Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2020
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/21866 - No Portalis 35L7-V-B7C-B6PSM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de paris - RG no 16/17940
APPELANTE
Mme G... V... en qualité d'indivisaire de l'indivision G... et Y... V... héritière à la succession de Monsieur I... V...
[...]
[...]
Représentée par Me Sébastien HUBINOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0278
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/020858 du 10/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉS
Maître M... A...
[...]
[...]
ET
Maître R... Z... J...
[...]
[...]
Représentés par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0848
Ayant pour avocat plaidant la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
SA CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]
[...]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0049
Ayant pour avocat plaidant Me Georges JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06
M. Y... V... en qualité d'indivisaire de l'indivision G... et Y... V... héritier de la succession de Monsieur I... V...
[...]
[...]
Défaillant, régulièrement assigné le 10 avril 2019 par procès-verbal de remise à sa personne
Mme B... V...
[...]
[...]
Défaillante, régulièrement assignée le 10 avril 2019 par procès-verbal de remise à personne
SELARL P... H... en qualité de Mandataire à la Liquidation judiciaire de Monsieur et Madame V...
[...]
[...]
Défaillante, régulièrement assignée le 10 avril 2019 par procès-verbal de remise à personne morale
SCI HECLA représentant légal Monsieur T...
[...]
[...]
Défaillante, régulièrement assignée le 10 avril 2019 par procès-verbal de remise à personne morale
LE PROCUREUR GÉNÉRAL -SERVICE CIVIL
[...]
[...]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application :
- de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;
- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;
- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 02 juin 2020, les avocats ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;
La cour composée comme suit en a délibéré :
M. Christian HOURS, Président de chambre
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
Mme Anne DE LACAUSSADE, Conseillère
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Claude HERVE conseillère, pour le président empêché et par Mme Séphora LOUIS-FERDINAND greffière présente lors du prononcé
* * * * *
Par acte authentique établi par maître Labordie, notaire, le Crédit foncier de France a consenti aux époux I... et B... V..., exploitants agricoles, un prêt de 1 800 000 F.
I... V... a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire selon un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 18 mars 1996 confirmé par un arrêt du 7 avril 1998, procédure qui a été étendue à son épouse par un jugement du 25 juin 1998.
I... V... est décédé le 16 septembre 1999 laissant sa femme et leurs deux enfants, G... et Y... V....
Le juge commissaire a autorisé la vente de gré à gré du domaine agricole selon une première ordonnance du 29 septembre 2006 qui a été rétractée le 23 mais 2008 et remplacée le même jour par une seconde, confirmée par un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux, statuant sur opposition, le 2 décembre 2008, devenu définitif à la suite d'un arrêt du 9 décembre 2009, déclarant le recours irrecevable.
Une partie de l'exploitation a été vendue selon acte authentique établi par maître J..., notaire, le 27 septembre 2007.
Les 25 et 26 décembre 2016, Y... et G... V... en leur qualité d'indivisaires, ont fait assigner le Crédit foncier de France, maîtres A... et J..., la SCI Hecla, Mme B... V..., la selarl P... H... en qualité de mandataire liquidateur de cette dernière et le procureur de la République, devant le tribunal de grande instance de Paris . Ils demandaient que les deux actes notariés des 27 juin 1992 et 29 septembre 2007 soient déclarés faux, que l'acte de prêt soit déclaré nul et que soit prononcée la déchéance du droit aux intérêts pour le Crédit foncier de France et qu'il leur soit alloué des dommages-intérêts.
Par un jugement du 14 février 2018, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré prescrites les actions en faux et nullité des actes authentiques, l'action en nullité du prêt et en déchéance des intérêts ainsi que l'action en responsabilité civile, a déclaré les autres demandes sans objet, a condamné Mme G... V... et M. Y... V... au paiement d'une amende civile de 1000 € chacun et les a condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à des indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit du Crédit foncier de France et des deux notaires.
Mme G... V... a formé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 08 janvier 2019, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de dire que son action n'est pas prescrite, de déclarer ses demandes recevables, de juger que les actes dressés par maître A... le 27 juin 1992 sont nuls et ne valent pas titre exécutoire, de constater que la déclaration de créance du CFF est entachée d'une mention fausse et donc entachée de nullité absolue pour défaut de pouvoir, de constater que l'acte dressé par maître J... du 27 septembre 2007 constitue un faux en écriture authentique, qu'il est entaché d'une nullité absolue et ne vaut pas titre exécutoire, que l'acte dressé par maître J... dénommé copie exécutoire de l'acte notarié du 27 septembre 2007 constitue un faux en écritures publiques, qu'il est entaché de nullité et ne vaut pas titre exécutoire, de dire que les citations fondées sur la copie exécutoire et hypothèque délivrées sur le fondement de l'acte litigieux ainsi que les décisions de justice qui en découlent et notamment celles des 8 juin 1993, 26 mai 1994, 18 mars 1996, 7 avril 1998, 22 novembre 2002, 29 septembre 2006, 23 mai 2008, 2 décembre 2008, 9 décembre 2009, 28 septembre 2012, 9 mai 2014, 17 décembre 2015, 28 janvier 2016, 6 et 10 mai 2016 constituent un faux en écritures publiques dans la mesure où elles se fondent sur un acte notarié nul qui ne constitue pas un titre exécutoire, de constater que le TEG mentionné dans l'acte de prêt consenti par le CFF est inexact, qu'aucun tableau d'amortissement n'a été annexé au prêt consenti par le CFF, de juger que le CFF est déchu du droit aux intérêts, de débouter les parties intimées de l'ensemble de leurs demandes et de condamner le CFF à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle et de supporter les dépens.
Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 avril 2019, maîtres A... et J... demandent à la cour de confirmer le jugement, de rejeter l'ensemble des demandes de Mme V... et de la condamner à leur payer chacun la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 avril 2019, la société CFF demande à la cour de confirmer le jugement, de condamner Mme V... à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de la condamner également à une amende dont la cour fixera le montant en application de l'article 305 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.
Y... V..., B... V..., la selarl P... Hiriou ès qualités et la SCI Hecla n'ont pas constitué avocat.
Le dossier a été communiqué au ministère public qui n'a pas pris d'écritures, a fait connaître son avis par RPVA le 6 décembre 2019 et qui a conclu à la confirmation du jugement.
Les parties ayant constitué avocat, ont, chacune, expressément consenti à ce que la procédure se déroule sans audience de plaidoiries en application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Mme G... V... critique le jugement en ce qu'il a retenu que les irrégularités affectant l'acte notarié pouvaient être observées dès la signature de l'acte alors que, non juristes, les consorts V... n'ont pris connaissance de ces irrégularités qu'en 2014, ce qui a conduit Mme B... V... à refuser la succession par acte du 3 février 2016. L'appelante conclut donc que les actions en faux et nullités ne sont pas prescrites; elle fait valoir que le même raisonnement vaut pour la nullité de la stipulation des intérêts et la déchéance de ceux-ci. Elle déclare que ce n'est que lors de la consultation du premier conseil intervenu au soutien de ses intérêts en 2014 qu'elle a pris connaissance des erreurs affectant la fixation du TEG.
Les notaires intimés répondent que pour l'inscription de faux, le délai de la prescription commence à courir à compter du jour où l'acte argué de faux a été passé et non du jour où il a été connu de celui qui l'invoque et ils ajoutent que la loi du 17 juin 2008 a eu pour effet de réduire à cinq ans le délai pour agir mais n'a pas modifié son point de départ. Ils concluent que selon ladite loi, les consorts V... avaient au plus tard jusqu'au 19 juin 2013 pour agir en inscription de faux.
S'agissant des demandes en nullité des actes fondées sur des formalités de l'acte et une erreur matérielle relative au TEG, les intimés font valoir que le point de départ de la prescription est également le jour de la conclusion de l'acte. Ils soutiennent que les époux V... ont nécessairement pris connaissance du contenu des actes lors de leur signature et ils reprennent la motivation du jugement sur le caractère apparent des griefs allégués et l'absence de circonstances justifiant un report du point de départ du délai. Ils relèvent que Mme V... ne précise pas quel aurait été l'élément déclencheur de sa prise de conscience. Ils font valoir qu'en toute hypothèse, le délai de 20 ans prévu par l'article 2232 du code civil est dépassé pour l'acte de 1992 et que la prescription est acquise.
Les notaires font également valoir que Mme V... ne justifie pas de sa qualité à agir. Ils ajoutent qu'elle n'a pas mis dans la cause la SCEA Les Piniers qui était l'une des parties à l'acte de vente du 27 septembre 2007.
Le CFF fait valoir que sa créance a été admise au passif de la procédure collective et que la décision d' admission qui est définitive, a autorité de la chose jugée de sorte que l'action en faux en écriture authentique doit être déclarée irrecevable. Il ajoute qu'elle est prescrite alors que selon les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, le délai expirait au plus tard le 19 juin 2013. Il reprend en outre la motivation du jugement et il soutient que les signataires d'un acte notarié ont le devoir de le lire consciencieusement et que le fait que Mme B... V... ait refusé la succession ne démontre rien alors que le passif était important.
S'agissant de la demande en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, le CFF fait valoir que l'action se prescrivait par 10 ans et que pour le prêt de 1992, elle était donc prescrite depuis 2002. Il ajoute que l'article 2232 du code civil prévoit un délai butoir, peu important la date de la découverte des griefs allégués. Il relève néanmoins que ceux-ci étaient décelables à la lecture de l'acte et que c'est dans le délai de la prescription que les consorts V... devaient recourir à un conseil pour vérifier le calcul du TEG.
* * *
Mme V... reproche à l'acte de prêt entre les époux I... et B... V... et le CFF de ne pas comporter la délégation de signature accordée par le président directeur du CFF. S'agissant de l'acte de vente de 2007, elle invoque la fausseté et la nullité de la créance déclarée par le CFF dans la procédure collective ainsi que le fait que son père décédé ne pouvait être réputé vendeur ni même être représenté par maître H.... Elle ajoute que Mme B... V... n'avait pas opté dans la mesure où aucun inventaire ni projet de succession ne lui avait été présenté. Elle fait en outre valoir que le TEG mentionné est inexact et que le tableau d'amortissement est absent.
Il ne ressort pas clairement du dispositif des dernières conclusions de Mme V... qu'elle ait maintenu son action en inscription de faux contre l'acte notarié du 27 juin 1992. En toute hypothèse, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que l'action en inscription de faux et l'action en nullité de l'acte notarié de prêt du 27 juin 1992 fondées sur le défaut de pouvoir d'un signataire et l'absence d'annexe malgré les mentions de l'acte, étaient prescrites. Il a en effet justement apprécié que ces vices étaient immédiatement apparents, que le point de départ du délai de prescription était la date de la conclusion de l'acte et que la loi du 17 juin 2008 ayant ramené ce délai de 30 ans à 5ans, il devait être fait application de son article 26 qui fait courir ce délai raccourci de l'entrée en vigueur de la loi, ce qui le fait expirer au 19 juin 2013.
Il ne ressort pas des dernières conclusions de Mme V... que l'action en nullité contre le contrat de prêt soit fondée sur d'autres vices que celui tenant à l'absence de pouvoir du signataire de l'acte.
S'agissant de l'acte notarié du 27 septembre 2007, il y a lieu de constater que celui-ci porte sur la vente de partie du domaine agricole ayant appartenu aux époux V... à la SCEA Les Piniers, que celle-ci n'est pas attraite à la cause, que seule est présente une SCI Hecla qui n'a pas constitué avocat et dont la qualité à défendre n'est pas précisée, qu'ainsi les actions visant à mettre à néant l'acte notarié doivent être déclarées irrecevables, en l'absence de l'acquéreur.
Au surplus, il sera relevé que les conclusions de Mme V... ne comportent pas d' explication sur la fausseté de la déclaration de créance du CFF ni sur son caractère définitif non plus que sur le défaut de pouvoir de maître H... alors que le décès de I... V... ne suffisait pas à mettre fin à sa mission.
Les demandes de nullité des citations et décisions de justice subséquentes à la demande de nullité de l'acte litigieux (?) sont ainsi dépourvues de fondement et Mme V... doit en être déboutée.
S'agissant de la demande tendant à voir déclarer le CFF déchu du droit aux intérêts, le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a retenu que l'action formée en novembre 2016 était prescrite depuis le 27 juin 2002 en application de l'article L110-4 du code de commerce dans sa version applicable avant la loi du 17 juin 2008 alors que le point de départ de l'action était fixé à la date de conclusion du contrat.
Il ne ressort pas des dernières conclusions de Mme V... qu'elle forme une demande de nullité fondée sur l'erreur affectant le TEG et le défaut de tableau d'amortissement.
Enfin, Mme V... qui ne forme aucune demande de condamnation dans le dispositif de ses conclusions, a renoncé à son action en responsabilité contre le CFF.
Il sera ajouté que Mme V... ne verse aux débats que les deux actes notariés du 27 juin 1992 et du 27 septembre 2007 et ne justifie pas de sa qualité d'ayant droit de I... V... de sorte que l'ensemble de ses demandes sont également irrecevables à ce titre.
Le jugement en ce qu'il déclare les demandes de Mme V... irrecevables sera confirmé en toutes ses dispositions y compris sur l'amende civile sans qu'il y ait lieu néanmoins d'accroître le montant de celle-ci.
Il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 février 2018,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme V... aux dépens qui seront recouvrés selon les règles de l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER Mme HERVE, conseillère
pour le président empêché