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18/09/2020 | FRANCE | N°18/020217

France | France, Cour d'appel de Paris, G3, 18 septembre 2020, 18/020217


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/02021 - No Portalis 35L7-V-B7C-B44TI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Tribunal d'Instance de PARIS - RG no 17-000348

APPELANTS
Monsieur [W] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Monsieur [J] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentés par Me Françoise HERMET LART

IGUE, avocat au barreau de PARIS,
toque : C0716

INTIMES
Mademoiselle [I] [N]
[Adresse 2]
[Localité 6]

Monsieur [P] [E] AJ 2018/0063...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/02021 - No Portalis 35L7-V-B7C-B44TI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Tribunal d'Instance de PARIS - RG no 17-000348

APPELANTS
Monsieur [W] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Monsieur [J] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentés par Me Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS,
toque : C0716

INTIMES
Mademoiselle [I] [N]
[Adresse 2]
[Localité 6]

Monsieur [P] [E] AJ 2018/006330
[Adresse 7]
[Localité 5]

Représentés par Me Caroline CLÉMENT-BIGORRE, avocat au barreau de PARIS,
toque : E0258

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006330 du 30/03/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude TERREAUX, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude TERREAUX, président de chambre
Monsieur Michel CHALACHIN, président de chambre
Madame Pascale WOIRHAYE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

ARRÊT :

-contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Claude TERREAUX, Président de chambre et par Madame Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

***
Les consorts [R] sont propriétaires, dans l'immeuble sis [Adresse 7], d'un appartement situé au 2 ème étage à droite porte de droite, comprenant entrée, salle à manger, deux chambres, cuisine et WC.
En 1952, cet appartement a été donné en location à Monsieur [S] [H], dans les termes de la loi du 1 er septembre 1948 ; à son décès son épouse, puis veuve, [K] [H] est devenue co-titulaire du bail.

Au décès de cette dernière, son petit-fils, [F] [N], a revendiqué le bénéfice de la location, en indiquant avoir habité les lieux avec son aïeule et en indiquant être handicapé à 80%. [F] [N] est décédé le [Date décès 1] 2014.
Le 10 octobre 2014, sa fille, [I] [N], 4 mois après le décès de son père, écrivait à ses bailleurs la lettre suivante :
« Je vous informe du décès de mon père, [N] [F].
En conséquence, je m'acquitterai du montant du loyer pour la période du 1 er octobre 2014 au 31 décembre 2014.
Cordialement et dans l'attente de votre réponse ».
Il n'a pas été répondu à ce courrier.
Elle a cessé de payer les loyers au motif, selon ses écritures, qu'elle ne recevait plus de quittances. Elle a néanmoins payé plusieurs loyers qui ont été encaissés par les propriétaires, pour partie avec retard, ceux-ci faisant valoir qu'ils ne reconnaissaient pas le droit de [I] [N] à rester dans les lieux. Aucun contrat écrit n'a été signé.

Par constat d'huissier régulièrement autorisé, il a été constaté selon procès-verbal du 27 décembre 2016 que, malgré trois visites successives, les lieux étaient dans un état très médiocre et sans entretien, inoccupés au moment de ces trois visites, que les sanitaires n'étaient pas utilisés depuis longtemps, mais que cependant il y avait de la nourriture dans le frigo, et que des courriers adressés à [P] [E] et [I] [N] adressés sur place et à [A] [T] adressé chez un tiers à une autre adresse se trouvaient dans les lieux.
Les témoins sur place ont indiqué à l'huissier que les lieux étaient inoccupés depuis environ un an.

Sur assignation en expulsion de [I] [N] du 17 mars 2017, cette dernière a indiqué ne pas occuper les lieux et a précisé qu'elle savait que les lieux étaient occupés par [P] [E].
L'affaire a été renvoyée devant le juge du fond et [P] [E] a été appelé en la cause. [I] [N] a fait valoir devant cette juridiction que ce dernier bénéficiait du bail initial.

Par jugement entrepris du 9 janvier 2018, le Tribunal d'instance de PARIS 17ème a ainsi statué :

-Ordonne la jonction des instances enregistrées au répertoire général sous les numéros 11/ 17 348 et 11/17 349 sous le numéro unique 11/ 17 348 ;
-Constate que le bail du 19 mars 1952 a été résilié de plein droit ensuite du décès de M.[F] [N] intervenu le [Date décès 1] 2014 ;
-Dit que M. [P] [E] bénéficie depuis le 11 juin 2014 du droit au maintien dans les lieux dans les conditions définies par la loi du 1er septembre 1948 sur le local à usage d'habitation situé [Adresse 7] (Zème étage, porte de droite) appartenant à M. [W] [R] et M. [J] [R] ;
-Dit que le maintien dans les lieux s'opère aux clauses et conditions du contrat primitif non-contraires aux dispositions la loi du 1er septembre 1948 et qu'en conséquence, M. [P] [E] est redevable depuis le 11 juin 2014 d'un loyer dans les conditions définies par le bail du 19 mars 1952 et par la loi du 1er septembre 1948 ;
-Rejette les demandes plus amples ou contraires, notamment la demande tendant à l'expulsion de Mme [I] [N] et M. [P] [E], la demande au titre de l'indemnité d'occupation et la demande de dommages intérêts formées par M. [W] [R] et M. [J] [R];
-Condamne in solidum M. [W] [R] et M. [J] [R] aux dépens,
-Condamne in solidum M. [W] [R] et M. [J] [C] à payer à Maître [L] [M] [O] la somme de 1.500 € en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous condition de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
-Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Par dernières conclusions du 12 avril 2018, les consorts [R], appelants, demandent à la Cour :

-De les recevoir les concluants en leur appel et y faisant droit,
Vu l'article 5 de la loi du 1 er septembre 1948, modifié par la loi du 23 décembre 1986,
-De confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le bail du 19 mars 1952 a été résilié de plein droit en suite du décès de Monsieur [F] [N], survenu le 11 juin 2014 et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à transmission ou transfert du droit au maintien dans les lieux au profit de Monsieur [E],
-De l'infirmer pour le surplus en toutes ses dispositions,

Et,
Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 1201 du Code Civil,

-De dire Mademoiselle [I] [N] irrecevable et infondée à revendiquer un droit au profit de Monsieur [E],
-De la dire mal fondée en l'intégralité de ses revendications émises de mauvaise foi,
-De la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Vu la résiliation de plein droit du bail du 19 mars 1952 à effet au 11 juin 2014, date du décès de Monsieur [N],
Vu l'absence de congé délivré à Monsieur [F] [N],
Vu l'absence de titre de Monsieur [P] [E],

-De dire que Monsieur [E] ne peut bénéficier d'aucun droit au maintien dans les lieux,
Subsidiairement,
Vu l'article 1201 du Code Civil,

-De dire que Monsieur [E] ne peut se prévaloir d'un titre ou d'un droit au maintien dans les lieux,

A titre subsidiaire,
-De dire que Monsieur [E] ne justifie pas par les pièces qu'il verse aux débats, avoir vécu effectivement avec Monsieur [F] [N], un an au moins avant son décès,

En tout état de cause,
-De le débouter de l'intégralité de ses demandes,
-D'ordonner l'expulsion de Monsieur [P] [E], ainsi que celle de tous occupants dans les lieux de son chef, dans les formes habituelles,
-D'ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux, dans tel garde-meubles du choix des consorts [R], aux frais risques et périls de Monsieur [P] [E],
-De fixer l'indemnité d'occupation due par Monsieur [E] et solidairement par Mademoiselle [I] [N], tant en sa qualité de seule héritière de Monsieur [F] [N], qu'à raison de son occupation apparente, à compter du 11 juin 2014 et jusqu'à remise des clefs, à la somme de 1.012 euros par mois, charges en sus,
-De condamner solidairement Monsieur [E] et Mademoiselle [N] au paiement de cette somme à compter du [Date décès 1] 2014 et jusqu'à remise des clefs, et ce sous déduction des sommes acquittées à titre d'indemnités d'occupation et en exécution du jugement rendu,
-De condamner solidairement Mademoiselle [I] [N] et Monsieur [P] [E] au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
-De les condamner sous la même solidarité aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Françoise HERMET-LARTIGUE, Avocat, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Par dernières conclusions du 4 juin 2018, [I] [N] et [P] [E], intimés, demandent à la Cour de :

- Confirmer le jugement du 9 janvier 2018 en toutes ses dispositions
- Débouter Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] de leurs demandes, fins et conclusions
Subsidiairement
- Fixer le montant de l'indemnité d'occupation au loyer actuellement appelé
- Octroyer les plus larges délais à Monsieur [E] pour quitter l'appartement
- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 1.000 € à Mademoiselle [N] à titre de dommages et intérêts
- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 1.000 € à Monsieur [E] à titre de dommages et intérêts
- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement des dépens

SUR CE ;

Sur les droits de [I] [N] ;

Considérant que il est constant que [I] [N] n'habite pas présentement dans les lieux ; qu'elle ne peut donc demander pour elle-même un droit au maintien dans les lieux et ne le fait d'ailleurs pas ;
Considérant que c'est seulement suite à un constat d'huissier constatant qu'elle n'y résidait pas qu'elle a fait valoir qu'elle n'occupait pas les lieux et que c'était en fait un certain [P] [E] qui les occupait ; qu'elle a ajouté que ce dernier était handicapé à 80% ;
Considérant qu'elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que [P] [E] bénéficiait du maintien dans les lieux ;
Mais considérant que [I] [N], qui ne justifie d'aucun mandat légal pour agir en justice, et ne soutient ni être la curatrice ou la tutrice de [P] [E], et n'habite pas dans les lieux, ne peut agir au bénéfice de ce dernier ; qu'elle sera déclarée irrecevable en son appel ainsi qu'en sa demande initiale sur ce point devant le premier juge ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;
Considérant qu'elle sera ainsi déclarée irrecevable en son action;

Sur les droits de [P] [E] ;

Considérant que l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948 modifiée dispose :
"I. - Le bénéfice du maintien dans les lieux pour les locaux visés à l'article premier appartient, en cas d'abandon de domicile ou de décès de l'occupant de bonne foi, au conjoint ou au partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, et lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an, aux ascendants, aux personnes handicapées visées au 2o de l'article 27 (en fait alinéa 7- 2o suite aux réformes successives) ainsi que, jusqu'à leur majorité, aux enfants mineurs.
Le maintien reste acquis au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin de l'occupant, lorsque cet occupant a fait l'objet d'une condamnation devenue définitive, assortie d'une obligation de résider hors du domicile ou de la résidence du couple, pour des faits de violences commis sur son conjoint, son concubin, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou sur leurs enfants.
I bis. - Nonobstant les dispositions de l'article 1742 du code civil, même en l'absence de délivrance d'un congé au locataire, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire. Le contrat de bail est également résilié de plein droit en cas d'abandon du domicile par le locataire, même en l'absence de délivrance d'un congé.
Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux appartient aux personnes visées au I du présent article.
II. - Nonobstant les dispositions du I ci-dessus, le maintien dans les lieux reste acquis aux personnes qui en bénéficiaient antérieurement à la publication de la présente loi.
En cas d'instance en divorce ou en séparation de corps, la juridiction saisie attribue à l'un des époux l'éventuel droit au maintien dans les lieux en considération des intérêts sociaux ou familiaux en cause. Si l'époux qui en est bénéficiaire n'est pas celui au nom duquel étaient délivrées les quittances, notification de la décision devra être faite au bailleur dans le délai de trois mois de son prononcé par lettre recommandée avec avis de réception. La juridiction prévue au chapitre V reste compétente sur toute contestation du bailleur quant à l'application des conditions exigées par la présente loi.

Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux ne s'appliquera pas aux locaux à usage exclusivement professionnel, à moins que l'une des personnes visées aux alinéas précédents ne continue à y exercer la profession à laquelle ces locaux étaient affectés"

Considérant que l'article 27 7ème alinéa 2o de ladite loi, auquel renvoie son article 5 précedemment cité dispose :
" La majoration pour insuffisance d'occupation n'est pas applicable :
1o Aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans ;
2o Aux personnes titulaires :
-Soit d'une pension de grand invalide de guerre ouvrant droit au bénéfice des dispositions de l'article L. 31 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
-Soit d'une rente d'invalide du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 p. 100.
-Soit d'une allocation servie à toute personne dont l'infirmité entraîne au moins 80 p. 100 d'incapacité permanente et qui est qualifiée Grand infirme en application de l'article 169 du code de la famille et de l'aide sociale (devenu l'article L241-3 du code de l'aide sociale et de la famille).
..."

Considérant qu'en l'espèce le bail initial a été conclu en 1952 avec [S] [H] dans les termes de la loi du 1 er septembre 1948, puis a été poursuivi avec [K] [H] son conjoint survivant ; qu'au décès de cette dernière, c'est son petit-fils, [F] [N], se disant handicapé à 80% et héritier direct, ce dont il n'aurait jamais justifié selon les consorts [R], qui a bénéficié de ce bail ; que suite au décès de ce dernier le 11 décembre 2014, [I] [N], sa fille, indiquant avoir habité à cet endroit avec sa grand-mère [K] [H], a adressé 4 mois plus tard un courrier reproduit ci-dessus, et a revendiqué le bénéfice de la location ;
Mais considérant que ce courrier n'indique cependant pas qu'elle entend reprendre le bail mais simplement qu'elle "s'acquittera du montant du loyer pour la période du 1 er octobre 2014 au 31 décembre 2014" ; qu'elle cessera de payer régulièrement le loyer, puis ne le paiera plus ; que les propriétaires encaisseront avec retard ces loyers, refusant de considérer qu'elle était locataire ;
Considérant que [I] [N] ne précisera jamais à ses propriétaires la véritable situation, à savoir qu'elle n'occupe pas les lieux, et que d'autre part elle les laisse occuper pour une raison ignorée à [P] [E] ; que la situation ne sera connue que tardivement par les propriétaires ;
Considérant que [P] [E] n'a jamais payé lui-même de loyer ; qu'il ne saurait être considéré pour ce motif comme locataire de bonne foi au sens du texte susvisé ; que ce n'est qu'au cours de la procédure que les propriétaires ont appris fortuitement qu'il avait occupé de façon plus ou moins régulière les lieux ;
Considérant qu'il ne peut non plus aujourd'hui prétendre bénéficier d'un droit au maintien dans les lieux alors que [F] [N], au surplus lui-même bénéficiaire d'un droit au maintien dans les lieux occupés par [K] [H], elle même tenant ses droits de son mari, est décédé le [Date décès 1] 2014 ;
Considérant que de plus, par courriers du 10 octobre 2014 et du 20 janvier 2016, [I] [N] indique le paiement par elle de "loyers", ce qui tend à faire croire qu'elle a la qualité de locataire, qualité confirmée par un courrier du 7 avril 2017 de son conseil qui la qualifie également de locataire ; que dans plusieurs courriers elle se domicilie d'ailleurs sur place ; qu'elle n'y a jamais fait mention de la présence de [P] [E] ;

Considérant que dès lors la situation présente un caractère frauduleux ;

Considérant qu'au surplus que par constat d'huissier régulièrement autorisé, il a été constaté selon procès-verbal que, malgré trois visites successives, les lieux étaient inoccupés, dans un état très médiocre et sans entretien, que les sanitaires n'étaient pas utilisés depuis longtemps et étaient asséchés ; que le seul fait que du courrier récent ait été découvert sur place et que de la nourriture ait été entreposée dans le frigo ne permet pas de considérer que les lieux sont habités au sens des textes susvisés ; que les courriers découverts sur place étaient d'ailleurs adressés à cette adresse à [P] [E] et à [I] [N], qui pourtant prétend être domiciliée ailleurs, et à [A] [T] domicilié chez un tiers à une autre adresse, ce qui tend à laisser penser que les locaux constituaient un point de passage et une boîte aux lettres occasionnels entre personnes qui se connaissaient ; que les témoins sur place ont indiqué à l'huissier que les lieux étaient en réalité inoccupés depuis environ un an ;

Considérant que les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 modifiées sont dérogatoires aux règles du droit commun du bail d'habitation et restreignent les droits du propriétaire ; que notamment les modalités du bénéfice au maintien dans les lieux, qui en l'espèce dure depuis soixante-huit ans alors que personne ne paye plus de loyer, sont de droit strict ; que la seule personne qui s'est manifestée auprès du propriétaire est [I] [N] qui n'a jamais expressément déclaré souhaiter vouloir bénéficier d'une reprise des lieux, et que l'occupant épisodique de fait serait [P] [E], qui ne s'est jamais manifesté, était absent des lieux à trois reprises ainsi qu l'a constaté l'huissier alors qu'il était pourtant handicapé à 80% et disposait d'une carte à mobilité réduite avec station debout pénible, ce qui rend en théorie son absence de son domicile exceptionnelle, n'a jamais fourni le moindre élément pour justifier de son absence, n'a jamais payé un seul loyer et n'est apparu qu'en cours de procédure actionné par les appelants ;

Considérant que il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que [P] [E] sera débouté de toute ses demandes ;

Sur les demandes des consorts [R] ;

Sur les demandes des consorts [R] formées à l'encontre de [I] [N] ;

Considérant qu'il résulte du sens de la présente décision et des explications des consorts [R] seront suffisamment indemnisés par le montant des chèques de [I] [N] qu'ils ont finalement encaissés ; que leur demande de dommages-intérêts de 5000€ supplémentaires sera rejetée ;

Sur la demande d'indemnité d'occupation dirigée contre [P] [E] et [I] [N] ;

Considérant que il est constant que l'occupation des locaux loués par [I] [N] est niée par les appelants ; qu'elle ne saurait donc être condamnée à payer une indemnité d'occupation ;
Considérant que par ailleurs le constat d'huissier dressé par les appelants ne permet pas de considérer, ainsi qu'il a été vu plus haut, que [P] [E] occupait de façon durable les locaux ; que plusieurs personnes se rendaient dans cet appartement, qui était même inoccupé selon les témoins voisins ; que les appelants seront déboutés de leur demandes ;

Sur la demande d'expulsion ;

Considérant que il sera fait droit à la demande ;

Considérant que [I] [N] et [P] [E], compte-tenu de la situation des parties, seront condamnés solidairement à payer aux consorts [R] la somme de 1200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

- Infirme le jugement entrepris ;
-Dit [I] [N] irrecevable à agir au nom de [P] [E] ;
-Déboute [I] [N] et [P] [E] de toutes leurs demandes ;
-Ordonne l'expulsion de corps et de biens de [P] [E] et de toutes autres personnes se trouvant dans les lieux de son chef ou à quelque titre que ce soit du local à usage d'habitation et ses annexes situé [Adresse 7] (2ème étage à droit sur l'avenue, porte de droite) appartenant à M. [W] [R] et M. [J] [R] ; dit qu'il pourra être fait appel à la Force publique et à un serrurier aux frais de [P] [E] si nécessaire ;
-Ordonne la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux, dans tel garde-meubles du choix des consorts [R], aux frais risques et périls de Monsieur [P] [E],
-Dit que les sommes versées par chèques aux consorts [R] et encaissées par eux leur resteront acquises à titre de dommages-intérêts ;
-Rejette toutes autres ou plus amples demandes ;
-Condamne [I] [N] et [P] [E] solidairement à payer aux consorts [R] la somme de 1200€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Les condamne sous la même solidarité aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G3
Numéro d'arrêt : 18/020217
Date de la décision : 18/09/2020
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2020-09-18;18.020217 ?
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