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22/10/2020 | FRANCE | N°18/07921

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 22 octobre 2020, 18/07921


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRET DU 22 OCTOBRE 2020



(n° 208 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07921 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QSS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/03996







APPELANTS



1) Monsieur [B] [D] [N],

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit

de Monsieur [R] [D] décédé le [Date décès 12] 2016

et intervenant volontairement en qualité d'ayant droit de Madame [T] [X] veuve [D] décédée le [Date décès 4] 2020

né le [Date nai...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRET DU 22 OCTOBRE 2020

(n° 208 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07921 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QSS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/03996

APPELANTS

1) Monsieur [B] [D] [N],

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [R] [D] décédé le [Date décès 12] 2016

et intervenant volontairement en qualité d'ayant droit de Madame [T] [X] veuve [D] décédée le [Date décès 4] 2020

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 18] (ESPAGNE)

[Adresse 9]

[Adresse 7])

2) Monsieur [K] [D] [N],

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [R] [D] décédé le [Date décès 12] 2016

et intervenant volontairement en qualité d'ayant droit de Madame [T] [X] veuve [D] décédée le [Date décès 4] 2020

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 19]

[Adresse 8]

[Localité 17]

3) Madame [J] [D] [N],

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [R] [D] décédé le [Date décès 12] 2016

et intervenant volontairement en qualité d'ayant droit de Madame [T] [X] veuve [D] décédée le [Date décès 4] 2020

née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 19]

[Adresse 25]

AD300 ORDINO (ANDORRE)

Tous trois représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistés de Me Marie-Claire GRAS de la SELARL GHL, avocate au barreau de PARIS, toque : P0220

INTIMÉS

Monsieur [Z] [P]

né le [Date naissance 10] 1949 à [Localité 19]

[Adresse 11]

[Localité 14]

Représenté par Me Martine MANDEREAU du cabinet WENER-FRANCAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : A0048

Assisté de Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090

MACSF venant aux droits de la société LE SOU MEDICAL

[Adresse 20]

[Localité 15]

Représentée par Me Martine MANDEREAU du cabinet WENER-FRANCAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : A0048

Assistée de Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090

L'ONIAM (OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX)

Prise en la personne de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 24]

[Localité 16]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée de Me Samuel M. FITOUSSI, avocat au barreau de PARIS, toque : R112, substitué à l'audience du 17 septembre 2020 par Me Sarah LACAZE du cabinet GF Avocats, avocate au barreau de PARIS, toque R112

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

[Adresse 6]

[Localité 13]

Représentée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : D1901, substituée à l'audience du 17 septembre 2020 par Me Lucie BORDE, avocate au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport

Madame [H] [U],

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [S] [A] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Cathy CESARO-PAUTROT, présidente et par Armand KAZA greffier présent lors du prononcé.

* * * * * *

Alors qu'il était âgé de 69 ans comme né le [Date naissance 5] 1943 et qu'il présentait de lourds antécédents médicaux (dont des sub-occlusions et occlusions coronaires en 1983 et 1990, un infarctus pariétal droit en 1999, deux accidents vasculaires cérébraux et un diabète) M. El Hassan [D] a été adressé par le service de diabétologie de l'Hôpital [23] au docteur [Z] [P] en raison d'une claudication intermittente due à une courte occlusion de l'artère fémorale superficielle droite.

Ce chirurgien l'a reçu en consultation, le 5 juin 2012, et après un bilan consistant en une scintigraphie myocardique, angioscanner des TSA, de l'aorte et des membres inférieurs et une angiographie coronaire, il a programmé, le 20 juin 2012, une chirurgie carotidienne (une endatériectomie) sous anesthésie loco- régionale.

Au cours de cette intervention, M. [D] a présenté une crise convulsive généralisée. Au réveil, il a été pratiqué, compte tenu de la persistance d'une hémiplégie gauche, un angioscanner qui a montré une occlusion complète de l'artère carotide interne droite qui nécessitait une reprise chirurgicale consistant en un pontage carotidien. Cette intervention n'a pas permis la récupération du déficit et en post-opératoire. M. [D] a été orienté en unité de soins continus durant deux jours, puis il a été transféré en unité de soins intensifs, le 23 juin 2012, pour une réanimation neurochirurgicale à l'hôpital [22], puis le 30 juillet 2012, à l'hôpital de [Localité 21].

Le 29 décembre 2012, il est retourné à son domicile, totalement dépendant.

M. [D] a sollicité et obtenu, le 5 décembre 2014, une mesure d'expertise et les médecins désignés, les docteurs [V] et [C], respectivement chef d'un service de neurologie et chef d'un service de chirurgie thoracique et vasculaire ont déposé leur rapport le 21 mars 2016 après le dépôt de leur pré-rapport le 19 novembre 2015. Ils ont conclu que l'état du patient peut être considéré comme étant la conséquence de l'évolution prévisible de la situation initiale mais aussi d'un accident médical et sur les préjudices ont retenu :

- déficit fonctionnel temporaire du 20/06/2012 au 29/12/2012 date du retour à domicile

- DFT partiel imputable à l'intervention proprement dite, en dehors de l'apparition de toute complication, aurait été de 15 jours à 1 mois ; il est ensuite de 85% jusqu'à consolidation (')

le déficit fonctionnel temporaire partiel directement imputable à la complication est donc de 52%

- consolidation : 20 juin 2014

- déficit fonctionnel permanent : 80% dont 47% imputables à la complication survenue pour une période de 3 ans à compter de la date de la consolidation puis l'état peut être considéré comme étant en relation avec une problématique involutive cérébrale d'origine vasculaire qui serait survenue de toute façon au terme de ce délai même sans survenue de la complication vasculaire suite à l'intervention du 19/06/2012 ;

- nécessité d'une assistance tierce personne

- souffrances endurées : 5,5/7

- esthétique : 5,5/7

- sexuel : aggravé, existait antérieurement.

M. [D] est décédé le [Date décès 12] 2016.

Par acte extra-judiciaire en date des 24, 27 et 28 février 2017, Mme [T] [X] épouse du patient, MM. [B], [K] [D] [N] et Mme [J] [D] [N] ses enfants, agissant en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit du défunt, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, le docteur [P], son assureur la MACSF ainsi que l'ONIAM et la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, afin d'obtenir réparation de leur préjudice et de ceux de leur auteur.

Par jugement en date du 12 mars 2018, le tribunal de grande instance a dit que le docteur [Z] [P] n'a pas commis de faute au sens de l'article L.1142-1 du code de la santé publique lors de l'intervention du 20 juin 2012, mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), débouté les consorts [D] [N] de l'ensemble de leurs demandes, dit le jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Le 13 avril 2018, Mme [T] [X], MM. [B], [K] [D] [N] et Mme [J] [D] [N] en leur nom personnel et ès-qualités d'ayants droit de M. [D] ont relevé appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique, le septembre 2020, MM. [B], [K] [D] [N] et Mme [J] [D] [N] (ci-après les consorts [D]) sont intervenus volontairement à la procédure en tant qu'ayants droit de leur mère, [T] [X], décédée le [Date décès 4] 2020.

Aux termes de ces conclusions, les consorts [D] demandent à la cour, au visa des articles 1142-1 et suivants du code de la santé publique et notamment de l'article 1142-18, de réformer le jugement entrepris et de constater que M. [D] a été victime d'un aléa thérapeutique à l'occasion d'une intervention chirurgicale dont l'indication était fautive, à laquelle, faute d'information il n'avait pu consentir, se trouvant dès lors exposé à une perte de chance justifiant de sa réclamation indemnitaire et de celle de ses ayants droit et sollicitent la fixation de son préjudice comme suit :

- dépenses de santé actuelles et futures : néant

- frais divers (En réalité tierce personne avant consolidation et divers frais) 125 512 euros

- tierce personne future (194 880 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire : 11 879 euros

- souffrances endurées 30 000 euros

- déficit fonctionnel permanent 12 180 euros

- préjudice esthétique 3 000 euros

et ils demandent à la cour de fixer, comme il lui conviendra et qui pourrait être 50% la part de l'ONIAM et du docteur [P] et de son assureur, au visa des dispositions de l'article 1142-18 du code des assurances, la charge des sommes liquidées à leur bénéfice en qualité d'ayants droit de M. [D] et dans les mêmes conditions de les condamner à leur payer en tant qu'ayant droits de Mme [D] [N] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice compassionnel et des troubles subis dans ses conditions d'existence et à chacun la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice compassionnel et des troubles subis dans leurs conditions d'existence.

Ils sollicitent également l'allocation d'une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation des défendeurs aux entiers dépens, comprenant les dépens de la procédure de référé, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le rejet des prétentions adverses et que la décision à intervenir soit déclarée commune à la Caisse primaire d'assurance maladie et assortie de l'exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 13 mars 2020, la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris demande à la cour, au visa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de statuer ce que de droit sur les mérites de l'appel des consorts [D] et dans l'hypothèse où elle infirmerait la décision déférée et retenait la responsabilité du docteur [P] de la recevoir en ses demandes et de le condamner, in solidum avec son assureur, la MACSF à lui payer la somme de 358 474,21 euros avec intérêts au taux légal à compter de ses conclusions, somme à laquelle il conviendra d'appliquer le taux de responsabilité éventuellement retenu outre une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, celle de 1091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Enfin, elle demande à la cour de réserver ses droits quant aux prestations non connues et celles qui pourraient être versées ultérieurement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 1er octobre 2018, le docteur [P] et la MACSF soutiennent la confirmation du jugement déféré et le rejet des prétentions des consorts [D] [N] tirées d'une perte de chance découlant de l'absence d'information, et à titre subsidiaire, si la cour retenait un défaut d'information, de juger la perte de chance qui en découle insignifiante et de condamner les appelants tant en leur nom personnel qu'ès-qualités aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 4 octobre 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ONIAM soutient, au visa des articles L1142-1 et suivants du code de la santé publique, la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause et de demande à la cour de dire que le dommage n'est pas anormal au regard de l'état de santé antérieur du patient, comme de l'évolution prévisible de celui-ci, et ne saurait être indemnisé au titre de la solidarité nationale et, en conséquence, de débouter les consorts [D] [N] de demandes dirigées à son encontre, de le mettre hors de cause, de condamner tout succombant à lui verser une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture prononcée à l'audience du 9 septembre 2020 a été révoquée pour accueillir l'intervention volontaire des consorts [D] et une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2020, avant l'ouverture des débats.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que les appelants estiment que le docteur [P] a engagé sa responsabilité et qu'il doit réparer les conséquences de l'accident médical dont a été victime leur père, au motif, d'une part, de l'indication opératoire non justifiée, et d'autre part, d'un défaut de consentement éclairé du patient qui n'a pas été informé de la nature de l'intervention projetée ; qu'ils soutiennent également l'anormalité du dommage compte tenu de l'aggravation de l'état de M. [D] par rapport à son évolution prévisible afin de réclamer l'intervention de l'ONIAM ; que le docteur [P] nie toute faute ou manquement à l'obligation d'information ; qu'il reprend les conclusions des experts qui ont validé la nécessité d'une intervention sur la carotide avant d'opérer la courte occlusion de l'artère fémorale superficielle droite, opération au cours de laquelle un accident de clampage est survenu ; qu'il prétend avoir expliqué au malade et à sa famille la nature de son intervention et la nécessité de commencer par une désobstruction de la bifurcation carotidienne ; qu'enfin, l'ONIAM fait valoir qu'eu égard aux antécédents médicaux du patient, de l'évolution prévisible de sa pathologie, le dommage ne peut pas être qualifié d'anormal ;

Considérant en premier lieu, que les consorts [D] explique que le docteur [P] a été consulté, à la demande du service de diabétologie de l'hôpital [23] en raison d'une claudication intermittente due à une sténose très serrée de l'artère fémorale ; qu'ils contestent, à la lecture de l'échodoppler, de la coronographie du 13 juin 2012 et des compte-rendus des radiologues, la nécessité d'une intervention sur les occlusions de la coronaire droite qualifiées de non incidentes sur le plan hémo-dynamiques et de la circonflexe également constatées ; qu'ils relèvent la présence de deux comptes rendus opératoires, pour la même intervention qui retiennent une sténose serrée de la bifurcation carotidienne droite dont ils contestent la réalité à la lecture des examens radiologiques qui sont sans ambiguïté sur le caractère a-symptomatique de la sténose de carotidienne et de l'absence de nécessité d'une intervention à ce niveau ; qu'ils expliquent que les experts ont repris les examens originaux (...) qui devaient en principe être examinés au contradictoire de l'ensemble des parties ; qu'ils critiquent les conclusions des experts qui viennent suggérer qu'il y aurait eu une erreur sur les conclusions de l'échodoppler carotidien du 18 mai 2012 et que l'interprétation de l'échodoppler du 13 juin 2012 était difficile et concluent qu'il semble que les experts ont repris les imageries et analysé des coupes reconstituées hors la présence des parties pour trouver, en un point donné, un rétrécissement de 60 % de la carotide permettant à posteriori de valider l'intervention réalisée par le docteur [P] par référence aux préconisations de la Haute autorité de santé ; que le docteur [P] objecte, ainsi qu'il l'indique au compte-rendu opératoire, qu'il était nécessaire de commencer par une endatériectomie de la bifurcation carotidienne droite afin de mettre ce patient à l'abri d'un accident itératif et ce, d'autant que le côté gauche précédemment opéré était franchement pathologique, analyse pertinente validée par les experts ;

Considérant qu'en application de l'article L.1142-1 paragraphe I du code de la santé publique, les médecins et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de ces actes qu'en cas de faute, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un produit de santé ;

Considérant que les appelants produisent deux comptes-rendus opératoires datés du 20 juin 2012, le premier (leurs pièces 13 et 59 dont le contenu est identique) relatif à l'intervention litigieuse - une endatériectomie - et le second se rapportant à la ré-intervention après l'accident de clampage (leur pièce 14) ;

Que l'intervention a été réalisée sous anesthésie loco-régionale, ce qui a d'ailleurs permis, ainsi que le relèvent les experts (page 13), de constater l'intolérance au clampage ;

Que le compte rendu de l'endatériectomie de la carotide interne est ainsi rédigé :

le patient présentait une sténose carotidienne asytnptomatique évolutive de la bifurcation carotidienne droite

1'échographie-doppler a montré une sténose serrée calcifiée de la bifurcation carotidienne droite et une resténose serrée de la bifurcation carotidienne gauche

l'angioscanner a montré une sténose très serrée très calcifiée de la bifurcation carotidienne droite et une resténose de la bifurcation carotidienne gauche

Au niveau des membres inférieurs, il existe une artériopathie des deux membres inférieurs qui nécessitera une angioplastie transluminale

il existe un volumineux foyer ischémique sylvien gauche et un foyer occipital droit,

La coronarographie a montré une occlusion chronique de l'artère coronaire droite et de la circonflexe.

L'indication a fait discuter soit la poursuite du traitement médical soit une endatériectomie carotidienne. Après avoir exposé au patient et à sa famille les risques et avantages des diverses modalités thérapeutiques, on décide une endatériectomie carotidienne gauche (...) ;

Que le praticien décrit ensuite une lésion (de la carotide) constituée par une volumineuse plaque artérioscléreuse très calcifiée et tapissée de débris thrombotiques ne dépassant pas la pointe du bulbe ;

Considérant qu'en page 10 de leur rapport, les experts écrivent cette sténose (de la carotide droite de plus de 60%) apparaît sur les clichés (de l'angioscanner) comme ulcérée et disséquée présentant un véritable risque vital d'autant que la carotide gauche avait déjà parlé et qu'elle avait récidivé ; qu'ils poursuivent en page 26 et ils retiennent la nécessité de procéder à un angioscanner cérébral et cervical afin de préciser le degré de sténose de la carotide interne droite après les echodopplers des 18 mai et 13 juin 2012, qui ne permettaient cette évaluation compte tenu des calcifications ; qu'ils poursuivent comme suit : La lecture des coupes scanographiques évoque la présence d'une sténose supérieure à 60% et des lésions cérébrales anciennes. Le compte rendu du docteur [F], radiologue, écrit : « il existe des plaques calcifiées à la bifurcation carotidienne en situation interne et en situation externe, sans une sténose franchement serrée et avec un lit d'aval de la carotide interne satisfaisant ». Or, l'analyse des coupes reconstituées du bulbe carotidien et de la carotide interne permet de retrouver avec une assez bonne précision, à l'endroit où la sténose est la plus importante, un degré de rétrécissement évalué à plus de 60% soit répondant aux critères d'intervention de l'HAS.

Ainsi nous pouvons comprendre l'attitude du docteur [P] qui a préféré commencer par une endatériectomie de l'artère carotide interne droite, au vu des antécédents du patient, pour ne pas risquer une thrombose de l'axe carotidien sur bas débit alors qu'il aurait été en train de re-canaliser l'artère fémorale superficielle droite ;

Que les experts valident l'indication opératoire au regard du risque vital auquel était exposé le patient, de ses antécédents et de son état général caractérisé par une insuffisance coronaire aiguë en 1983 avec sub-occlusion de la coronaire droite, un infarctus inférieur en 1990 et évolution avec occlusion de la circonflexe et occlusion de la coronaire droite, un AVC pariétal passé inaperçu en 1999 avec en 2000 endatériectomie carotide interne gauche après un nouvel accident ischémique sylvien, une insuffisance respiratoire ayant nécessité en 2010 une hospitalisation en soins intensifs et une déstabilisation du diabète et une sténose très serrée de la fémorale superficielle droite ;

Qu'en réponse à la note technique du docteur [E], annexée au dire du conseil des consorts [D], aux termes duquel ce médecin, conteste la mesure de la sténose et évoque la nécessité d'une réunion de synthèse, les experts maintiennent l'existence d'une sténose carotidienne qui s'est révélée serrée significative avec un Nascet à plus de 60% et évolutive, tous éléments qui, selon la stratégie de prise en charge des sténoses de la bifurcation carotidienne de mai 2007 de la Haute autorité de santé, pouvaient conduire à poser une indication opératoire, y compris dans l'hypothèse d'une sténose a-symptomatique ;

Considérant que le docteur [E] ne vient pas contredire le constat lors de l'intervention d'une lésion très calcifiée, déjà mise en évidence par l'échodoppler du 13 juin 2012 ni le fait, d'ailleurs évoqué par le radiologue, que ces calcifications rendent l'évaluation impossible de la sténose ;

Que les experts concluent également que les examens radiologiques des 18 mai et 13 juin 2012 ne permettaient pas de mesurer le degré de sténose carotidienne, ce qui justifiait la préconisation d'un dernier examen ;

Que dès lors, l'allégation des appelants selon laquelle il existe une totale incompatibilité entre les termes de ce document (le compte rendu opératoire qui retient une sténose carotidienne) et les comptes-rendus des examens qui l'ont précédé est dépourvue de pertinence puisque seul le dernier examen prescrit par le docteur [P] - l'angioscanner - était susceptible d 'évaluer le degré de sténose ; que la lecture des clichés de cet examen a permis aux experts de constater une sténose de plus de 60 % ;

Que les appelants et le docteur [E] dans sa note admettent que selon les recommandations de la HAS, dans l'hypothèse d'une sténose a-symptomatique de la carotide, celle-ci pouvait être opérée lorsque son degré était de 60% ; que cette appréciation (selon le diamètre aval retenu par les experts et le médecin conseil) n'est pas sérieusement critiquée par le docteur [E] qui se contente, pour réclamer l'organisation d'un nouvel accédit, d'avancer un degré de sténose de 40%, sans expliciter comment il est parvenu à ce résultat ;

Que les appelants qui critiquent le déroulement des opérations d'expertise et évoquent un non-respect du principe du contradictoire n'en tirent aucune conséquence de droit et, alors qu'ils doivent rapporter la preuve de la faute du médecin, et ils ne sollicitent pas de nouvelles investigations techniques ;

Que force est de constater qu'aucune preuve n'est rapportée d'une indication opératoire erronée et, par conséquent, d'un manquement du praticien à son obligation de dispenser à son patient des soins consciencieux et conformes aux données acquises de la science ; que les demandes des consorts [D] ne peuvent pas prospérer sur ce fondement ;

Considérant en second lieu, que les appelants font valoir que M. [D] n'a signé aucun consentement et, pas plus que sa famille, il n'a pas consenti à la modification de l'indication opératoire dont les avantages et les inconvénients ne lui ont pas été présentés;

Que le docteur [P] objecte qu'il a parfaitement respecté son obligation et rappelle que l'information doit être donnée au cours d'un entretien avec le patient ; qu'il prétend avoir délivré l'information due lors d'une consultation après l'hospitalisation de M. [D] pour effectuer les examens pré-opératoires puis la veille de l'intervention et il ajoute que M. [D], qui avait subi cette intervention au niveau de la bifurcation carotidienne gauche en 2000, connaissait parfaitement les modalités et risques de l'intervention ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 1111-2 du code de la santé publique, le médecin doit informer son patient des différentes investigations, traitements ou actes de soins qui lui sont proposés, de leur utilité, de leurs conséquences et des risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que des autres solutions possibles et des conséquences prévisibles en cas de refus ; que l'information donnée par le médecin à son patient doit être loyale, claire et appropriée et qu'elle doit l'être au cours d'un entretien individuel, sous une forme essentiellement orale ; que seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer le patient en raison de son état constituent des motifs de dispense de cette obligation ; que c'est au praticien qu'incombe la charge de prouver, par tout moyens, qu'il a rempli son obligation ;

Considérant que le docteur [P] ne s'est pas réservé la preuve d'un consentement éclairé de son patient ; qu'il ne peut pas prétendre établir celui-ci par les seuls comptes-rendus de l'opération ou courriers adressés à ses confrères après l'accident médical ;

Que de surcroît, il n'allègue d'aucune information précise, claire et appropriée sur les risques et avantages de l'intervention envisagée et sur les risques et avantages d'une abstention ou d'un traitement médicamenteux ; qu'il se contente d'alléguer de l'information qu'aurait reçu M. [D] lors d'une intervention précédente ;

Que dès lors, la preuve n'est pas rapportée d'une information du patient sur les risques de l'endatériectomie projetée et notamment ceux liés au clampage, qui mal toléré pouvait provoquer une crise convulsive et un déficit neurologique majeur, risques qui se sont réalisés et, en conséquence, M. [D] a été privé de son droit de consentir, en pleine connaissance de cause, à l'intervention réalisée et de refuser ce traitement ;

Considérant que l'absence de respect par un professionnel de santé de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, dont, ainsi que l'a retenu le tribunal, la réparation n'est pas sollicitée ;

Que les consorts [D] avancent que le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte individuel de soins aurait fait perdre à M. [D] une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques, en refusant qu'il soit pratiqué;

Que certes les experts écrivent que M. [D] aurait pu renoncer à l'intervention mais ils qualifient la perte de chance d'insignifiante vu la lourdeur des antécédents de M. [D] qui aurait, à tout moment, pu faire du côté droit un accident vasculaire cérébral de la même manière qu'il l'avait déjà fait du côté gauche ;

Que les consorts [D] se contentent de stigmatiser la faute du praticien qui a réalisé une opération sans rechercher le consentement du patient et ils ne caractérisent nullement la perte d'une éventualité favorable, alors ainsi que le notent les experts, qu'à deux reprises, M. [D] était exposé, du fait de la sténose carotidienne, à un risque d'AVC;

Qu'il pouvait à tout moment faire un nouvel AVC, risque vital dont il pouvait mesurer les risques et conséquences, puisqu'il en avait déjà été victime ; que par ailleurs, il avait accepté précédemment, en 2000, une intervention identique du côté gauche ;

Que dès lors, son refus que soit pratiquée l'intervention litigieuse demeure hypothétique et aucune perte d'une éventualité favorable n'est établie ;

Que par conséquent, faute de prouver un préjudice en lien de causalité avec le défaut d'information stigmatisé, les prétentions des consorts [D] à l'encontre du docteur [P] ne sauraient prospérer et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il les rejette ; que les demandes de la Caisse primaire d'assurance maladie, qui n'est titulaire que d'une créance subrogatoire, seront également rejetées ;

Considérant en troisième lieu, les consorts [D] retiennent l'aléa thérapeutique constaté par les experts et l'évolution anormale de l'état de santé du patient par rapport à son évolution prévisible ; qu'ils critiquent les experts qui retiennent que le patient aurait présenté, à bref délai, en conséquence d'une artérite, une démence et par conséquent une détérioration assez similaire à celle présentée et en lien avec l'AVC qu'il a subi lors de l'intervention litigieuse, alors que ce pronostic n'a, à aucun moment, été exposé au patient par les médecins nombreux qui le suivait ;

Que l'ONIAM prétend que la condition d'anormalité du dommage n'est pas constituée, puisque d'une part, en l'absence d'intervention, l'état de santé du patient aurait évolué de manière inéluctable vers une démence vasculaire et d'autre part, le taux de risque de complication était particulièrement élevé ;

Considérant que L'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, dispose :

lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ;

Qu'il est de principe que la condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions susvisées doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ;

Que cette dernière hypothèse, la faible probabilité du risque qui s'est réalisé n'est ni évoquée ni soutenue par les appelants ;

Considérant qu'en l'espèce, les experts concluent que l'état du patient - lors de leur examen - est la conséquence de l'évolution prévisible de la situation initiale et de la pathologie qu'il présentait antérieure au fait incriminé. Néanmoins, l'hospitalisation, l'intervention et la survenue de l'accident neurologique ont été conjointement responsables d'une accélération du processus d'involution cérébrale liée à la démence vasculaire déjà présente chez lui avant les faits. Ces événements conjoints ont été responsables d'une aggravation significative de son état fonctionnel plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement. La détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en résultent ont été accélérées d'environ 3 ans par rapport à ce qui aurait été l'évolution spontanée de la pathologie ;

Que ces conclusions sont sans ambiguïté sur l'évolution spontanée de la pathologie vasculaire dont souffrait M. [D], vers l'état de détérioration intellectuelle et de dépendance qui était le sien après l'intervention du 20 juin 2012.

Que ce constat des experts n'a pas été critiqué par le conseil des appelants dans le dire qu'il a déposé après le dépôt du pré-rapport et il ne fait l'objet d'aucune observation du docteur [E] dans la note qui y est jointe ; que les appelants se contentent d'ailleurs d'avancer, sans en justifier, que cette évolution spontanée vers une démence n'avait jamais été exposée à M. [D] par aucun des nombreux médecins qui le suivait ;

Que les appelants échouent dans la preuve qui leur incombe de l'anormalité de l'accident médical et la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle les déboute de leurs demandes à l'encontre de l'ONIAM ;

Considérant que les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées ; que les appelants seront condamnés aux dépens d'appel et, en équité, ils seront dispensés de rembourser les frais exposés par l'ONIAM pour assurer sa défense devant la cour;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 12 mars 2018 ;

Y ajoutant,

Déboute la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [B] [D] [N], M. [K] [D] [N] et Mme [J] [D] [N] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/07921
Date de la décision : 22/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°18/07921 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-22;18.07921 ?
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