Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2020
(no /2020, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/05491 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7QG3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 17/14928
APPELANTE
Madame [F] [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Marc MANCIET de la SELARL MBS Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : W02
INTIME
Monsieur [V] [X]
chez ses parents sis [Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09 et par Me Gisèle COHEN AMZALLAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B0342
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier
Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition.
***
Par acte de la SCP Pascal Bussière et Eric Dubost du 24 mai 2016, Mme [F] [G] a promis de vendre à M. [V] [X] au prix de 190 000 euros un bien immobilier dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 4].
La vente a été conclue par acte de la SCP Pascal Bussière et Eric Dubost en date du 29 juillet 2016.
M. [X] a assigné Mme [G] en nullité de la vente.
Par jugement en date du 26 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la nullité de la vente du 29 juillet 2016 portant sur les lots de copropriété 25 et 33 dépendant de l'immeuble sis [Adresse 4] cadastré section [Cadastre 6], a condamné Mme [G] à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, a débouté de M. [X] de sa demande pour résistance abusive et condamné Mme [G] à verser à M. [X] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Mme [G] a interjeté appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, elle demande à la cour de :
. vu l'article 28,4o,c) du décret du 4 janvier 1955, de déclarer M. [X] irrecevable en sa demande de nullité de la vente,
. subsidiairement, vu les articles 1130, 1131 et 1137 du code civil, de dire qu'elle n'était pas informée du mauvais état général de la structure de l'immeuble, qu'elle a informé M. [X] de l'ensemble des problèmes de structure afférents à l'immeuble connus d'elle, de juger qu'elle n'a commis aucune manoeuvre dolosive et que M. [X] n'est pas fondé à pouruivre la nullité de la vente tant sur le fondement du dol que des vices cachés,
en conséquence, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
. déclarer M. [X] irrecevable en ses demandes et l'en débouter,
. le condamner à lui payer un euro de dommages et intérêts, 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par ses dernières conclusions, M. [X] demande à la cour de :
. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente,
en conséquence,
. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,
. condamner Mme [G] au remboursement intégral des frais de mutation, frais d'enregistrement et frais de notaire relatifs à l'acte de vente,
. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,
. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,
. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 793 euros au titre de la taxe foncière,
. condamner Mme [R] paiement de la somme de 356,26 euros au titre de l'assurance habitation,
et pour garantir la bonne exécution de l'arrêt à intervenir,
. contraindre Mme [G] au paiement intégral du prix de vente et des frais précités avant dessaisissement du bien,
. autoriser la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G],
à titre subsisidaire, si la cour infirmait le jugement entrepris,
. prononcer la résolution du contrat de vente au titre de l'action rédhibitoire sur le fondement des vices cachés,
. juger que les parties devront être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de la vente,
en conséquence,
. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,
. condamner Mme [G] au remboursement intégral des frais de mutation, frais d'enregistrement et frais de notaire relatifs à l'acte de vente,
. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,
. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,
. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 793 euros au titre de la taxe foncière,
. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 356,26 euros au titre de l'assurance habitation,
et pour garantir la bonne exécution de l'arrêt à intervenir,
. contraindre Mme [G] au paiement intégral du prix de vente et des frais précités avant dessaisissement du bien,
. autoriser la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G],
à titre plus subsidiaire,
. juger que Mme [G] engage sa responsabilité du faite de ses manoeuvres dolosives à son encontre,
en conséquence,
. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien litigieux ou tout autre bien dans des conditions normales,
. payer à M. [X] la somme de 570 euros par mois depuis le 11 avril 2017 au titre de la parte des revenus locatifs jusqu'à la fin des travaux et à parfaire sous toutes réserves,
. lui payer la somme de 37 680 euros au titre des travaux de structure de l'immeuble à parfaire sous toutes réserves,
. lui payer la somme de 2 459,60 euros au titre des travaux avancés effectués au 3ème
étage de l'immeuble tel que visé dans la promesse,
. dire que Mme [G] garantira l'ensemble du montant des réparations inhérentes à la reprise de la structure de l'immeuble,
en tout état de cause,
. condamner Mme [G] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'appel.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 11 juin 2020.
SUR CE
Sur l'irrecevabilité de la demande
Au terme des dispositions de l'article 28,4o,c) du décret du 4 janvier 1955 invoqué par Mme [G] au soutien de l'irrecevabilité de la demande de nullité de M. [X], sont obligatoirement publiées au service de la publicité foncière "Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort;".
Cette disposition ne s'applique pas en l'espèce dès lors que la demande de nullité de la vente est fondée sur le dol et non sur une cause de mort.
L'irrecevabilité de la demande n'est donc pas établie.
Sur la nullité de la vente
Au soutien de son appel, Mme [G] fait valoir qu'elle n'était pas informée du mauvais état général de la structure de l'immeuble, qu'elle a informé M. [X] de l'ensemble des problèmes de structure afférents à l'immeuble connus d'elle, qu'elle n'a commis aucune manoeuvre dolosive et que le tribunal s'est fondé sur un e-mail du conseil syndical dont il a dénaturé les termes dans la mesure où rien, dans cet e-mail, ne permettait de suspecter une atteinte générale à la structure de l'immeuble; elle ajoute que l'on ignore si le syndic a fait procéder à des investigations par le syndic de l'immeuble et soutient que les seuls éléments évoqués lors de l'assemblée générale du 23 mai 2016 sont relatifs à l'effondrement du plancher haut de l'appartement du 2ème étage.
M. [X] soutient que de nombreux désordres affectant l'ensemble de la copropriété et la structure même de l'immeuble n'avaient pas été portés à sa connaissance préalablement à la vente, qu'il a découvert la gravité de la situation lors de sa première convocation à l'assemblée générale du 25 octobre 2016, que notamment des travaux urgents devaient intervenir aux fins de reprise de la structure du 3ème étage et qu'il n'aurait pas contracté s'il avait eu connaissance des problèmes de structure affectant le plancher entre le 3ème et le 4ème étage qui s'est effondré le 23 mai 2013 soit la veille de la signature de la promesse de vente ; il fait valoir qu'il est amené à supporter le coût des travaux de réfection de la structure évalué à 88 510 euros, l'architecte soulignant également que la sécurité des habitants est en jeu, ce qui le prive de la possibilité de louer l'appartement.
Au terme des dispositions de l'article 1109 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
L'article 1116 du même code dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, et que le dol ne se présume pas mais doit être prouvé.
En l'espèce, un e-mail a été adressé aux copropriétaires dont Mme [G] le 19 mai 2016 par Mme [T], présidente du conseil syndical, mentionné comme "Très important" en son objet, concernant le sinistre "effondrement d'une partie du plafond de l'appartement de M. [D] suite à la dépose d'un cumulus d'eau pour remplacement datant du 23 septembre 2015, mail dans lequel elle précise qu'il est important que les travaux sur parties communes et privatives de l'immeuble concernées par ce sinistre soient réalisées dans les meilleurs délais, la structure de l'immeuble étant en jeu et les locataires des 2ème et 3ème étages ayant dû être évacués, par sécurité, de leur logement.
Mme [T] cite, dans son mail, le rapport de M. [C], ingénieur structure joint à la convocation à la prochaine assemblée générale selon lequel il pourrait s'agir de plusieurs infiltrations d'eau ainsi que d'une surcharge de plancher et que plus récemment, suite à l'étude de structure de l'immeuble votée par l'assemblée générale l'année précédente et réalisée le 10 mai, il a pu être constaté également des problèmes d'infiltration d'eau non résolus provenant de la salle de bain de l'appartement du 4ème étage côté cour, 1ère porte droite, que d'après les éléments communiqués par le propriétaire de l'appartement du 3ème étage, il y aurait déjà eu des problèmes d'infiltration d'eau avec le 4ème étage en 2011/2012, qu'il a été signalé au syndic la possibilité d'éventuels risques pour la structure de l'immeuble, Mme [T] ajoutant qu'on peut imaginer raisonnablement que la structure en bois soutenant le plancher du 4ème étage puisse être endommagée, aucune expertise n'ayant été faite.
Mme [T] informe également les copropriétaires qu'elle a appris deux jours auparavant que le plancher du 2ème étage était fortement incurvé et que les locataires du 1er étage risquaient de devoir quitter leur appartement pour raison de sécurité ; elle précise qu'une réunion a eu lieu ce jour soit le 19 mai dans l'immeuble et que finalement pourraient être concernés dans le futur les appartements des 1er, 2ème, 3ème et 4ème étages porte droite côté cour à l'aplomb les uns des autres et peut être une partie de la façade côté cour, qu'enfin tous ces éléments portent à croire que les budgets votés ne seront pas suffisants.
Si Mme [G] a certes informé M. [X] de l'effondrement du plancher haut de l'appartement du 2ème étage, information qui figure dans la promesse unilatérale de vente conclue le 24 mai 2016, elle ne l'a cependant pas informé du contenu de l'e-mail de la présidente du conseil syndical qui lui avait été envoyé cinq jours avant cette signature et alarmait les copropriétaires sur les risques pesant sur d'autres appartements notamment situés au 4ème étage, sur les risques pesant sur la structure de l'immeuble signalés au syndic et le risque d'atteinte à la structure en bois soutenant le plancher du 4ème étage ainsi que sur l'éventualité d'un budget travaux plus important que celui voté.
Par ailleurs M. [X] produit l'attestation de Mme [T] qui déclare avoir mis en oeuvre avec le syndic différentes démarches afin de prévenir les différents copropriétaires du passage de l'architecte de l'immeuble le 10 mai 2016 dans tous les appartements afin de réaliser l'étude "diagnostic de l'immeuble" votée en assemblée générale le 6 mai 2015, et qu'afin de compléter les courriers du syndic elle a apposé une affiche dans l'immeuble demandant d'être présent ou de laisser ses clés et avoir, deux jours avant la visite, frappé à chaque appartement dont celui de Mme [G] et, en raison du défaut de réponse, avoir laissé un message sur son téléphone portable pour lui demander d'être présente le 10 mai 2016 et que finalement seuls trois lots n'ont pu être visités dont celui de Mme [G].
En conséquence Mme [G] affirme à tort que l'on ignore si le syndic a fait procéder à des investigations dans l'immeuble alors que l'attestation produite établit que, du fait de sa défaillance, Mme [G] n'a pas permis l'accès à son lot pour l'établissement d'un diagnostic par l'architecte de l'immeuble et ce moins de deux semaines avant la signature de la promesse de vente.
L'absence d'information de M. [X] par Mme [G] du risque pesant sur la structure de l'immeuble et d'une augmentation prévisible du budget de travaux alors qu'en sa qualité d'architecte elle ne pouvait ignorer l'importance de cette information constitue un dol par réticence dès lors qu'il n'est pas contestable que si M. [X] avait connu l'ampleur des difficultés de cet immeuble qui ne lui a été révélée que lors de l'assemblée générale du 25 octobre 2016, notamment l'existence d'un second sinistre à savoir l'effondrement du plancher haut du 3ème étage dans un des appartements de l'immeuble le 23 mai 2016 soit la veille de la signature de la promesse de vente et deux mois avant la vente définitive, il n'aurait pas contracté, ce que ne conteste d'ailleurs pas Mme [G].
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les conséquences de la nullité de la vente
La nullité de la vente a pour conséquence de remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant cette vente et il y a lieu en conséquence à restitutions réciproques du prix de vente et du bien immobilier sis [Adresse 4].
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [X] au titre du remboursement des frais de notaire dès lors qu'il ne précise pas le montant de sa demande.
Par ailleurs il n'y a pas lieu de condamner Mme [G] à rembourser à M. [X] les frais de mutation et les frais d'enregistrement qui ont été versés à l'administration fiscale et pourront lui être restitués du fait de l'annulation de la vente.
Il convient de condamner Mme [G] à payer à M. [X] les sommes qu'il sollicite au titre des appels de provisions pour travaux et des appels de charges de copropriété générales ainsi qu'au titre de la taxe foncière et de la taxe d'habitation qui ne sont pas contestées par Mme [G], étant précisé qu'il résulte du compte-rendu de la réunion de chantier du 11 septembre 2017 que l'appartement a dû être évacué et que M. [X] n'a pu, dès lors, en avoir l'usage.
Par ailleurs si le dessaisissement du bien par M. [X] est nécessairement conditionné par le paiement intégral par Mme [G] du prix de vente, il n'y a pas lieu d'autoriser M. [X] à la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G] qui n'est pas justifié par les circonstances.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande d'allouer à M. [X] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande de Mme [G] de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance du Paris en date du 26 décembre 2018 en toutes ses dispositions,
Dit qu'en conséquence il y a lieu à restitution réciproque,
Condamne Mme [G] à payer à M. [X] les sommes suivantes :
. 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,
. 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,
. 793 euros au titre de la taxe foncière,
. 356,26 euros au titre de l'assurance habitation.
Déboute M. [X] du surplus de ses demandes,
Condamne Mme [G] à verser à M. [X] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [G] aux dépens.
Le greffier, Le président,