Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2020
(no /2020, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/06571 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7S77
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 19ème contentieux médical - RG no 18/00535
APPELANTE
GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (anciennement GROUPAMA SA), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège en cette qualité
Ayant son siège social [...]
[...]
Représentée par et assistée de Me Nicolas STOEBER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0132
INTIMÉ
OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), agissant poursuites et diligences de son directeur en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
Ayant son siège social [...]
[...]
[...]
Représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA- GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assisté de Me Sylvie WELSCH de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU RENAULT, Présidente
M. Christian BYK, Conseiller
M. Julien SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Béatrice CHAMPEAU RENAULT, Présidente et par Mme Vanessa ALCINDOR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Le 2 avril 1987, M. L... T... a été hospitalisé en urgence au centre hospitalier d'Antibes pour une pancréatite aiguë nécrosante. Il a été opéré à trois reprises et a reçu plusieurs transfusions sanguines entre le 8 et le 21 avril 1987.
Le 8 mai 1987, M. T... a été transféré au centre hospitalier [...] où il a subi cinq opérations chirurgicales et a de nouveau reçu plusieurs transfusions de sang.
En décembre 1995, une hépatite C lui a été diagnostiquée.
Saisi d'une demande d'indemnisation de la part des consorts T..., l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par courrier en date du 21 février 2012, n'a pas contesté l'imputabilité de la contamination aux transfusions reçues et a fait une offre provisoire d'indemnisation à hauteur de 4.759 euros considérant que l'état de M. T... n'était pas consolidé.
Par jugement du 21 novembre 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné l'ONIAM à verser à M. T... la somme de 26.500 euros, à Madame G... T... la somme de 2.000 euros, à Mesdames F..., L... et N... T..., chacune la somme de 1.000 euros, outre les frais d'expertise et la somme de 1.500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de la justice administrative.
Par courriers en date des 20 mai 2015 et 10 mai 2016, l'ONIAM a sollicité en vain le remboursement des sommes versées en vertu de ce jugement auprès de la société GROUPAMA en sa qualité d'assureur du CTS des Alpes Maritimes, identifié comme fournisseur d'une partie des produits sanguins administrés à M. T....
C'est dans ce contexte que l'ONIAM a, par acte d'huissier en date du 12 janvier 2018, assigné la société GROUPAMA SA devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel, par jugement réputé contradictoire (GROUPAMA n'ayant pas constitué avocat bien qu'assignée à personne) rendu le 4 mars 2019, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- dit que M. L... T... a reçu en 1987 des produits sanguins labiles, notamment fournis par le CTS des Alpes-Maritimes, qui sont à l'origine de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
- reçu l'ONIAM en sa demande de garantie sur le fondement de l'article L 1221-14 du code de la santé publique à l'encontre de la société GROUPAMA SA, en tant qu'assureur du CTS des Alpes-Maritimes ;
- condamné la société GROUPAMA SA à garantir l'ONIAM pour un montant de 34.825,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
- condamné la société GROUPAMA SA au paiement des entiers dépens ;
- accordé à Maître Sylvie WELSCH, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamné la société GROUPAMA SA à payer à l'ONIAM la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.
La mutuelle Caisse nationale de réassurance mutuelle agricole GROUPAMA a interjeté appel de cette décision le 22 mars 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- constater que GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (anciennement GROUPAMA S.A.) ne constitue pas l'assureur du Centre de Transfusion Sanguine des Alpes-Maritimes (Saint-Laurent-du-Var),
- à titre subsidiaire, juger que l'action de l'ONIAM est prescrite par application de l'article L 114-1 du code des assurances,
- en conséquence débouter l'ONIAM de toutes ses demandes,
- condamner l'ONIAM à payer à GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (anciennement GROUPAMA S.A.) une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'ONIAM demande à la cour, confirmant en toutes ses dispositions le jugement déféré, de débouter GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES de toutes ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La clôture est intervenue le 18 mai 2020.
SUR CE, LA COUR,
GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (anciennement GROUPAMA S.A.) expose que le jugement doit être infirmé parce qu'elle n'est pas l'assureur du CRTS des Alpes-Maritimes ; subsidiairement, elle soulève la prescription de l'action intentée à son encontre, plus de deux années s'étant écoulées entre le 20 avril 2012 (date de la requête en indemnisation de M. T... devant le Tribunal administratif de Nice à l'encontre de l'ONIAM) et le 20 mai 2015 (date de la lettre de l'ONIAM sollicitant la garantie de l'assureur du CRTS de Nice).
L'ONIAM réplique en substance que GROUPAMA n'ayant pas constitué avocat devant le tribunal mais fait appel du jugement qui l'a condamnée, elle soulève pour la première fois devant la cour le fait qu'elle n'est pas le "véritable" assureur et qu'aucune action ne saurait être dirigée à son encontre. L'ONIAM soutient que cette demande est irrecevable et mal fondée, en ce que GROUPAMA a montré sa capacité à défendre sur le contrat d'assurances souscrit par l'ex CRTS des Alpes-Maritimes, à retenir ou dénier la garantie, à décider du règlement en exécution de ce contrat d'assurance de sorte que sa demande, dirigée contre GROUPAMA au titre du contrat souscrit par l'ex-CRTS des Alpes-Maritimes auprès du GAN racheté par GROUPAMA, est légitime et justifiée.
Il s'agit là en réalité de deux fins de non recevoir, au sens des articles 121 et suivants du code de procédure civile, le principe et le montant de la demande de l'ONIAM n'étant quant à eux pas contestés.
Sur la qualité de la Caisse nationale de réassurance mutuelle agricole GROUPAMA, exerçant sous le nom commercial GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (anciennement GROUPAMA S.A.)
Vu les articles L 322-27-1 et L 322-27-2 du code des assurances ;
C'est à bon droit que l'appelante soutient que l'ONIAM ne pouvait valablement agir à son encontre en qualité d'assureur du CTS des Alpes-Maritimes au regard desdites dispositions.
En effet, GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (anciennement GROUPAMA SA) ne conteste ni avoir racheté la compagnie GAN en 1998, ni que son site internet préciserait que la marque GAN assurances lui appartient, comme l'ONIAM le soutient sans en apporter le moindre justificatif.
Il est par ailleurs justifié de ce que c'est avec la société GROUPAMA SA que l'ONIAM a été en relation dans le cadre de plusieurs échanges de courriers, dont la formulation pouvait pour le moins prêter à confusion pour plusieurs d'entre eux, en ce qu'ils évoquaient la possibilité ou non pour le GAN ASSURANCES d'accepter de garantir le sinistre assuré, pouvant ainsi laisser penser, à tort, que GROUPAMA, seul interlocuteur du règlement du sinistre, en avait repris la charge.
Cependant, comme GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES l'expose, il ne constitue que l'organe central chargé de veiller à la cohésion et au bon fonctionnement du réseau, en exerçant un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion des organismes dudit réseau.
L'assureur responsabilité civile du CTS de Saint Laurent du Var (06) était la S.A. GAN ASSURANCES pour la période courant du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1987 (Police no [...]).
Cependant GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (RCS : 343 115 135) constitue une entité distincte de la compagnie GAN ASSURANCES ( RCS : 542 063 797), comme en attestent leur extrait K-bis respectif, en date du 10 octobre 2019.
Il n'existe aucun lien de droit entre GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES, qui n'est qu'un réassureur, assurant par ailleurs une fonction d'organe de gestion, et le CTS des ALPES MARITIMES, assuré auprès du GAN ASSURANCES.
La société GROUPAMA SA, devenue GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES ne peut dès lors pas être le débiteur de l'ONIAM dans le cadre de son recours subrogatoire qui doit être dirigé contre l'assureur du CTS en question.
L'action intentée à son encontre, en cette qualité, par l'ONIAM est ainsi irrecevable.
Il s'en déduit que le jugement déféré doit être infirmé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'autre fin de non recevoir, tirée de la prescription, développée à titre subsidiaire par l'appelante.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Partie perdante, l'ONIAM sera condamné aux entiers dépens.
En équité, il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en dernier ressort, publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
DIT que GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (anciennement GROUPAMA S.A.) ne constitue pas l'assureur du Centre de Transfusion Sanguine des Alpes-Maritimes (Saint-Laurent-du-Var) pouvant être mis en cause en cette qualité dans le cadre de la demande de garantie des sommes versées en réparation des conséquences de la contamination par le virus de l'hépatite C de M. T..., par l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) ;
DECLARE irrecevable l'action diligentée à ce titre par l'ONIAM à l'encontre de GROUPAMA ASSURANCES MUTUELLES (anciennement GROUPAMA S.A.) ;
CONDAMNE l'ONIAM aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE