Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d'appel de Paris
Pôle 4 - chambre 1
Arrêt du 11 septembre 2020
(no /2020, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/24210-Portalis 35L7-V-B7C-B6XPN
Décision déférée à la cour : jugement du 17 septembre 2018 -tribunal de grande instance d'EVRY - RG no 13/07569
APPELANTS
Monsieur [A] [B]
[Adresse 4]
[Localité 24]
Madame [H] [C] épouse [B]
[Adresse 4]
[Localité 24]
Représentés par Me Chantal MEININGER BOTHOREL de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J149 et par Me Thomas COLLOMBIER de la SELARL AD LITEM JURIS, avocat au barreau de l'ESSONNE
INTIMES
Monsieur [W] [L]
[Adresse 5]
[Localité 24]
Madame [U] [DE] épouse [L]
[Adresse 5]
[Localité 24]
Représentés par Me Pierre-Yves SOULIE de la SELARL EGIDE AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE
Commune [Localité 24]
prise en la personne de son maire en exercice
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 24]
Représentée par Me François LE BAUT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
et par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 25 juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Monique Chaulet, conseiller
Mme Agnès Bisch, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Claude Creton, président dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier : lors des débats : M. Grégoire Grospellier
Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.
***
M. et Mme [B] sont propriétaires d'une parcelle située à [Adresse 4], cadastrée section AC no [Cadastre 10], pour l'avoir acquise par acte du 1er octobre 1971.
Cette parcelle est contigüe, à l'est, de la parcelle no [Cadastre 1] appartenant à M. et Mme [L].
Au sud, ces deux parcelles sont longées par le ruisseau [Localité 15].
Cet acte stipule que la parcelle no [Cadastre 10] bénéficie d'une servitude de passage sur les terrains se trouvant à l'est pour rejoindre le chemin rural et est grevé d'une servitude de passage au profit des terrains situés à l'ouest appartenant à M. [J] et M. [E].
Un procès-verbal de bornage amiable a été réalisé avec M. [L], propriétaires des parcelles cadastrées section AC no [Cadastre 2] et [Cadastre 3].
Faisant valoir qu'ils sont propriétaires du chemin, situé au sud de la parcelle de M. et Mme [L], qui longe le ruisseau [Localité 15] et débouche sur le [Adresse 14], le cas échéant pour l'avoir acquis par une possession trentenaire, et que M. et Mme [L] ont réalisé des travaux sur ce chemin, M. et Mme [B], contestant que le procès-verbal de bornage, qui n'a pas été publié au service de la publicité foncière, constitue un accord sur les limites de propriété, ont assigné M. et Mme [L] et la commune de [Localité 24]. Dans leurs dernières conclusions, ils ont demandé au tribunal, de condamner M. et Mme [L] à leur restituer cette bande de terrain, à déposer les clôtures faisant obstacle au droit de passage dont bénéficient les fonds situés à l'ouest de leur parcelle, à remettre en état les lieux et à leur payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Subsidiairement, ils ont demandé au tribunal de constater qu'ils bénéficient d'une servitude légale de passage en raison de l'état d'enclave de leur fonds, cette servitude grevant le fonds de M. [L] afin de leur permettre de rejoindre le [Adresse 13].
A titre plus subsidiaire, ils ont sollicité la désignation d'un géomètre-expert avec mission de vérifier les titres de propriété et de déterminer l'assiette du terrain dont ils sont propriétaires.
Ils ont en outre demandé au tribunal de déclarer le jugement commun à la commune de [Localité 24].
Par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal de grande instance d'Evry a :
- déclaré M. et Mme [B] mal fondés en leurs demandes ;
- débouté M. et Mme [L] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à la mise hors de cause de la commune de [Localité 24] ;
- condamné in solidum M. et Mme [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros et à la commune de [Localité 24] la somme de 1 800 euros.
Pour exclure l'acquisition par usucapion de la bande de terrain litigieuse, le tribunal a retenu que M. et Mme [B] ne justifient d'aucun acte de possession sur ce terrain qui a été clos en 1975 et alors qu'ils n'établissent avoir entretenu cette bande de terrain qu'une seule fois en 2011.
Et pour écarter l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds de M. et Mme [B], le tribunal a retenu que leur terrain n'était pas enclavé puisqu'ils disposent d'un accès à la voie publique au Nord et utilisent cet accès depuis qu'ils ont acquis leur terrain.
M. et Mme [B] ont interjeté appel de ce jugement dont ils sollicitent l'infirmation. Ils demandent à la cour de constater qu'ils sont propriétaires de la bande de terrain litigieuse, de condamner M. et Mme [L] à la leur restituer, à déposer la clôture faisant obstacle au droit de passage dont bénéficient les fonds situés à l'ouest de leur parcelle, à remettre les lieux en leur état initial et à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de leur action en revendication de la propriété de la bande de terrain litigieuse, M. et Mme [B] font d'abord valoir que le procès-verbal de bornage ne vaut pas accord des parties sur la propriété de la parcelle litigieuse mais seulement sur l'implantation des bornes.
Ils ajoutent que le document d'arpentage du 24 mars 1969 figurant les trois parcelles nées du partage de la propriété [S], de laquelle est issue leur parcelle, a été publié à la conservation des hypothèques et qu'il résulte de ce document que la bande de terrain litigieuse est rattachée à cette parcelle qu'ils ont ensuite acquise de M. [S].
Ils ajoutent que la preuve de leur droit de propriété sur la bande de terrain résulte d'abord du titre en vertu duquel ils ont acquis leur parcelle de M. [G] [S] qui indique que cette parcelle comprend le passage d'environ 4 mètres le long du ruisseau [Localité 15] jusqu'au chemin rural no 24, devenu CR 25 puisque la parcelle acquise est désignée comme suit :
"37 ares 95 centiares d'après le cadastre de terre sis commune de [Localité 24], lieudit [Adresse 11].
Tenant : d'un bout le [Adresse 13]
D'autre bout un ruisseau
D'un côté [S]
D'un autre côté : [L]",
Ils font ensuite valoir que le cadastre intègre également ce chemin dans la parcelle cadastrée AC [Cadastre 10] et produisent plusieurs attestations de témoins indiquant utiliser le chemin pour accéder à la propriété de M. et Mme [B] ou au contraire pour accéder au chemin rural.
Sur l'acquisition de la propriété du chemin litigieux par prescription, M. et Mme [B] font état d'une possession trentenaire paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse ou leur action en revendication sur ce chemin ne serait pas accueillie, ils font valoir que leur terrain serait alors enclavé et revendiquent une servitude légale de passage sur le fonds de M. et Mme [L] afin d'accéder à la voie publique.
M. et Mme [L], formant un appel incident, demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il rejette leur demande en paiement de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices moral et matériel. Ils réclament en conséquence la condamnation de M. et Mme [B] à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral et la somme de 14 828,60 euros en réparation de leur préjudice matériel, ainsi qu'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour conclure à un droit de propriété sur la bande de terrain litigieuse, ils se fondent d'abord sur le titre de propriété de leur auteur, M. [D] qui a acquis la parcelle cadastrée section B [Cadastre 6] des consorts [S] et sur l'acte par lequel ils ont acquis cette parcelle de M. [D] qui désignent l'un et l'autre comme suit le bien vendu :
Tenant :
Par devant le [Adresse 12] à [Localité 22] (actuellement [Adresse 13] au nord de la parcelle) ;
Par derrière [Localité 15] (au sud de la parcelle) ;
D'un côté [I] [K]
Autre côté [XC] [K] ;
Ils ajoutent que leur titre ne fait état d'aucune servitude de passage
SUR CE,
Attendu que la preuve de la propriété peut se faire par tout moyen tels que les titres de propriété, la possession ainsi que tous les indices rendant vraisemblable la propriété ; qu'en tant qu'ils constituent un fait, les titres peuvent être opposés à un tiers qui n'a pas été partie à l'acte, la question de la preuve de la propriété ne relevant pas des règles d'opposabilité des actes aux tiers ;
Attendu que titre de propriété de M. et MM. [L] (acte de vente par les époux [D] du 25 septembre 1969) porte sur la parcelle anciennement cadastrée section B no [Cadastre 6] désignée comme suit :
"Tenant :
- Pardevant le [Adresse 12] à [Localité 22]
- Parderrière [Localité 15]
- d'un côté [I] [K]
- d'autre côté [K] [XC]" ;
qu'il peut se déduire de ce titre que la parcelle, dans sa partie sud, s'étend jusqu'au ruisseau [Localité 15], ce qui serait de nature à établir la propriété de M. et Mme [L] sur la bande de terrain litigieuse ;
Attendu que le titre de propriété de M. et Mme [B] (acte de vente par M. [S] du 1er octobre 1971) porte sur la parcelle cadastrée section B no [Cadastre 9] d'une contenance de 37 a 95 ca désignée comme suit :
"Tenant : d'un bout le [Adresse 13]
d'autre bout un ruisseau
d'un côté cts [S]
d'autre côté [L]" ;
Attendu qu'en indiquant que la parcelle s'étend jusqu'au ruisseau, cette disposition ne permet pas d'exclure la propriété de M. et Mme [B] sur la bande de terrain litigieuse ; qu'en outre, l'indication de l'origine de propriété de la parcelle précise :
"EN LA PERSONNE DE MONSIEUR [S]
Ledit immeuble appartient en propre à Monsieur [S], vendeur, comme faisant partie du lot qui lui a été attribué, aux termes d'un acte reçu par Me [F], notaire à [Localité 16], prédécesseur immédiat du notaire soussigné le onze septembre mil neuf cent quarante cinq contenant :
1) DONATION à titre de partage anticipé conformément aux articles 1075 et 1076 du code civil, par Mme [Y] [V] [O] [HS], sans profession, demeurant à [Adresse 19], veuve en premières noces non remariée de Monsieur [T] [M] [S] à :
1)...
2)...
3) et Monsieur [S] vendeur aux présentes.
DE LA NUE PROPRIETE pour y réunir l'usufruit au décès de la donatrice
de tous les biens immeubles lui appartenant en propre
de la moitié lui appartenant dans les biens immeubles dépendant de la communauté de biens réduite aux acquêts aux terme de son contrat de mariage reçu par Me [X], notaire à [Localité 16] le deux mars mil huit cent quatre vingt dix neuf.
2) et PARTAGE entre les donataires des biens à eux donnés.
(...)
Ladite donation partage est devenue définitive attendu le décès de Mme Vve [S] arrivé à [Localité 16], en son domicile, le trente octobre mil neuf cent soixante quatre ainsi que le constate une attestation de propriété dressé après ledit décès par Me [N], Notaire soussigné le quatorze octobre mil neuf cent soixante six, publié au bureau des hypothèques de [Localité 21] le six janvier mil neuf cent soixante sept, volume 5227 numéro 4.
DU CHEF DE Mme [S]
Ledit immeuble appartenait en propre à Mme [E], Mme [J] et Mr [S], donataires sus nommés, sauf les droits d'usufruit de Mme Vve [S] leur mère, donatrice sus nommée, pour les avoir recueillis dans la succession de Monsieur [M] [S], leur père, en son vivant cultivateur, demeurant à [Adresse 18] où il est décédé le vingt six mars mil neuf cent quarante, époux de Mme [Y], [V] [O] [HS], donatrice, et duquel ils étaient héritiers conjointement pour le tout ou divisément chacun pour un tiers, ains que le constate un acte de notoriété dressé par Me [F] notaire sus nommé le dix huit mars mil neuf cent quarante deux.
En la personne de Mr [K] [M] [S]
Ledit immeuble appartenait en propre à Mr [K] [M] [S], comme ayant composé avec d'autres le lot qui lui est échu par voie de tirage au sort, aux termes d'un acte reçu par Me [X] notaire à [Localité 16] le vingt sept décembre mil neuf cent neuf, contenant entre :
1) Monsieur [I] [TM] [S] ancien marchant grainetier, et Mr [K] [M] [S],
le partage entre les successions confondues de Monsieur [M] [TM] [S], et Mme [R] [P] [J], son épouse, demeurant ensemble à [Adresse 17], où ils sont tous deux décédés...".
Attendu que l'acte de donation partage du 11 septembre 1945, décrit comme suit la parcelle cadastrée section B no [Cadastre 7], d'une contenance de 1 ha 13 a 83 ca, lieudit [Localité 15] ou le [Adresse 11] : "tenant du nord le chemin rural [Adresse 20] à [Localité 23], du midi le ruisseau dit [Localité 15] et le chemin no 24, de l'est [I] [S], et de l'Ouest [Z] observation faite que dans cette contenance se trouve compris un passage de six mètres de largeur (moitié du ruisseau compris) pour permettre à Monsieur [I] [S], propriétaire voisin d'accéder au chemin rural no 24 (souligné par la cour)" ; que cette description est de nature à établir la propriété de l'auteur de M. et Mme [B] sur la bande de terrain longeant le ruisseau jusqu'au chemin rural no 24 ;
Attendu qu'il convient d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter aux parties à produire dans leur intégralité :
- l'acte de vente du 25 septembre 1969 au profit de M. et Mme [L] (l'acte produit n'étant pas intégral) et les actes qu'il vise dans la partie relative aux origines du bien ;
- les actes visés par l'acte de vente au profit de M. et Mme [B] du 1er octobre 1971
dans la partie relative aux origines du bien, outre l'acte de donation partage du 11 septembre 1945 déjà produit, l'acte de partage du 27 décembre 1909 au profit de [I] [TM] [S] et de [K] [M] [S] des successions de [M] [TM] [S] et de son épouse [R] [P] [J], acte en vertu duquel la parcelle acquise par M. et Mme [B] avait été attribuée à [K] [M] [S] ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement
Ordonne la réouverture des débats et révoque l'ordonnance de clôture ;
Invite les parties à produire, dans leur intégralité, les actes suivants :
- l'acte de vente du 25 septembre 1969 au profit de M. et Mme [L] (l'acte produit n'étant pas intégral) et l'ensemble des actes qu'il vise dans la partie relative aux origines du bien ;
- les actes visés par l'acte de vente au profit de M. et Mme [B] du 1er octobre 1971
dans la partie relative aux origines du bien, outre l'acte de donation partage du 11 septembre 1945 déjà produit, l'acte de partage du 27 décembre 1909 au profit de [I] [TM] [S] et de [K] [M] [S] des successions de [M] [TM] [S] et de son épouse [R] [P] [J], acte en vertu duquel la parcelle acquise par M. et Mme [B] avait été attribuée à [K] [M] [S] ;
Renvoie à l'audience du jeudi 4 mars 2021 pour clôture (en cabinet) et au 18 mars 2021 à 14 heures en salle Portalis, escalier Z, 2 ème étage plaidoirie ;
Réserve les droits des parties ainsi que les dépens.
Le greffier Le président