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21/10/2020 | FRANCE | N°18/00052H

France | France, Cour d'appel de Paris, C6, 21 octobre 2020, 18/00052H


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6

ORDONNANCE DU 21 OCTOBRE 2020
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(No /2020, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/00052 - No Portalis 35L7-V-B7C-B4542

NOUS, Agnès TAPIN, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Karolyn MOUSTIN, Greffière lors des débats et de Vanessa ALCINDOR, Greffièr

e lors de la mise à disposition de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Madame B... I...
[...]
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6

ORDONNANCE DU 21 OCTOBRE 2020
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(No /2020, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/00052 - No Portalis 35L7-V-B7C-B4542

NOUS, Agnès TAPIN, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Karolyn MOUSTIN, Greffière lors des débats et de Vanessa ALCINDOR, Greffière lors de la mise à disposition de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Madame B... I...
[...]
[...]
Comparante en personne,

Demanderesse au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :

Maître X... D...
[...]
[...]
Représenté par Maître Agnès PROTAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0084

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu Madame B... I... et Maître Agnès PROTAT présentes à notre audience du 15 Juin 2020 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L'affaire a été mise en délibéré au 21 Septembre 2020 puis prorogée au 21 octobre 2020 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

Par courrier du 4 octobre 2017, reçu le 6 octobre 2017, Maître X... D... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris d'une demande de fixation de ses honoraires dus par Madame B... I... à la somme de 1.500 € HT.

Par décision réputée contradictoire du 3 janvier 2018, la déléguée du bâtonnier a :
- fixé à la somme de 900 € HT le montant des honoraires dus à Maître D... par Madame I... soit 1.080 € TTC,
- dit en conséquence que Madame I... devra verser, en deniers ou quittances, à Maître D... la somme de 1.080 € TTC,
- dit que les frais de justice resteront à la charge de la partie qui les aura engagés en cas de signification de la décision,
- rejeté toutes autres demandes.

La décision a été notifiée aux parties par lettres RAR du 3 janvier 2018 dont elles ont signé les AR le 5 janvier suivant.

Madame I... a exercé un recours au greffe de la chambre 2-6 de la cour d'appel le 1er février 2018.

Les parties ont été convoquées par lettres RAR du 23 décembre 2019 à l'audience. Elles ont toutes deux signées les AR.

A l'audience du 15 juin 2020, Madame I... a demandé oralement, et conformément à ses écritures reçues le 5 février 2020 au greffe, de :
- infirmer la décision du 3 janvier 2018,
- fixer à la somme de 200 € HT le montant des honoraires dus à Maître D..., soit 240€ TTC,
- dit en conséquence qu'elle devra verser, en deniers ou quittances, à Maître D... la somme de 240 € TTC,
- rejeter l'ensemble des demandes formulées par Maître D....

Madame I... explique :
- qu'alors qu'elle travaillait au guichet d'une banque début juin 2017, Maître D... s'est présenté ; qu'elle lui a demandé son domaine de spécialité en tant qu'avocat, elle lui a indiqué qu'elle rencontrait des difficultés dans le cadre de son divorce, et lui a demandé s'il acceptait éventuellement de la conseiller ;
- qu'elle lui a adressé un courriel auquel l'avocat a répondu ; qu'il l'a reçue en entretien le lendemain environ 2 h pour lui expliquer sa situation de manière plus détaillée ; qu'ils avaient conclu au cours de cet entretien qu'elle devrait lui dire ce qu'elle attendait exactement de lui, et qu'en fonction des diligences à effectuer, il lui adresserait une convention d'honoraires ;
- qu'elle a répondu ensuite à son ex-époux conformément aux conseils de Maître D..., lui refusant notamment de lui remettre l'enfant le 11 juin 2017 suivant ses conseils ;
- mais que le 12 juin 2017, ce dernier lui a adressé une facture de provision et une convention d'honoraires qu'elle a refusé de payer et de signer et qu'elle conteste parce- qu'elle « ne lui a jamais remis un quelconque document, de sorte qu'il n'a pas procédé à l'analyse de son dossier ».

Madame I... soutient qu'elle ne peut pas payer la somme réclamée par Maître D..., injustifiée, aux motifs :
- qu'elle dispose de peu de revenus comme en attestent ses avis d'impôt,
- qu'elle n'a confié aucune mission à Maître D... qui ne lui a prodigué aucun conseil juridique,
- qu'il n'a exposé aucun frais pour elle,
- qu'il ne bénéficie d'aucune notoriété particulière, de sorte que le taux horaire réclamé de 300 € HT est surévalué,
- et que les diligences de Maître D... se sont limitées à un entretien de 2 h, 2 courriels et 7 SMS qu'il lui a adressés.

Maître D... a demandé oralement, et conformément à ses écritures, de :
- infirmer la décision du 3 janvier 2018,
- fixer le montant de ses honoraires dus par Madame I... à la somme de 1.500 € HT, soit 1.800 € TTC et la condamner à lui payer cette somme,
- condamner Madame I... à lui payer la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître D... fait valoir :
- que Madame I... lui a demandé le 7 juin 2017 s'il accepterait d'être son conseil dans un litige l'opposant à son ex-époux, qu'il a accepté et s'est entretenu avec elle environ ¿ h un peu à l'écart des guichets de la banque ; qu'elle lui a expliqué avoir reçu un courriel de son ex-époux et le lui a transmis ;
- qu'il a lui a répondu avec un projet de réponse à l'ex-époux et lui a fixé un RDV au 8 juin qui a duré 3 h au cours desquels Madame I... a expliqué ses relations avec son ex-époux et les difficultés qu'elle rencontrait avec lui ; qu'il lui a confirmé qu'il procèderait au barême horaire tant qu'une décision définitive ne sera pas prise sur une éventuelle procédure concernant le divorce déjà prononcé en Algérie, et le droit de visite et d'hébergement concernant l'enfant ;
- qu'il a reçu des appels et SMS incessants de Madame I... le 11 juin 2017 parce que son ex-époux menaçait de venir chercher l'enfant ; qu'il lui a conseillé de ne pas obtempérer, ce qu'elle a fait ;
- qu'après qu'il lui a envoyé un courrier du 12 juin 2017 lui demandant de lui payer une provision de 1.500 € HT et une convention d'honoraires à signer, Madame I... lui a répondu le 15 juin 2017 en contestant cet envoi.

Maître D... soutient :
- qu'il a bien averti Madame I... de ses tarifs de consultation ;
- qu'il convient de fixer ses honoraires au temps passé conformément à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et qu'il maintient sa demande de 1.500 € HT « représentant 5 h au taux horaire de 300 € HT, ou 6 h au taux horaire de 250 € HT ou 7 h au taux horaire de 200 € HT ».

SUR CE

1 - Le recours de Madame I... qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, est recevable.

2 - Il convient de statuer tout d'abord sur l'existence ou d'un mandat confié à Maître D... par Madame I....

Suivant l'article 1984 du code civil, « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire. »

Madame I... conteste avoir donné un mandat à Maître D....

Mais il résulte des pièces produites aux débats (cf les mails échangés entre les parties pièces 1, 4-1 et 4-2 de Maître D..., les nombreux SMS également échangés pièce 6 de Maître D...), ainsi que des déclarations de Madame I... à l'audience et dans ses écritures qu'elle a saisi le 7 juin 2017 Maître D... pour la défendre et l'assister dans un litige l'opposant à son ex-époux, dont elle est divorcée par une juridiction algérienne, sur l'exercice de son droit de visite et d'hébergement concernant leur enfant.

Ce mandat a commencé le 7 juin 2017, les parties étant d'accord sur la mission confiée à Maître D... au cours de cette première prise de contact, et s'est terminé le 15 juin 2017 par le dessaisissement de Maître D... par Madame I..., après que l'avocat lui ait adressé le 12 juin 2017 une convention d'honoraires à signer, des demandes de pièces à lui remettre, et la facture d'une provision sur ses honoraires de 1.500 € HT (cf pièce 2 de Madame I...).

Aucune convention d'honoraires n'a été signée par cette dernière.

3 - Ainsi, en l'absence de convention d'honoraires, et dès lors que le début du mandat confié à Maître D... date du 7 juin 2017, il convient de faire application de l'article 10 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par l'article 51 V de la loi no 2015-990 du 6 août 2015, pour fixer ses honoraires et frais, et qui dit notamment :
« Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client ...
Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ... »

Il est acquis que l'absence de signature et/ou de conclusion de convention d'honoraires après l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 précitée ne fait pas obstacle au droit pour l'avocat de percevoir des honoraires et que ces derniers doivent être examinés et fixés en tenant compte des « usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. »

Cela étant posé, Madame I... justifie de ses revenus par la production de ses avis d'impôt sur ses revenus de 2016 jusqu'à 2018. Elle a perçu au cours de cette dernière année en moyenne 2.027 € nets imposables par mois et assume seule la charge de son enfant.

Les diligences effectuées par Maître D... sont limitées à :
- un entretien d'environ deux heures avec Madame I... le 8 juin 2017, la 3ème heure invoquée par Maître D... n'étant nullement justifiée ;
- deux échanges mails entre les parties les 7 et 9 juin 2017 dans lesquels Maître D... a proposé la rédaction d'une réponse à l'ex-époux de Madame I... qui réclamait la remise de l'enfant ;
- l'échange de SMS entre les parties le 7 juin 2017 pour fixer la date et l'heure de leur entretien, puis le 11 juin 2017 (8 SMS rédigés par Madame I... et 6 par Maître D... cf pièce 6 précitée) : Maître D... y répond aux SMS de Madame I... qui ne souhaite pas remettre l'enfant à son père qui s'est présenté devant chez elle.

L'ensemble de ces diligences équivaut à un temps passé total de 3 heures 30 qui sera retenu, étant précisé que Madame I... n'ayant remis aucune pièce à Maître D..., ce dernier n'a pas eu à commencer à faire une consultation juridique élaborée ni de recherches particulières pour répondre par SMS ou mail à Madame I.... Jusqu'à son dessaisissement, l'affaire qu'elle lui avait soumise, ne présentait pas une difficulté particulière.

Maître D... ne prouve pas avoir engagé de frais ou de débours pour Madame I....

Dès lors que la notoriété de Maître D... en droit de la famille n'est pas établie en l'absence de production de la moindre pièce sur ce point, il est justifié de retenir un taux horaire de 200 € HT.

Ainsi, en fonction de la situation de fortune modeste de Madame I..., de la difficulté relative de l'affaire, de la notoriété relative de l'avocat, et des diligences qu'il a effectués, conformément à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifié, et au regard des éléments sus décrits, il convient de fixer à la somme de 700 € HT le montant des honoraires (3 h 30 x 200 € HT ) dus à Maître D... par Madame I... qui ne lui a versé aucune somme, et à laquelle s'ajoute la TVA au taux de 20 %.

Dans ces conditions, la décision déférée est infirmée.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de Maître D... les frais irrépétibles qu'il a exposés dans la présente instance. Il est donc débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, Madame I... qui succombe partiellement, est condamnée aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance CONTRADICTOIRE, en dernier ressort, après débats publics et par mise à disposition de la présente décision,

Infirmant la décision rendue le 3 janvier 2018 par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris,

Fixons à la somme de 700 € HT les honoraires dus par Madame B... I... à Maître X... D... pour l'exercice de son mandat du 7 juin 2017 au 15 juin 2017,

Condamnons Madame B... I... à payer à Maître X... D... les honoraires d'un montant de 700 € HT auquel s'ajoute la TVA au taux de 20 %,

Condamnons Madame B... I... aux dépens de la présente instance,

Rejetons toutes les autres demandes.

Disons qu'en application de l'article 177 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifié aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : C6
Numéro d'arrêt : 18/00052H
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2020-10-21;18.00052h ?
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