Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d'appel de Paris
Pôle 4 - chambre 1
Arrêt du 11 septembre 2020
(no /2020, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/03340-Portalis 35L7-V-B7D-B7JNF
Décision déférée à la cour : jugement du 11 janvier 2019 -tribunal de grande instance de Créteil - RG 17/09777
APPELANTS
Monsieur [K] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [P] [W] épouse [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentés par Me Philippe Ravayrol, avocat au barreau de Paris, toque : L0155
INTIMÉES
SCI CITE DES OLIVIERS
représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Agnès Lebatteux Simon de la SCP Zurfluh - Lebatteux - Sizaire et associés, avocat au barreau de Paris, toque : P0154 substituée à l'audience par Me Lucchi Mylena du même cabinet
SCP [M] [U]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Valérie Toutain de Hauteclocque, avocat au barreau de Paris, toque : D0848
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 2 juillet 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude Creton, président de chambre,
Mme Christine Barberot, conseillère,
Mme Monique Chaulet, conseillère,
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par, Mme Christine Barberot, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier
Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition.
***
Suivant acte authentique du 19 février 2008 reçu par Mme [X] [U], notaire associé de la SCP [R] [M] et [X] [U], M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z] (les époux [Z]), ont acquis des époux [L] une maison à usage d'habitation, sise [Adresse 1] (94), au prix de 360 000 €. Par acte authentique du 5 juin 2012, l'état de division et le règlement de copropriété de ce bien a été établi par le même notaire. Suivant acte authentique reçu le 6 juin 2012 par le même notaire, les époux [Z] ont vendu à la SCI [Adresse 7] (la société) le lot no 6 de l'état de division de l'immeuble précité, soit dans le bâtiment C, au rez-de-chaussée, un studio, au prix de 82 000 €, étant précisé dans l'acte que le bien était loué à usage d'habitation à M. [J] par un bail en meublé d'une durée d'une année à compter du 9 février 2011, renouvelé, depuis, par tacite reconduction. Par lettre du 30 juillet 2012, le service d'hygiène et de sécurité de la mairie de [Localité 9] a enjoint à la société de réaliser des travaux pour mettre le studio en conformité, notamment, en portant remède à son humidité et en lui rendant "une hauteur sous plafond supérieure à 2,20 m", précisant que le logement, situé au rez-de-chaussé sur rue, avait été aménagé dans un ancien local commercial, la façade du local et la grille de fermeture n'ayant pas été modifiées. Le 20 novembre 2013, le service de l'urbanisme, qui avait reçu de la société un déclaration préalable de travaux pour se conformer aux injonctions précitées, lui a indiqué que le bien vendu n'avait pas fait l'objet d'un changement de destination de local commercial en local d'habitation. Après avoir acquis un garage pour satisfaire aux exigences du plan local d'urbanisme (PLU), la société a déposé une demande de permis de construire qui a été accordé le 11 octobre 2016 sous réserve de travaux d'accessibilité et de consolidation par injection de coulis de béton dans la carrière en sous-sol du projet et de ses abords. Par acte du 17 novembre 2017, la société a assigné les époux [Z], ainsi que la SCP [R] [M] et [X] [U] en nullité de la vente pour erreur et en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 11 janvier 2019, le Tribunal de grande instance de Créteil a :
- déclaré la SCI [Adresse 7] recevable en ses demandes,
- prononcé la nullité de la vente du 6 juin 2012,
- condamné in solidum les époux [Z] à restituer à la SCI [Adresse 7] le prix de vente d'un montant de 82 000 €,
- ordonné à la SCI [Adresse 7] de restituer le bien aux époux [Z],
- dit que la restitution prendrait la forme d'une remise des clés et de la publication du jugement par la partie la plus diligente au service de la publicité foncière,
- condamné la SCP de notaires à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 14 951,04 € à titre de dommages-intérêts,
- condamné in solidum la SCP de notaires et les époux [Z] à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné in solidum la SCP de notaires et les époux [Z] aux dépens,
- condamné la SCP de notaires à garantir les époux [Z] des condamnations prononcées contre eux sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens.
Par dernières conclusions, les époux [Z] demandent à la Cour de :
- réformer jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente et en ce qu'il a limité la garantie de la SCP de notaires aux dépens et aux frais irrépétibles,
- statuant à nouveau, vu l'article L. 631-7 du Code de l'urbanisme,
- dire que l'acquéreur ne rapportait pas la preuve d'un vice du consentement et débouter la SCI [Adresse 7] de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement :
- condamner la SCP de notaire à les garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées contre eux,
- débouter la SCP de notaires de son appel incident,
- débouter la SCI [Adresse 7] de son appel incident,
- confirmer jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCP de notaires à les garantir au titre des dépens et des frais irrépétibles,
- y ajoutant : condamner in solidum la SCI [Adresse 7] et la SCP de notaires à leur payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions, la SCI [Adresse 7] prie la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente sur le fondement de l'article 1110 du code civil et condamné les époux [Z] à réparer le préjudice qu'elle a subi, ainsi qu'en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SCP de notaires en l'a condamnant à réparer le préjudice subi,
- à titre subsidiaire, prononcer la résolution de la vente pour défaut de délivrance et condamner les vendeurs et la SCP de notaires à réparer son préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [Z] à lui restituer le prix et la SCP de notaires à lui payer la somme de 14 951,04 € de dommages-intérêts,
- à titre subsidiaire, si la condamnation de la SCP de notaires au paiement de la somme de 13 338 € au titre des travaux engagés n'était pas confirmée, condamner la SCP de notaires à l'indemniser à ce titre à hauteur de la somme de 16 672,51 €,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le préjudice lié à la non-perception des loyers,
- condamner la SCP de notaires à lui payer la somme de 29 920 € au titre de la perte de chance correspondante,
- infirmer jugement entrepris en ce qu'il a écarté le préjudice lié à l'acquisition du garage et condamner la SCP de notaire à lui payer la somme de 17 680 € au titre de la perte de chance correspondante,
- en tout état de cause,
- débouter les époux [Z] et la SCP de notaires de toutes leurs demandes,
- confirmer les condamnations de première instance au titre des dépens et de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner in solidum les époux [Z] et la SCP de notaires à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions, la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu sa responsabilité,
- débouter les époux [Z] de leurs demandes,
- débouter la SCI [Adresse 7] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la partie qui succombera à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal, après avoir relevé que le consentement de l'acquéreur avait été vicié par une erreur, a annulé la vente du 6 juin 2012.
Il sera ajouté que, pour la société [Adresse 7], qui avait acquis un studio "comprenant : séjour, kitchenette, salle d'eau, water closet et cour privative" occupé par un locataire aux termes d'un bail d'habitation en meublé, l'usage d'habitation du bien avait un caractère déterminant de son achat, ainsi que le corrobore, d'ailleurs, le comportement de l'acquéreur postérieur au transfert de propriété qui démontre son souci de se conformer aux normes d'habitabilité imposées par l'Administration pour régulariser le bail en cours.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente du 6 juin 2012 sur le fondement de l'erreur.
Le jugement entrepris sera encore confirmé en ce qu'il a débouté la société [Adresse 7] de ses demandes de dommages-intérêts formées contre les époux [Z] qui avaient acquis le 19 février 2008 une maison à usage d'habitation comportant le studio litigieux et dont aucun élément ne prouve qu'ils avaient connaissance lors de la vente du 6 juin 2012 de ce que ce studio proviendrait, comme l'affirme le service de l'urbanisme dans sa lettre du 20 novembre 201, d'un "changement de destination d'un commerce devenu logement".
S'agissant des fautes imputées au notaire, il ressort des deux lettres adressées les 30 juillet 2012 et 20 novembre 2013 par la mairie de [Localité 9] à la société [Adresse 7] qu'au cours d'une visite des lieux par l'inspecteur de salubrité du service Hygiène-Sécurité, ce dernier a constaté que le logement, situé au rez-de-chaussée sur rue, avait été aménagé dans un ancien local commercial, sa façade et la grille de fermeture n'ayant pas été modifiées. Le service de l'urbanisme s'est fondé, quant à lui, sur des photographies fournies par la société [Adresse 7] montrant "une façade commerciale" pour conclure à un "changement de destination d'un local d'activité en habitation".
Ainsi, seuls des éléments matériels relatifs à l'aspect de la façade du local litigieux ont conduit l'Administration à présumer un changement de destination du bien. Or, ni la société [Adresse 7] ni les époux [Z] n'établissent que Mme [X] [U], à laquelle il ne peut être fait grief de ne pas s'être déplacée sur les lieux pour les examiner aux fins de rédaction du règlement de copropriété et de l'acte de vente, disposait d'indices lui permettant de présumer que le studio litigieux aurait été aménagé dans un local commercial.
En l'absence de faute, la responsabilité du notaire ne peut être engagée.
Par suite, la société [Adresse 7] et les époux [Z] doivent être déboutés de leurs demande contre la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U], le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation contre cette dernière.
Les époux [Z], dont la responsabilité n'est pas engagée, doivent rembourser à la société [Adresse 7] les dépenses nécessaires et utiles qu'elle a faites pour le bien.
La société [Adresse 7], qui poursuit avec succès l'annulation de la vente, ne peut invoquer un préjudice né de l'absence de perception par elle des fruits civils qu'aurait pu produire le bien acquis.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'indemnisation de la perte de loyers.
Le droit de propriété de l'acquéreur sur un garage n'est pas affecté par l'annulation de la vente du studio. Cette acquisition, qui accroît le patrimoine de l'acquéreur, n'est donc pas une dépense utile et ne peut donner lieu à remboursement.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société [Adresse 7] de sa demande d'indemnisation liée à l'acquisition du garage.
C'est à bon droit que le Tribunal, après avoir examiné les justifications produites, a retenu que les travaux utiles réalisés par la SCI [Adresse 7] sur le bien s'élevaient à la somme globale de 16 672,51 €. Il convient donc, en vertu du principe précité, de condamner in solidum les époux [Z] à rembourser cette somme à l'acquéreur.
Les époux [Z] seront condamnés aux dépens. Par suite les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ne pourront prospérer qu'à l'encontre de ceux-ci.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande de la SCP de notaires formée contre les époux [Z].
L'équité commande qu'il soit fait droit aux demandes de la SCI [Adresse 7] en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre des époux [Z] comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a :
- condamné la SCP [R] [M] et [X] [U] à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 14 951,04 € à titre de dommages-intérêts,
- condamné in solidum la SCP [R] [M] et [X] [U], ainsi que M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné in solidum la SCP [R] [M] et [X] [U], ainsi que M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], aux dépens,
- condamné la SCP [R] [M] et [X] [U] à garantir M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], des condamnations prononcées contre eux sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Statuant à nouveau :
Déboute la SCI [Adresse 7] et M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], de leurs demandes contre la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U] ;
Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à rembourser à la SCI [Adresse 7] la somme de 16 672,51 € ;
Rejette toute autre demande ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 6 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
Le greffier Le président