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15/09/2020 | FRANCE | N°19/09580

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 16, 15 septembre 2020, 19/09580


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 16

chambre commerciale internationale



ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2020



(n° /2020, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09580 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74XE



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Mars 2019 rendue par le président du TGI de PARIS - RG n° 19/00736





APPELANTE :



SARL SHARMEL FRANCE

Immatricul

ée au registre du commerce et des sociétés de Roman sous le numéro 397 898 651

Ayant son siège social : [Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux,



Représentée par Me Jea...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 16

chambre commerciale internationale

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2020

(n° /2020, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09580 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74XE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Mars 2019 rendue par le président du TGI de PARIS - RG n° 19/00736

APPELANTE :

SARL SHARMEL FRANCE

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Roman sous le numéro 397 898 651

Ayant son siège social : [Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240 - ayant pour avocat plaidant la Selarl COUTTON GERENTE LIBER-MAGNAN ;

INTIMEE :

MIRATO SPA

Société de droit italien

Immatriculée au registre de commerce italien sous le numéro 02202120032

Ayant son siège social : [Adresse 2] ITALIE

prise en la personne de ses représentants légaux,

Elisant domicile au cabinet de et représentée par Me Maryse CASSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1495

INTERVENANT :

Maître Me [D] [P], es qualité de mandataire judiciaire commissaire à l'exécution du plan de redressement de SHARMEL FRANCE, désigné le 15 novembre 208 par le tribunal de commerce de ROMAN SUR ISERE, intervenant volontairement

Domicilié : [Adresse 1]

Représenté par Me Martine LEBOUCQ BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R285 - ayant pour avocat plaidant Me [D] LAURENT ;

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Juillet 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. François ANCEL, Président

Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François ANCEL dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par François ANCEL, Président et par Clémentine GLEMET, Greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.

I- FAITS ET PROCÉDURE

1-La société Sharmel, société de droit français ayant pour activité la fabrication et la revente de produits cosmétiques, a conclu le 1er octobre 2010 avec la société Mirato, société de droit italien ayant une activité similaire, deux contrats en vertu desquels la société Sharmel s'est engagée à importer et distribuer en Iran les marques italiennes de produits cosmétiques INTESA et MALIZIA de la société Mirato.

2-A la suite de la résiliation par la société Mirato de ces contrats, la société Sharmel a déposé une requête auprès de la cour d'arbitrage de la chambre de commerce internationale (CCI) le 26 septembre 2016 aux fins de voir la société Mirato condamnée à l'indemniser, à hauteur de 7.941.003,22 euros, du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'inexécutions contractuelles imputées à cette dernière.

3-Par jugement du 15 mai 2017, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a prononcé le redressement judiciaire de la société Sharmel et désigné Maître [D] [P] en qualité de mandataire judiciaire.

4-Le 3 juillet 2017, l'acte de mission désignant l'arbitre a été signé par les parties et l'arbitre unique.

5-Le 5 juillet 2017, la société Mirato a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire pour un montant de 248.548,88 euros au titre de facture impayées et d'intérêts de retard. Cette créance a été contestée par le mandataire judiciaire.

6-Le 7 août 2017, la société Sharmel a déposé son mémoire en demande devant l'arbitre.

7-La société Mirato a déposé son mémoire en défense contenant une demande reconventionnelle le 29 septembre 2017.

8-Par ordonnance du 23 juillet 2018, le juge-commissaire, constatant l'existence d'une procédure d'arbitrage en cours, a renvoyé la société Mirato à faire fixer sa créance définitivement à l'issue de l'instance arbitrale en cours.

9-Par une sentence rendue à Genève (Suisse) en date du 17 septembre 2018, le tribunal arbitral a débouté la société Sharmel de sa demande d'indemnisation et l'a condamnée à payer à la société Mirato la somme de 248.548,88 €, majorée du remboursement des frais d'arbitrage pour 73.450 USD et des frais juridiques et dépens pour 116.337,80 € et2.260 CHF.

10-Le 15 novembre 2018, le tribunal de Commerce de Romans-Sur-Isere a adopté le plan de redressement de la société Sharmel par voie de continuation, désignant Maître [P] commissaire à l'exécution du plan, ce dernier ayant été maintenu à ses fonctions de mandataire judiciaire jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur le passif.

11-Par ordonnance du 18 mars 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a conféré l'exequatur à la sentence du 17 septembre 2018, dont appel a été interjeté par société Sharmel par déclaration du 2 mai 2019.

12-La sentence a fait l'objet d'une suspension de l'exécution provisoire par ordonnance du 3 octobre 2019.

III- PRETENTIONS DES PARTIES

13-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 mars 2020, la société Sharmel demande à la Cour, au visa de l'article L 622-22 du code de commerce et sur le fondement de l'ordre public international, de :

-CONSTATER que son mandataire judiciaire n'a pas été appelé à intervenir à l'arbitrage ;

-DIRE ET JUGER, par voie de conséquence, que les conditions dans lesquelles la procédure d'arbitrage a été diligentée sont contraires aux obligations exigées par les dispositions du code de commerce relatives aux procédures collectives, reconnues d'ordre public international ;

-CONSTATER que la sentence critiquée la condamne à régler à la société Mirato un certain nombre de sommes importantes, plutôt que de fixer la créance à intégrer au passif de la procédure du débiteur.

-DIRE ET JUGER, par voie de conséquence, que la nature de cette sentence est contraire aux règles édictées par les dispositions du code de commerce relatives aux procédures collectives, reconnues d'ordre public international.

-DIRE ET JUGER que la sentence rendue par la Cour Arbitrale est contraire à l'ordre public international français, et tout particulièrement aux dispositions applicables aux procédures collectives (principe d'égalité des créanciers antérieurs, suspension des poursuites individuelles le temps de la mise en cause du mandataire).

-DIRE l'appel interjeté à l'encontre de la décision d'exequatur régulier et légitime.

-DIRE et JUGER que l'ordonnance rendue le 18 mars 2019 par le président du tribunal de grande instance de Paris, conférant l'exéquatur à la sentence arbitrale rendue par la cour internationale d'arbitrage le 17 Septembre 2018, contient des dispositions contraires à la loi ou à l'ordre public.

-La CENSURER, la mettre à néant et ainsi rejeter la demande d'exequatur.

-CONDAMNER la société Mirato à verser à chacun, la société Sharmel et Maître [D] [P], la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens des instances concernées (cour d'appel et premier président de la cour d'appel).

14-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 février 2020, la société Mirato demande à la Cour, au visa des articles 1456, 1464, 145, 1520 et 1525 du code de procédure civile, de :

- IN LIMINE LITIS, DIRE ET JUGER irrecevables les demandes de la société Sharmel visant l'annulation de la sentence arbitrale ou visant la nullité de l'ordonnance d'exequatur pour violation de la loi et du code de commerce ;

- DIRE ET JUGER inapplicable l'article L. 622-22 du code de commerce, la constitution du tribunal arbitral et la demande reconventionnelle de la société Mirato étant postérieures au jugement de redressement judiciaire de la société Sharmel ;

- DIRE ET JUGER irrecevables les demandes de l'appelante en application de la règle de l'Estoppel ;

- DEBOUTER la société Sharmel France et Maître [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

EN CONSEQUENCE :

- CONFIRMER l'ordonnance d'exequatur rendue le 18 mars 2019 de la sentence arbitrale internationale rendue à Genève le 17 septembre 2018 sous les auspices de la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale ;

- CONDAMNER solidairement la société Sharmel et Maître [P], ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement par continuation de la société Sharmel, à lui verser la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER solidairement la société Sharmel et Maître [P], ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement par continuation de la société Sharmel, à l'intégralité des dépens dont distraction au profit de maître Maryse CASSAN en application de l'article 699 du code de procédure civile.

15- Aux termes de ses dernières conclusions d'intervention volontaire et récapitulatives sur le fond communiquées par voie électronique le 26 décembre 2019, Maître [D] [P] demande à la Cour, au visa des articles 554 du code de procédure civile et L. 622-22 du code de commerce, de :

- Lui donner acte de son intervention volontaire ,

- La dire recevable ;

-Sur le fond, lui donner acte, ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Sharmel maintenu en ses fonctions jusqu'à fixation définitive du passif et de Commissaire à l'exécution du plan de la société Sharmel, de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la Cour sur la recevabilité et le bien fondé de l'appel.

-Statuer sur les dépens comme en matière de procédure collective.

16-L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 mars 2020.

III ' MOYENS DES PARTIES

17-La société Sharmel expose que la procédure diligentée devant le tribunal arbitral est affectée d'un vice en raison de l'absence de mise en cause du mandataire judiciaire dans la procédure arbitrale en violation des dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce qui subordonnent la reprise de l'instance en cours à la mise en cause du mandataire judiciaire par le créancier poursuivant. Elle fait valoir que le moyen de la société Mirato selon lequel cet article ne serait pas applicable en l'espèce, aucune instance arbitrale n'étant en cours selon elle au moment de l'ouverture de la procédure collective, est irrecevable par application du principe de l'estoppel, la société Mirato ayant soutenu le contraire dans le cadre de la procédure de vérification de créances devant le juge commissaire devant lequel elle avait invoqué l'incompétence de ce juge pour statuer du fait de l'instance arbitrale en cours.

18-Elle estime qu'il appartenait à la société Mirato, au moment où elle s'estimait légitime de solliciter à son tour de l'arbitre qu'il constate l'existence d'une créance à l'encontre de la société Sharmel, de mettre en cause le mandataire judiciaire de la société Sharmel, afin de lui permettre de donner toutes les observations utiles au nom de la masse des créanciers et de rendre la décision à intervenir opposable à ces derniers.

19-La société Sharmel fait encore valoir que la sentence, en la condamnant à payer certaines sommes à la société Mirato plutôt que de fixer la créance de cette dernière à son passif, contrevient également à l'ordre public interne et international du fait de la violation des principes de l'égalité des créanciers et de la suspension des poursuites, selon lesquels à compter de l'ouverture d'une procédure collective, les poursuites individuelles dirigées contre le débiteur sont suspendues et ne peuvent être reprises que pour constater la créance et en fixer le montant.

20-En réponse à l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société Mirato, la société Sharmel, expose qu'elle ne demande pas l'annulation de la sentence arbitrale mais la censure de l'ordonnance d'exequatur au motif qu'elle comporte des dispositions contraires à la loi ou à l'ordre public. Elle précise que la suspension des poursuites individuelles en matière de faillite ainsi que le principe d'égalité des créanciers antérieurs à la procédure collective sont des principes d'ordre public interne français et international, insérés dans le code de commerce de sorte que l'instance arbitrale ne pouvait tendre qu'à la fixation de la créance non à la condamnation du débiteur, et que ces principes n'ayant pas été respectés par le tribunal arbitral, l'ordonnance d'exequatur encourt la censure.

21-Elle considère ainsi que dans la mesure où il a été démontré que la reconnaissance et l'exécution de la sentence rendue par la Cour Arbitrale est contraire à l'ordre public international français, et tout particulièrement aux dispositions applicables aux procédures collectives (principe d'égalité des créanciers antérieurs, suspension des poursuites individuelles le temps de la mise en cause du mandataire), l'ordonnance rendue le 18 mars 2019 par le Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS conférant l'exéquatur à la sentence arbitrale rendue par la Cour internationale d'Arbitrage le 17 Septembre 2018 doit être censurée.

22-En réponse, la société Mirato invoque in limine litis l'irrecevabilité de la demande de la société Sharmel visant à faire annuler la sentence arbitrale rendue à Genève le 17 septembre 2018, au motif qu'une demande d'annulation d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger est irrecevable en application des articles 1520 et 1525 du code de procédure civile. Elle ajoute que la société Sharmel ne peut demander l'annulation de l'ordonnance d'exequatur que pour des motifs d'ordre public international, en application de l'article 1520, 5° du code de procédure civile, et non au titre de la contrariété à des dispositions du code de commerce, à la loi ou à l'ordre public.

23-Elle fait valoir en outre que l'article L. 622-22 du code de commerce n'est pas applicable en l'espèce, au motif d'une part, que la constitution du tribunal arbitral et la demande reconventionnelle de la société Mirato sont postérieures au jugement prononçant le redressement judiciaire de la société Sharmel de sorte que l'instance arbitrale n'était pas en cours au jour où ces évènements sont intervenus et d'autre part, que ces dispositions ne s'appliquent que lorsque le débiteur en procédure collective est défendeur à la procédure en cours, ce qui n'était pas le cas de la société Sharmel dans la procédure d'arbitrage avant que la société Mirato ne notifie sa demande reconventionnelle.

24-Elle souligne qu'en application de l'article 1464 du code de procédure civile, les parties ne sont pas obligées d'appliquer le formalisme procédural des règles françaises et qu'en l'espèce il n'y avait aucune obligation au regard de l'acte de mission et du Swiss Private International Law Act de citer par voie d'huissier Maître [P] qui est intervenu dans la cause ' à la demande de l'arbitre et par l'intermédiaire de l'avocat de la société Sharmel (Me [K]) - pour attester à deux reprises (attestations des 12 et 26 juin 2017) que seul M. [X] (dirigeant de la société Sharmel) représenterait la société Sharmel dans la procédure arbitrale.

25-Elle ajoute que selon une jurisprudence constante la violation de l'ordre public international doit être une violation manifeste, effective et concrète des principes d'ordre public international relatifs aux procédures d'insolvabilité et que l'absence du mandataire judiciaire à la procédure d'arbitrage et la présence dans le dispositif de la sentence d'une mention ordonnant ou condamnant un débiteur en procédure collective ne constituent pas des atteintes à l'ordre public international susceptibles d'entrainer l'infirmation d'une ordonnance d'exéquatur ou l'annulation d'une sentence arbitrale.

26-Maître [P] fait valoir qu'il est fondé à intervenir volontairement à la procédure en sa double qualité de mandataire judiciaire et de Commissaire au plan de la société Sharmel en vertu de l'article 554 du code de procédure civile. Il s'en remet à justice sur le bien fondé des demandes de la société Sharmel tout en faisant valoir que l'article L. 622-22 du code de commerce a été violé du fait de l'absence de sa mise en cause dans la procédure arbitrale, dont il affirme avoir été tenu à l'écart, de même que de la procédure d'exequatur, et du fait que la sentence, bien que prononcée postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, emporte condamnation de la société Sharmel pour des faits antérieurs à l'ouverture de son redressement judiciaire.

27-La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision entreprise et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

IV ' MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'intervention volontaire de Me [P] es qualité ;

28-L'intervention volontaire de Me [P] es qualité, qui n'est pas contestée, est recevable.

Sur la fin de non recevoir soulevée par la société Mirato ;

29-Il convient de ne pas confondre conditions de recevabilité d'une action et bien fondé de celle-ci.

30-En l'espèce, il y a lieu de constater que la société Sharmel ne sollicite pas l'annulation de la sentence rendue le 17 septembre 2018 à l'étranger mais bien de mettre à néant l'ordonnance ayant conféré l'exéquatur à cette sentence au regard de l'article L. 622-22 du code de commerce mais également de « l'ordre public international » de sorte que cette demande est recevable devant la cour d'appel, sans préjudice pour celle-ci de devoir en apprécier le bien fondé.

31-La fin de non recevoir sera en conséquence rejetée.

Sur la contrariété à l'ordre public international de la sentence revêtue de l'exequatur ;

Sur l'irrecevabilité du moyen tiré de l'inapplication de l'article L. 622-22 du code de commerce :

32- La société Sharmel ne saurait considérer que la société Mirato est irrecevable à soulever un moyen tiré de l'inapplication de l'article L. 622-22 du code de commerce aux motifs que lors de l'instance devant le juge commissaire pour soutenir l'incompétence de ce juge pour statuer sur sa créance, cette dernière a soutenu, contrairement à ce qu'elle soutient devant la cour, la thèse selon laquelle précisément une instance arbitrale était en cours.

33- En effet, d'une part l'instance visée à l'article L. 62222 du code de commerce est celle en cours au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et ne vise pas toutes procédures en cours postérieurement à cette date.

34- D'autre part, il est constant que devant le juge commissaire dont l'instance s'est tenue le 16 mai 2018, la société Mirato ne pouvait faire autrement que de l'informer de l'instance arbitrale en cours, celle-ci ayant débuté le 3 juillet 2017.

35- Ce moyen sera en conséquence rejeté.

Sur le fond :

36- Les dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce n'ont pas vocation à régir la situation litigieuse dès lors que l'instance arbitrale n'était pas en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société Sharmel qui est intervenue par jugement du 15 mai 2017, l'acte de mission de l'arbitre n'ayant été accepté que le 3 juillet 2017.

37- Cependant, il convient d'observer que le principe de l'arrêt des poursuites individuelles qui est à la fois d'ordre public interne et international, interdit après l'ouverture de la procédure collective la saisine du tribunal arbitral par un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, sans qu'il se soit soumis, au préalable, à la procédure de vérification des créances et en tout état de cause, que la décision rendue puisse conduire au prononcé d'une condamnation, seule la fixation de la créance étant admise.

38- En l'espèce, il convient de constater que la procédure d'arbitrage a été initiée par la société Sharmel et que s'estimant créancière à titre reconventionnel de cette dernière, la société Mirato a déclaré sa créance le 5 juillet 2017 après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire pour un montant de 248.548,88 eau titre d'un solde de factures de livraison impayées sur des contrats de vente de 2015 et de contrats de distribution de novembre 2010 pour l'exploitation des marques INTESA et MALIZIA et des intérêts de retard, puis a déposé le 29 septembre 2017 un mémoire devant l'arbitre contenant une demande reconventionnelle.

39-Par ordonnance du 23 juillet 2018, le juge-commissaire, constatant l'existence d'une procédure d'arbitrage en cours relative à la créance alléguée échappant à sa compétence, a invité « la société Mirato à saisir le cas échéant le greffier aux fins de compléter l'état des créances en portant la mention de sa créance définitivement fixée à l'issue de l'instance en cours ».

40-Il est constant qu'aux termes de sa sentence rendue le 17 septembre 2018, le tribunal arbitral a rejeté les demandes de la société Sharmel et l'a également condamnée au paiement de diverses sommes au profit de la société Mirato.

41-Ce faisant, l'ordonnance accordant l'exequatur d'une telle sentence arbitrale qui condamne une société placée en redressement judiciaire à payer certaines sommes à l'un des créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure, au mépris du principe d'égalité des créanciers et d'arrêt des poursuites individuelles, ne peut être revêtue de l'exequatur sans méconnaître l'ordre public international.

42-Il convient en conséquence, pour ce seul motif, d'infirmer l'ordonnance d'exequatur litigieuse.

Sur les frais et dépens ;

43-Il y a lieu de condamner la société Mirato, partie perdante, aux dépens de la présente instance.

44-L'équité commande de ne pas faire application à l'encontre de la société Mirato de l'article 700 du code de procédure civile de sorte que les demandes formées au titre de cet article seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

1-Déclare recevable l'intervention volontaire de Me [P] es qualité ;

2-Infirme l'ordonnance rendue le 18 mars 2019 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris ayant conféré l'exequatur à la sentence arbitrale rendue sous l'égide de la Chambre de commerce Internationale le 17 septembre 2018 (Affaire n°22299/DA) ;

3- Rejette la demande d'exequatur ;

3-Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

4-Condamne la société Mirato aux dépens de la présente instance.

La greffière Le président

Clémentine GLEMET François ANCEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 16
Numéro d'arrêt : 19/09580
Date de la décision : 15/09/2020

Références :

Cour d'appel de Paris J4, arrêt n°19/09580 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-15;19.09580 ?
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