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10/06/2020 | FRANCE | N°18/22946

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 10 juin 2020, 18/22946


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 10 JUIN 2020



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/22946 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TCW



Décisions déférées à la Cour : Ordonnance du 03 novembre 2016 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 14/06454 et Jugement du 08 Décembre 2017 - Tribunal de grande instance d'EVRY - RG n° 14/06454





APPELANTE



Ma

dame [R], [H], [C] [G] épouse [T]

Née le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 19]

[Adresse 11]

[Localité 12]



représentée et ayant pour avocat plaidant Me Aurore COUDERC, avocat au...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 10 JUIN 2020

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/22946 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TCW

Décisions déférées à la Cour : Ordonnance du 03 novembre 2016 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 14/06454 et Jugement du 08 Décembre 2017 - Tribunal de grande instance d'EVRY - RG n° 14/06454

APPELANTE

Madame [R], [H], [C] [G] épouse [T]

Née le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 19]

[Adresse 11]

[Localité 12]

représentée et ayant pour avocat plaidant Me Aurore COUDERC, avocat au barreau de PARIS, toque : E0461

INTIMÉE

Madame [K] [N] veuve [G]

Née le [Date naissance 7] 1942 à [Localité 20] (94)

[Adresse 6]

[Localité 14]

représentée et ayant pour avocat plaidant Me Philippe MONCALIS de la SELARL BECAM-MONCALIS, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 mars 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine GONZALEZ dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffiers :

- lors des débats : Mme Cynthia GESTY

- lors de la mise à disposition : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, la date initialement annoncée aux parties ayant dû être reportée en raison de l'état d'urgence sanitaire, ce dont, pour le même motif,  les parties n'ont pu être avisées par le greffe que par un message RPVA du 13 mai 2020.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

***

[F] [G] est décédé le [Date décès 4] 2010 en son domicile situé [Adresse 6] à [Localité 14] (Essonne).

Il a laissé pour lui succéder :

- Mme [R] [G] épouse [T], sa fille née d'une première union avec Mme [B] [I], en qualité d'héritière réservataire, et dont il était divorcé,

- Mme [K] [N] épouse [G], conjointe survivante, avec laquelle il était marié depuis le [Date mariage 5] 1967, sans contrat de mariage.

Par acte reçu par Maître [U] [A], notaire associé à [Localité 19], le 28 janvier 1970, la société Civile Immobilière de Construction de l'Ile de France (S.C.I.C. Ile de France) a vendu aux époux [G] les biens et droits dépendant d'un ensemble immobilier situé à [Localité 14] comprenant un pavillon sis à l'adresse mentionnée plus avant, moyennant le prix principal de 93.500 francs, payé directement par l'acquéreur au vendeur à concurrence de 14.025 francs, le surplus étant stipulé payable pour partie au moyen d'un emprunt que l'acquéreur prévoyait de souscrire auprès du Crédit Foncier de France à concurrence de 22.700 francs, et pour le solde en versement mensuels.

Après son hospitalisation du 16 novembre 2007 au 24 décembre 2007 à Galien pour un syndrome fébrile, [F] [G] a été admis le 24 décembre 2007 à la clinique médicale « [16] » à [Localité 13] (Essonnes) pour un cylindrome de l'oreillette gauche connu depuis 2001. Il est sorti de cet établissement le 2 mai 2008 pour un retour chez lui en hospitalisation à domicile.

Par jugement rendu le 13 février 1980, le tribunal de grande instance d'Evry avait notamment :

- homologué l'acte reçu par Maître [W] [S], notaire associé à [Localité 18] (Seine-Saint-Denis), le 30 octobre 1979, contenant adoption par les époux [G] [N] du régime matrimonial de la séparation de biens,

- dit n'y avoir lieu à l'homologation de l'acte de partage de la communauté, établi le 30 octobre 1979,

- commis la SCP Boissy-Bourguet-Leroy, notaires à [Localité 18], pour procéder à la liquidation de la communauté,

- dit que ledit jugement serait publié et mentionné dans les formes prescrites par l'article 1397 du code civil,

au motif qu'il résultait des documents de la cause que le changement de régime matrimonial proposé était conforme à l'intérêt de la famille.

Aux termes de l'acte de partage de la communauté, établi le 30 octobre 1979 et portant inscription de publication enregistrée au bureau des hypothèques le 4 juillet 1980, il est mentionné notamment que :

- par deux actes, reçus par Maître [E], notaire, le 1er février 1979, les époux se sont mutuellement fait donation entre vifs en cas de survie, de la toute propriété de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers,

- les époux n'exercent aucune reprise et ne doivent aucune récompense à la communauté,

- sont attribués à [F] [G] les comptes Société Générale, Crédit Agricole, le livret de la Caisse nationale d'épargne, d'une somme totale de 180.500 francs, la voiture de marque audi de 10.000 francs, et à Mme [G], les biens et droits immobiliers situés à [Localité 14] composés du pavillon d'habitation précité d'une valeur de 250.000 francs, le compte Crédit Agricole n°[XXXXXXXXXX02] de 8.700 francs, à charge pour elle d'acquitter le solde restant dû sur le prêt consenti par le Crédit Foncier de France s'élevant à 19.890 francs et le solde du prix de la vente de ce bien de 48.310 francs.

Par lettre du 16 mars 2010, Maître [Y], notaire à [Localité 15], chargé par Mme [G] du règlement de la succession de son époux, a indiqué à Mme [R] [T] qu'elle était héritière de la moitié en pleine propriété des biens dépendant de la succession, Mme [G] bénéficiant d'une donation entre époux, et que l'actif de la succession était essentiellement composé de comptes bancaires détenus au crédit Agricole pour un montant total d'environ 7.400 euros au jour du décès, ajoutant qu'aucun passif significatif n'était à la charge de la succession.

Ce notaire a également transmis, par lettre du 21 juillet 2010, le détail de l'actif au jour du décès composé comme suit :

'1/ La Banque Postale

Un livret A 17,44€,

2/ Crédit Agricole Ile de France

Compte de dépôt à vue 393,61€

Compte titres 7.054,51€

Livret de développement durable 32,64€

Il n'existe pas de passif connu'

Estimant que l'actif successoral n'était pas complet, Mme [R] [T] a adressé deux lettres recommandées avec accusé de réception datées des 19 octobre 2011 et du 5 décembre 2011, restées sans réponse, à Mme [K] [G] par lesquelles elle lui a demandé notamment:

- la réintégration dans l'actif successoral de deux terrains situés respectivement sur la commune de [Localité 17] (Indre-et-Loire) et [Localité 21] (Vienne),

- ainsi que de toutes donations et diverses sommes d'argent que celle-ci aurait perçues de [F] [G] et qui pourraient influer sur ses droits,

- et a exprimé le souhait de trouver une solution amiable.

Par assignation en date du 30 juillet 2014, Mme [R] [T] a demandé au tribunal de grande instance d'Evry d'ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation partage de la succession et la désignation d'un notaire pour y procéder, de constater que Mme [G] a été bénéficiaire de plusieurs donations constitutives d'un recel de succession, et d'ordonner le rapport de ces libéralités à la succession de [F] [G].

Par ordonnance rendue le 3 novembre 2016 sur conclusions d'incident de Mme [R] [T], le juge de la mise en état a statué comme suit :

Rejette la demande de communication de pièces formée par Madame [R] [G] épouse [T],

Réserve les dépens de l'incident, et Dit qu'ils suivront le sort de ceux de l'instance principale,

Renvoie l'affaire à la mise en état du jeudi 1er décembre 2016 à 09h30, avec injonction de conclure à Madame [K] [N] veuve [G].

Par jugement rendu le 8 décembre 2017, le tribunal de grande instance d'Evry a statué comme suit :

Ordonne qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation partage de la succession de [F] [G], décédé le [Date décès 4] 2011 ;

Commet Monsieur le Président de la Chambre des Notaires de l'Essonne pour procéder à ces opérations, avec faculté de délégation à tout membre de sa compagnie ;

Ordonne aux parties de verser au notaire commis la somme de 1 000 euros à titre de provision sur le coût des opérations de partage ; cette somme sera avancée pour moitié par chacune des parties ; à défaut de versement par le défendeur, cette somme sera versée en totalité par le demandeur, étant toutefois rappelé que, par application de l'article 870 du code civil, les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend ;

Dit que les parties devront remettre au notaire commis, dès la première convocation, l'ensemble des pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

Dit que le notaire commis pourra se faire communiquer tous renseignements bancaires concernant le défunt directement auprès des établissements concernés, des fichiers FICOBA ou AGIRA, sans que le secret professionnel lui soit opposé ;

Rappelle que le notaire commis doit faire usage des dispositions des articles 1365 et suivants du code de procédure civile, ainsi que de celles de l'article 841-1 du code civil, et que, notamment, il doit dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre les copartageants, la masse partageable et les droits des parties ;

Commet le président de la troisième chambre civile de ce tribunal pour surveiller les opérations de partage et faire rapport sur l'homologation de la liquidation s'il y a lieu ;

Dit qu'en cas d'empêchement du juge ou du notaire, il sera procédé à leur remplacement sur simple requête ;

Dit que Madame [K] [N] épouse [G] a reçu des donations à hauteur de la somme totale de 97.000 euros qu'elle doit rapporter à la succession de [F] [G] ;

Dit que Madame [K] [N] épouse [G] ne peut prétendre à aucune part sur cette somme de 97.000 euros par application de l'article 778 du code civil ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens, seront employés en frais privilégiés de partage et autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande, à recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 25 octobre 2018, Mme [R] [G] épouse [T] a interjeté appel de l'ordonnance du juge de la mise en état et du jugement précités.

Par ses conclusions remises le 18 juin 2019, elle demande à la cour de :

Vu les articles 815, 840 du code civil et 1359 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 227, 1543, 1479 et 1469 alinéa 3 du code civil,

Vu les articles 778 du code civil,

Vu l'article 1099 ancien du code civil,

Vu l'article 1353 du code civil,

Vu l'article 1343-2 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Réformant le jugement entrepris, dans la limite de la déclaration d'appel du 25 octobre 2018 n°18/24667,

- ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial des époux [G]-[N] préalablement à l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [F] [G],

- rectifier l'erreur matérielle frappant le dispositif du jugement du tribunal de grande instance d'Evry du 8 décembre 2017 portant sur la date du décès de [F] [G], survenu le [Date décès 4] 2010 et non le [Date décès 4] 2011,

- compléter la mission du notaire commis en ce que ce dernier devra dresser un inventaire des meubles ayant appartenu au défunt, et notamment des meubles se trouvant au domicile de Madame [K] [N] veuve [G],

- dire et juger que Madame [K] [N] veuve [G] devra, pour la réalisation de cet inventaire, permettre l'accès à son domicile,

- dire et juger que l'acte de partage de la communauté [G]-[N] du 30 octobre 1979 constitue une donation déguisée de Monsieur [F] [G] en faveur de Madame [K] [N],

- dire et juger que cette donation déguisée est nulle et que la moitié du bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 14] et cadastré section AD n°[Cadastre 9] dépend de la succession de [F] [G],

- requalifier en donation déguisée la souscription des contrats d'assurance-vie au bénéfice de Madame [K] [N] réalisée le 13 décembre 1986 grâce à des deniers personnels de [F] [G],

- condamner Madame [K] [N] à restituer à la succession de [F] [G] la somme de 72 841,57 euros à titre principal et 42 000 euros à titre subsidiaire,

- requalifier en donations déguisées les deux virements bancaires des 10 octobre 2006 et 18 janvier 2008 dont a bénéficié Madame [K] [N] depuis le compte personnel de son époux pour un montant total de 14 000 euros,

- condamner Madame [K] [N] à restituer à la succession de [F] [G] la somme de 14 000 euros,

- requalifier en donations déguisées les multiples mouvements de fonds dont a bénéficié Madame [K] [N] depuis le compte personnel de son époux pour un montant total de 67 948,43 euros,

- condamner Madame [K] [N] à restituer à la succession de [F] [G] la somme de 67 948,43 euros,

- dire et juger que Madame [K] [N] a frauduleusement dissimulé à la succession de Monsieur [F] [G] l'existence de ces donations déguisées,

- dire et juger qu'elle sera donc privée de tout droit sur la moitié de la valeur vénale du bien immobilier sis à [Localité 14] et cadastré AD [Cadastre 9] dépendant de la succession de [F] [G],

- dire et juger qu'elle sera donc privée de tout droit sur la somme de 72 841,57 euros à titre principal et 42 000 euros à titre subsidiaire au titre des assurances-vie souscrites avec des deniers personnels de son époux,

- dire et juger qu'elle sera donc privée de tout droit sur la somme de 14 000 euros au titre des deux virements bancaires des 10 octobre 2006 et 18 janvier 2008 dont elle a bénéficié depuis le compte personnel de [F] [G],

- dire et juger qu'elle sera donc privée de tout droit sur la somme de 67 948,43 euros au titre des multiples mouvements de fonds dont elle a bénéficié depuis le compte personnel de [F] [G],

- dire et juger que Madame [N] devra assortir ce rapport de la somme de 154 790 euros à titre principal, ou 123 948,43 euros à titre subsidiaire, des intérêts au taux légal à compter du [Date décès 4] 2010,

- dire et juger qu'en application de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus des sommes principales et dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes, à compter du 30 juillet 2014 et par périodes annuelles, intérêts au taux légal,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que Madame [K] [N] recueillera ¿ de la moitié du bien immobilier sis à [Localité 14] et cadastré AD [Cadastre 9] dépendant de la succession de [F] [G],

En tout état de cause,

- confirmer pour le surplus la décision entreprise en ses dispositions non contraires aux présentes et, notamment, en ce qu'elle a reconnu le recel successoral commis par Madame [K] [N] sur une somme de 97 000 euros,

- dire et juger que Madame [N] devra assortir ce rapport de la somme de 97 000 euros des intérêts au taux légal à compter du [Date décès 4] 2010,

- dire et juger qu'en application de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus des sommes principales et dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes, à compter du 30 juillet 2014 et par périodes annuelles, intérêts au taux légal,

- débouter Madame [K] [N] de son appel incident et de toutes ses plus amples demandes,

- condamner Madame [K] [N] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [K] [N] aux entiers dépens.

Par ses conclusions remises le 4 avril 2019, Mme [K] [N] veuve [G] demande à la cour de :

Vu les articles 778, 843, 860, 1167, 1304, 1360, 1365, 1538 du code civil,

Vu les articles 562, 700, 753, 909, 913, 954, 961 du code de procédure civile,

I - Sur l'ordonnance du juge de la mise en état du 3 novembre 2016 :

- constater le fait que dans le délai de 3 mois de la déclaration d'appel de Mme [R] [T], il n'est sollicité d'aucune partie la réformation motivée de cette décision.

II - Sur le jugement du tribunal de grande instance d'Evry du 8 décembre 2017 :

- le confirmer en toutes ses dispositions ayant débouté Mme [R] [T] de ses demandes dirigées contre la concluante, à l'exception du rapport à succession des sommes d'argent versées les 1er et 23 mars 2002 (paragraphe 3 - C page 4 du jugement) par feu [F] [G] à la concluante mais l'infirmer en l'irrecevabilité générale de l'action en compte, liquidation, partage faute de diligences préalables et disant n'y avoir lieu à recel de succession de sa part,

- déclarer radicalement irrecevables comme nouvelles autant qu'infondées, tant les demandes formées par Madame [R] [G] épouse [T] relatives à la modification de la mission confiée au Notaire commis, comme de ses demandes également nouvelles relatives à une requalification en donations déguisées des mouvements de fonds de 2004 à 2010,

Dans tous les cas,

- condamner Mme [R] [T] à lui verser une somme de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

SUR CE, LA COUR,

1°) Sur l'ordonnance du juge de la mise en état du 3 novembre 2016 :

Mme [K] [N] veuve [G] demande à la cour de constater qu'il n'est sollicité d'aucune partie, dans le délai de 3 mois de la déclaration d'appel de Mme [R] [G] épouse [T], la réformation motivée de cette décision.

Mme [R] [T] ne répond pas sur ce point.

A défaut de demande des parties tendant à l'infirmation de cette ordonnance du juge de la mise en état, celle-ci sera purement et simplement confirmée.

2°) Sur l'irrecevabilité générale de l'action en compte, liquidation, partage faute de diligences préalables :

Mme [K] [N] épouse [G] soutient que les demandes de Mme [R] [G] épouse [T] n'ont jamais fait l'objet d'une demande amiable préalable, affirmant que « d'évidence [l'appelante] a renoncé à toutes diligences en vue de parvenir à un partage amiable ». Elle reproche au tribunal de s'être « contenté de constater le fait qu'il était versé aux débats deux courriers adressés par Madame [T] à Madame [G] sans aucune certitude que ceux-ci contenaient, comme l'exige la Loi, une diligence quelconque de nature à parvenir à un partage amiable ». Elle estime que faute de justifier d'une volonté sérieuse d'aboutir à un règlement amiable de la succession, la demande en partage judiciaire de Mme [R] [G] épouse [T] est irrecevable au regard des dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile.

En réponse, Mme [R] [G] épouse [T] fait valoir que dans ses deux courriers à Mme [K] [N] veuve [G], des 19 octobre 2011 et 5 décembre 2011, elle visait bien la réintégration dans l'actif successoral de toutes les donations et diverses sommes d'argent dont l'intimée avait été la bénéficiaire et qui pourraient influer sur les droits de la concluante en sa qualité d'héritière, et par lesquels elle l'informait de la découverte de diverses donations versées sur son compte bancaire. Elle ajoute que ces demandes de rapport de libéralités consenties à l'intimée n'ont jamais donné lieu à réponse de cette dernière, que les demandes de recel successoral sont par nature contentieuses, et que Mme [K] [N] veuve [G] s'est opposée à toutes ses demandes.

Aux termes des dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile, « A peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable ».

Le jugement entrepris relève « que s'agissant des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage, les termes de l'assignation indiquent que Madame [R] [G] épouse [T] a adressé deux courriers recommandés avec accusé de réception à Madame [K] [N] épouse [G] les 19 octobre et 5 décembre 2011 et n'a pas obtenu de réponse ».

Cette assignation en partage n'est pas produite par les parties à hauteur d'appel. Néanmoins, il a été ainsi bien constaté par les premiers juges que cette assignation précisait les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable. En effet, il est établi que Mme [R] [G] épouse [T] s'est bien adressée amiablement à la veuve pour faire état de ses prétentions quant à l'établissement de l'actif et recevoir ses explications. L'établissement de l'actif étant le préalable nécessaire à tout partage, et faute d'avoir reçu une réponse à ses sollicitations, il ne pouvait être exigé de l'appelante qu'elle fasse plus amples diligences qui auraient été nécessairement vouées à l'échec, eu égard au silence de Mme [K] [N] veuve [G].

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré recevable la demande en partage, le jugement étant confirmé de ce chef.

3°) Sur l'irrecevabilité des demandes tendant à la modification de la mission confiée au Notaire commis, ainsi qu'à la requalification en donations déguisées des mouvements de fonds de 2004 à 2010 :

Mme [K] [N] veuve [G] soutient que la demande de complément de la mission du notaire n'apparaît pas dans les conclusions de première instance de Mme [R] [G] épouse [T], et reprises dans les motifs de la décision critiquée. Elle estime que cette demande est formulée pour contourner le débouté de la demande d'expertise prononcé par le jugement entrepris, et se heurte à l'effet dévolutif de l'appel. Elle indique également que l'appelante tente de faire accroire que ses demandes de requalification en donations déguisées des mouvements de fonds de 2004 à 2010 étaient implicitement contenues dans sa demande d'expertise exposée devant le premier juge, et rejetée par celui-ci, alors qu'elle affirme que ce rejet ne fait l'objet d'aucune critique en cause d'appel.

En réponse, Mme [R] [G] épouse [T] soutient que tribunal était valablement saisi - aux termes de l'article 753 du code de procédure civile applicable aux instances introduites avant le 11 mai 2017 - par ses dernières écritures d'une demande visant à 'reconstituer le patrimoine mobilier du défunt', précisant avoir alors demandé qu'un inventaire du patrimoine mobilier du défunt soit établi par le notaire au motif que l'unique courrier de Maître [X] [Y] du 21 juillet 2010 inventoriant l'actif de la succession ne faisait pas mention « des meubles défunt ». Elle ajoute avoir interjeté appel du jugement entrepris qui a rejeté cette demande d'expertise, et affirme que sa demande visant à ce qu'« un inventaire des biens meubles de la succession » soit effectué est parfaitement recevable. Elle indique également sur la recevabilité de ses demandes de requalification en donations déguisées des mouvements de fonds de 2004 à 2010 qu'en application des dispositions de l'article 753 du code de procédure civile dans sa version applicable à l'espèce, le tribunal était tenu de prendre en compte l'intégralité du contenu des dernières conclusions déposées, et non leur seul dispositif. A ce titre, elle précise que ses dernières conclusions récapitulatives du 2 mai 2017 détaillaient sur quatre pages les sommes et mouvements de fonds ayant bénéficié à l'intimée depuis les comptes personnels de son époux, et que les demandes en cause ont été réunies sous le chef d'une demande d'expertise aux termes du dispositif desdites conclusions. Elle ajoute que si cette expertise a été rejetée par le tribunal, elle a interjeté appel de ce chef, et qu'en application des articles 564 à 566 du code de procédure civile ses demandes de requalification précitées sont recevables.

En application des dispositions de l'article 753 du code de procédure civile dans sa version applicable à l'espèce, le tribunal était saisi des prétentions des parties formulées expressément dans les dernières conclusions, même si elles n'étaient pas reprises dans le dispositif de celles-ci, une telle exigence n'étant alors pas prévue par ce texte.

Comme le rappelle le jugement dont appel dans son exposé du litige, Mme [R] [G] épouse [T] a par ses conclusions du 2 mai 2017 sollicité, en particulier, qu'il soit ordonné une expertise relativement aux comptes de défunt ouverts à La Poste, au Crédit agricole, à la Société générale et à la Banque Postale afin notamment de « déterminer à l'égard de l'assiette totale des charges du mariage des époux le quantum de la donation dont a pu bénéficier Madame [G] », « se procurer les factures correspondant au : - Meuble objet de factures de rénovation

- Patrimoine mobilier du de cujus susceptible d'avoir été entreposé en garde-meuble ». Cette demande d'expertise a été rejetée par le jugement dont appel, dispositif du jugement dont Mme [R] [G] épouse [T] a interjeté appel.

Il s'ensuit que la demande aux fins de compléter la mission du notaire commis afin qu'il dresse un inventaire des biens meubles ayant appartenu au défunt, et notamment les meubles se trouvant au domicile de l'intimée, tout comme les demandes de requalification en donations déguisées relatives aux mouvements de fonds de 2004 à 2010 tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, la question des meubles et celle des mouvements de fonds précités étant déjà dans les débats de première instance. Ces demandes ont simplement pour objet de compléter la mission du notaire et à faire écarter les demandes initiales de Mme [K] [N] veuve [G] qui concluait en première instance au débouté de la partie adverse s'agissant de ses demandes de rapport à la succession des libéralités visées dans son acte introductif d'instance à l'exception de 97.000 €, objet des dons manuels des 1er mars 2002 et 23 mars 2002.

En conséquence, la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de Mme [R] [G] épouse [T] tendant à la modification de la mission confiée au Notaire commis, ainsi qu'à la requalification en donations déguisées des mouvements de fonds de 2004 à 2010 sera rejetée.

4°) Sur l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial des époux [G]-[N] et par suite de la succession de [F] [G] :

Mme [R] [G] épouse [T] reproche au tribunal d'avoir ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la seule succession de [F] [G]. Elle soutient que le défunt étant marié, il est nécessaire de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de son régime matrimonial, préalablement à celles de sa succession.

Mme [K] [N] veuve [G] ne répond pas sur ce point.

Selon le jugement entrepris, seule était demandée par Mme [R] [G] épouse [T], aux termes de l'assignation qu'elle a fait délivrer et de ses conclusions saisissant le tribunal, l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [F] [T].

Néanmoins, [F] [G] ayant été marié, il convient de faire droit à la demande de Mme [R] [G] épouse [T] en ordonnant l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial du défunt, lesquelles auront lieu concomitamment à celles de la succession.

Dans le cadre de ses opérations, le notaire devra procéder à un inventaire du mobilier du défunt, Mme [K] [N] veuve [G] devant à cette fin autoriser l'accès à son domicile.

5°) Sur la rectification d'erreur matérielle portant sur la date du décès de [F] [G] :

Mme [R] [G] épouse [T] soutient que [F] [G] est décédé le [Date décès 4] 2010, et non le [Date décès 4] 2011 comme l'a jugé le tribunal.

Mme [K] [N] veuve [G] ne répond pas sur ce point.

Aux termes de l'acte de décès versé aux débats, il est établi que [F] [G] est bien décédé le [Date décès 4] 2010, le jugement entrepris sera donc rectifié sur ce point.

6°) Sur les demande de requalification en donations déguisées et de recel :

- concernant le pavillon d'[Localité 14] :

Mme [R] [G] épouse [T] reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande de requalification en donation déguisée de l'acte de partage de la communauté des époux [G]-[N], et de recel successoral de cette donation, sur le fondement de l'article 1538 du code civil. Elle soutient qu'il appartient à Mme [K] [N] veuve [G] d'apporter la preuve qu'elle a bien satisfait à son obligation de transférer la titularité des comptes bancaires autrefois communs du couple au seul bénéfice de [F] [G], en application de l'acte de partage de communauté, et de prouver qu'elle s'est acquittée du règlement des emprunts avec ses propres deniers à la suite de l'adoption du régime de séparation de biens. Elle affirme également apporter la preuve de l'intention libérale de son père envers Mme [K] [N] veuve [G] par les termes de la requête d'homologation du changement de régime matrimonial. Elle ajoute que l'intimée a sciemment dissimulé cette donation.

En réponse, Mme [K] [N] veuve [G] soutient que les dispositions de l'acte de partage sont suffisantes à établir qu'elle était bien débitrice du solde des emprunts et du prix de vente de l'immeuble. Elle affirme que la seule circonstance qu'elle n'aurait pas réglé sa dette à l'égard des établissements bancaires ne suffit pas à caractériser une donation déguisée. Elle estime que l'appelante « ne démontre aucunement par cet acte de partage l'existence d'une libéralité du de cujus au profit de son épouse », soulignant qu'il n'est pas démontré que [F] [G] ait payé, aux lieu et place de son épouse, le solde des emprunts et du prix de vente de ses deniers personnels après la signature de l'acte de partage.

Aux termes des dispositions de l'article 1538 du code civil, « Tant à l'égard de son conjoint que des tiers, un époux peut prouver par tous les moyens qu'il a la propriété exclusive d'un bien.

Les présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage ont effet à l'égard des tiers, aussi bien que dans les rapports entre époux, s'il n'en a été autrement convenu.

La preuve contraire sera de droit, et elle se fera par tous les moyens propres à établir que les biens n'appartiennent pas à l'époux que la présomption désigne, ou même, s'ils lui appartiennent, qu'il les a acquis par une libéralité de l'autre époux.

Les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ».

Il est constant que [F] [G] et l'intimée qui étaient mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts depuis le [Date mariage 5] 1967, ont modifié leur régime matrimonial et adopté le régime de la séparation de biens par acte notarié du 30 octobre 1979, homologué par jugement du 13 février 1980. Selon l'acte de partage de la communauté établi le 30 octobre 1979, Mme [K] [N] veuve [G] a été attributaire du seul bien immobilier de la communauté constituant le domicile conjugal sis [Adresse 6] à [Localité 14], évalué à la somme de 250.000 francs, ainsi que de 8.700 francs en liquidités, cet acte mettant à sa charge le paiement du solde des prêts bancaires portant sur le bien immobilier pour un montant total de 68.200 francs.

Cet acte de partage a conféré l'entière propriété du bien immobilier à Mme [K] [N] veuve [G]. Dès lors qu'il s'agissait d'un partage strictement égalitaire, il n'y a pas eu d'appauvrissement de [F] [G], si bien que l'acte en lui-même ne peut être considéré comme constituant une donation déguisée. Aussi, l'éventuelle contribution du défunt au paiement du solde du prêt et du prix de vente, qu'il appartiendrait à l'appelante de démontrer, n'est pas de nature à remettre en cause les droits de propriété de Mme [K] [N] veuve [G] sur le bien immobilier. En l'absence de preuve d'une telle contribution, il ne peut être fait droit à la demande de Mme [R] [G] épouse [T] tendant à voir reconnaître le bénéfice d'une donation déguisée, le jugement étant confirmé de ce chef.

- concernant les placements souscrits par Mme [N] en décembre 1986 :

Mme [R] [G] épouse [T] soutient qu'il est établi que le même chéquier et donc, selon elle, le même compte et le même époux, a versé les fonds pour la souscription de quatre contrats de placement. Soulignant que l'intimée n'a jamais soutenu que ces fonds ont été tirés d'un compte lui appartenant, elle affirme que c'est donc le compte du défunt qui a permis d'alimenter les contrats en cause, ajoutant que Mme [K] [N] veuve [G] n'a jamais eu la capacité financière pour les souscrire.

Elle indique également que l'appauvrissement et le dépouillement de [F] [G] tout comme son intention libérale ne font aucun doute.

Par les mêmes explications évoquées supra concernant le bien immobilier, elle soutient également que la sanction de recel successoral est applicable à ces opérations.

En réponse, Mme [K] [N] veuve [G] soutient qu'elle était cadre de direction dans la même société que son mari, et avec la même ancienneté que ce dernier, avant d'être licenciée comme son époux, dans les mêmes conditions et à la même époque, percevant une indemnité équivalente de 250.000 francs. Elle affirme que l'appelante qui prétend rapporter la preuve du fait que [F] [G] aurait employé ses fonds propres dans la souscription des contrats de capitalisation et que cette preuve serait constituée par une série de chèques tirés sur le Crédit Agricole, n°5197970, 7971, 7972, 7973 qui émaneraient d'un compte chèque ouvert au nom du défunt, ne démontre pas que ces chèques émanent du chéquier du de cujus. Elle ajoute qu'elle et son mari possédaient chacun un compte ouvert à leur nom au Crédit Agricole.

Selon les pièces produites par Mme [R] [G] épouse [T], il appert que :

- un contrat groupe d'investissement et d'assurance n°0822542 S a été souscrit le 13/12/86 par [F] [G] auprès d'Abeille Paix Vie par un versement unique de 75.000 francs, réglé en un chèque n°5197973 tiré sur le Crédit Agricole. Ce contrat qui est arrivé à échéance le 13/12/1996, a donné lieu au paiement de la somme de 79.820,99 francs par chèque émis le 26/12/1996 par Abeille Vie au profit de [F] [G] et tiré par Banque Indosuez (pièce 15 de l'appelante),

- un compte de programmes d'investissement (F.C.P.) a été souscrit le 13/12/86 par Mme [K] [G] auprès de l'Union Financière de France par un versement de 150.000 francs, réglé par un chèque n°5197970 tiré sur le Crédit Agricole (pièce 16 de l'appelante),

- un contrat groupe d'investissement et d'assurance n°0822543 T a été souscrit le 13/12/ 86 par Mme [K] [G] auprès d'Abeille Paix Vie par un versement unique de 75.000 francs, réglé en un chèque n°5197972 tiré sur le Crédit Agricole (pièce 17 de l'appelante),

- un bulletin de souscription a été établi le 13/12/86 entre Mme [K] [N] épouse [G] et La Participation Foncière par un versement de 50.358 francs effectué par chèque n°5197971 tiré sur le Crédit Agricole (pièce 18 de l'appelante).

Ces documents ne comportent aucune indication du titulaire du compte Crédit Agricole débité des quatre versements précités, d'une somme totale de 350.358 francs dont 275.358 francs au profit des trois placements souscrits au nom de Mme [K] [N] veuve [G], et il n'est versé aux débats aucun autre élément permettant d'identifier le titulaire de ce compte bancaire. Il n'est dès lors pas démontré que ce compte appartiendrait à [F] [G] comme l'affirme l'appelante, peu important dans ces conditions les allégations de cette dernière relatives à la prétendue incapacité de financement de l'intimée.

Dans ces conditions, Mme [R] [G] épouse [T] ne peut utilement reprocher au jugement dont appel d'avoir estimé que « la seule constatation que ces quatre chèques proviennent d'un seul et même chéquier ne suffit pas à apporter la preuve que les comptes d'assurance vie ouverts au nom de Mme [G] l'aient été avec des fonds appartenant en propre à [F] [G]. En effet, il n'est nullement établi que les quatre chèques ont été débités sur un compte appartenant à [F] [G], chacun des époux disposant d'un compte personnel ouvert au Crédit Agricole » (page 14 des écritures de l'appelante).

En l'absence d'identification du compte Crédit Agricole débité, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de rapport à la succession de ces placements, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

- sur les deux virements d'octobre 2006 et janvier 2008 :

Mme [R] [G] épouse [T] reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande de requalification en donations déguisées des virements réalisés le 10 octobre 2006 par [F] [G] d'une somme de 7.000 € au profit du compte personnel de son épouse n°[XXXXXXXXXX01], et le 18 janvier 2008 par un chèque de 7.000 € émis depuis le compte personnel de [F] [G] au profit de Mme [K] [G], au motif que « ces versements ne sont pas rapportables dans la mesure où il y a lieu de considérer qu'ils entrent raisonnablement dans la contribution aux charges du mariage ». Elle soutient que « la contribution aux charges du mariage ne peut s'apprécier compte tenu de ces deux seuls montants de 7.000 € versés sur 15 mois », qui « doivent être rapprochés de toutes des sommes identifiées en première instance comme ayant bénéficié à Mme [N] durant son mariage avec le défunt, lequel assumait déjà toutes les dépenses courantes du ménage ».

Elle ajoute que pour les mêmes raisons que celles évoquées supra s'agissant de la donation déguisée du bien immobilier, la sanction du recel successoral devra être appliquée à cette donation déguisée de 14.000 €.

En réponse, Mme [K] [N] veuve [G] soutient que les montants invoqués ne constituent en rien des libéralités de son époux. Elle fait valoir que les sommes qui lui ont été remises par [F] [G] entre le 30 octobre 2006 et le 18 janvier 2008 s'élèvent à une moyenne mensuelle de 1.520 €, alors que les charges courantes du ménage s'élevaient à la somme mensuelle de 1.841,26 € et que sa retraite mensuelle est de 1.774,92 €.

Il revient au cohéritier qui demande le rapport à la succession d'une libéralité indirecte ou déguisée de rapporter la preuve de l'intention libérale d'un tel avantage.

A ce titre, l'appelante soutient simplement que l'ensemble des dépenses courantes du mariage était réglé depuis le compte personnel de [F] [G], affirmant également en page 19 de ses écritures que la retraite perçue par l'intimée ne constituait que « son argent de poche » et que celle-ci « n'acquittait presque aucune dépense du ménage ».

A l'appui, elle produit les relevés bancaires du compte personnel du défunt pour le mois d'octobre 2006 dont il ressort différents débits essentiellement au profit des prestataires EDF, Lyonnaise des eaux, AG2R Prévoyance, Trésor Public, France Télécom (pièce 26 de l'appelante), ainsi que les relevés couvrant la période du 22 octobre 2007 au 18 janvier 2010 dont il résulte plusieurs débits essentiellement au profit des prestataires France Télécom, EDF, SFR, Lyonnaise des eaux, Trésor Public, AG2R. Ce compte est également débité par prélèvements au profit de sociétés de presse, ainsi que par divers paiements différés selon deux cartes bancaires distinctes au nom respectivement de chaque époux (pièce 28 de l'appelante), étant établi que Mme [K] [N] veuve [G] était mandataire de ce compte depuis le 01/09/1994 (pièce 32 de l'appelante).

Selon le tableau qu'elle produit en pièce 10, Mme [K] [N] veuve [G], qui était secrétaire administrative (pièce 3 de l'intimée), perçoit une retraite d'un montant total mensuel de 1.764,92 € (et non de 1.774,92 € comme indiqué dans ses écritures), ce qui n'est pas remis en cause par l'appelante, le relevé de carrière de l'intimée faisant état d'un salaire perçu la concernant de 1957 à 1987, et en 1989, et retenant un salaire de base de 126.403,90 francs (pièce 6 de l'intimée).

Les ressources du défunt étaient plus importantes, puisqu'il ressort des relevés bancaires du défunt que celui-ci percevait une retraite d'un montant total de 7.631,77 € en janvier 2008 et de 7.843,57 € en janvier 2010 (pièce 28 de l'appelante).

En l'absence de clause à cet égard dans l'acte du 30 octobre 1979, la contribution du couple s'effectuait en ce qui concerne les charges du mariage en proportion des facultés respectives des époux en application des articles 1537 et 214 du code civil.

L'éventuelle absence de contribution de l'intimée aux charges du mariage ne suffit pas à caractériser une intention libérale de [F] [G]. Si les deux virements des 10 octobre 2006 et 18 janvier 2008 montrent par leur montant inhabituel un fonctionnement différent du compte du défunt à ces deux dates, il n'est pas démontré qu'il s'agisse d'une donation en faveur de son épouse, ces opérations pouvant parfaitement correspondre, en l'absence d'élément contraire, à une participation à des dépenses exceptionnelles du ménage. Aux termes de ses écritures, l'appelante distingue d'ailleurs ces deux virements des autres transferts d'argents dont l'intimée a bénéficié à compter d'octobre 2008.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

- Sur les mouvements de fonds d'octobre 2008 à janvier 2010 pour un montant total de 67.948,43 € :

Mme [R] [G] épouse [T] soutient que l'intimée a bénéficié de virements d'octobre 2008 à janvier 2010 pour la somme totale de 45.100 €, d'un transfert du compte-titres La Poste le 1er mars 2005 de 4.903,11 €, de retraits d'espèces de novembre 2007 à janvier 2010 à hauteur de 14.590 € et d'un chèque du 7 janvier 2004 de 3.355,32 €. Elle indique que Mme [K] [N] veuve [G] disposait d'une procuration sur le compte de son époux n°[XXXXXXXXXX03] ouvert au Crédit Agricole depuis le 1er septembre 1994, à partir duquel ont été effectués en sa faveur notamment les virements pour un total de 45.100 € et les retraits en espèces à hauteur de 14.590 €. Elle estime donc que « Madame [K] [N] veuve [G] a la charge de prouver que l'ensemble des sommes listées et énumérées aux termes [des conclusions de l'appelante] ont été utilisées pour les besoins exclusifs de [F] [G], seul titulaire du compte bancaire sur lequel les sommes ont été prélevées » et qu'« à défaut d'apporter cette preuve, elle devra être jugée comme la bénéficiaire desdites sommes, qualifiables de donations à réintégrer à la succession [du défunt] ».

Mme [K] [N] veuve [G] ne répond pas sur ce point, soutenant l'irrecevabilité de cette demande comme indiqué plus avant.

En ce qui concerne le transfert de 4.903,11 € invoqué par l'appelante au sujet du compte-titres La Poste. Il appert du dossier qu'un compte-titres ordinaire n°[XXXXXXXXXX010] a été ouvert au nom de Monsieur ou Madame [F] [G] à la Poste le 26 septembre 2003, compte qui détenait 245 parts de LBPAM Act Div. Le 11 juin 2004, le couple [G] a opté pour un ré-investissement automatique des dividendes en titres, obtenant alors 4,1414 nouveaux titres. Selon l'établissement bancaire, au 1er mars 2005, l'intitulé du portefeuille a été modifié au profit de Mme [K] [G] et « celle-ci a déposé une procuration au profit du défunt le 7 mars 2005 ». Il est ajouté qu'au 7 novembre 2013, ce compte possédait toujours 249,14140 titres (pièce 33 de l'appelante). La banque Postale a également précisé que la valeur liquidative de ces titres était établie au 28/02/2005 à 39,48 et au 1/03/2005 à 39,36 (pièce 34 de l'appelante).

En l'état de ces seules informations, il n'est pas établi que Mme [R] [G] épouse [T] ait procédé au transfert de ce compte sans aucune contre-partie pour le défunt ou que ce transfert ait été animé d'une pure intention libérale comme l'affirme l'appelante.

En ce qui concerne les retraits en espèces, Mme [R] [G] épouse [T] soutient qu'ils ont été effectués à compter du 16 novembre 2007, date à laquelle elle justifie de l'hospitalisation de [F] [G], et jusqu'au décès de celui-ci. Si elle ajoute que ces opérations ne pouvaient être effectuées par le défunt du fait de son hospitalisation à domicile de mai 2008 à janvier 2010 (pièce 35 de l'appelante) et qu'« il est indéniable que c'est Madame [N] et non son époux qui a effectué ces retraits » (page 24 des conclusions de l'appelante), ces opérations ne sauraient de ce seul fait constituer des donations au profit de l'intimée, puisqu'il est établi que celle-ci était mandataire sur ce compte depuis le 01/09/1994 (pièce 32). Il n'est par ailleurs pas démontré que « ces retraits ne sauraient être justifiés par les nécessités de la vie courante » comme l'affirme Mme [R] [G] épouse [G].

En ce qui concerne la somme de 3.355,32 €, l'appelante soutient qu'elle correspond à la moitié d'un chèque opérant transfert de fonds d'un compte indivis entre les époux à un compte personnel de l'épouse (page 25 des conclusions de l'appelante). Or, la copie de ce chèque montre qu'il a été émis le 7 janvier 2004 à l'ordre de La Poste pour la somme de 6.710,64 € depuis le compte ouvert à La Poste au nom de Mr ou Mme [G] [F] (pièce 37 de l'appelante). Il n'est ainsi pas démontré que ce chèque ait été établi par l'intimée vers un compte personnel comme l'affirme l'appelante, peu important dès lors que ce compte bancaire de dépôt initialement ouvert le 18 décembre 1986 au nom de l'intimée ait été transformé en compte joint entre les époux le 31 janvier 1997, puis en compte individuel au nom de Mme [K] [N] veuve [G] le 2 mars 2005 à la suite de la demande de désolidarisation du défunt (pièce 36 de l'appelante).

En ce qui concerne enfin les virements pour la somme totale de 45.100 €, l'appelante soutient que ces opérations ne sauraient se justifier par les nécessités de la vie courante pour les raisons déjà indiquées plus avant. Selon les relevés du compte du défunt qu'elle produit, cette somme a été virée au profit de Mme [K] [N] veuve [G] comme suit :

- 4.500 € le 03/10/08,

- 3.400 € le 06/01/09,

- 3.000 € le 30/01/09,

- 1.500 € le 13/03/09,

- 3.400 € le 03/04/09,

- 3.400 € le 07/05/09,

- 3.400 € le 10/06/09,

- 7.500 € le 04/07/09,

- 7.500 € le 03/10/09,

- 7.500 € le 05/01/10 (pièce 28 de l'appelante).

Si l'intention libérale de [F] [G] concernant ces différents virements ne peut se déduire de la seule prétendue absence de contribution de l'intimée aux charges du mariage, le silence gardé par Mme [K] [N] veuve [G] sur l'objet de ces virements qui sont d'un montant significatif et qui se sont multipliés au cours des derniers mois de la vie du de cujus, accrédite l'idée qu'ils n'avaient pas de contre-partie, ni ne relevaient de la contribution aux charges du mariage de [F] [G]. Il peut être souligné d'ailleurs que si l'intimée prétend que la maladie du défunt occasionnait des dépenses supplémentaires, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, on ne comprend pas pourquoi elles n'auraient pas pu être payées directement à partir du compte de ce dernier. Etant d'un montant globalement conséquent, et même certains mois, supérieurs aux mouvements créditeurs, ces transferts de fonds ont constitué un appauvrissement pour le défunt. En l'absence de toute autre explication de Mme [K] [N] veuve [G], ces transferts qui se sont accélérés pendant l'hospitalisation à domicile et à l'approche du décès, ne pouvaient qu'avoir pour objet de l'avantager, et étaient donc motivés par une intention libérale.

Cette somme ayant été frauduleusement dissimulée à la succession de [F] [G], Mme [K] [N] veuve [G] sera privée de tout droit sur cette somme, dont elle devra le rapport avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 4] 2010, les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produisant eux-mêmes des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2014 et par période annuelle.

7°) Sur le recel successoral de 97.000€ :

Mme [K] [N] veuve [G] soutient qu'elle ne s'est « pas opposée, dans ses conclusions en défense devant le premier juge, à la reconnaissance du principe du rapport dans la succession des virements effectués le 1er mars 2002 de 80.000 € provenant de la succession de sa propre mère (sic), puis du chèque de 17.000 € provenant de la même origine ». Elle estime que la motivation du jugement dont appel « n'apparaît pas suffisante pour démonter l'élément moral du recel civil qui doit caractériser plutôt qu'une simple apparence ou déduction, que le demandeur à l'action rapporte la preuve de l'intention frauduleuse du receleur ».

En réponse, Mme [R] [G] épouse [T] soutient que l'intimée ne peut se prévaloir de la reconnaissance de ces donations dans ses écritures de première instance. Elle souligne que celle-ci ne peut se prévaloir d'aucun repentir, lequel doit être spontané et intervenir avant la découverte du recel par les cohéritiers. Elle estime que le tribunal a caractérisé les trois éléments du recel. Elle sollicite de la cour la confirmation du jugement de ce chef, et de dire et juger que Mme [N] veuve [G] devra assortir le rapport de la somme de 97.000 € des intérêts au taux légal à compter du [Date décès 4] 2010 et, qu'en application de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus des sommes principales et dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes, à compter du 30 juillet 2014 et par périodes annuelles, intérêts au taux légal.

Aux termes des dispositions de l'article 778 du code civil, « Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés'ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession ».

Celui qui s'est rendu coupable de recel doit les intérêts de la somme détournée à compter de l'appropriation injustifiée.

Il est constant que Mme [K] [N] veuve [G] a reçu, les 1er mars 2002 et 23 mars 2002, du défunt deux dons manuels pour un montant total de 97.000 €, provenant de la succession de la mère de celui-ci. Il s'agit donc de dons rapportables à la succession de [F] [G].

Or, Mme [R] [G] épouse [T] a eu connaissance de ces dons par le seul examen des relevés bancaires du compte courant du défunt, l'intimée ne l'en ayant pas informée. Il n'est pas davantage démontré que Mme [K] [N] veuve [G] ait révélé ces dons manuels au notaire, soit antérieurement à l'assignation en partage délivrée par Mme [R] [G] épouse [T] après la découverte de ces dons. De telles circonstances caractérisent l'existence d'une dissimulation volontaire par Mme [K] [N] veuve [G] des libéralités qui lui ont été consenties par son mari, dissimulation qui est bien constitutive de recel.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, la cour y ajoutant que Mme [K] [N] veuve [G] devra les intérêts au taux légal de la somme de 97.000 € détournée à compter du décès de [F] [G], soit du [Date décès 4] 2010, et que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2014 et par période annuelle.

PAR CES MOTIFS :

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état entreprise ;

Rejette la fin de non recevoir opposée aux demandes de Mme [R] [G] épouse [T] tendant à la modification de la mission confiée au Notaire commis, ainsi qu'à la requalification en donations déguisées des mouvements de fonds de 2004 à 2010 ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Ordonne l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial de [F] [G], concomitamment à l'ouverture des opérations relatives à sa succession ;

Dit que dans le cadre de ses opérations, le notaire liquidateur devra procéder à un inventaire du mobilier du défunt, Mme [K] [N] veuve [G] devant à cette fin autoriser l'accès à son domicile.

Ordonne la rectification du dispositif du jugement, en ce que [F] [G] n'est pas décédé le [Date décès 4] 2011, mais le [Date décès 4] 2010 ;

Dit que cette rectification sera portée sur la minute et les expéditions du jugement rectifié;

Dit que les virements effectués les 03/10/08, 06/01/09, 30/01/09, 13/03/09, 03/04/09, 07/05/09, 10/06/09, 04/07/09, 03/10/09 et 05/01/10 pour la somme totale de 45.100 € sont constitutifs de donations ;

Dit que Mme [K] [N] veuve [G] devra rapporter cette somme, sur laquelle elle sera privée de tout droit ;

Déboute Madame [R] [G] épouse [T] pour le surplus de sa demande tendant à la requalification en donations déguisées de mouvements de fonds opérés sur le compte personnel de [F] [G] ;

Dit que Madame [K] [N] veuve [G] devra les intérêts au taux légal de la somme de 142.100 € (97.000 € + 45.100 €) détournée, à compter du décès de [F] [G], soit du [Date décès 4] 2010 ;

Dit que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2014 et par période annuelle ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Madame [R] [G] épouse [T] et de Madame [K] [N] veuve [G];

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/22946
Date de la décision : 10/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°18/22946 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-10;18.22946 ?
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