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05/10/2020 | FRANCE | N°18/00228H

France | France, Cour d'appel de Paris, C6, 05 octobre 2020, 18/00228H


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6

ORDONNANCE DU 05 OCTOBRE 2020
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(No /2020, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/00228 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5KJM

NOUS, Agnès TAPIN, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Karolyn MOUSTIN, Greffière lors des débats et de Vanessa ALCINDOR, Greffièr

e lors de la mise à disposition de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur K... A...
[...]
[....

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6

ORDONNANCE DU 05 OCTOBRE 2020
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(No /2020, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/00228 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5KJM

NOUS, Agnès TAPIN, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Karolyn MOUSTIN, Greffière lors des débats et de Vanessa ALCINDOR, Greffière lors de la mise à disposition de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur K... A...
[...]
[...]
Non comparant,

Représenté par Me Nicolas PUTMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0191
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/007560 du 11/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :

Maître R... E...
[...]
[...]
Non comparante,

Représentée par Me Anthony STEINITZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374
Défenderesse au recours,

Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les représentants des parties présents à notre audience du 17 Juin 2020 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L'affaire a été mise en délibéré au 28 Septembre 2020 puis prorogée au 05 octobre 2020 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

Monsieur K... A... a chargé Maître R... E... de la défense de ses intérêts dans un litige prud'homal l'opposant à la Royal Bank of Scotland, RBS, dont la procédure était en cours devant le conseil des prud'hommes de Lille.

Une convention d'honoraires a été signée par les parties le 6 décembre 2013.

Monsieur A... a dessaisi Maître E... de sa mission le 21 mai 2014.

Par lettre du 24 novembre 2017, Monsieur A... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats des Paris d'une contestation de la demande en paiement d'honoraires de plus de 7.000 € facturés le 30 mai 2014 par Maître E....

Par décision réputée contradictoire du 23 février 2018, la déléguée du bâtonnier a :
- fixé à la somme de 3.000 € HT le montant total des honoraires dus à Maître E... par Monsieur A...,
- constaté le règlement intégral de ladite somme soit 3.000 € HT,
- dit que les frais de signification de la décision seront à la charge de la partie qui en prendra l'initiative,
- débouté les parties de toutes autres demandes.

La décision a été notifiée aux parties.par lettres RAR du 26 février 2018 dont elles ont signé les AR le 27 février 2018.

Par lettre RAR du 23 mars 2018, le cachet de la Poste faisant foi, Monsieur A... a exercé un recours contre la décision.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 17 juin 2020 par lettres RAR du 30 janvier 2020 dont elles ont signé les AR le 3 février 2020.

Monsieur A... a demandé à l'audience, par l'intermédiaire de son avocat, de :
- fixer à 800 € maximum les honoraires dus à Maître E... pour 4 h de temps passé au taux horaire de 200 € HT, précisant que Maître E... n'a jamais plaidé dans ce dossier, ni été à une seule audience,
- ordonner la restitution à Monsieur A... par Maître E... de la somme de 3.588 € versée à titre de provision à ce dernier.

Monsieur A... explique être d'accord avec Maître E... qui dit que la convention n'ayant pas été à son terme, il convient d'appliquer le temps passé à la facturation de ses honoraires. Il soutient qu'au vu des diligences effectués par l'avocate, c'est à dire d'avoir réinscrit le dossier au rôle du CPH de Lille, et rédigé un projet de conclusions identiques à celles de son avocat précédent, Maître E... ne peut pas prétendre réclamer la somme de 3.000 € HT et encore moins de 7.000 €.
Il conteste enfin la qualité du travail réalisé par Maître E..., notamment :
- sur le temps passé sur son affaire,
- sur ses imprécisions relatives à la différence entre « succursale et entreprise », à son embauche rétroactive, et au harcèlement moral dont il a été victime,
- sur la tardivité de la remise au rôle de son affaire devant le CPH démontrant le manque de diligences et de transparence de l'avocate,
- sur le manque de diligences et de devoir de prudence de l'avocate relativement au suivi de la procédure devant le CPH avec le dépôt des conclusions,
- et sur l'absence de valeur ajoutée du travail de Maître E... dans la rédaction des conclusions puisqu'elle « a repris le noyau de l'argumentation sur le droit communautaire des écritures de son prédécesseur. »

Maître E... a demandé oralement à l'audience, conformément à ses écritures remises le jour de celle-ci, de :
- confirmer la décision du bâtonnier,
Y AJOUTANT,
- condamner Monsieur A... à lui payer la somme de 4.217,55 € au titre du solde des honoraires dus.

Elle explique :
- qu'elle est une avocate expérimentée en droit du travail ;
- que le litige portait notamment sur la compétence des juridictions françaises, requérant une procédure délicate ;
-que Monsieur A... voulait jouer le rôle de l'avocat, intervenant très régulièrement, ce qui était compliquée pour elle de rédiger des écritures à destination des juridictions ;
- qu'elle réclame la fixation totale de ses honoraires à 8.605 € pour le temps réel effectué pour le dossier de Monsieur A..., et donc la condamnation de ce dernier à lui payer le solde, par application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, ayant été dessaisie avant la fin de la mission que Monsieur A... lui avait confiée dans la convention ;
- et que contrairement à ce que soutient Monsieur A..., elle a été particulièrement diligente dans cette affaire, précisant que la Cour de cassation a finalement rejeté le 28 février 2018 le pourvoi formé par Monsieur A... contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 29 janvier 2016 confirmant l'incompétence du juridictions françaises pour connaître du litige.

SUR CE

1 - Le recours de Monsieur A... qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, est recevable.

2 - Il convient ensuite de rappeler que les griefs de Monsieur A... sur la qualité du travail notamment juridique réalisé par Maître E..., qui renvoient à la responsabilité de l'avocat dans l'accomplissement de sa mission ne relèvent pas de l'appréciation du bâtonnier, ni du Premier président statuant dans le cadre des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, mais de la compétence exclusive du juge de droit commun. En effet, la procédure de contestation des honoraires d'un avocat prévue par ces articles présente un caractère spécifique et n'a vocation qu'à fixer les honoraires éventuellement dus par un client à son avocat en exécution de la mission qu'il lui a confiée à l'exclusion de tout autre contentieux.

3 - Une convention d'honoraires signée le 6 décembre 2013 par les parties a confié la mission suivante à Maître E... (cf pièce 1 de Monsieur A...) : « Assurer l'audience de départage et le contredit concernant la compétence de son affaire [c'est à dire l'affaire de Monsieur A...] ainsi que la procédure prud'homale au fond.
Il est expressément prévu que toute procédure connexe et subséquente (notamment l'appel) est exclue de cet accord».
Il y est indiqué que la rémunération de l'avocat se fera au titre d'un honoraire forfaitaire et d'un honoraire de résultat, auxquels s'ajouteront ses frais et débours.

Il est acquis que Maître E... a exercé son mandat depuis cette convention, c'est à dire du 6 décembre 2013 jusqu'au 21 mai 2014 date à laquelle Monsieur A... l'a déchargée par courriel dans lequel il lui dit «
je vous informe que votre mission est terminée
» (cf sa pièce 5 ), c'est à dire avant l'audience de départage et le contredit, ce qui conduit à rendre caduque la convention d'honoraires.

4 - Dans ces conditions, en l'absence d'application de la convention d'honoraires signée par les parties qui le disent d'ailleurs toutes deux, et dès lors que le début du mandat confié par Monsieur A... à Maître E... date du 6 décembre 2013, il convient de faire application de l'article 10 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par l'article 4 de la loi no 2011-331 du 28 mars 2011, pour fixer les honoraires et frais de Maître E..., et qui dit notamment :
« La tarification de la postulation et des actes de procédure est régie par les dispositions sur la procédure civile. Les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ... »

Deux factures ont été émises par Maître E... (cf pièces 2 et 8 et 9 de Monsieur A...) :
- la facture no FAB202440 du 31 décembre 2013 intitulée « honoraires convention contredit + procédure prud'homale » d'un montant de 3.000 € HT soit de 3.588 € TTC, payée par Monsieur A... ;
- la « note d'honoraire » datée du 28 mai 2014, envoyée par mail du 30 mai 2014, d'un montant total de 7.805,55 € TTC, soit 6.000 € HT. Les diligences y sont décrites, avec le temps passé de 35 heures et au taux horaire de 100 € HT pour 5 h puis de 200 € HT pour 30 h.

5 - Plus précisément sur les diligences, la note d'honoraires de dessaisissement de Maître E... fait état tout d'abord d'un temps passé de 5 h au taux horaire de 100 € HT concernant les diligences suivantes :
« - rendez vous du 10 avril 2014,
- appels téléphoniques,
- rédaction courriers,
- impression des pièces ».

Il ressort des dossiers des parties :
- que l'unique rendez vous n'est pas contesté,
- que Monsieur A... a adressé 7 mails étoffés et d'interrogations sur son dossier à Maître E... entre mi-décembre 2013 et le 21 mai 2014 date de son dessaisissement, alors que Maître E... lui a répondu par 6 mails au cours de la même période (cf pièce 5 de Monsieur A...) ;
- que Maître E... a adressé un courrier RAR au greffe du CPH de Lille pour demander la réinscription au rôle de l'affaire de Monsieur A... ayant fait l'objet d'un sursis à statuer et d'un arrêt de la cour d'appel de Douai du 27 novembre 2013, Maître E... rapportant la preuve (cf sa pièce 10) de ce qu'elle a bien faxé cette lettre le 13 mai 2013 au dit greffe à 18 h 14 ;
- et que Monsieur A... a adressé un CD de nombreux documents de droit énumérés sur 3 pages à Maître E... le 18 décembre 2013 (cf pièce 9 de cette dernière).

Ces éléments permettent de retenir un temps passé de 3 heures pour toutes ces diligences justifiées par Maître E..., et au taux horaire réclamé par elle de 100 € HT.

Ensuite, la note d'honoraires fait état d'un temps passé de 30 h au taux horaire de 200 € HT concernant les diligences suivantes :
« - lecture et études des pièces,
- recherches juridiques,
- rédaction,
- modifications des versions successives des conclusions. »

Il est justifié par les parties :
- que la lecture et études des pièces, et les recherches juridiques, présentant une certaine difficulté puisque requérant des connaissances en droit communautaire outre en droit du travail, ont pris certes un certain temps de l'avocat, mais qu'une partie du travail d'études et de recherches avait déjà été effectuée par le précédent avocat de Monsieur A..., Maître HEMMERLING du barreau de Béthune qui avait rédigé des conclusions sur la compétence territoriale du CPH de Lille et l'application du droit français au litige concernant Monsieur A..., pour la cour d'appel de Douai courant 2013, conclusions de 35 pages auxquelles étaient jointes 30 pièces (cf pièce 19 de Monsieur A...) ;
- que Maître E... a rédigé un jeu de conclusions, envoyées le 16 mai 2014 à Monsieur A..., modifiées à la demande insistante de ce dernier à deux reprises le 19 mai 2014 et le 20 mai suivant en prévision de l'audience de fin mai 2014 devant le CPH (cf pièces 5 et 13 de Monsieur A...) ;
- que si ces conclusions ont repris en partie l'argumentation juridique et de fait du précédent avocat comme indiqué précédemment, elles sont plus synthétiques puisqu'elles font 25 pages auxquelles sont jointes 14 pièces et contiennent des apports juridiques propres à Maître E....

Ces éléments permettent de retenir un temps passé de 18 heures pour toutes ces diligences justifiées par Monsieur A... et Maître E..., et au taux horaire réclamé par cette dernière de 200 € HT, justifié par sa notoriété reconnue en matière de « droit social, droit du travail, expatriation et harcèlement moral au travail » (cf les mentions figurant sur ses courriers).

6 - Les frais réclamés par Maître E... d'un courrier RAR de 5,55 € sont justifiés par l'envoi d'un tel courrier au CPH le 13 décembre 2013.

7 - Enfin, la situation de fortune du client, Monsieur A..., un des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifié, permettant de fixer les honoraires des avocats, est totalement obérée dès lors qu'il résulte de la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 mars 2020 lui accordant l'AJ totale qu'il ne perçoit que le RSA.

8 - Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, selon les critères fixés par l'article 10 précité de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié, il est justifié et raisonnable que les honoraires de Maître E... dus par Monsieur A... soient fixés à la somme totale de 4.685,50 € TTC (3.990 € HT + 780 € de TVA + 5,50 € TTC de frais), en infirmant la décision déférée.

Eu égard au paiement de 3.588 € TTC effectué par Monsieur A..., et de sa situation de fortune, il est justifé de le condamner à verser à Maître E... le solde de 1.000€ TTC, en infirmant également la décision déférée.

9 - Enfin, chaque partie conserve à sa charge ses propres dépens, ceux de Monsieur A... étant recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance CONTRADICTOIRE, en dernier ressort, après débats publics et par mise à disposition de la présente décision,

Infirmant la décision rendue le 23 février 2018 par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris

Fixons à la somme de 4.685,50 € TTC les honoraires et frais dus à Maître R... E... par Monsieur K... A... pour le mandat qu'il lui a confié du 13 décembre 2013 jusqu'au 21 mai 2014,

Constatant que Monsieur K... A... a payé la somme totale de 3.588 € TTC à Maître R... E...,

Condamnons Monsieur K... A... à payer à Maître R... E... la somme totale de 1.000 € TTC,

Disons que chaque partie conserve à sa charge ses propres dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle pour ce qui concerne ceux de Monsieur K... A...,

Rejetons toutes autres demandes des parties.

Disons qu'en application de l'article 177 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : C6
Numéro d'arrêt : 18/00228H
Date de la décision : 05/10/2020
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2020-10-05;18.00228h ?
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