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17/06/2020 | FRANCE | N°17/13822

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 17 juin 2020, 17/13822


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 17 JUIN 2020



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/13822 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OPJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° F15/01344





APPELANT



Monsieur [L] [V]

[Adresse 1]

[Localit

é 4]



Représenté par Me Thomas CARTIGNY de la SELEURL CARTIGNY AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P155







INTIMÉE



SAS SAM OUTILLAGE

Immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE so...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 17 JUIN 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/13822 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OPJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° F15/01344

APPELANT

Monsieur [L] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Thomas CARTIGNY de la SELEURL CARTIGNY AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P155

INTIMÉE

SAS SAM OUTILLAGE

Immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le n° 338 002 231

dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexia BLOCH NONON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 762

Assistée de Me Clotilde CARECCHIO, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Pascale MARTIN, présidente de chambre

Mme Sophie GUENIER LEFEVRE, présidente de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Pascale MARTIN, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte du 24 juin 2011, M. [R] [E] et M. [L] [V] ont cédé à la S.A.S. Sam Outillage les titres de la S.A.S. P.T.S. Outillage et de la S.A.R.L. I.P.S. Trading. dont ils étaient associés.

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 29 juillet 2011 avec une clause de forfait à raison de 215 jours par an, la société P.T.S. Outillage a embauché M. [V] en qualité de 'Directeur des Ventes de PTS/Groupe SAM rattaché à la Business Unit Automobile', moyennant une rémunération de 120 000 euros brut par an.

La convention collective du commerce de gros a été applicable à la relation de travail.

A compter du 1er juillet 2012, le contrat de travail de M. [V] a été transféré à la société Sam Outillage.

Précédemment, par avenant du 29 juin 2012, la société Sam Outillage et le salarié ont convenu que celui-ci exercerait les fonctions de directeur des ventes grands comptes, sous la subordination hiérarchique du directeur de la BU automobile, M. B., étant précisé que M. [V] serait chargé de la direction et du développement des ventes en France et dans les DOM TOM de la BUA relative aux clients de la recharge indépendante (fournitures automobiles) et de la recharge rapide (centres auto) avec pour objectif de gagner des parts de marché vers l'utilisateur professionnel de la réparation automobile.

La convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie a été applicable à la relation de travail.

A la suite d'un accident du travail du 26 mars 2013 ayant occasionné des douleurs au dos, M. [V] a été en arrêt jusqu'au 07 avril 2013, puis du 16 avril 2013 au 12 août 2013.

Lors de la visite du 17 septembre 2013, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à reprendre le travail.

M. [V] a été à nouveau arrêté du 21 octobre 2013 au 07 novembre 2013 pour lombalgie, puis du 07 novembre 2013 au 31 mai 2015 pour burn-out, dépression sévère et état anxio-dépressif.

La médecine du travail a conclu :

- lors de la visite de reprise du 08 juin 2015 :

'Inapte au poste, apte à un autre, inapte à reprendre son poste de directeur grands comptes et d'une manière générale à tous postes de commercial. Inapte aux déplacements fréquents et répétés en automobile. A REVOIR LE 24/06/15 A 11H20"

- lors de la seconde visite du 24 juin 2015 :

'Inaptitude confirmée au poste CONFIRMATION DE L INAPTITUDE TOTALE ET DEFINITIVE A SON POSTE DE TRAVAIL ET D UNE MANIERE GENERALE A TOUS LES POSTES DE L ENTREPRISE ET SES FILIALES' ;

- par courriers des 30 juin 2015 et 10 juillet 2015, sur interrogation de l'employeur, qu'aucune des propositions de reclassement n'était compatible avec l'état de santé du salarié.

Par courrier du 10 juillet 2015, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable le 23 juillet 2015.

Par lettre du 28 juillet 2015, le salarié a été licencié pour inaptitude définitive non professionnelle au poste et impossibilité de reclassement au sein de la société comme du groupe.

Contestant la validité de la convention de forfait en jours, ainsi que son licenciement, M. [V] a saisi, par courrier posté le 16 décembre 2015, la juridiction prud'homale.

Par jugement du 11 septembre 2017, la formation encadrement du conseil de prud'hommes de Meaux a :

- dit le licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse ;

- déclaré valide le forfait jours ;

- débouté les parties de leurs demandes ;

- laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré, s'agissant de la validité de la convention de forfait en jours, que l'employeur démontre qu'il a mis en place un contrôle et un décompte du nombre de jours travaillés, que les arrêts maladie de l'intéressé ont empêché la société d'organiser un entretien annuel et que celle-ci n'a ainsi pas méconnu les dispositions de la convention collective.

Le conseil a estimé que l'existence d'un lien entre le syndrome anxio-dépressif réactionnel et les conditions de travail de l'intéressé n'était pas établie, si bien que l'inaptitude de M. [V] ne faisait pas suite à un manquement de la société Sam Outillage à son obligation de sécurité.

L'avocat de M. [V] a interjeté appel total par voie électronique le 27 octobre 2017, soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification du jugement le 11 octobre 2017.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 août 2019, M. [V] requiert la cour d'infirmer le jugement déféré et de dire la société Sam Outillage mal fondée s'agissant de ses demandes in limine litis relatives aux demandes nouvelles et à la nullité de la convention de forfait en jours, puis, la cour statuant à nouveau, de rejeter la pièce adverse n° 99, de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Sam Outillage à lui payer :

- la somme de 120 000 euros net d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme de 30 000 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 3 000 euros brut de congés payés y afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2015, date de saisine du conseil ;

- la somme de 153 852,60 euros brut de rappel d'heures supplémentaires des années 2011 à 2013, ainsi que la somme de 15 385,26 euros brut de congés payés y afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2015 ;

- la somme de 72 523 euros net de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie en repos au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires sur les années 2011 à 2013 ;

- la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] requiert, en outre, la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de salaire conformes à l'arrêt, ainsi que la capitalisation des intérêts.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 03 septembre 2019,la société Sam Outillage sollicite :

- que, in limine litis, les demandes nouvelles présentées par la partie adverse soient déclarées irrecevables et que les demandes afférentes à la nullité de la convention de forfait en jours soient déclarées prescrites ;

- la confirmation que le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- la confirmation que le salarié était soumis à une convention de forfait en jours parfaitement licite ;

- la confirmation du jugement déféré ;

- le rejet de l'ensemble des demandes de M. [V] ;

- la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions mentionnées ci-dessus.

La clôture a été prononcée le 10 décembre 2019 par le conseiller de la mise en état.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 13 janvier 2020 en formation de conseiller rapporteur, les deux parties représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

1°/ Sur les deux conventions de forfait en jours :

a/ Sur la recevabilité :

La société Sam Outillage soutient que la demande de nullité de la convention de forfait en jours est nouvelle et que, l'article R. 1452-7 du code du travail ayant été abrogé, celle-ci ne peut pas prospérer devant la cour.

M. [V] réplique que la procédure a été introduite devant le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016, si bien que les règles relatives à l'unicité de l'instance restent applicables.

Il résulte de la combinaison des anciens articles R.1452-6 et R.1452-7 - encore applicables au présent litige qui a été introduit devant le conseil le 16 décembre 2015, soit avant le 1er août 2016 - que les parties peuvent compléter leurs demandes initiales en cours d'instance, en tout état de cause, même en appel, donc à tous les stades de la procédure.

Il s'ensuit que la demande, même présentée pour la première fois en cause d'appel par M. [V], est recevable.

b/ Sur la validité des deux conventions de forfait en jours :

M. [V] expose que la convention de forfait en jours du 29 juillet 2011 au 30 juin 2012 (contrat avec PTS) est nulle, car prise sur le fondement des dispositions d'un accord collectif invalidées par la Cour de cassation.

Il ajoute, s'agissant de la convention de forfait en jours à compter du 1er juillet 2012 (avenant avec Sam Outillage), que la société n'a pas :

- mis en oeuvre de suivi régulier de l'organisation de son travail et de sa charge de travail par son supérieur hiérarchique ;

- n'a pas organisé d'entretien annuel pour évoquer ces points et l'amplitude des journées d'activité.

La société Sam Outillage réplique, pour la période du 29 juillet 2011 au 30 juin 2012, que M. [V], directeur des ventes de la société PTS, exerçait des fonctions de cadre dirigeant.

L'intimée ajoute, pour la période à compter du 1er juillet 2012, que le salarié :

- disposait d'une autonomie totale dans l'organisation de son emploi du temps, travaillant le plus souvent de son domicile en région parisienne et ne se déplaçant que très occasionnellement au siège de la société ;

- était payé 2,5 fois plus que le salaire minimum conventionnel et percevait la deuxième rémunération de la société ;

- ne s'est jamais plaint de sa charge de travail ;

- devait avoir chaque année un entretien avec son responsable hiérarchique ;

L'employeur souligne que :

- entre le recrutement le 1er juillet 2012 et les premiers arrêts de travail au mois de mars 2013, moins d'une année s'est écoulée, puis le salarié n'est revenu travailler que trois semaines ;

- M. [V] a eu des entretiens réguliers avec ses supérieurs lors de ses déplacements stéphanois;

- à plusieurs reprises, M. [V] a été, individuellement ou avec d'autres salariés, rappelé à l'ordre sur le remplissage préalable des agendas des équipes commerciales afin que ses supérieurs aient une vision sur son activité et sa charge de travail ou la fourniture de rapports d'activité post rendez-vous.

Il résulte de l'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, que peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L.3121-39, les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés.

En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 29 juillet 2011 entre M. [V] et la société PTS prévoyait un forfait en jours, étant rappelé que la convention collective du commerce de gros était applicable à la relation de travail.

Or l'accord de branche a été jugé non valable par un arrêt du 26 septembre 2012 de la Cour de cassation.

Dès lors, la convention individuelle de forfait en jours du 29 juillet 2011 doit être elle-même déclarée nulle.

Par ailleurs, pour la période postérieure au 1er juillet 2012, l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie dispose notamment que le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.

La société SAM Outillage n'a pas effectué un tel suivi régulier de la charge de travail de son salarié.

En effet, il ressort des relances produites que les plannings prévisionnels que M. [V] devait remplir avaient une finalité de vérification de l'activité commerciale auprès de clients - et non de la charge de travail.

Les rapports que M. [V] a dû remettre au début du mois d'octobre 2012 et de décembre 2012 ne portaient pas davantage sur ce sujet (cf. pièces n° 20 et 96).

Rien n'établit que le problème de la charge de travail du salarié a été abordé lors des rencontres avec sa hiérarchie, notamment au retour de l'arrêt de travail au mois de septembre 2013.

En conséquence, la seconde convention de forfait en jours doit être considérée comme privée d'effet - et donc inopposable à M. [V].

2°/ Sur les heures supplémentaires et le non-respect de la contrepartie en repos :

a/ Sur la prescription :

La société Sam Outillage expose que l'action ayant été introduite après la loi du 17 juin 2013, il convient d'appliquer une prescription triennale -et non quinquennale- si bien que la demande en rappel de salaire pour la période allant du 29 juillet 2011 au 30 juin 2012 est prescrite.

M. [V] réplique qu'il a interrompu la prescription en saisissant le conseil de prud'hommes le 17 décembre 2015, si bien qu'il est fondé à solliciter un rappel de salaire même remontant au 29 juillet 2011.

L'article L3245-1 du code du travail modifié par la loi du 14 juin 2013 dispose que l'action en paiement de salaires se prescrit par trois ans (au lieu de cinq en vertu des dispositions antérieures) à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En vertu de l'article 21 de la loi du 14 juin 2013, les dispositions du code du travail prévues à l'article L. 3245-1 s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible.

En l'espèce, M. [V] ayant introduit son action le 16 décembre 2015, celle-ci n'est pas prescrite et peut porter sur un rappel de salaire à partir du mois de juillet 2011.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être écartée.

b/ Sur la preuve :

M. [V] expose en substance que :

- pour l'année 2011, il a continué d'assumer une grande partie de ses fonctions de chef d'entreprise outre celles de directeur des ventes, tout en rendant compte de son activité à ses supérieurs hiérarchiques, si bien qu'il effectuait onze heures de travail effectif par jour hors pause déjeuner ;

- pendant l'année 2012, il a dû maintenir et faire évoluer le chiffre d'affaires, en dépit d'une perte de confiance des clients et des commerciaux ;

- c'est en parfait accord avec la société qu'il a travaillé à partir de chez lui à compter du 1er avril 2012, lorsqu'il n'était pas en déplacement clientèle ou au siège social stéphanois ;

-s'agissant de l'année 2013, la production de quelques mails démontre, à titre d'exemples non exhaustifs, l'amplitude de ses journées de travail et sa charge de travail parfaitement excessives.

Il ajoute qu'il a dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires pendant les années 2011 à 2013, si bien qu'il aurait dû bénéficier d'une contrepartie en repos.

La société Sam Outillage réplique que :

- le salarié avait une très faible activité pour un directeur des ventes ;

- M. [V] ne peut pas réclamer le paiement d'heures supplémentaires sur la base de journées de 11 heures là où en réalité il n'avait qu'un seul rendez-vous ni réclamer des contreparties aux temps de transport vers Saint-Etienne.

Le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail.

La preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties.

L'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient cependant à celui-ci de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, M. [V] ne produit ni tableau ni suffisamment d'éléments pour déterminer, jour par jour, même approximativement, l'heure à laquelle il a débuté et celle à laquelle il a terminé le travail.

Aucune attestation ne vient y suppléer.

Les agendas versés aux débats permettent d'établir les dates des jours de travail, mais non les horaires quotidiens de début et de fin de service, puisqu'ils ne font que mentionner les obligations et rendez-vous du salarié en cours de journée.

Les mails produits ne concernent qu'une petite partie des journées en litige et il est impossible d'en déduire que le salarié a travaillé avant ou après leur envoi.

En définitive, l'appelant ne produit pas d'éléments assez précis pour étayer sa demande et permettre ainsi à l'employeur de fournir ses propres éléments.

En conséquence, la demande en rappel d'heures supplémentaires et celle en congés payés y afférents doivent être rejetées.

Il en est de même de la demande en dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie en repos au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires.

3°/ Sur le licenciement :

a/ Sur le rejet de la pièce n° 99 :

M. [V] expose qu'à la lecture de la pièce n° 99 de la partie adverse, le médecin du travail a violé le secret médical en dévoilant, de façon au demeurant erronée, ce qu'il lui avait confié lors de la visite de reprise et d'embauche du 17 septembre 2013. Il considère qu'il y a eu atteinte au respect de sa vie privée qui constitue une liberté fondamentale.

La société Sam Outillage réplique que le médecin du travail a le droit de s'exprimer sans révéler des faits relevant de la vie privée des salariés.

Le droit de la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

En l'espèce, la pièce n° 99 produite par l'intimée est un courrier du 16 janvier 2017 rédigé par le médecin du travail dans les termes suivants :

'Suite à votre demande, j'ai analysé le compte rendu de la visite de reprise après accident du travail effectuée le 17 Septembre 2013 concernant votre salarié monsieur [V] [L].

Hors des faits (') physiques inhérents à son accident du travail, je n'ai pas relevé de doléances particulières quant à ses conditions de travail. (...)'.

Cette pièce ne mentionne donc aucun élément relatif à la vie privée ou à la santé de l'intéressé.

En conséquence, il n'y a pas lieu que la pièce n° 99 produite par l'intimée soit écartée.

b/ Sur l'origine de l'inaptitude :

M. [V] expose que :

- il travaillait dans un contexte de surcharge de travail permanente ;

- le manquement à l'obligation de sécurité est caractérisé par l'absence de suivi régulier, ainsi que d'entretien annuel sur l'organisation, la charge et les durées maximales de travail ;

- ses arrêts maladie n'étaient pas de nature à empêcher de mettre en place un suivi régulier et un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique ;

- à compter du 24 juin 2013, il a été suivi pour dépression réactionnelle avec symptomatologie psychosomatique de lombalgies cervicales ;

- à compter du 17 septembre 2013, la société Sam Outillage l'a isolé ;

- il a été exclu de certains rendez-vous avec la clientèle et n'a pas pu obtenir les informations nécessaires à sa mission ;

- il a été arrêté pour burn-out du 21 octobre 2013 au 31 mai 2015.

La société Sam Outillage réplique que :

- la dépression n'a pas été classée en accident du travail ;

- le médecin conseil de la caisse a contraint M. [V] à reprendre le travail pendant l'année 2015 après dix-neuf mois d'arrêt.

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse, lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

En l'espèce, les avis d'inaptitude des 08 et 24 juin 2015 ont été rendus par le médecin du travail après une suspension du contrat qui, du 07 novembre 2013 au 31 mai 2015, résultait, selon les avis d'arrêt de travail, d'un'burn out', d'un 'état anxio-dépressif', d'une 'dépression',...

Il n'est établi ni une surcharge de travail permanente ni une amplitude excessive des journées de travail de M. [V], dès lors que l'accomplissement par celui-ci d'heures supplémentaires n'a pas été retenu (voir 2° ci-dessus).

A supposer une violation par l'employeur de son obligation de sécurité, rien ne montre qu'elle soit à l'origine de l'inaptitude.

En effet, même si le Dr N. (pièce n°44 de l'appelant) a attesté le 23 septembre 2013 que, depuis le 24 juin 2013, il suivait M. [V] pour une dépression réactionnelle faisant suite à des soucis et à des tensions professionnelles, le salarié a, entre-temps, été déclaré apte le 17 septembre 2013 par le médecin du travail (pièce n°5) devant lequel il n'a pas exprimé de doléances particulières quant à ses conditions de travail (pièce n°99 de l'intimée).

Puis, l'arrêt de travail initial du 21 octobre 2013 au 07 novembre 2013 a été délivré par le Dr N. pour 'névralgie cervico-brachiale, lombalgie' - et non pour des difficultés d'ordre psychologique.

Dans ses conclusions d'inaptitude des 08 juin 2015 et 24 juin 2015, le médecin du travail a rempli la case 'maladie ou accident non professionnel'.

En définitive, il n'est établi aucun lien entre l'inaptitude et un manquement de l'employeur.

c/ Sur l'obligation de reclassement :

M. [V] expose que :

- la société a seulement soumis au médecin du travail cinq postes dans l'établissement de [Localité 2] et un dans l'établissement de [Localité 5], lesquels n'étaient pas compatibles avec son état de santé ;

- l'employeur ne justifie pas d'une recherche sérieuse dans les deux filiales (Espagne et Hollande) et dans la succursale de Belgique ;

- la société n'a pas produit d'organigramme précis comprenant les filiales et les succursales.

La société réplique que :

- elle a cherché des postes tant en interne qu'auprès des deux filiales et de la succursale ;

- elle a ainsi pu soumettre six postes au médecin du travail ;

- le salarié ne justifie d'aucun préjudice, alors qu'il a lancé une activité concurrente.

Selon l'article L.1226-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Il en résulte, à la charge de l'employeur, une obligation de moyen renforcée de reclassement.

Les efforts de l'employeur en ce sens s'apprécient en tenant compte de la taille de l'entreprise et de la structure des emplois.

En l'espèce, la société Sam Outillage justifie :

- d'une recherche de postes en interne (pièce n° 91), ainsi qu'auprès des deux filiales et de la succursale à l'étranger (pièces n° 88 et 90) ;

- avoir déterminé six postes de reclassement (pièce n°87) ;

- avoir consulté le médecin du travail sur la compatibilité de ceux-ci avec l'état de santé du salarié ;

- des réponses négatives de ce médecin (pièces n° 93 et 94).

En conséquence, l'employeur ayant respecté son obligation de reclassement, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Les demandes subséquentes sont rejetées (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférents, intérêts de retard et remise de documents rectifiés de fin de contrat).

4°/ Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

M. [V] est condamné aux dépens d'appel comme de première instance.

Les parties sont déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré, SAUF s'agissant des deux conventions de forfait en jours et des dépens de première instance ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

DECLARE recevable la demande nouvelle tendant à la nullité des conventions de forfait en jours ;

ECARTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant des rappels de salaire ;

DECLARE nulle la convention de forfait en jours du 29 juillet 2011 ;

DIT que la convention de forfait en jours du 29 juin 2012 est privée d'effet ;

REJETTE le surplus des demandes de M.[L] [V]

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [L] [V] aux dépens de première instance comme d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 17/13822
Date de la décision : 17/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°17/13822 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-17;17.13822 ?
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