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24/06/2020 | FRANCE | N°18/10389

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 24 juin 2020, 18/10389


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8





ARRÊT DU 24 JUIN 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10389 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LUV



Décision déférée à la Cour : jugement du 12 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 13/15810, infirmé par un arrêt de la Cour d'appel de PARIS en date du 18 mai 2016, cassé et annulé partiellement par un arrêt de la

chambre sociale de la Cour de cassation en date du 16 mai 2018, rabattu partiellement par l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 24 JUIN 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10389 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LUV

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 13/15810, infirmé par un arrêt de la Cour d'appel de PARIS en date du 18 mai 2016, cassé et annulé partiellement par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 16 mai 2018, rabattu partiellement par l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 26 septembre 2018.

DEMANDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

M. [H] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 4]

Comparant en personne, assisté de Me Nicolas PEYRÉ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188

DÉFENDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Société MC KINSEY & COMPANY, Inc France,

société de droit étranger

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 344 738 976

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Raphaël BORDIER, avocat au barreau des Hauts de Seine (NAN 707)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale MARTIN, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Pascale MARTIN, Présidente

Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente de chambre

Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Greffier : Catherine CHARLES, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Pascale MARTIN, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société de droit étranger MC Kinsey & Company est un cabinet de conseil en direction générale, dans le cadre d'un fonctionnement international, qui a pour objet d'aider des organisations privées ou publiques à améliorer leurs performances et compétitivité.

M. [H] [J] a été engagé par la société MC Kinsey & Company Inc. France selon contrat de travail à durée indéterminée du 24 juillet 1998 en qualité de consultant, position cadre.

Après avoir été nommé en 2001 chef de projet puis en 2003 directeur de projet, il exerçait à compter du 1er janvier 2006, les fonctions de directeur associé et selon avenant du 17 juillet 2012, relevait de la catégorie des cadres dirigeants .

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseil (dite Syntec) .

Du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, M. [J] a été autorisé à prendre une année sabbatique.

Le 30 octobre 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que de diverses demandes de rémunération.

Le 25 novembre 2013, M. [J] a été licencié pour insuffisance de performances.

Par jugement du 12 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes.

Sur appel interjeté par le salarié, la cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 18 mai 2016, infirmé le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau et y ajoutant, a notamment prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamné l'employeur à verser au salarié les sommes de :

- 46 086,91 euros à titre de rappel de rémunération structurelle 2013 outre congés payés afférents ;

- 92 109,34 euros à titre de rappel de rémunération structurelle 2014 outre congés payés afférents ;

- 316 119,33 euros à titre de rappel de rémunération additionnelle 2013 outre congés payés afférents ;

- 44 274,41 euros à titre de rappel de rémunération additionnelle 2014, outre congés payés afférents ;

- 156 079,34 euros euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

toutes ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2013,

- 500 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt .

Dans son arrêt du 26 septembre 2018 rectifiant partiellement celui rendu le 16 mai 2018, la Cour de cassation a statué ainsi :$gt;

En suite de la saisine de la cour par M. [J], les parties ont été convoquées à l'audience du 16 janvier 2020.

Selon conclusions reprises oralement, M. [J] demande à la cour d'infirmer le jugement du 12 janvier 2015 et de :

Dire et juger le salarié bien fondé à solliciter le paiement de rappels au titre de sa rémunération structurelle 2013, de sa rémunération structurelle 2014, de sa rémunération additionnelle 2014 et de son indemnité conventionnelle de licenciement.

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au tort de l'employeur et lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire, dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse .

Condamner la société de droit étranger MC Kinsey & Company Inc. France au paiement des sommes suivantes assorties de l'intérêt au taux légal :

- un rappel de rémunération structurelle 2013 : 46 086,91 euros,

- un rappel de congés payés y afférent : 4 608,69 euros,

- un rappel de rémunération structurelle 2014 : 122 833,95 euros,

- un rappel de congés payés y afférent : 12 283,39 euros,

- à titre subsidiaire, un rappel de rémunération structurelle 2014 : 96 244,67 euros,

- à titre subsidiaire, un rappel de congés payés afférents : 9 624,47 euros,

- un rappel de rémunération additionnelle 2014 : 48 416,67 euros,

- un rappel de congés payés y afférent : 4 641,67 euros,

- un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement : 177 309,53 euros,

- à titre subsidiaire, un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement : 165 781,42 euros,

- une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 282 098,68 euros

- à titre subsidiaire, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 726 071,12 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 7668 828 €

Il sollicite la remise de bulletins de salaire et d'une attestation Pôle Emploi conformes à la décision et de condamner la société au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société MC Kinsey & Company Inc. France aux termes de ses écritures et lors des débats, demande la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré et le débouté de M. [J].

En tout état de cause, elle demande de débouter ce dernier de ses demandes de rappels des congés payés afférents au rappel de rémunération structurelle 2013, aux rappels de rémunération structurelle et de rémunération additionnelle 2014.

Elle réclame la condamnation de M. [J] à rembourser le montant du rappel de congés payés auquel elle a été condamnée à tort par la cour d'appel de Paris au titre de l'« additional award » 2013, soit un montant de 31 611,93 euros brut.

Elle demande également à la cour de débouter M. [J] de sa demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Elle sollicite la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur les éléments de rémunération

Il résulte des pièces déposées aux débats que la rémunération de M. [J] devenu 'partner' (partenaire) se composait d'une part, d'une rémunération structurelle prévue au contrat de travail constituée d'un salaire de base et d'un bonus de performance et d'autre part, d'une rémunération dite additionnelle .

1- sur la rémunération structurelle

Le contrat de travail signé entre les parties à effet du 1er septembre 1998 à l'article 5 intitulé Rémunération prévoyait le salaire de base, et à l'article 5.2 : « En fonction de votre performance, vous recevrez également un 'bonus de performance' à la fin de chaque année fiscale. Le montant maximum de cette gratification pour la première année pourra atteindre la somme de 50 000 francs bruts ».

Les parties s'opposent sur la nature juridique du 'bonus de performance', son montant pour l'année 2013 et sur son exigibilité prorata temporis au titre de l'année 2014.

a) sur sa nature juridique

Le salarié considère que le complément de salaire tel que libellé sur le bulletin de salaire était obligatoire en son principe, ne saurait être qualifié de gratification bénévole et que la seule question à trancher est celle de son montant.

Il soutient que la modification du contrat de travail intervenue en 2012 lorsqu'il a acquis la qualité de 'partenaire' a eu pour effet de donner un caractère forfaitaire à sa rémunération en faisant masse de ses composantes antérieures, la rendant intangible.

Subsidiairement, il invoque le fait qu'il a bénéficié pour les années 2010, 2011 et 2012 d'une rémunération structurelle identique, de sorte que les conditions de constance et de fixité lui confèrent un caractère obligatoire comme étant un usage .

Très subsidiairement, il indique qu'à supposer le bonus déterminé discrétionnairement par l'employeur dans son montant en fonction de la performance annuelle individuelle du salarié, l'évaluation des performances des partenaires ne repose sur aucun élément objectif et qu'en tout état de cause, la société ne fait pas la preuve d'une performance dégradée pour l'année 2013.

La société soutient que le bonus de performance est purement discrétionnaire, laissé à l'appréciation de l'employeur et exclusivement versé en fonction de l'évaluation de la performance du salarié.

Elle conteste en conséquence son caractère intangible, l'existence d'un usage et estime ne pas avoir à justifier de l'évolution de la performance dans le cadre de la détermination de son montant, qu'elle qualifie en tout état de cause de dégradée pour l'année 2013, rappelant respecter le principe d'égalité de traitement.

C'est à tort que M. [J] invoque une modification de sa rémunération structurelle qui serait intervenue en 2012, l'avenant venant uniquement préciser la qualité de cadre dirigeant de M. [J], les autres dispositions demeurant inchangées, la phrase 'la rémunération annuelle brute couvre donc forfaitairement l'ensemble des activités que M. [J] déploie pour le compte de la société en sa qualité de cadre dirigeant, indépendamment de toute référence horaire ou journalière' visant à déconnecter complètement la durée du temps de travail de la rémunération, décrite à l'avenant comme 'se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunérations pratiqués dans la société' notamment par l'apport d'une rémunération additionnelle.

Il ne ressort pas de la lecture des bulletins de salaire que la rémunération de M. [J] a été constante et identique sur les années 2010, 2011 et 2012, comme le prétend le salarié puisque :

- pour l'année 2010, il a perçu un complément de salaire payé en juin à hauteur de 133 417 € et en décembre 2010, à hauteur de 107 365 €, soit un total de 240 782 € étant précisé que le salarié a été en congés sans solde à compter du mois de juillet,

- pour l'année 2011, le salarié a perçu en juin une somme de 1 714 euros et en septembre, celle de 1 713 euros, outre un rappel pour juillet- août de 3 000 euros, soit un total de 6 427 euros, étant précisé qu'il a repris son poste à compter de juillet,

- pour l'année 2012, le complément de salaire au titre du bonus de performance a été versé en juin à hauteur de 76 060 euros et en septembre pour 95 280 euros soit un total de 171 340 euros.

En conséquence, le salarié ne fait pas la preuve des caractères fixes et constants du bonus de performance, les années précédentes.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il importe peu que le 'bonus de performance' a été libellé sous forme de 'complément de salaire' sur les bulletins de salaire, sa qualification de gratification aux termes du contrat de travail comme sa nature en faisant un élément de rémunération pouvant varier, notamment en fonction des performances individuelles du salarié et comme tel laissé à l'appréciation de l'employeur.

b) sur le montant du bonus 2013

Au soutien d'une demande de rappel au titre du bonus de performance 2013, M. [J] prétend que le compte rendu d'évaluation de juin 2013 mentionne des performances équivalentes à celles de l'année précédente; il précise qu'en tout état de cause, si le processus suivi pour l'évaluation est clairement défini, l'évaluation laisse une large place à l'arbitraire faute de mesures quantitatives et objectives satisfaisantes.

La société fait valoir que la méthode d'évaluation des 'partners' est collégiale et documentée, aboutissant à un résultat qui peut être 'distinctive' pour la meilleure et 'Issues' et 'CTL' pour les plus mauvaises, et précise qu'en l'espèce, la performance de M. [J] a été qualifiée de médiocre en 2012 constituant une alerte dont le salarié n'a pas tenu compte, l'appréciation en 2013 étant 'CTL'.

Le salarié a perçu en juin 2013 la somme de 15 734 euros et en novembre 2013, alors qu'il avait saisi le conseil de prud'hommes, une somme supplémentaire de 125 912 euros, soit un total de 141 646 euros .

Il résulte de la pièce n°20 produite par la société que si l'historique des évaluations permet de constater une performance satisfaisante pour les années 2007 à 2010, une absence d'évaluation pour l'année 2011, l'appréciation obtenue en 2012 a été 'I' c'est à dire en difficulté, et l'appréciation finale en 2013 est 'CTL' c'est à dire 'counselled to leave', les progrès étant qualifiés d'insuffisants comparativement aux attentes, la communication au salarié de ces évaluations étant accompagnées tant le 14 juin 2012 que le 19 juillet 2013 d'un memo explicatif du directeur général (pièce n°30 produite par le salarié).

Le seul fait que la société a diminué le complément de salaire de M. [J] pour l'année 2013 par rapport à l'année précédente ne peut s'analyser en une différence de traitement, aucun élément de comparaison n'étant apporté par le salarié quant à l'obtention d'un bonus supérieur par un autre salarié, placé dans les mêmes conditions que lui.

En outre, l'employeur démontre bien que la performance s'était dégradée, aucun élément ne permettant de remettre en cause le système d'évaluation préexistant au sein de la Firme, et dès lors c'est à la fois en raison d'éléments sérieux, portés à la connaissance de M. [J] et en vertu de son pouvoir discrétionnaire que la société a pu diminuer le bonus payé à M. [J] pour l'année d'évaluation 2013.

En conséquence, il convient de rejeter la demande de rappel de rémunération structurelle 2013 faite à hauteur de 46 086,91 euros et de rappel de congés payés y afférents pour 4 608,69 euros.

c) sur l'exigibilité du bonus au titre de l'année 2014

Le salarié réclame les 8/12èmes des sommes fixées soit pour l'année d'évaluation 2012, soit pour l'année 2013, indiquant que la rémunération structurelle s'analyse comme une rémunération forfaitaire.

Subsidiairement, pour justifier le prorata temporis, il invoque la grille de rémunération comme prévoyant cette possibilité et le fait que la société a procédé ainsi pour la période où il était en congé sabbatique.

La société s'oppose à cette demande, en indiquant que M. [J] ne peut se référer à un usage et que s'agissant d'un bonus discrétionnaire, la société avait toute liberté de lui verser ou non ce bonus au titre de l'année 2014, considérant en tout état de cause que son droit ne pouvait naître qu'à la fin de la période d'évaluation.

Il a déjà été dit que le bonus de performance avait un caractère discrétionnaire et non forfaitaire.

Le salarié ne peut invoquer utilement la note de 2010, celle-ci prévoyant 'votre rémunération a été proratisée pour refléter votre date d'élection/embauche ou vos éventuels programmes de temps partiel/congé sans solde' mais non le cas du salarié quittant l'entreprise.

En conséquence, eu égard au dernier compte-rendu d'évaluation datant de juin 2013 et la relation contractuelle s'étant terminée à la fin du préavis soit le 25 février 2014, soit avant le mois de juin 2014, date de nouvelle évaluation, la société était en droit de ne pas lui accorder de bonus de performance au titre de la période allant du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014.

Dès lors, il convient de rejeter les demandes de rappel de rémunération structurelle 2014 et de rappel de congés payés y afférents, faites tant à titre principal que subsidiaire.

2- sur la rémunération additionnelle 2013

Le salarié indique que son versement, réservé aux salariés ayant la qualité de partenaire, dont le pourcentage est déterminé au niveau mondial, est égal pour les salariés relevant de cette catégorie, quel que soit leur bureau de rattachement.

Il estime qu'elle n'est sujette à aucune variation et que notamment ni la performance individuelle ni la performance du bureau auquel appartient le salarié ne la conditionne, considérant que les pièces adverses ne lui sont pas opposables.

Subsidiairement, il invoque le caractère obligatoire de cette rémunération résultant des conditions de constance, de fixité du montant et de généralité.

En tout état de cause, il précise que son exclusion du bénéfice de cet usage serait constitutive d'une violation contractuelle, d'une sanction prohibée, et aurait dû atteindre un nombre important de partenaires du bureau de [Localité 5], ce qui n'a pas été le cas.

La société indique qu'il s'agit d'un engagement unilatéral de l'employeur dont les modalités de calcul et les règles d'attribution sont déterminées au niveau mondial.

Elle estime que si la Cour de cassation a considéré que ce point relevait de l'appréciation souveraine des juges du fond, il appartient à M. [J] de démontrer l'existence d'un usage et de ses conditions d'application.

Elle soutient que son versement est subordonné à une condition individuelle de performance, invoquant en ce sens l'attestation de M.M., une vidéo de l'intranet de la Firme ainsi qu'une note d'information.

Il résulte tant du dispositif que des motifs de l'arrêt de cassation ayant rejeté les 2ème et 3ème moyens du pourvoi de la société que la condamnation prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris à hauteur de 316 119,33 euros à titre de rappel de rémunération additionnelle 2013 outre congés payés afférents n'a pas été remise en cause, comme l'observe à juste titre M. [J] page 12 de ses conclusions, de sorte que les moyens exposés par la société sont irrecevables comme sa demande en remboursement de l'indemnité de congés afférents à ce rappel.

3- sur la rémunération additionnelle 2014

Le salarié prétend à une proratisation à hauteur de 2/12èmes, invoquant le caractère forfaitaire de la rémunération et subsidiairement, l'existence d'un usage.

Il est définitivement acquis que cette rémunération était liée à la qualité de directeur associé que le salarié a conservé jusqu'à fin de son préavis soit le 27 février 2014 .

Le salarié indique page 11 de ses conclusions qu'elle est calculée comme un pourcentage de la rémunération théorique de l'année n, ledit pourcentage étant déterminé au début du mois de décembre en fonction des performances financières globales de la Firme et versée pour moitié au mois de décembre de l'année n+1 et pour moitié au mois de février de l'année n+1.

Or, il résulte d'une note éditée le 13 novembre 2014 (pièce n°5 de la société) que la rémunération complémentaire (dite AA) 'est fondée sur les résultats du Cabinet au cours de la période de 12 mois se terminant au mois de novembre' et 'vise à récompenser sous forme d'une partie de la SA, les Partners qui ont aidé à dégager les bénéfices du Cabinet', ajoutant elle est 'allouée de façon discrétionnaire à la fin de chaque année à la seule discrétion du Cabinet', faisant référence à un * ainsi libellé : 'L'octroi de l'AA nécessite que votre travail a été évalué « satisfaisant » (Veuillez noter que les montant précédemment perçus au titre de la SA ou de l'AA ne constituent en aucun cas une indication ou une garantie des montants qui seraient perçus au titre de toute année future)'.

Alors que la société ne pouvait se prévaloir de cette note pour l'année 2013, elle est en droit de l'opposer à M. [J] au titre de l'année 2014 dont le travail n'avait pas été déclaré satisfaisant lors de la dernière évaluation.

Par ailleurs, M. [J] ne peut utilement soutenir l'existence d'un usage concernant son exigibilité en cas de départ de l'entreprise, ce cas n'étant pas prévu dans la note de 2010 ayant trait au prorata temporis, comme il a déjà été dit ci-dessus, concernant la rémunération structurelle.

En conséquence, le salarié doit être débouté de sa demande de rappel de rémunération additionnelle 2014 à hauteur de 48 416,67 euros et de rappel de congés payés y afférents pour 4 641,67 euros.

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

1- Sur la violation par la société de ses obligations contractuelles

Le salarié invoque un défaut de fourniture de la rémunération (structurelle et additionnelle) et de travail convenue ainsi qu' un manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail .Il considère que la seule finalité poursuivie par la société était de l'inciter à quitter de lui-même l'entreprise.

La société fait valoir que le manquement lié au versement d'un bonus de performance inférieur à celui de l'année précédente, doit être écarté, eu égard à son caractère discrétionnaire et explique l'avoir versé dès la fin brutale des pourparlers engagés et la saisine du conseil de prud'hommes par M. [J], de sorte que cela ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail .

Elle indique que les autres éléments de rémunération n'était pas dûs lors de la demande de résiliation judiciaire .Elle se défend d'avoir utilisé la technique de 'l'up or out' .

Dans la note d'information émise le 21 juillet 2010 (pièce n°11 du salarié), la société indique qu'elle souhaite 'lisser' le versement des rémunérations des partenaires et a décidé de procéder à une modification de la date des versements dits complémentaires prévoyant notamment que la rémunération de productivité (le bonus de performance) serait à partir de juin 2011, payée à raison de 50 % en juin et les autres 50 % en septembre.

En l'espèce, il est établi par les éléments visés ci-dessus que la société n'a pas respecté cette règle au titre de l'année 2013 puisque d'une part, M. [J] a reçu une somme inférieure à 50% en juin 2013 et qu'elle n' a versé le complément que le 13 novembre 2013.

Cependant, aussi importante soit la somme due au titre de la période 2012-2013, l'absence de versement à bonne date de ce complément de rémunération ne pouvait à lui seul justifier la résiliation judiciaire, étant précisé que la société était en droit de diminuer le montant de ce bonus et que concernant la rémunération additionnelle, son versement n'était prévu qu'en décembre 2013 et février 2014.

Le salarié ne développe pas les autres griefs et notamment pas ceux indiqués dans la lettre de son conseil du 2 octobre 2013 concernant 'à son retour de congé sabbatique, des fonctions et attributions modifiées et entravées', la cour constatant par ailleurs que dans cette lettre, le conseil de M. [J] proposait une négociation sur le départ du salarié, pourparlers qui ont manifestement eu lieu mais n'ont pas abouti.

En conséquence, la cour juge que la poursuite du contrat de travail n'était pas rendue impossible du fait du seul retard apporté au paiement et dès lors, la demande de résiliation judiciaire n'était pas fondée.

2- Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l' article L 1232-1 du Code du travail , tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
En vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail , la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :

Vous avez été élu Principal (Directeur Associé) le 1er janvier 2006.

Vous avez bénéficié d'un congé sabbatique du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011. A l'issue de ce congé, vous avez réintégré le bureau de [Localité 5] avec pour objectif de reconstruire un programme client.

Lors de l'évaluation de performance intervenue en juin 2012, dix mois après votre retour, le Principal Reviev Commitee de la Firme, qui évalue annuellement la performance des Principals a mis en évidence, vous concernant, les difficultés suivantes :

- une «plate-forme» client et une contribution commerciale insuffisantes et très en deçà de ce qui est attendu d'un principal de McKinsey ;

- la nécessité de construire et de développer la Firme en dehors du service client proprement dit, où là aussi il est attendu une contribution de la part d'un Principal senior de McKinsey, contribution qui s'évalue en termes d'impact et pas seulement d'activité. Sur ce point également, votre contribution a été jugé très inférieure à ce qui est attendu d'un Principal senior de McKinsey à ce niveau d'ancienneté.

- La nécessité de développer et de renforcer vos liens professionnels avec vos pairs au sein du bureau de [Localité 5] et des autres bureaux, afin de construire un réseau qui permette à la fois d'avoir l'impact recherché chez les clients et dans le développement de la Firme et d'avoir une contribution commerciale satisfaisante.

L'obtention de progrès significatifs sur ces différents points durant l'année 2012-2013 vous avait alors été présentée comme une condition impérative pour atteindre le niveau de performance attendu d'un Principal de votre niveau d'expérience.

Or, le constat a été fait au mois de juin 2013 que vous n'étiez pas parvenu à réaliser les progrès nécessaires sur chacun de ces axes, votre taux d'utilisation demeurant de surcroît notoirement insuffisant et très inférieur à la moyenne constatée des Principals au sein de la Firme.

Dans ce contexte et compte tenu d'une trajectoire professionnelle non satisfaisante eu égard à ce qui est attendu du rôle de Principal, nous avons été contraint d'envisager votre départ de la Firme.

Les discussions que nous avons eues depuis lors nous ont conduits au constat que vous n'entendiez pas tirer les conséquences de l'évaluation dont vous avez fait l'objet de la part de vos pairs.

C'est pourquoi, eu égard aux insuffisances de performances constatées depuis 24 mois, et malgré la possibilité qui vous a été offerte de rechercher d'autres opportunités professionnelles en bénéficiant pendant quelques mois de l'appui de McKinsey et de ses Principals, nous n'avons désormais d'autre solution que de procéder à votre licenciement.$gt;$gt;

Le salarié indique que l'évaluation des directeurs associés laisse une large place à l'arbitraire, faute de mesures quantitatives et objectives satisfaisantes . Il estime que le licenciement doit être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, la lettre de licenciement ne comportant pas d'éléments précis et vérifiables.

Il conteste les arguments avancés par la société, précisant que si la Firme se portait très bien, le bureau français présentait des chiffres en baisse avec un taux d'utilisation des ses partenaires inférieur à 50% nécessitant un allégement de ses effectifs.

La société se défend d'un motif économique non avoué, indique justifier d'une insuffisance réelle imputable au seul salarié, illustrée par des performances significativement et durablement insuffisantes.

Les éléments chiffrés présentés par la société pages 34 et 35 de ses conclusions et étayés par ses pièces n°7 et 8 démontrent que si le bureau français a connu une année exceptionnelle en 2010 en termes de chiffre d'affaires, ce dernier pour les années suivantes était semblable à celui de 2008 ou 2009; par ailleurs le nombre global d'heures facturées par le bureau n'était pas en baisse (pièce n°9 )et enfin, il n'est pas démontré un sureffectif des partners pour les années concernées 2012-2013 et il patent que de nouveaux recrutements ont eu lieu en 2014.

Ces éléments objectifs permettent d'exclure un motif économique caché concernant le licenciement de M. [J].

Même si les critères d'évaluation de la Firme tels que reproduits par le salarié page 13 de ses conclusions ne correspondent pas à ceux communément usités, mais reposent davantage sur des valeurs, les mesures quantitatives n'en sont pas absentes et en tout état de cause, M. [J] était informé de l'importance accordée à certains points, dont 'l'impact' du partenaire soumis à une évolution tenant compte de son ancienneté notamment.

Il est manifeste que lors de son évaluation 2012, si le comité d'évaluation des directeurs a souligné les progrès et efforts du salarié, il se déclarait néanmoins 'préoccupé par votre croissance et votre développement', indiquant que l'activité du salarié ne répondait pas aux attentes en termes de performance pour un principal de son ancienneté et il lui avait été demandé de préparer un plan de redressement.

Lors de l'évaluation 2013, ses progrès étaient qualifiés d'insuffisants, 'les difficultés auxquelles il fait face sont exactement les mêmes que l'année précédente, en plus accentuées', sa contribution à la construction de la Firme étant qualifiée au mieux de modeste.

La société justifie du fait que M. [J] avait une intervention auprès d'un cercle de clients très limité ce qui objective l'absence de progression concernant le développement, générait un chiffre d'affaires personnel très peu important, sans la croissance demandée et enfin un taux d'utilisation systématiquement le plus bas du bureau français, sans que le salarié ne démontre qu'il aurait volontairement été écarté de projets majeurs, à son retour du congé d'un an.

En conséquence, l'insuffisance de performances de M. [J] dans le cadre de son activité, pour ce niveau de responsabilité et de rémunération, est caractérisée par son incapacité objective et pendant 24 mois à exécuter de façon satisfaisante et conforme aux attentes de la société, l'emploi de directeur associé, étant précisé qu'aucun facteur extérieur n'est venu interférer.

Dès lors, le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse.

Sur les frais et dépens

M. [J] succombant au principal devra s'acquitter des dépens et sera débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Des considérations d'équité justifient de voir écarter la demande faite à ce titre par la société.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

VU les arrêts de la cour de cassation des 16 mai et 26 septembre 2018,

Statuant dans les limites de la cassation,

DÉCLARE irrecevable la demande en remboursement de la société concernant la somme de 31 611,93 euros brut,

CONFIRME le jugement entrepris,

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE les dépens de la présente instance à la charge de M. [J].

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/10389
Date de la décision : 24/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°18/10389 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-24;18.10389 ?
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