononcé de l'exécution provisoire est donc sans objet et doit être rejetée.

M. Y... qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de l'instance.

Il sera également condamné à payer à la SAF BTP IARD, en cause d'appel, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, s'ajoutant à celle de 1 500 euros allouée par le tribunal à ce titre et verra sa demande sur ce fondement rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf quant au constat opéré sur l'engagement de la SAF BTP IARD concernant le versement de la rente invalidité ;

STATUANT de nouveau de ce chef, et y ajoutant :

Constate que la SAF BTP Iard - société d'assurances familiales des salariés et artisans Iard s'est engagée à verser la rente invalidité à M. C... Y... jusqu'au plus tard la fin du trimestre au cours duquel est intervenu son 62ème anniversaire (étant rappelé qu'il est né le [...] ), ou à sa prise de retraite du régime anciennement dénommé Régime Social des Indépendants ;

Déboute la SAF BTP Iard du surplus de ses demandes sur ce point ;

Déboute M. C... Y... de sa demande d'expertise judiciaire et tendant à ordonner l'exécution provisoire de la décision ;

Condamne M. C... Y... aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. C... Y... à payer à la SAF BTP IARD en cause d'appel la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. C... Y... de sa demande formulée de ce chef.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : C5
Numéro d'arrêt : 19/066687
Date de la décision : 03/11/2020
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2020-11-03;19.066687 ?
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