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14/10/2020 | FRANCE | N°18/10418

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 14 octobre 2020, 18/10418


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 14 OCTOBRE 2020



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10418 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6L7E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04274





APPELANT



Monsieur [S] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]



ReprésentÃ

© par Me Judith SIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1896







INTIMÉE



SA GROUPAMA ASSET MANAGEMENT

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 389 522 152

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représe...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 14 OCTOBRE 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10418 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6L7E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04274

APPELANT

Monsieur [S] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Judith SIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1896

INTIMÉE

SA GROUPAMA ASSET MANAGEMENT

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 389 522 152

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Lionel PARAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0171

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente de chambre

Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Madame Corinne JACQUEMIN LAGACHE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [S] [F] a été engagé le 10 mars 2008 par la société Groupama Asset Management, ayant pour activité la gestion d'actifs à long terme sur la zone Europe, en qualité de Responsable référentiels valeurs et données de marché, catégorie cadre, classification K.

La convention collective de la banque est applicable à la relation de travail.

Par avenant du 8 mars 2012, il acceptait le poste de gestionnaire référentiel valeurs et données de marché, sans diminution de rémunération ni de niveau de classification.

Par lettre remise en main propre le 14 février 2017, le salarié a démissionné, ce dont la société a pris acte par courrier du même jour dans lequel elle sollicitait que lui soient données les motivations de cette décision.

En réponse, le 14 mars 2017, M. [F] écrivait un courrier dans lequel il dénonçait plusieurs faits contre son employeur, notamment, ceux tenant à des pressions pour qu'il accepte une rétrogradation dans un moment de particulière fragilité psychologique liée à des événements familiaux et un état de santé dégradé, à une dévalorisation soudaine de son travail par son supérieur hiérarchique direct, à une suggestion appuyée de rupture conventionnelle, et, malgré ses récriminations et après une période d'apaisement dans un autre service, à sa ré- affectation sous l'autorité hiérarchique du supérieur dont il avait dû précédemment subir les comportements.

Sans espoir de modification rapide de la situation dès lors que ses demandes de mutation dans un autre service n'avaient pas été acceptées, il concluait sa lettre par la phrase suivante: 'Dans ces conditions, je préfère quitter l'entreprise plutôt que revivre les agressions verbales, les atteintes à ma dignité et les tentatives d'isolement dont j'ai été victime de la part de mon ancien manager'

Au dernier état du contrat de travail, la rémunération mensuelle de M. [F] était de 5 937,36 euros.

Par acte du 6 juin 2017, l'intéressé a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation de sécurité, en indemnité pour licenciement nul ou abusif, subsidiairement en requalification de la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, en indemnité de licenciement et en rappels de salaire.

Par jugement en date du 24 juillet 2018, notifié le 27 août suivant, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Paris a débouté l'intéressé de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration du 6 septembre 2018, M. [F] a interjeté appel dudit jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par voie électronique le 22 juin 2020, il demande à la cour:

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

En conséquence :

- d'infirmer la décision rendue en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné au paiement des entiers dépens,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- d'ordonner la requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul.

- de condamner la société Groupama Asset Management à lui payer les sommes de: - 138 218,06 euros à titre d'Indemnité pour licenciement nul ou abusif,

- 34 554,52 euros à titre de di pour harcèlement moral,

A titre subsidiaire :

- d'ordonner la requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- de condamner la société Groupama Asset Management à lui payer la somme de 138 218,06 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

- de condamner la société Groupama Asset Management à lui payer à les sommes de:

- 20 732,72 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 17 277,21 euros à titre de rappel de salaire prime 13ème mois (3 dernières années),

- 34 554,52 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 6 000 reuros au titre de l'article 700 du CPC,

- de la société Groupama Asset Management aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par voie électronique le 23 juin 2020, la société GROUPAMA a demande au contraire à la cour:

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 juillet 2018 par le Conseil de prud'hommes de Paris,

En conséquence,

- de débouter Monsieur [S] [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de le condamner à lui verser 5000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 juin 2020.

Lors de l'audience, le 3 septembre 2020, l'avocat de M. [F] a sollicité de la cour qu'elle accepte le dépôt d'une nouvelle pièce numérotée 41.

Les parties ont été autorisées à remettre une note en délibéré sur la recevabilité de cette pièce.

Ces notes ont été transmises le 9 septembre 2020 pour M. [F] et le 18 septembre suivant pour la société Groupama Asset Management.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- sur la pièce N° 41 de l'appelant

M. [F] a sollicité postérieurement à l'ordonnance de clôture d'obtenir le rabat de cette dernière pour pouvoir communiquer une nouvelle pièce constituée par une note médicale établie le 29 juin 2020.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 783 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Et l'article 784 du même code n'autorise la révocation de l'ordonnance de clôture que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En dépit de la très longue note en délibéré de M. [F], dans laquelle est formalisé un rappel de faits tous très antérieurs à la clôture du 23 juin 2020 et donc étrangers à la seule réponse autorisée par la cour sur la recevabilité de la pièce N° 41, aucun moyen faisant état d'une cause grave survenue depuis cette date n'est développé .

Faute de justification d'une telle cause la pièce N° 41 produite après l'ordonnance de clôture est donc irrecevable et doit être rejetée des débats.

II- sur l'exécution du contrat de travail

A- sur la modification du contrat de travail

1) sur le vice du consentement

En application de l'article 1103 du code civil, le contrat de travail ne peut être unilatéralement modifié et si une modification doit intervenir, elle nécessite l'accord du salarié, lequel doit être libre et déterminé.

Il n'est pas contesté que par avenant applicable à compter du 8 mars 2012, M. [F], précédemment engagé en qualité de responsable référentiels valeurs et données du marché, a rétrogradé au poste de gestionnaire référentiels valeurs et données de marché, l'employeur fondant sa décision de modification sur une insuffisance professionnelle de l'intéressé aux fonctions précédemment occupées.

Si le courrier remis en main propre au salarié le 29 février 2012, détaille les éléments de son insuffisance professionnelle telle qu'analysée par son employeur et s'il y est rappelé par la directrice des ressources humaines l'existence 'd'un constat commun d'échec sur la tenue de son poste et des objectifs' assignés il ne contient pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, la menace d'un licenciement laquelle n'est révélée par aucune autre pièce.

Par ailleurs, il ne peut être considéré que M. [F] n'a pas bénéficié d'un délai suffisant de réflexion dès lors que l'avenant a été reçu de l'employeur une fois signé par le salarié le 7 mars 2012, soit, ainsi qu'en atteste la mention précédent sa signature 'reçu en main propre le 29 février 2012" sur l'exemplaire qu'il produit, sept jours après que lui eussent été remis la lettre de motivation de la rétrogradation et ce qui est qualifié dans cette même lettre de projet d'avenant.

Cela est confirmé par le courrier adressé par le salarié le 7 mars 2012, dans lequel il fait lui même état de l'entretien ' du 29 février 2012 au cours duquel [lui a été ] remis un courrier (...), et une proposition d'avenant actant [sa] rétrogradation' démontrant ainsi que M. [F] a reçu à cette date le projet qu'il a signé le 7 mars et transmis à l'employeur, ayant ainsi bénéficié d'un délai suffisant pour mûrir sa réflexion sur la proposition faite.

2) sur l'exécution de bonne foi

En vertu de l'article . 1222-1 du code du travail , le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Alors qu'il s'engage à s'investir totalement dans ses nouvelles fonctions de gestionnaire référentiels valeurs et données de marché, et que pour ce faire il formule des demandes de précisions concernant leur périmètre et son rattachement hiérarchique, il n'apparaît pas que l'employeur ait fourni sur ces points les explications nécessaires à éclairer le consentement du salarié avant qu'il soit donné.

Au surplus, si les appréciations du supérieur hiérarchique de M. [F] pour les années 2010 et 2011, révèlent des griefs tenant à l'insuffisance de ses performances, l'employeur ne donne aucun élément à la cour permettant de remettre en cause l'insuffisance des moyens matériels et humains dont le salarié s'est expressément plaint dans ses commentaires d'évaluation et que les observations sur l'avancement du projet Keops- value dans le compte rendu de la réunion du 12 octobre 2011 (pièce N° 27 du salarié), ainsi que les déclarations de Mme K. tendent à conforter, le fait que le projet Keops Value ait été abandonné en 2014 au profit d'un nouveau n'étant par ailleurs pas autrement explicité, sans être contesté pour autant.

En conséquence les conditions dans lesquelles est intervenue la rétrogradation ne peuvent être considérées comme justifiant du respect de l'obligation d'exécution de bonne foi par l'employeur.

B- sur la prime 13ème mois

La société Groupama Asset Management rappelle qu'elle ne relève pas de la convention collective de la banque du 10 janvier 2000, mais que c'est en vertu du contrat de travail du 7 mars 2008, que la relation de travail est soumise aux dispositions de cette dernière, laquelle prévoit en son article 39 que 'les salaires de base annuelle sont versés en 13 mensualités, la 13ème mensualité, calculée au pro rata temporis, est versée en même temps que le salaire du mois de décembre, sauf disposition différente d'entreprise'.

Il s'agit d'une modalité de règlement du salaire.

Cette même convention collective rappelle en son article 1er que 'l'employeur peut proposer à l'embauche aux salariés ne relevant pas de la présente convention collective de leur appliquer volontairement celle-ci, à l'exception des articles 33, 34, 35, et 39 à 42".

Le contrat de travail spécifie pour sa part que la rémunération fixe est répartie en 12 mensualités.

La combinaison de ces dispositions, conventionnelles et contractuelles, conduit à considérer que la rémunération annuelle fixée devait être versée en douze fois et aucune stipulation du contrat de travail n'instaure de prime 13ème mois.

Dans ces conditions, aucun manquement de l'employeur ne peut être retenu à ce titre et le jugement qui a débouté M. [F] des demandes de rappel de 13ème mois doit être confirmé.

C- sur l'obligation de sécurité

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d'information et de formation,

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du Code du Travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

Arguant d'alertes répétées sur ses conditions de travail lors des entretiens d'évaluation, mais également de signalements renouvelés auprès de la responsable des ressources humaines, et d'une nouvelle dégradation de sa situation après une courte amélioration liée à un changement de service, M. [F] estime que l'employeur a violé les dispositions de l'article 4121-1 du code du travail.

Sur ce point, force est de relever que dès décembre 2013, a été officiellement révélée aux services des ressources humaines, la difficulté dans laquelle le salarié estimait se trouver face à son supérieur hiérarchique, M. [C], sans qu'aucune autre suite qu'un mail de dénégation après interrogation du supérieur en cause, n'ait été donnée à cette alerte.

Cela dans un contexte spécifique tenant au fait que la rétrogradation subie le 8 mars 2012 par M. [F] avait eu pour conséquence de le placer dans le même service sous l'autorité de M. [C], avec lequel il collaborait jusqu'alors au même niveau.

De plus, dispensé de travailler temporairement en 2015 sous l'autorité de ce M. [C], les appréciations portées par le nouveau supérieur hiérarchique et l'analyse de la situation faite par M. [F] telles qu'elles transparaissent dans les évaluations postérieures menées pour le nouveau manager, tendent à démontrer que la nouvelle organisation mise en place était davantage adaptée, le retour à la situation antérieure et la collaboration réitérée avec M. [C]à compter de novembre 2016, ne pouvant dès lors être considérée comme une mesure adaptée au sens de l'article L.4121-1 ci-dessus rappelé.

Le fait que le médecin du travail ait déclaré le salarié apte sans réserve dans des avis dont aucun n'est postérieur au 11 décembre 2014 et qui ne concernent donc pas la période de retour dans le service critiqué, est inopérant.

Cependant le lien entre les manquements à l'obligation de sécurité ci-dessus retenus et la dégradation de l'état de santé du salarié ne peut résulter des seules déclarations de ce dernier auprès du médecin du travail alors que les arrêts de travail versés aux débats sont motivés par des problèmes purement physiologiques (lombosciatique gauche, puis opération) et que n'est versé au débat aucun avis d'inaptitude.

Dans ces conditions, en l'absence de répercussion évidente sur l'état de santé de M. [F], la demande formée au titre de la violation de l'obligation de sécurité doit être rejetée.

D- sur le harcèlement moral

Le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L 1152-1 du Code du Travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1154-1 du Code du Travail, dans sa rédaction issue de la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de sa demande, M. [F] évoque le caractère irrégulier et injustifié de la rétrogradation dont il a été l'objet à compter du 8 mars 2012, la détérioration de ses rapports avec son manager qui a adopté à son encontre un comportement violent et agressif, l'absence de toute réaction de la responsable des ressources humaines de l'entreprise face à la dégradation de la sa situation, et le défaut de paiement de la prime 13ème mois.

Sur ce dernier point il résulte de ce qui précède que ce fait ne peut être retenu.

La réalité d'écrits 'dédaigneux', de réactions exacerbées de son supérieur hiérarchique, M. [C], ne résulte pas des échanges par courriers électroniques versés aux débats, dans lesquels ce dernier interroge par deux fois le salarié pour lui demander 'qu'est ce qui se passe'', même si la question est suivie de nombreux points d'exclamation dans un des deux deux courriels produits.

De même aucun élément autre que les propres déclarations de M. [F] auprès de la responsable des ressources humaines, ne permettent de considérer comme précis et concordants les faits tenant à des atteintes à sa dignité et aux tentatives d'isolement.

En revanche, les modalités dans lesquelles s'est déroulée la rétrogradation, telles qu'examinées ci-dessus, permettent de considérer ce fait comme existant dès lors que l'avenant a été signé par le salarié sans qu'il ait été donné réponse à ses questionnements sur son rattachement hiérarchique et le périmètre du nouveau poste confié et sans que l'insuffisance justifiant la proposition de rétrogradation ait été autrement justifiée.

Le fait que M. [F] ait formalisé des récriminations en décembre 2013 dans un courriel adressé à Mme [X], responsable des ressources humaines, résulte de l'échange communiqué en pièce N° 31 et il a été rappelé ci-dessus qu'aucune suite autre qu'une réponse rapidement renvoyée n'y a été donnée, la circonstance spécifique tenant au fait que le salarié s'est retrouvé du fait de sa rétrogradation, sous l'autorité d'une personne avec laquelle il travaillait jusqu'alors au même niveau, devant également être relevée.

Il est encore établi que malgré l'amélioration nette des appréciations portées par le nouveau supérieur hiérarchique provisoirement affecté à M. [F] jusqu'en novembre 2016, le salarié a dû regagner le service dirigé par M. [C], dont il avait préalablement dénoncé le comportement à son encontre et avec lequel existaient de nombreuses difficultés portées à la connaissance de l'employeur.

La dégradation des conditions de travail qui en est résultée apparaît à travers les échanges de M. [F] avec le service des ressources humaines de l'entreprise et les observations qu'il formule lors des entretiens d'évaluations périodiques, ainsi que dans les informations recueillies par le médecin du travail. (Pièce N° 29 du salarié).

Ces faits, précis et concordants, voire même établis, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et l'employeur n'apporte pas d'élément objectifs de nature à les justifier par des objectifs étrangers à tout harcèlement, en particulier s'agissant de la décision de replacer le salarié sous l'autorité de M. [C],à compter de novembre 2016, décision pour laquelle aucune explication n'est donnée.

De même la justification de l'absence de réponse aux questions relatives à son rattachement hiérarchique et au périmètre de son nouveau poste n'est-elle pas apportée ni aucune objectivation des raisons pour lesquelles il a été placé et maintenu à compter de sa rétrogradation sous l'autorité de M. [C], avec lequel il travaillait antérieurement au même niveau.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre du harcèlement moral.

Compte tenu de la durée des faits subis, de leur répétition et de leur intensité, il sera alloué à M. [F] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

II- sur la rupture du contrat de travail

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison des faits imputables à l'employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement nul ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse selon le cas, si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.

Indépendamment même des conditions dans lesquelles est intervenue la rétrogradation du salarié le 8 mars 2012, dont la concomitance avec la démission peut être discutée, il résulte de ce qui précède que celle-ci, initialement non motivée, puis expressément fondée sur des griefs dont certains ont été retenus comme fondés, était équivoque.

Elle s'analyse en conséquence en une prise d'acte devant produire les effets d'un licenciement nul dès lors qu'elle est liée aux faits de harcèlement moral ci dessus caractérisés.

M. [F] avait plus de neuf ans d'ancienneté à la date de son licenciement et était âgé de 48 ans au moment de la rupture de son contrat de travail.

Il convient de fixer le montant de l'indemnité pour licenciement nul à la somme de 60 000 euros.

En outre lui est due l'indemnité de licenciement pour un montant non contesté de 20 732,72 euros.

III- sur le remboursement des allocations de chômage

Les conditions d'application de L 1235 - 4 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016 étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités.

En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à M [F] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

DÉCISION

Par arrêt contradictoire,

DÉCLARE irrecevable la pièce n°41 de M. [F],

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et les demandes afférentes à la nullité de la rupture du contrat de travail,

et statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE la société Groupama Asset Management à verser à M. [F] les sommes de :

- 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 60 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la nullité de la rupture de son contrat de travail,

- 20 732,72 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 000 euros au titre de l'article du code de procédure civile

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

Y ajoutant,

ORDONNE à la société Groupama Asset Management le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités,

CONDAMNE la société Groupama Asset management aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/10418
Date de la décision : 14/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°18/10418 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-14;18.10418 ?
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