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07/10/2020 | FRANCE | N°19/02868

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 07 octobre 2020, 19/02868


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2020



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02868 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7HVX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/04576





APPELANTE



Madame [O] [B] épouse [H] [D]

née le [Date naiss

ance 1] 1955 à [Localité 11] (92)

[Adresse 8]

[Localité 10]



représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avoc...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02868 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7HVX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/04576

APPELANTE

Madame [O] [B] épouse [H] [D]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 11] (92)

[Adresse 8]

[Localité 10]

représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avocat plaidant Me Paule BENISTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D299

INTIMÉE

Madame [R] [B] épouse [Y] [T]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 11] (92)

[Adresse 12]

[Localité 7]

représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

ayant pour avocat plaidant Me Claire PIOLE, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dorothée DARD, Président, chargée du rapport, et Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

Mme Clarisse GRILLON, Conseiller désigné par ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Paris en vertu de l'article R 312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

[M] [B] et [Z] [C] se sont mariés le [Date mariage 4] 1952 sous le régime de la séparation de biens.

De cette union, sont issus six enfants:

- Mme [W] [B]

- Mme [O] [B]

- M. [K] [B]

- Mme [R] [B]

- M. [A] [B]

- Mme [I] (également prénommée [X]) [B]

Par acte notarié reçu le 16 juin 2005 par Me [N] [U], notaire, [M] [B] a fait donation « par préciput et hors part, par parts égales et par suite, avec dispense de rapport à sa succession » à quatre de ses enfants, Mme [O] [B], M. [A] [B], Mme [R] [B] et Mme [I] [B], de biens immobiliers d'une valeur globale de 3.114.600 €, attribués de la façon suivante :

- à Mme [O] [B] : la pleine propriété des lots 33, 47, 57 d'un immeuble situé [Adresse 3] composés d'une chambre, d'une cave et d'un appartement, biens évalués à la somme de 892.100 € au jour de la donation,

- à Mme [R] [B] : la pleine propriété des lots 2074, 2227, 3261 d'un immeuble situé [Adresse 9] et [Adresse 5] à [Localité 10], constitués d'un appartement, d'une cave au sous sol et d'un emplacement de garage au 3ème sous sol, biens évalués à la somme de 504.500 € au jour de la donation,

- à M. [A] [B] : la pleine propriété des lots 27, 28, 37, 60 d'un immeuble situé [Adresse 3], constitués de deux chambre, d'une cave et d'un appartement, biens évalués à la somme de 892.900 € au jour de la donation,

- à Mme [I] [B] : la pleine propriété des lots 15, la moitié du lot 24, les lots 26, 31, 63 d'un immeuble situé [Adresse 3], composés de quatre chambres et d'un appartement, biens évalués à la somme de 825.100 € au jour de la donation.

[M] [B] est décédé le [Date décès 6] 2011.

Le 29 mai 2012, la succession de [M] [B] a fait l'objet d'un protocole d'accord entre l'ensemble de ses héritiers.

Y était annexé un projet de partage, avec tableau récapitulatif, desquels il résultait que :

1°) les donations étaient évaluées (en ce compris les droits payés par le donateur pour le compte de chacun des donataires) pour les montants suivants :

[O] [B] : 2.767.338,99 €

[A] [B] : 2.390.134,55 €

[X] [B] : 2.221.616,23 €

[R] [B] : 874.714,58 €,

soit un total de réunion fictive à la masse de l'article 922 de 8.253.804,35 € ;

2°) la quotité disponible étant dépassée de 5.444.034,27 €, des indemnités de réduction devaient être mises à la charge des quatre donataires pour les montants suivants :

Pour [O] [B] : 1.825.613,37 €

Pour [A] [B] : 1.576.771,62 €

Pour [X] [B] : 1.465.600,10 €

Pour [R] [B] : 577.049,15 €

3°) Mme [O] [B], M. [A] [B], et Mme [X] [B] étaient respectivement redevables d'une soulte de 520.604,20 €, 271.762,45 € et 160.590,93 €, tandis que Mme [W] [B], M. [K] [B] et Mme [R] [B] devaient chacun en recevoir une respectivement de 112.498,77 €, 112.498,77 € et 727.960,02 €.

Par acte notarié du 18 septembre 2012, Me [L] [V] a établi un acte de partage conforme à ce protocole (après quelques ajustements comptables de quelques dizaines d'euros n'en modifiant pas la substance). Aux termes de cet acte étaient rappelés l'existence de la donation réalisée le 16 juin 2005 par le défunt et d'un partage sous seing privé conclu entre les donataires le 23 octobre 2009 pour rééquilibrer et revaloriser les parts reçues par chacun ainsi que les avances versées à ce titre par M. [A] [B] et Mme [I] [B] au profit de Mme [R] [B], respectivement de 100.000 € et 50.000 €.

L'actif net à partager, après prise en compte des indemnités de réduction, étant de 7.516.487,66 €, les droits de chacun des copartageants s'élevaient finalement à 1.304.997,94 €.

Il y était notamment stipulé que

« Pour remplir Madame [O] [D] du montant de ses droits, ses copartageants

lui attribuent, ce qu'elle accepte :

- le montant de son indemnité de réduction formant L'ARTICLE DEUX de la masse,

« pour une valeur de''''''''''''''''''''''' 1.825.610,65 €

A charge par l'attributaire de verser une soulte de 520.612,71 € :

à Madame [R] [T] à hauteur de''''''''''''' 295.637,63 €

à Mademoiselle [W] [B]''''''''''''''''' 112.487,54 €

à Monsieur [K] [B]'''''''''''''''''''' 112.487,54 €

Ci'''''''''''''''''''''''''''''''''520.612,71 €

Soit une part nette attribuée de 1.304.997,94 € »

(...)

« Pour remplir Madame [R] [Y] [T] du montant de ses droits, ses copartageants lui attribuent, ce qu'elle accepte :

- le montant de son indemnité de réduction formant L'ARTICLE QUATRE de la masse,

pour une valeur de''''''''''''''''''''''''''576.989,03 €

Une soulte d'un montant de 728.008,91 € versée par Madame [O] [D] à hauteur de''''''''''''''''''''''''''''' 295.637,63 €

Monsieur [A] [B] à hauteur de ''''''''''''''' 271.771,31 €

Madame [I] [X] [J] à hauteur de'''''''''''' 160.599,97 €

Pour une valeur de''''''''''''''''''''''''' 728.008,91 €

Soit un total attribué de 1.304.997,94 € ».

(...)

' PAIEMENT DE LA SOULTE DUE PAR MADAME [D]

La soulte d'un montant de 295 637,63 € due par Madame [H] [D] à Madame [R] [Y] [T], est payée ce jour et par la comptabilité du Notaire soussigné.

Madame [R] [Y] [T] lui en consent bonne et valable quittance d'autant.'

Se prévalant de l'acte sous seing privé du 23 octobre 2009 intitulé « partage sous seing privé entre les consorts [B] », par lequel Mme [R] [B], M. [A] [B], Mme [I] [B] et Mme [O] [B] étaient réputés avoir

- déclaré que les attributions qui leur avaient été consenties lors de la donation sus mentionnée étaient d'inégales valeurs et souhaiter rééquilibrer les parts reçues par chacun d'eux lors de la donation,

- convenu de revaloriser la valeur des soultes et de chaque lot reçu au décès de leur père en vue d'égalisation entre eux,

- pris acte du versement par M. [A] [B] et Mme [I] [B] à Mme [R] [B] respectivement des sommes de 100.000 € et 50.000 €, Mme [O] [B], M. [A] [B] et Mme [I] [B] s'engageant à payer le solde qu'il resterait à devoir à Mme [R] [B] au décès de leur père,

Mme [R] [B] épouse [Y] [T] a, par acte d'huissier du 22 mars 2017, fait assigner Mme [O] [B] épouse [H] [D] devant le tribunal de grande instance de Paris afin pour l'essentiel d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 228.672,44 € en exécution de cette convention.

Par jugement du 24 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a statué dans les termes suivants :

Condamne Mme [O] [B] à payer à Mme [R] [B] la somme de 228.672,44 € avec intérêt au taux légal depuis le 18 juillet 2015,

Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute Mme [R] [B] de sa demande indemnitaire formulée à l'encontre de Mme [O] [B],

Déboute Mme [O] [B] de sa demande indemnitaire formulée à l'encontre de Mme [R] [B],

Condamne Mme [O] [B] aux dépens qui seront recouvrés par Me Claire Piolé,

Déboute les parties de leurs demandes formulées au titre des frais irrépétibles,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [O] [B] épouse [H] [D] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 février 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions du 24 juin 2020, l'appelante demande à la cour de:

- la dire recevable et bien fondée en son appel,

Et y faisant droit,

- infirmer en son intégralité le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 24 janvier 2019,

Et y ajoutant,

- dire que l'acte de partage notarié en date du 18 septembre 2012 vaut règlement définitif de la succession de feu [M] [B],

En conséquence,

- débouter Mme [R] [Y] [T] de l'ensemble de ses demandes y compris de celles faisant l'objet de son appel incident,

- condamner Mme [R] [Y] [T] à lui payer la somme de 7.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- condamner Mme [R] [Y] [T] à lui payer la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par Maître François Teytaud, avocat, aux offres de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions du 11 juin 2020, l'intimée demande à la cour, au visa des articles 1101, 1121, 1134, 1135 et 1165 du code civil en leur version (antérieure à janvier 2016) applicable en l'espèce, de :

- dire Mme [O] [H] [D] recevable mais mal-fondée en son appel, et l'en débouter,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu le 24 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a condamné Mme [O] [H] [D] née [B] au paiement de la somme en principal de 228.672,44 € avec intérêts de droit à compter du 18 juillet 2015 jusqu'à parfait paiement, outre intérêts sur cette somme capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, et condamné Mme [O] [H] [D] née [B] aux dépens de première instance,

- l'infirmer pour le surplus,

- la dire recevable et bien-fondée en son appel incident et y faisant droit,

- condamner Mme [O] [H] [D] née [B] au paiement de la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil ;

- condamner Mme [O] [H] [D] née [B] au paiement de la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Claire Piolé, avocat aux offres de droit.

Pour un complet exposé des faits et des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé aux écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

sur la demande principale :

Aux termes de l'acte litigieux, les parties 'déclarent que les attributions qui leur ont été consenties lors de la donation (...) sont d'inégales valeurs et souhaitent rééquilibrer les parts reçues par chacun lors de la donation.

En conséquence, les parties conviennent conventionnellement de revaloriser la valeur des soultes et de chaque lot reçu au décès de leur père en vue (d'une ég)alisation entre eux.'

La somme de 228.672,44 € réclamée par Mme [R] [Y] [T] à Mme [O] [D], en exécution de cet acte, s'établit, au vu du décompte produit en pièce 6 par l'intimée, à partir du raisonnement suivant :

En prenant en considération la valeur au jour du décès des biens attribués à chacun des donataires, les soultes mises à leur charge ou leur bénéficiant, ainsi que les droits de succession qu'ils ont respectivement supportés, ils ont finalement reçu un actif net de

- 1.843.930,29 € pour Mme [O] [D],

- 1.716.697,22 € pour M. [A] [B],

- 1.663.198,26 € pour Mme [X] [B],

- 1.237.205,66 € pour Mme [R] [B].

Pour respecter un strict équilibre entre eux quatre, il y aurait lieu que Mme [R] [B] reçoive de M. [A] [B] une soulte de 101.439,37 €, de Mme [X] [B], une soulte de 47.940,41 €, et de Mme [O] [D], une soulte de 228.672,43 €.

Pour s'opposer à la demande, Mme [O] [H] [D] soutient que l'acte du 23 octobre 2009, d'ailleurs assimilable à un pacte sur succession future et 'dont personne ne sait où il aurait été signé', ne peut être considéré comme un acte non autonome, par rapport au partage : les termes de cet acte sous seing privé ont été repris dans l'acte de partage ; les provisions versées par M. [A] [B] et Mme [X] [B] épouse [J] à leur soeur [R] en octobre 2009, ont été déduites du montant des soultes finales calculées au terme de l'acte de partage notarié ; les parties sont bien les mêmes, puisque les quatre donataires font partie des héritiers co-partageants ; fixer les droits des copartageants revient inévitablement à fixer les droits des quatre donataires ; d'ailleurs, le protocole du 23 mai 2012, ayant servi de base à l'établissement de l'acte de partage notarié, comporte l'accord des parties sur les valeurs à retenir dans le partage des biens et droits immobiliers dépendant de la succession et faisant l'objet d'un rapport, et les biens visés étaient précisément ceux qui avaient fait l'objet de la donation de 2009. Elle souligne que le décompte produit par l'intimée n'a aucune valeur juridique, n'ayant été signé par quiconque.

Mme [O] [H] [D] se prévaut de l'effet déclaratif du partage, soulignant que l'acte du 18 septembre 2012 stipule expressément qu'il clôt l'ensemble des litiges entre les héritiers, Mme [R] [Y] [T] s'y déclarant remplie de ses droits et renonçant pour l'avenir à élever la moindre contestation. Il s'agit pour l'appelante d'un acte complet, en ce qu'il met fin à l'indivision successorale en prenant en compte les indemnités de réduction.

Elle considère donc que la demande de Mme [R] [Y] [T] revient à solliciter un rapport des donations à la succession, ce qui est impossible, dès lors que les donations ont été consenties hors part, et qu'un tel rapport concernerait quatre héritiers sur six, si bien que le résultat souhaité par l'intimée reviendrait à contourner des règles d'ordre public concernant le rapport, contreviendrait à l'acte de partage prévoyant que 'les copartageants sont d'accord entre eux pour convenir et reconnaître, que la valeur du rapport de la donation sera fixée ainsi qu'il sera vu ci-après', et aboutirait à un partage par quart de la quotité disponible qui ne répond à aucune règle en matière successorale.

A supposer que le partage successoral n'ait pas pris en compte l'acte sous seing privé d'octobre 2009 et qu'il soit reconnu comme un partage autonome, il aurait appartenu à Mme [R] [Y] [T] d'introduire, non une action en paiement, mais 'l'action des copartageants' fondée sur l'article 889 du code civil, laquelle est dorénavant prescrite puisque plus de deux ans se sont écoulés depuis le partage.

L'appelante précise que le mail qu'elle a adressé à sa soeur le 10 janvier 2014 (mail dans lequel elle indiquait qu'il n'avait jamais été dans son intention de la léser et de ne pas régler ce qu'elle lui devait) ne peut lui être opposé comme un aveu judiciaire, dès lors

- qu'un tel aveu ne peut porter sur des points de droit, mais seulement sur des points de fait,

- qu'il fait suite à une intervention du notaire - celui-ci à la suite de la restitution d'un trop perçu de droits payés par le donateur, proposant de procéder à une égalisation en reversant le tout à sa soeur [R] -, qui lui avait donné à croire, dans un contexte où elle subissait des pressions de toute part, et notamment de son frère [A], qu'elle avait des obligations à l'égard de l'intimée, ce qu'elle a réalisé par la suite être inexact.

Elle ajoute que le fait qu'[A] et [X] ([I]) aient accepté de reverser 'le solde des droits négatifs' à [R] ne lui crée aucune obligation.

Mme [R] [Y] [T] conteste que l'acte sous seing privé du 23 octobre 2009, qui porte la signature de Mme [O] [H] [D], ait pu constituer un pacte sur succession future, dès lors que la donation du 16 juin 2005 avait opéré un transfert des droits de propriété du donateur aux donataires et qu'il s'agissait donc seulement de procéder à un rééquilibrage entre ces derniers, conformément à la volonté exprimée par leur père de leur consentir une donation à parts égales.

Pour elle, cette convention est autonome par rapport à l'acte de partage, en ce que

- les parties n'étaient pas les mêmes,

- les actes n'avaient pas le même objet,

- 'le calcul de la quotité disponible repris en page 6 du partage successoral ne vise, par réunion fictive, qu'à permettre d'évaluer la quotité disponible et de fixer les droits de l'ensemble des six héritiers',

- par des écrits postérieurs, ayant valeur d'aveux extra-judiciaires, Mme [O] [H] [D] a admis que le partage devait se faire à parts égales entre les donataires et qu'elle demeurait redevable envers elle.

Or, l'inégalité des lots attribués aux donataires, en ce compris une fois calculées les indemnités de réduction, montre que le partage successoral, malgré le rappel de ces deux actes, n'a tenu compte ni de l'acte sous seing privé du 23 octobre 2009, ni de l'acte notarié du 16 juin 2005, en ce qu'il exprimait la volonté du défunt de donner 'par parts égales'.

Il ne s'agit pas pour elle de remettre en cause l'acte de partage, mais d'obtenir l'exécution des conventions de 2005 et de 2009, auxquelles les quatre donataires étaient parties, la réalité de l'obligation de Mme [O] [H] [D] étant d'ailleurs confirmée par M. [A] [B] et Mme [X] [J] qui ont procédé pour leurs parts, aux versements leur incombant.

A titre liminaire, il convient de préciser, Mme [H] [D] insistant dans ses écritures sur le flou qui entourerait la conclusion de l'acte du 23 octobre 2009 qu'elle prétend ne pas se souvenir d'avoir signé,

- qu'il importe peu qu'il ait été ou non signé chez un notaire, dès lors qu'il est qualifié de 'partage sous seing privé' ;

- qu'étant réputé conclu entre les quatre enfants donataires, il comporte bien quatre paraphes sur chaque page, et en dernière page, quatre signatures, dont l'une fait clairement apparaître le nom de '[D]' ;

- que d'ailleurs, Mme [H] [D] ne conteste pas avoir signé l'acte de partage du 18 septembre 2012, qui rappelle les termes essentiels de cette convention.

Cet acte sous seing privé engage donc l'appelante, peu important l'interprétation qu'elle fait des mails de Mme [X] [J] et de M. [A] [B] (pièces adverses 4 et 18), en particulier celui de sa soeur dont la cour n'estime pas qu'il se rapporte clairement à la convention en cause.

Cette convention, quoiqu'intitulée 'partage' (ce que l'appelante souligne elle-même être une qualification erronée), et évoquant le paiement de 'soultes', n'a pour objet que d'engager les parties à rééquilibrer entre elles leurs droits résultant de la donation, de sorte à parvenir à l'égalité, au jour du décès de leur père.

Elle ne confère ni ne retire à aucun des concluants un droit direct éventuel sur tout ou partie de la succession de leur père, mais institue seulement entre les seuls donataires une obligation dont la liquidation et le paiement interviendra au moment du décès de celui-ci, par la revalorisation des soultes qui seront alors dues.

Cet accord n'enfreint le droit d'aucun héritier réservataire de solliciter la réduction des donations en cause, ni ne porte atteinte au calcul de la quotité disponible. Il ne méconnaît donc pas les dispositions impératives de l'article 922 du code civil. Il ne fait pas non plus obstacle au droit des héritiers réservataires, qu'il soit ou non donataires, d'obtenir des gratifiés dont la libéralité excède la quotité disponible une indemnisation à concurrence de la portion excessive de ladite libéralité. En effet, ne liant que les donataires, elle n'a pas empêché M. [K] [B] et Mme [W] [B] d'obtenir la réduction des donations conformément à l'article 923 du code civil. Elle n'a pas davantage empêché Mme [R] [Y] [T], signataire de l'acte, d'obtenir à son profit la réduction des donations consenties au détriment de sa réserve.

Si, selon Mme [H] [D], l'application qui en est sollicitée par Mme [R] [Y] [T] reviendrait à opérer une répartition égale entre les donataires de la quotité disponible, cela ne pourrait résulter que du fait que la quotité disponible a été totalement épuisée par la seule donation en cause, ce qui ne pouvait être constaté qu'au jour du décès. Au surplus, l'esprit de l'acte est différent, puisqu'il y est seulement exprimé la volonté 'de rééquilibrer les parts reçues par chacun lors de la donation'.

Par ailleurs, la donation ayant été consentie 'hors part', il n'y a pas lieu à application des règles légales afférentes au rapport, de sorte que c'est nécessairement à mauvais escient que le terme de 'rapport' a été employé dans le protocole du 29 mai 2012 et dans l'acte du 18 septembre 2012, et que l'atteinte qui, selon Mme [H] [D], serait portée par la convention du 23 octobre 2009 à ces règles importe peu.

Quant à la participation du donateur à l'acte, elle était d'autant moins requise, que la convention ne conférait aucun droit à quiconque ni sur ses biens présents, ni sur ses biens à venir.

Cette convention ne constitue donc pas un pacte sur succession futur prohibé et est parfaitement valide, peu important qu'elle ait ou non correspondu à la volonté du donateur, laquelle au vu de la convention du 16 juin 2005, apparaît néanmoins conforme, puisque qu'il y était question d'une seule donation 'à parts égales', d'un ensemble de biens immobiliers, seule l'attribution des lots révélant une inégalité de fait, très certainement liée à la consistance des biens donnés et au fait que trois des quatre donataires habitaient le lot qui leur était attribué.

Le protocole d'accord du 29 mai 2012, qui a servi de base à l'établissement de l'acte de partage, ne fait aucune allusion à la convention du 23 octobre 2009, et ne porte que sur l'évaluation des biens, le calcul de la quotité disponible, et celui des indemnités de réduction.

L'acte du 18 septembre 2012 a été conclu entre les six héritiers, en leur qualité de copartageants de la succession de leur père, de laquelle étaient nécessairement exclus les biens donnés, ce d'autant que la donation n'était pas rapportable. Il s'ensuit que c'est par suite d'une impropriété de terme, que celui de rapport, plutôt que celui de réunion fictive, a été employé dans la phrase suivante : 'en vue du présent partage, les copartageants sont d'accord entre eux pour convenir et reconnaître que la valeur du rapport de la donation sera fixée ainsi qu'il sera vu ci-après'.

Son objet était donc différent de la convention du 23 octobre 2009 et le rappel des termes de cette dernière n'impliquait pas que ses signataires, entendent renoncer à son bénéfice dans leurs rapports entre eux. Ce rappel permettait d'ailleurs de justifier l'imputation sur les soultes dues à Mme [R] [Y] [T] par M. [A] [B] et par Mme [X] [J], des acomptes versés par eux le 23 octobre 2009, cette imputation n'étant pas dépourvue de logique, dès lors que l'acte sous seing privé de cette date prévoyait seulement la revalorisation des soultes dues.

Il s'ensuit que la clause selon laquelle les parties s'estimaient remplies de leurs droits et renonçaient à élever une réclamation ou contestation relative 'au présent partage' (qui concerne la seule indivision successorale) ne fait pas obstacle à l'action en paiement engagée par Mme [R] [Y] [T], qui n'a nullement pour objet de remettre en cause les termes de ce partage, en particulier sur la valorisation des biens donnés, ou de solliciter un complément de part, mais de demander l'exécution d'une convention qui ne concerne pas l'ensemble des copartageants, mais les seuls donataires, et porte non pas sur le 'partage' d'une indivision, mais sur un rééquilibrage entre eux du bénéfice de la donation du 16 juin 2005.

Certes, le décompte figurant en pièce n°6 de l'intimée, ne présente pas un caractère contractuel. Néanmoins, l'acte du 23 octobre 2009, qui ne comporte pas de précisions quant aux modalités de revalorisation des soultes dues, doit nécessairement être interprété, et Mme [H] [D] n'en soumet aucune autre à la cour.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [R] [Y] [T] la somme de 228.672,44 avec intérêts au taux légal depuis le 18 juillet 2015 et dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'appelante aux fins de voir 'dire que l'acte de partage notarié en date du 18 septembre 2012 vaut règlement définitif de la succession de feu [M] [B]', s'agissant en réalité d'un moyen tendant au rejet de la demande principale de l'intimée.

Sur les autres demandes :

Au vu des éléments du dossier, il apparaît clairement que Mme [O] [H] [D] est de mauvaise foi, prétendant ne pas se souvenir d'avoir signé l'acte du 23 octobre 2009, alors que les termes de son courriel du 10 janvier 2014, postérieurs à l'acte notarié de partage, faisaient clairement état qu'elle se savait redevable envers Mme [R] [Y] [T], ce qui, au vu du règlement intégral par elle des soultes telles que calculées dans l'acte du 18 septembre 2012, ne pouvait s'expliquer que par l'existence de cette convention, étant précisé qu'il n'est nullement justifié des 'explications alambiquées de la SCP [L]' qui l'auraient influencée et qu'elle était assistée de son propre notaire, par l'intermédiaire duquel elle avait déjà fait savoir qu'elle entendait recevoir le remboursement intégral des droits de donation (cf pièce 16 de l'intimée), dont l'abandon lui aurait permis d'exécuter au moins en partie son obligation à l'égard de l'intimée. La dénégation abusive de ses droits, et les désagréments liés à l'obligation de recourir à une procédure à l'encontre de sa propre soeur, ont causé un préjudice moral à Mme [R] [Y] [T] qu'il convient de réparer en condamnant l'appelante à lui régler la somme de 4.000 € de dommages et intérêts, le jugement étant donc réformé en ce sens.

La solution apportée au litige par le tribunal puis par la cour montre que l'action engagée par Mme [R] [Y] [T] à l'égard de Mme [H] [D] était parfaitement justifiée, l'appelante invoquant vainement une intention de nuire de sa soeur, alors que la sollicitation par elle d'un médiateur, et le ton de ses correspondances, montrent au contraire qu'elle s'est montrée courtoise et conciliante à son égard. Mme [H] [D] doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.

Ces éléments conduisent également la cour à infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] [Y] [T] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et à lui allouer de ce chef la somme qu'elle réclame.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [R] [B] épouse [Y] [T] de sa demande indemnitaire formulée à l'encontre de Mme [O] [B] épouse [H] [D] et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne Mme [O] [H] [D] à payer à Mme [R] [Y] [T] la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Déboute Mme [O] [H] [D] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à Mme [R] [Y] [T] la somme de 6.000 € de ce chef;

Condamne Mme [O] [H] [D] aux dépens qui pourront être recouvrés par les avocats des parties selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 19/02868
Date de la décision : 07/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°19/02868 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-07;19.02868 ?
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