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18/06/2020 | FRANCE | N°18/00054

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 6, 18 juin 2020, 18/00054


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 6



ORDONNANCE DU 18 JUIN 2020

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2020, 15 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00054 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B455G





NOUS, Agnès TAPIN, Présidente, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de C

écile IMBAR, Greffière lors des débats et de Karolyn MOUSTIN, Greffière placée au prononcé de l'ordonnance.





Vu le recours formé par :





Monsieur [Y] [B]

[Adresse...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 6

ORDONNANCE DU 18 JUIN 2020

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2020, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00054 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B455G

NOUS, Agnès TAPIN, Présidente, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Cécile IMBAR, Greffière lors des débats et de Karolyn MOUSTIN, Greffière placée au prononcé de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur [Y] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant en personne,

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :

SELAS BRUNET SCHMID

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentée par Maitre Céline BRUNET, avocat au barreau de PARIS, toque : E2066

Défenderesse au recours,

Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 09 Mars 2020 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L'affaire a été mise en délibéré au 20 Avril 2020, prorogée au 18 Juin 2020 en raison de l'application du plan de continuité pendant la pandémie de Covid-19 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

Monsieur [Y] [B] a saisi le 31 août 2015 Maître [V] [D], avocate, de la SELAS [D] [T], des difficultés rencontrées avec son employeur, invoquant un burn-out et ses conséquences dramatiques. Il lui a confié la défense de ses intérêts le 15 septembre 2015 pour le « volet social », déclarant faire son affaire du « volet protection sociale ».

Par courrier du 31 mai 2016, il l'a dessaisie de son dossier.

Par courrier RAR du 14 avril 2017, reçu le 18 avril suivant, la SELAS [D] [T] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris d'une demande de fixation de ses honoraires à la somme de 22.665 € HT.

Par décision contradictoire du 18 décembre 2017, la déléguée du bâtonnier a :

- fixé à la somme de 9.000 € HT le montant total des honoraires dus à la SELAS [D] [T] par Monsieur [B] ;

- constaté le règlement d'ores et déjà intervenu de la somme de 2.250 € HT ;

- dit en conséquence que Monsieur [B] devra régler à la SELAS [D] [T] la somme de 6.750 € HT, outre la TVA au taux de 20 %, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2017, date de saisine du bâtonnier ;

- débouté les parties de toute demande plus ample ou complémentaire ;

- dit qu'en cas de signification de la décision, les frais et honoraires d'huissier de justice seront à la charge de Monsieur [B].

Cette décision a été notifiée aux parties par lettres RAR du 2 janvier 2018, dont les AR ont été signés par la SELAS [D] [T] le 3 janvier et par Monsieur [B] le 4 janvier.

Par lettre RAR du 2 février 2018, le cachet de la Poste faisant foi, Monsieur [B] a fait un recours contre la décision du 18 décembre 2017.

A l'audience du 9 mars 2020, Monsieur [B] a demandé oralement, conformément à ces écritures remises ce jour là, de :

« A titre principal selon l'article 1.134 du code civil et la convention en vigueur, pièces 1,3 :

- annuler et infirmer la décision et débouter de toutes ses demandes la SELAS [D] [T], dépourvu de droit à agir n'ayant jamais été client de cette société créée en 2017;

- prendre acte de la résiliation unilatérale du contrat de forfait en date du 3 mai 2016 par Madame [D], pièce 5a, et constater qu'aucune diligence n'a été réalisée postérieurement à cette résiliation ;

- juger que Madame [D] a mis fin à la convention, pièce 5a, sans qu'aucune instance n'ait été introduite ;

- juger qu'il n'est pas possible de réviser unilatéralement la convention de forfait en vigueur fixant les honoraires prévus à 2.400 € TTC pour la phase pré-contentieuse, en application de l'article 1.134 du code civil ;

- appliquer la convention forfaitaire en vigueur, avant la résiliation par Madame [D] et condamner Madame [D] à rembourser 300 € (2.700 € de provision ' 2.400 € de forfait) au taux légal depuis la saisine de l'ordre des avocats de Paris en date du 18 avril 2017 ;

- juger que la convention Maladie Professionnelle (100 heures) est nulle et de nul effet, que ces 100 heures, pièce 5b, ne peuvent être prises en compte car une convention ne peut avoir d'effet rétroactif, selon la cour d'appel d'Aix en Provence du 18 octobre 2016, pièce 20 sur des diligences passées comme le souhaite Madame [D] à défaut d'information et d'accord du client ;

- constater et juger que Madame [D] n'a aucun mandat pour ce volet Sécurité Sociale ou surseoir à statuer sur l'existence de ce mandat non signé refusé par le client ' jurisprudence pièce 19 ' et écarter ces 100 heures sans mandat de l'étendue du mandat plafonné à 30 heures ' pièces 1, 3, 5, 18 à 25 ;

- constater que Madame [D] n'a introduit aucune instance et engagé aucune négociation avec l'employeur prévues contractuellement donnant lieu à honoraire de résultat;

- juger selon le contrat que le droit à honoraire de résultat en pourcentage du service rendu au client est nul : 10 % de zéro résultat est égal à zéro,

- condamner Madame [D] aux dépens (frais et honoraires d'huissier de justice) et à 2.000 € d'article 700 de l'instance,

- condamner la SELAS [D] [T] dont je n'ai jamais été le client aux dépens (frais et honoraires d'huissier de justice) et à 2.000 € d'article 700 de l'instance,

A titre subsidiaire si le Premier président souhaite passer outre la convention et prendre en compte les lois de 1991 et 2005 pour taxer les 4 heures avec les 2.400 € de provisions :

- annuler et infirmer la décision de l'ordre, débouter de toutes ses demandes la SELAS [D] [T] n'ayant jamais été client de cette société créée en 2017 (aucune facture),

- juger que Madame [D] n'a aucun mandat pour ce volet Sécurité Sociale ou surseoir à statuer sur l'existence de ce mandat non signé refusé par le client, et écarter ces 100 heures sans mandat de l'étendue du mandat plafonné à 30 heures ' jurisprudence pièce 19,

- constater que Madame [D] n'a pas informé le client avant le 3 mai 2016 et la résiliation de son forfait. Cette information est contractuelle. Le client ne peut être condamné à payer plus des 30 heures contractuelles et n'a pu consentir faute de s'être opposé selon l'ordre à des diligences dont il n'a pas été informé. Pièce 21 : le défaut d'opposition ne vaut pas acceptation en droit, celui-ci résultant du défaut d'information du client par Madame [D],

- juger que Madame [M] [L] a travaillé 13,25 heures (113,25 heures ' 100 heures) sur le volet précontentieux prud'homal,

- juger que 9,25 heures ont été payées après services rendus 300 €, pièces 2 et 8,

- juger que seules 4 heures de travail peuvent être taxées selon la loi (13,25 heures ' 9,25 heures),

- estimer le taux horaire de Madame [M] [L] avocat débutant (262 € TTC/h excessif selon l'ordre),

- condamner Madame [D] à régler le trop perçu soit 2.400 € - (4 heures x taux horaires de [M] [L]) soit au minimum 1.352 € (au taux excessif de 262 €) à payer à Monsieur [B],

- condamner Madame [D] à payer les intérêts sur cette somme depuis la saisine du 18 avril 2017, à Monsieur [B],

- condamner Madame [D] aux dépens (frais et honoraires d'huissier de justice) et à 2.000 € d'article 700 de l'instance, à payer à Monsieur [B],

- condamner la SELAS [D] [T] dont je n'ai jamais été le client aux dépens (frais et honoraires d'huissier de justice) et à 2.000 € d'article 700 de l'instance, à payer à Monsieur [B]. »

La SELAS [D] [T] a demandé oralement, et dans ses écritures de 23 pages visées par Madame la greffière, de :

« ' Considérant que Monsieur [B] a dessaisi la SELAS [D] [T] par courriel du 31 mai 2016 confirmé par courrier reçu le 14 juin 2016,

Considérant que la convention d'honoraires conclue le 2 novembre 2015 est devenue nulle,

Considérant que le principe de la facturation au temps passé doit s'appliquer,

Considérant que la note de clôture n° 116-065 en date du 1er juin 2016 et le décompte détaillent les diligences accomplies,

A TITRE PRINCIPAL

-déclarer la SELAS [D] [T] recevable et bien fondée en sa demande,

-déclarer Monsieur [B] irrecevable en sa fin de non-recevoir, subsidiairement l'en débouter,

-débouter Monsieur [B] de son appel et de l'ensemble de ses prétentions,

-infirmer la décision du bâtonnier du 17 décembre 2017 en ce qu'elle a limité à la somme de 9.000 € HT (10.800 € TTC) le montant total des honoraires dus par Monsieur [B] à la SELAS [D] [T] et à la somme de 6.750 € HT (8.100 € TTC), le solde dû par Monsieur [B] à la SELAS [D] [T] à titre de paiement,

-fixer à la somme de 24.915 € HT (29.898 € TTC) le montant total des honoraires dus à la SELAS [D] [T] par Monsieur [B], subsidiairement à tel montant non inférieur à la somme de 9.000 € HT (10.800 € TTC),

-condamner Monsieur [B] à verser à la SELAS [D] [T], à titre de reliquat d'honoraires, la somme de 22.665 € HT (27.198 € TTC), subsidiairement telle somme que Monsieur le président fixera, non inférieure à la somme de 6.750 € HT (8.100 € TTC), avec intérêts au taux légal depuis le 18 avril 2017,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

-débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes,

-ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

-condamner Monsieur [B] à payer à la SELAS [D] [T] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Monsieur [B] aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution. »

SUR CE,

Le recours de Monsieur [B] qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, est recevable.

Ensuite, il convient de rappeler qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Les demandes de "constater" et de "donner acte" ne constituant pas des prétentions au sens de l'article précité, il ne sera pas statué sur ces différents points.

Sur le droit d'agir de la SELAS [D] [T]

Monsieur [B] explique à l'appui de sa fin de non-recevoir qu'il n'a jamais été client de la SELAS [D] [T], société créée en 2017, mais l'a été seulement de Maître [D] qui a d'ailleurs fait travailler une jeune avocate Maître [M] [L] sur son dossier.

La SELAS [D] [T] réplique que cette fin de non recevoir est irrecevable aux motifs que :

-elle est nouvelle en cause d'appel,

-elle est tardive en violation de l'article 15 du code de procédure civile,

-Monsieur [B] par son attitude, s'est contredit pendant les trois années de procédure devant le bâtonnier et la cour d'appel, en reconnaissant la reprise de son dossier confié à Maître [D] par la SELAS [D] [T],

-et enfin l'activité de l'ARRPI [D] [T] dont elle était associée, a été reprise sans interruption en février 2017 par la SELAS [D] [T] comme elle en justifie.

*

**

1 - L'article 566 dit que les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

En application de ce texte, il convient d'admettre la recevabilité de la demande de fin de non recevoir tirée de la qualité à agir de la SELAS [D] [T], complémentaire des demandes principales de Monsieur [B], par application de l'article susvisé.

II ' Ensuite, certes l'article 15 du code de procédure civile dit que « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. »

Mais dès lors qu'il est établi que les écritures de Monsieur [B], contenant ses moyens, ont été envoyées à la SELAS [D] [T], comme à la cour d'appel, par courrier RAR du 23 février 2020, la SELAS [D] [T] a disposé de suffisamment de temps utile pour en prendre connaissance, et préparer sa réponse, comme elle l'a fait d'ailleurs présentement.

Le moyen fondé sur la violation de l'article 15 précité est également rejeté.

III - Enfin, l'irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, selon l'article 122 du code de procédure civile.

En l'espèce, il résulte des pièces produites :

-que lorsque Monsieur [B] a contacté fin août 2015 Maître [D], celle-ci était associée de l'ARRPI [D] [T], dépourvue de personnalité morale ;

-que de ce fait, il est normal qu'il est contracté avec elle dans la convention qu'il a signée après le 2 novembre 2015 (pièce 4 de Monsieur [B]) ;

-que l'ARRPI s'est transformée en février 2017 en fermant son établissement le 9 février 2017 selon le site societe.com (pièce 32 de Monsieur [B]) en une SELAS nouvellement créée le 9 février 2017 avec le dépôt des statuts au RCS, pourvue d'une personnalité morale et juridique, dans laquelle Maître [D], associée et directrice générale, justifie (cf pièce 31 de la SELAS [D] [T], attestation d'un expert comptable et créance de Monsieur [B] figure dans les comptes de la SELAS) avoir transféré l'intégralité de sa clientèle et donc des créances la concernant qui visent notamment Monsieur [B].

Il est en effet écrit dans les statuts déposés au RCS :

« ETAT DES ACTES ACCOMPLIS AU NOM DE LA SOCIETE EN FORMATION

*...Signature de conventions d'honoraires avec différents clients, au non de [D] [T] SELAS et factures de provisions établies en son nom ... »

L'expert comptable de la SELAS a attesté le 18 février 2020 que « la créance auprès de Monsieur [B] pour 27.198 € TTC est bien inscrite dans les livres de la comptabilité de l'ARRPI [D] [T] qui a fait l'objet d'un transfert auprès de la SELAS [D] [T] en date du 1 er février 2017 ».

La SELAS [D] [T], titulaire de la créance de Monsieur [B], justifiant ainsi de sa qualité à agir présentement, « en remplacement de Maître [D] », il convient de rejeter la fin de non-recevoir.

Sur les honoraires

Certains griefs de Monsieur [B] qui renvoient à la responsabilité de l'avocat dans l'accomplissement de sa mission ne relèvent pas de l'appréciation du bâtonnier, ni du Premier président statuant dans le cadre des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, mais de la compétence exclusive du juge de droit commun. En effet, la procédure de contestation des honoraires d'un avocat prévue par ces articles présente un caractère spécifique et n'a vocation qu'à fixer les honoraires éventuellement dus par un client à son avocat en exécution de la mission qu'il lui a confiée à l'exclusion de tout autre contentieux.

Monsieur [B] fait valoir :

-que Maître [D] reconnaît qu'elle n'était mandatée par lui que pour le volet droit du travail, et ne l'était pas pour celui « sur la reconnaissance de sa maladie professionnelle » ;

-qu'aucune convention n'a été signée sur ce dernier volet, et que par application de l'article L.132-16 du code de la consommation créé par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ce prétendu mandat est nul ;

-qu'il conteste la réalisation de diligences précontentieuses alors qu'elles n'ont abouties à aucune service rendu ;

-que c'est Maître [D] qui a résilié leur contrat par mail du 2 mai 2016 en lui soumettant de nouvelles conventions d'honoraires, sans aucune information précontractuelle prévue par l'article L.111-1 du code de la consommation ;

-qu'il conteste fermement le nombre d'heures de 113,25 facturées par Maître [D], alors qu'il ne l'a vue qu'une fois en 9 mois, ainsi que le taux horaire de 264 € TTC, étant précisé que Maître [L], avocate débutante, a nécessairement un taux horaire inférieur ;

-que la facture présentée par Maître [D] sur ces heures est fictive comme ne respectant pas l'article L.441-3 du code de commerce ;

-et que Maître [D] n'apporte aucune preuve légale de sa créance, qui est d'ailleurs supérieure à l'indemnité de licenciement et au « résultat non obtenu » par l'avocate.

Monsieur [B] reproche également au bâtonnier de ne pas avoir motivé sa décision en application des critères légaux issus « des décrets et lois de 1991 et 2005 ».

La SELAS [D] [T] répond :

-que du fait de son dessaisissement par Monsieur [B], les dispositions spéciales du décret du 27 novembre 1991 sont applicables en l'espèce, comme l'a jugé le bâtonnier ;

-que compte tenu du temps considérable que Maître [D] a consacré à l'instruction du dossier, en grande partie lié au comportement de Monsieur [B], celui-ci est redevable d'un reliquat d'honoraires correspondant à l'intégralité du temps passé ; qu'en effet, selon l'avocat, l'état psychologique instable de Monsieur [B], aggravé par l'absence d'un suivi régulier par un psychiatre et un traitement médicamenteux, l'évolution de la législation en matière de burn-out, la « quantité colossale » de documents produits par Monsieur [B] et à trier, et la nécessité d'organiser les éléments factuels afin de les rendre compréhensibles, ont exigé de nombreuses heures de travail de sa part et de Maître [L] ;

-qu'elles ont dues toutes deux répondre à de nombreux appels téléphoniques, restant à l'écoute de Monsieur [B] de manière quasi-quotidienne, échanger des mails avec lui, rédiger des courriers, la saisine de la CPAM et des compléments à destination de celle-ci, et un projet de saisine de la juridiction prud'homale ;

-qu'elles sont intervenues tant dans le dossier « droit du travail » que dans celui « de reconnaissance de maladie professionnelle », précisant avoir travaillé plus de 40 heures sur celui-ci, et en justifier ;

-que la feuille de diligences fournie aux débats au bâtonnier est parfaitement claire, explicite, et fiable, dès lors notamment que ce relevé concorde avec les pièces qu'elle verse aux débats, et justifie que l'intégralité des diligences soit rémunérée ; qu'elle fournit de surcroît une copie d'écran des mails échangés avec Monsieur [B] pendant le mandat ;

-que le dossier était complexe avec une pluralité de problématiques soulevées ;

-que Maître [D] qui jouit aujourd'hui d'une certaine notoriété, peut raisonnablement demandée un taux horaire de 250 € HT, qu'elle a ramené à 220 € HT pour tenir compte du travail réalisé par Maître [L], avocate débutante.

*

**

Les pièces des dossiers des parties permettent de retenir le déroulement suivant des faits, de déterminer l'étendue du mandat confié par Monsieur [B] à la SELAS [D] [T], et de statuer enfin sur le montant des honoraires de l'avocat.

Sur le mandat confié par Monsieur [B] à Maître [D] et sur la convention d'honoraires

Monsieur [B], qui réside à [Localité 4], a contacté par téléphone le 31 août 2015 Maître [D], alors associée de l'ARRPI [D] [T], pour lui faire part de ses difficultés rencontrées avec son employeur la société DIANA NATURALS (harcèlement, surmenage, burn-out ') et des graves conséquences qui en ont résulté sur le plan personnel.

Après plusieurs échanges téléphoniques que Monsieur [B] ne conteste pas, il a été convenu d'un rendez-vous au cabinet de Maître [D], en présence de celle-ci et de Maître [L], le 15 septembre 2015 pour une consultation juridique. Au terme de celle-ci Monsieur [B] a confié la défense de ses intérêts à Maître [D] pour le volet « droit du travail » pouvant conduire à la saisine du conseil de prud'hommes, ci-après CPH.

Il a été convenu également que Monsieur [B] déposerait un dossier de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la CPAM.

Maître BRUNET a adressé par mail du 2 novembre 2015 à Monsieur [B] la convention d'honoraires suivante ainsi qu'une note de provision sur honoraires de 1.000 € HT, soit 1.200 € TTC :

-la convention définie précisément ainsi l'étendue du mandat confié à l'avocate :

« ' Lors de notre RDV ' le 15 septembre 2015 vous m'avez confirmé que vous ne souhaitez pas retourner travailler au sein de la société Diana Naturals.

Dans ces conditions je vous confirme que sous réserve des informations complémentaires, notamment médicales et comptables à obtenir, il conviendrait, selon ma première analyse, de mettre en oeuvre la stratégie suivante :

1-établir, que la clause de forfait jour incluse dans votre contrat de travail est nulle, faute notamment de comporter les mentions obligatoires prescrites par la jurisprudence et compte-tenu des manquements commis par l'employeur, notamment de s'assurer que vous puissiez concilier une activité professionnelle avec une vie privée normale ;

2-dire que, dans ces conditions, vous étions soumis à la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires ;

3-évaluer le nombre d'heures supplémentaires au cours des trois dernières années et le montant du rappel de salaires y afférents (nous étudierons les tableaux complétés que vous nous avez soumis dès que nous aurons formalisé nos accords ) ;

4-mettre en demeure votre employeur de vous verser ' dans un délai court ' vos rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, ainsi que des dommages et intérêts pour les conséquences dramatiques qui ont résulté de ces manquements et lui indiquer que, compte-tenu des circonstances, vous êtes disposé à discuter des conditions et modalités de départ ;

5-si l'employeur ne défère pas à la mise en demeure dans le délai imparti et/ou qu'il n'entend pas négocier dans les conditions satisfaisantes, saisir le CPH (de [Localité 4] ou de [Localité 5]) d'une action en résiliation judiciaire de votre contrat de travail en raison des manquements graves de votre employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail. Dans ces conditions et comme je vous l'ai déjà expliqué, il faudra tenter d'obtenir du CPH qu'il rende la rupture imputable à votre employeur, moyennant les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

'

' J'estime d'ores et déjà à ce stade, d'après les documents en ma possession, que vous disposez d'éléments solides pour poursuivre votre employeur et espérer obtenir sa condamnation au titre des différents manquements évoqués ci-dessus (heures supplémentaires, indemnité pour travail dissimulé, manquement à l'obligation de sécurité de résultat, éventuellement harcèlement moral, etc ...) »

-la convention indique ensuite ainsi les honoraires :

« Je vous propose d'intervenir selon les modalités financières suivantes, étant précisé que mon taux horaire habituel est 220 € HT (264 € TTC).

1.PHASE PRECONTENTIEUSE (AVANT SAISINE DU CPH)

Compte tenu des éléments dont vous m'avez fait part, j'estime devoir consacrer entre 25 heures et 30 heures de travail au titre de la phase précontentieuse (avant saisine du CPH).

Au vu de l'évolution encore incertaine à ce stade et pour tenir compte de vos contraintes, je vous propose, dans un souci de visibilité, de combiner :

-une facturation forfaitaire de 2.000 € HT (2.400 € TTC) : ce montant couvrant nos RDV téléphoniques ainsi qu'à mon cabinet, les discussions avec l'employeur/son conseil le cas échéant, la rédaction d'un courrier de mise en demeure circonstanciée, l'analyse des documents communiqués par nos soins, les recherches juridiques, la concertation avec mon confrère pénaliste, le comptable et tout éventuel expert ou médecin, et le cas échéant, la revue et correction d'un éventuel protocole d'accord transactionnel et/ou convention de rupture amiable.

Et

-un honoraire de résultat à hauteur de 10 % (facturé TTC) de l'intégralité des sommes que vous percevrez.

2.PHASE CONTENTIEUSE (APRES SAISINE DU CPH ' HORS PROCEDURE D'APPEL)

Si la société ne déférait pas à la mise en demeure de vous régler notamment vos rappels d'heures supplémentaires et/ou qu'elle n'entrait pas en discussions de manière satisfaisante sur les conditions d'un départ négocié, tenant compte de votre préjudice, nous serions contraints de saisir le CPH.

Dans un souci de visibilité et également pour tenir compte de vos contraintes, je vous propose de combiner :

-une facturation forfaitaire de 3.500 € HT (4.200 € TTC) : le montant forfaitaire inclura nos RDV, nos échanges, l'analyse des pièces du dossier, les recherches juridiques, la rédaction de conclusions en demande, les échanges avec la partie adverse, la préparation des audiences de conciliation et au fond, et les audiences de conciliation et au fond, les échanges éventuels avec la presse.

Et

-un honoraire de résultat à hauteur de 12 % (facturé TTC) du montant total des sommes / condamnations obtenues '

'

Dans l'hypothèse où je devrais, dans le cadre de la phase-précontentieuse, travailler plus que les 30 heures envisagées ' je m'engage à facturer un complément de forfait raisonnable et tenant compte de vos contraintes ... »

Par courrier du 9 novembre 2015, Monsieur [B] a retourné à Maître [D] cette convention signée, et lui a adressé un chèque de 1000 € HT en règlement de la provision.

Maître [D] soutient qu'eu égard au temps consacré au volet « protection sociale », elle a soumis par mail du 3 mai 2016 à Monsieur [B] deux nouvelles conventions d'honoraires pour le volet « droit du travail » dans une convention « rectifiée », et pour le volet «protection sociale » dans une nouvelle convention.

-La proposition de convention « annulant et remplaçant » celle consacrée au volet « droit du travail » reprend in extenso celle signée par Monsieur [B] le 9 novembre 2015 sauf à indiquer in fine :

« Dans l'hypothèse où je devrais, dans le cadre de la phase précontentieuse, travailler plus que les 30 heures envisagées ' je m'engage à facturer un complément de forfait raisonnable tenant compte à la fois du temps à passer et du coût global déjà encouru. »

-La proposition d'une nouvelle convention concerne, selon les termes du courrier de Maître [D], « la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l'affection » dont souffre Monsieur [B], « actuellement en cours devant la CPAM », qui n'a pas été prise en compte dans la convention d'honoraires initiale, mais à laquelle elle a consacré, selon elle, depuis fin août 2015 « un temps considérable (plus de 100 heures) ». Maître [D] explique dans le courrier précité du 3 mai 2016 l'enjeu de cette procédure qui sera de permettre, le cas échéant, de tenter d'obtenir du TAS (tribunal des affaires de sécurité sociale) qu'il condamne l'employeur à supporter la réparation intégrale du préjudice de Monsieur [B]. Elle y rappelle également que « son taux horaire habituel est en principe de 220 € HT (264 € TTC) ».

Ces propositions qui n'ont pas été signées par Monsieur [B], ne sont cependant pas applicables, et rendent ainsi inopérant le moyen soulevé par celui-ci sur le non-respect de l'article L.111-1 du code de la consommation.

Maitre BRUNET a adressé par mail du 3 mai 2016 à Monsieur [B] « un projet de saisine du CPH de Dieppe ».

Elle y demande de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, et le paiement sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de 18 indemnités dont pour licenciement nul, pour travail dissimulé, au titre du dépassement des durées de travail et de non respect du temps de repos, pour harcèlement moral, pour violation de l'obligation de sécurité de résultat, pour préjudice moral, pour dégradation de l'état de santé, pour préjudice de carrière, pour la perte de gains professionnels, pour exécution déloyale du contrat, et de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, le montant total des demandes s'élevant à environ 375.530 € bruts.

Il n'est justifié par l'avocate ni de la réponse de Monsieur [B], ni de la saisine dudit CPH.

Maître BRUNET, ne recevant pas de réponse de Monsieur [B], l'a relancé par mails des 3,17 et 24 mai 2016.

Par mail du 31 mai 2016, Monsieur [B] a informé Maître [D] qu'il ne poursuivait pas sa collaboration, « ne pouvant conserver la confiance qu'il avait placée en elle ». Il lui reproche :

-de ne pas avoir tenu son engagement d'une mise en demeure rapide de son employeur, le privant ainsi de 6 mois d'heures supplémentaires,

-de vouloir lui imposer une augmentation de 20 % de ses émoluments, sans nouveaux engagements de sa part,

-et de lui présenter une facture de 7.000 € pour des prestations qui ne sont pas prévues au contrat, et qui n'ont fait l'objet d'aucune alerte de sa part.

Après une réponse par mail du 1er juin 2016 de Maître [D], Monsieur [B] a confirmé sa décision de la dessaisir par mail du 14 juin 2016.

Il ressort ainsi de tous ces développements :

-que Monsieur [B] a confié par convention signée un mandat à la SELAS [D] [T] de l'assister et de le représenter de mi septembre 2015 jusqu'à son mail de dessaisissement du 31 mai 2016 dans le dossier « droit du travail »,

-et que cette convention a été rompue par Monsieur [B] à l'issue de la phase précontentieuse, l'envoi d'un projet de saisine du CPH par l'avocate le jour de l'envoi de nouvelles conventions ne constituant nullement saisine du CPH qui n'est d'ailleurs pas justifiée.

La convention du 9 novembre 2015 étant très détaillée dans le volet « droit du travail », par paliers en fonction de la phase précontentieuse, rémunérée par une somme forfaitaire de 2.000 € HT recouvrant des diligences décrites précisément (comme reproduites ci dessus), et la phase contentieuse, rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse servir de base à la rémunération d'une mission partiellement accomplie, c'est à dire de la phase précontentieuse, la résiliation de la convention ne valant que pour l'avenir, c'est à dire pour la phase contentieuse qui n'a jamais été exécutée par l'avocate.

Il est déduit de ces constatations qu'il n'a pas lieu de calculer les honoraires dus à la SELAS [D] [T] pour le volet « droit du travail » selon les critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, modifié par l'article 51 V de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable en l'espèce puisque le mandat a été signé le 9 novembre 2015, mais qu'il convient d'appliquer aux diligences accomplies avant la date de la résiliation les honoraires forfaitaires fixés par la convention signée le 9 novembre 2015, c'est à dire à 2.000 € HT.

Aucun honoraire de résultat n'est du, ni d'ailleurs réclamé par la SELAS [D] [T], puisqu'aucune somme n'a été perçue par Monsieur [B] pendant le mandat confié à l'avocate dans ce volet « droit du travail ».

La décision déférée est donc infirmée de ce chef.

Il reste à statuer sur l'existence ou non d'un mandat confié par Monsieur [B] à Maître [D] dans le volet « protection sociale », et si oui sur le montant des honoraires.

Sur l'éventuel mandat dans le volet « protection sociale »

I - Suivant l'article 1984 du code civil, « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire. »

En l'espèce, il est établi par de nombreux mails produits par la SELAS [D] [T], et non sérieusement contestés par Monsieur [B] :

-que ce dernier a dès le 16 novembre 2015 demandé par mail à Maître [D] et Maître [L], collaboratrice de celle-ci, de regarder le « fichier de synthèse pour sa demande de maladie professionnelle » qu'il leur transmettra ensuite ;

-qu'il a demandé le 2 décembre 2015 aux deux avocates de lui « donner leur avis sur les trois courriers qu'il leur transmet » dont un est adressé au psychiatre de l'hôpital pour « qu'elle fasse le papier médical de reconnaissance de maladie professionnelle »,

-et que Maître [L] lui a répondu par mail du 4 décembre 2015 qu'il serait plus judicieux pour Monsieur [B] de parler à la psychiatre de sa demande quand il la recontrera le 15 décembre suivant comme prévu.

Ces demandes écrites faites par Monsieur [B] constituent un acte par lequel il a confié à Maître [D] et à sa collaboratrice mandat de l'assister dans le volet « reconnaissance d'une maladie professionnelle par la CPAM », mandat qui doit être rémunéré au titre des honoraires des avocats. Monsieur [B] n'ignorait pas qu'il venait de signer le 9 novembre 2015 une convention d'honoraires ne concernant exclusivement que le volet « droit du travail et la saisine du CPH » comme décrit précédemment.

Maître BRUNET et Maître [L] ont accepté ce mandat en répondant régulièrement aux demandes de Monsieur [B] sur ce volet.

Ce nouveau mandat s'est poursuivi jusqu'au dessaisissement de ces derniers par Monsieur [B] dans son courrier du 31 mai 2016, puisqu'il est justifié par Maître [D] de l'échange avec Monsieur [B] de pas moins d'une trentaine de mails jusqu'à début mai 2016 sur ce volet « reconnaissance d'une maladie professionnelle par la CPAM ».

En raison de la date à laquelle a commencé ce nouveau mandat, l'article L.132-16 du code de la consommation, créé par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n'était pas applicable. Ce moyen est également rejeté.

II ' Certes, l'article 10, alinéas 3 et 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de l'article 51 V de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable en l'espèce dès lors que le mandat a débuté mi novembre 2015, dit que :

«Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

'

Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. »

Mais, il résulte de ce texte que le défaut de signature d'une convention ne prive pas l'avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, « selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci », suivant l'alinéa 3 de l'article 10 précité.

III - la SELAS [D] [T] demande dans son « récapitulatif d'honoraires » de 4 pages envoyé avec un courriel du 1er juin 2016 à Monsieur [B], et complété à la marge devant le bâtonnier dans un document intitulé « fiche de diligences », présenté à nouveau devant nous, le paiement d'une somme totale de 22.665 € HT pour 113,25 heures de diligences accomplies dans les deux volets « droit du travail » et « reconnaissance d'une maladie professionnelle. Elles s'étalent entre le 1er septembre 2015 et le 16 mai 2016

Mais seules 44,25 heures, s'écoulant entre le 10 novembre 2015 et le 20 avril 2016, ne concernent que le volet « reconnaissance d'une maladie professionnelle».

Nous relevons en effet :

-que la SELAS [D] [T] n'a jamais informé régulièrement Monsieur [B] des diligences qu'elle effectuait dans ce volet juridique, ni du temps passé, ni de leur coût, si bien qu'il a été laissé dans l'ignorance de l'évolution des honoraires dans ce volet, et de leur prévisibilité ;

-que dans le « récapitulatif d'honoraires » et la « fiche de diligences », les calculs englobent plusieurs diligences souvent du type « entretien téléphone, lecture des documents envoyés par Monsieur [B], mail de réponse/projet de courrier » dans un seul temps horaire, ce qui rend très difficile un calcul diligence par diligence ;

-que cette présentation rend délicate, voire très difficile l'appréciation de chacune des durées oeuvrées, liées aux prestations accomplies et facturées ;

-et que pour tous ces motifs qui ne respectent pas toutes les dispositions prévues par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 applicable en l'espèce, il importe d'apprécier avec modération ces prestations, comme indiqué ci-dessous.

IV ' Il y a lieu en effet de retenir les éléments suivants, selon les pièces produites, qu'au cours de la période considérée, et pour le volet « reconnaissance d'une maladie professionnelle » :

-Monsieur [B] a adressé une 30 ène de mails, en dehors de ceux de novembre et décembre 2015 consacrés à l'envoi de très nombreuses pièces servant également au volet « droit du travail », aux deux avocats sans distinction et plus particulièrement :

*le 2 décembre 2015, Monsieur [B] demande aux avocates de lui donner leur avis sur trois courriers qu'il a rédigés dont un est destiné à une psychiatre pour « qu'elle fasse un papier médical de reconnaissance de maladie professionnelle » ;

*Maître [L] lui répond le 4 décembre 2015 sur les trois courriers, lui précisant qu'il est plus judicieux de parler à la psychiatre de cette demande lors de son RDV avec elle le 15 décembre 2015;

*le 16 novembre 2015, Monsieur [B] informe les avocates qu'il va leur transmettre un fichier de synthèse concernant « sa demande de maladie professionnelle » ; il le leur adresse (pièce 8 de la SELAS [D] [T]) et leur demande leur avis, cette synthèse comportant 3 pages ;

*le 15 décembre 2015, Maître [L] lui répond en lui adressant le document comportant les corrections qu'elle a faites ;

*le 15 décembre 2015, Maître [D] propose d'assister Monsieur [B] dans l'établissement du dossier de déclaration de maladie professionnelle ;

*le 13 janvier 2016, Monsieur [B] adresse aux deux avocates son projet de courrier de saisine de la CPAM, de 4 pages, et la liste de 11 pièces à joindre ;

*le 8 mars 2016, Monsieur [B] informe les avocates que la CPAM n'a pas reçu de réponse de son employeur, et que l'enquêteur de la CPAM lui a demandé des informations supplémentaires par courrier du 24 février 2016 qu'il leur adresse ;

*le 17 mars 2016, Monsieur [B] adresse aux avocates le courrier du médecin de la CPAM ;

*le 22 mars 2016, Monsieur [B] leur adresse son deuxième « arrêt maladie pour motif professionnel » ;

*le 23 mars 2016, Maître [L] adresse à Monsieur [B] un projet de courrier destiné à la CPAM, par LRAR de deux pages ;

*le 25 mars 2016, Monsieur [B] transmet aux avocates un mail de l'enquêtrice de la CPAM sur les critères recherchés pour la reconnaissance d'une maladie professionnelle ; le même jour Maître [L] lui répond en lui indiquant qu'elle rédigera un projet de réponse (pièce 12 de la SELAS [D] [T]) ;

*le 31 mars 2016, Monsieur [B] adresse à Maître [L] les informations qu'elle avait réclamées sur les critères invoqués par l'inspectrice, ainsi que divers documents ;

*le 14 avril 2016, il lui envoie un projet de courrier pour l'inspectrice de 10 pages (pièce 13 de la SELAS [D] [T]) ;

*le 19 avril 2016, Maître [L] adresse à Monsieur [B] le projet de courrier pour la CPAM repris et amendé, de 7 pages, avec une liste de 20 pièces à joindre ;

*le 6 mai 2016, Monsieur [B] informe les avocates de la prolongation d'instruction de son dossier par la CPAM de trois mois ;

-les deux avocates, Maître [D] et [L] ont échangé entre elles une dizaine de mails notamment sur la stratégie à tenir dans ce volet particulier, et sur les recherches à effectuer, en novembre et décembre 2015 ;

-Maître [L] a corrigé et/ou rédigé les trois courriers suivants pour le compte de Monsieur [B], en énumérant également une liste de pièces à joindre à chaque courrier :

*le 15 décembre 2015, Maître [L] a corrigé le fichier de synthèse destinée à la CPAM ;

*le 23 mars 2016, Maître [L] a adressé à Monsieur [B] un projet de courrier destiné à la CPAM, de deux pages ;

*le 19 avril 2016, Maître [L] a adressé à Monsieur [B] un projet de courrier pour la CPAM de 7 pages, avec une liste de 20 pièces à joindre ;

-Maître [L] a effectué des recherches juridiques approfondies pour rédiger ces courriers, et conseiller utilement Monsieur [B] dans sa défense devant l'inspectrice de la CPAM qui lui demandait des informations complémentaires ;

-Maître [L] a eu au téléphone Monsieur [B] à de nombreuses reprises comme cela ressort de l'attestation de Maître [Z], avocat qui partageait les locaux des deux avocates en 2015 et 2016, et qui déclare qu'il « a entendu à de nombreuses reprises Maître [L] échanger avec Monsieur [B] au cours de conversations téléphoniques interminables ... »

En conséquence, et au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est un « temps passé » de 30 heures qui est justifié au titre des diligences concernant le volet « reconnaissance d'une maladie professionnelle », et est donc retenu.

V - L'affaire présentait des difficultés. L'application du droit de la Sécurité Sociale nécessitait le recueil de nombreuses pièces, l'appréciation de l'existence ou non d'une maladie professionnelle devant se faire « in concreto », et a d'ailleurs conduit à l'examen du dossier par une inspectrice de la CPAM qui a demandé plusieurs fois des compléments d'information. Monsieur [B] se retournait systématiquement vers les deux avocates, Maître [D] et [L] pour qu'elles corrigent ses projets de réponse, et l'aident à les rédiger et à constituer son dossier.

Cependant, il convient de relever que le résultat de cette aide n'est pas communiqué, le mandat ayant été rompu avant de le connaître.

VI - Certes Maître [D] est inscrite au barreau de Paris depuis environ 12 ans. Mais outre qu'elle ne justifie pas être inscrite dans une spécialité particulière, ni avoir une certaine notoriété dans la matière du droit du travail et/ou de la Sécurité Sociale, comme elle le dit pourtant dans « sa fiche de diligences », il ressort des nombreuses pièces produites que Monsieur [B] a été informé par l'avocate dès novembre 2015 que son taux horaire HT était de 220 €, sans que soit mentionnée Maître [L]. Le taux horaire de 264 € n'apparaît que dans les derniers courriers de Maître [D] après son dessaisissement, et ses écritures devant le bâtonnier et devant nous. Monsieur [B] n'en a pas été informé préalablement au mandat ou en cours d'exécution de celui-ci.

Ce taux horaire de 220 € HT est donc retenu pour Maître [D].

Ensuite, dès lors que Maître [L] qui a prêté serment le 21 janvier 2015 au barreau de Paris, a travaillé régulièrement sur le dossier de Monsieur [B] dans le volet « reconnaissance d'une maladie professionnelle » comme indiqué précédemment, il conviendra de partager les 30 heures retenues entre les deux avocates, à raison de 10 heures pour Maître [D] et 20 heures pour Maître [L], au regard du travail réalisé par chacune résultant des mails précités, et de retenir un taux horaire HT au profit de cette dernière de 150 €, eu égard à son ancienneté dans la profession et de sa relative notoriété. Il est en effet démontré que Maître [L] a accompli une grande partie des diligences dans le volet présentement examiné, comme des recherches, la correction et la mise en forme de courriers pour le compte de Monsieur [B] ...

VII - Il n'est justifié par la SELAS [D] [T] d'aucun frais payé par elle pour le compte de Monsieur [B].

VIII - Enfin, Monsieur [B] qui justifie avec son avis d'impôt 2018 sur ses revenus 2017 qu'il n'avait payé aucun impôt, et perçu des revenus nets imposables de 4.946 €, avait à l'époque de la saisine du bâtonnier une situation de fortune totalement obérée. Il justifie également avoir été déclaré le 3 septembre 2018 « inapte au poste de responsable de contrat culture » qu'il occupait auparavant, en raison d'un état de santé qui « fait obstacle à tout reclassement dans son emploi. »

IX - Ainsi l'examen attentif du « récapitulatif d'honoraires » de la SELAS [D] [T] permet, en le comparant aux pièces produites, et en pratiquant une réfaction des diligences énumérées dans le volet « reconnaissance d'une maladie professionnelle », due à leur absence de justification ou leur exagération par rapport aux diligences effectuées, de fixer à la somme de 5.200 € HT les honoraires dûs par Monsieur [B] à la SELAS [D] [T] (10 heures x 220 € + 20 heures x 150 € ) dans le volet précité.

La totalité des honoraires dus par Monsieur [B] pour les deux volets « droit du travail » et « reconnaissance d'une maladie professionnelle » s'élève à 7.200 € HT (2.000 € + 5.200 €).

Monsieur [B] qui a déjà versé 2.250 € HT, ce que reconnaissent les deux parties, est donc condamné à verser la différence à la SELAS [D] [T], c'est à dire la somme de 4.950 € HT (7.200 € - 2250 €).

La décision du bâtonnier est donc infirmée de ce chef

Sur la TVA et les intérêts

Cette somme est assortie de la TVA tel qu'indiquée dans le présent dispositif, ainsi que des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2017, comme le demandent les deux parties.

Les intérêts seront capitalisés dans les conditions posées par l'article 1343-2 du code civil, en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Sur les autres demandes

Monsieur [B] qui succombe, est condamné aux dépens.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la SELAS [D] [T] et de Monsieur [B] les frais irrépétibles exposés au cours de la présente instance. Ils sont tous deux déboutés de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance CONTRADICTOIRE, en dernier ressort après débats publics, et avec mise à disposition,

DÉCLARONS Monsieur [Y] [B] recevable en son recours ;

DISONS que la SELAS [D] [T] a intérêt à agir dans la présente instance ;

INFIRMANT la décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris le 18 décembre 2017 ;

FIXONS à 7.200 € HT le montant total des honoraires dû à la SELAS [D] [T] par Monsieur [Y] [B] pour l'exercice de ses deux mandats de septembre 2015 à fin mai 2016 ;

DISONS que les sommes versées par Monsieur [Y] [B] à la SELAS [D] [T] s'élèvent à la somme totale de 2.250 € HT ;

En conséquence,

CONDAMNONS Monsieur [Y] [B] à payer à la SELAS [D] [T] la somme de 4.950 € HT augmentée de la TVA au taux de 20 % et des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2017, les dits intérêts étant capitalisés dans les conditions posées par l'article 1343-2 du code civil, en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

CONDAMNONS Monsieur [Y] [B] aux dépens ;

REJETONS toutes autres demandes ;

CONFIRMONS la décision de première instance en toutes ses dispositions non contraires à la présente ordonnance.

DISONS qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifié aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour le DIX-HUIT JUIN DEUX-MILLE VINGT par Agnès TAPIN, Présidente, qui en a signé la minute avec Karolyn MOUSTIN, Greffière placée, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues dans l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/00054
Date de la décision : 18/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C6, arrêt n°18/00054 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-18;18.00054 ?
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