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04/06/2020 | FRANCE | N°17/00374

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 6, 04 juin 2020, 17/00374


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 6



ORDONNANCE DU 4 JUIN 2020

Contestations d'Honoraires d'Avocat



(N° /2020 , 6 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00374 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3NDB





NOUS, Florence LAGEMI, Présidente de chambre à la cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée

de Sarah-Lisa GILBERT, Greffiere lors des débats,





Vu le recours formé par :





SPEED RABBIT PIZZA

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Jean-Mich...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 6

ORDONNANCE DU 4 JUIN 2020

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2020 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00374 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3NDB

NOUS, Florence LAGEMI, Présidente de chambre à la cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffiere lors des débats,

Vu le recours formé par :

SPEED RABBIT PIZZA

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Michel HATTE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0539

Demanderesse au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 4] dans un litige l'opposant à :

Maître [T] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Fabien VANDORME, avocat au barreau de PARIS, toque : E0546

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 21 février 2020 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L'affaire a été mise en délibéré au 20 mars 2020, prorogé au 4 juin 2020 en raison de l'activation du plan de continuité pendant la pandémie de Covid 19 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

La société Speed rabbit pizza a chargé M. [D], avocat pénaliste, d'analyser un ensemble de documents afin de déterminer les conditions dans lesquelles une plainte pourrait être déposée à l'encontre de la société Domino's Pizza France en raison de ses agissements de concurrence déloyale.

Statuant sur saisine de la société Speed rabbit pizza, le bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Paris a, par décision du 3 mai 2017, notamment :

- fixé les honoraires dus par cette dernière à M. [D] à la somme de 180.000 euros HT,

- constaté que cette somme avait été intégralement payée,

- rejeté la demande de la société requérante.

Cette décision a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 5 mai 2017 par la société Speed rabbit pizza.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2017, reçue au greffe le 29 mai 2017, la société Speed rabbit pizza a saisi le premier président de cette cour d'un recours contre cette décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 21 février 2020 lors de laquelle les parties ont été représentées.

Aux termes de conclusions régulièrement communiquées et développées oralement, la société Speed rabbit pizza demande de :

- infirmer la décision du bâtonnier du 3 mai 2017 en ce qu'elle a fixé les honoraires à la somme de 150.000 euros HT au titre de la consultation du 26 janvier 2015,

- statuant à nouveau, fixer les honoraires de M. [D] au titre de cette consultation à la somme de 30.000 euros HT,

- condamner M. [D] à lui payer la somme de 120.000 euros HT,

- subsidiairement, ramener le montant des honoraires dus à M. [D] au titre de la consultation litigieuse à de plus justes proportions,

- condamner M. [D] au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle explique :

- que subissant la concurrence déloyale de la société Domino's Pizza France, elle a intenté une procédure à son encontre devant le tribunal de commerce de Paris dont elle a été déboutée par jugement du 7 juillet 2014, confirmé par arrêt de cette cour du 25 octobre 2017, qui sera finalement cassé suivant arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 2020,

- que peu après le jugement du tribunal de commerce et déstabilisée par le montant de la condamnation prononcée à son encontre, elle s'est rapprochée de M. [D] afin que ce dernier procède à un examen approfondi du dossier et lui indique si les faits reprochés à la société Domino's Pizza France étaient susceptibles de relever d'une procédure pénale,

- qu'une convention d'honoraires a été proposée fixant un honoraire forfaitaire de 150.000 euros HT pour le travail sur la faisabilité d'une plainte à préparer, somme réglée d'avance, le jour de la signature de la convention au moyen de deux chèques de 60.000 euros et de 120.000 euros TTC, encaissables respectivement en octobre 2014 et janvier 2015,

- que le 26 janvier 2015, M. [D] lui a adressé une consultation de quelques pages, extrêmement succincte, ne répondant pas à ses attentes en termes d'investissement de travail,

- qu'après avoir conclu qu'aucune plainte ne pouvait être envisagée, M.[D] a cependant proposé de déposer une plainte en juillet 2015 moyennant un nouveau paiement de 120.000 euros HT, payable par mensualités de 10.000 euros HT avec un accompte de 30.000 euros qui a été versé,

- que cependant la rédaction et le dépôt de la plainte n'interviendront pas, M. [D] ayant demandé à revoir le montant de ses honoraires et sollicité une rémunération mensuelle de 25.000 euros pendant 3 ans, avec une indemnité de 300.000 euros en cas de dessaisissement,

- que cette situation l'a contrainte à saisir le bâtonnier pour obtenir la restitution des honoraires versés.

A l'appui de son recours, elle fait valoir :

- que les honoraires sont exagérés au regard du service rendu, la consultation étant particulièrement minimaliste, se basant sur des principes généraux connus de tout pénaliste et ne reposant sur aucune analyse approfondie des pièces remises, de sorte qu'ils peuvent être réduits puisqu'elle les a réglés avant l'établissement de la consultation,

- que le second règlement de 30.000 euros ne peut être considéré comme validant le règlement des premiers honoraires puisque l'objet des prestations était différent.

Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées et développées oralement, M. [D] demande de :

- confirmer dans son intégralité la décision du bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Paris,

- débouter la société Speed rabbit pizza de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il explique :

- que la consultation demandée a nécessité une étude complète des différents documents remis,

- qu'elle retrace l'historique du litige opposant les sociétés Speed rabbit pizza et Domino's Pizza France et analyse les différentes problématiques pénales,

- qu'en conclusion de cette consultation, il estimait que la plainte souhaitée par la cliente se heurtait à des moyens d'irrecevabilité et à une difficulté de preuve,

- que cette consultation a été discutée avec le dirigeant de la société Speed rabbit pizza lors d'un entretien tenu le 27 janvier 2015, en présence des avocats collaborateurs ayant travaillé sur ce dossier, lors duquel la qualité de la prestation n'a pas été discutée et à la suite duquel la société Speed rabbit pizza a fait parvenir des documents complémentaires pour analyse et étude sur l'opportunité du dépôt d'une plainte pénale, ce qui l'a conduit à solliciter un honoraire supplémentaire de 30.000 euros HT, acepté par la société Speed rabbit pizza, facturé le 16 septembre 2015 et réglé le 17 septembre suivant,

- que le dirigeant de la société Speed rabbit pizza lui a remis un organigramme démontrant, selon lui, une organisation transnationale mafieuse composée de différentes entités susceptibles d'expliquer le silence des autorités françaises et leur mansuétude à l'égard de la société Domino's Pizza France,

- que se prévalant d'une consultation d'un professeur de droit, la demanderesse voulait, au cours d'entretiens des 29 juin et 12 juillet 2016, qu'un dépôt de plainte intervienne qu'il avait déconseillé, raison pour laquelle, selon lui, le bâtonnier a été saisi.

Pour s'opposer à la demande de réduction des honoraires, il fait valoir :

- qu'il n'est pas possible pour le juge de réduire le montant de l'honoraire dû à l'avocat lorsque le principe et le montant ont été acceptés par le client après service rendu, lequel n'est pas subordonné à la fin de la mission de l'avocat et peut s'entendre des diligences facturées au fur et à mesure de leur accomplissement,

- qu'en l'espèce, les diligences ont été facturées et encaissées au fur et à mesure de leur accomplissement, au titre des services rendus selon la convention, la somme de 100.000 euros ayant été encaissée en janvier 2015 après la consultation, que postérieurement, à celle-ci, la société Speed rabbit pizza lui a maintenu sa confiance en lui adressant de nouveaux documents relatifs au même dossier et lui a réglé un honoraire complémentaire de 30.000 euros HT,

- que les diligences et la nature du travail devant être effectué ont été définies dans la convention,

- que le fixation des honoraires à hauteur de 150.000 euros HT était justifiée par des critères précisément définis dans la convention, la fixation d'un forfait étant, de surcroît, plus avantageux pour la demanderesse,

- que la convention a été signée en toute connaissance de cause par celle-ci,

- que le conseil dispensé de ne pas déposer plainte, à l'origine de la saisine du bâtonnier, relève du devoir de conseil de l'avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Le recours exercé par la société Speed rabbit pizza, selon les formes et délai prévus par le décret du 27 novembre 1991, est recevable.

La procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d'avocat.

Dans le cadre de cette procédure, ni le bâtonnier en première instance ni le premier président ou son délégataire n'ont le pouvoir de se prononcer sur les fautes ou manquements éventuels, à les supposer établis, qu'aurait pu commettre l'avocat dans le suivi de la mission qui lui a été confiée ni à plus forte raison procéder à la réduction d'honoraires facturés pour des prestations dont l'exécution est justifiée, aux motifs d'une insuffisance de qualité de celles-ci ni ordonner le remboursement par l'avocat de condamnations personnelles prononcées à l'encontre du client.

En l'espèce, une convention d'honoraires a été régularisée le 1er octobre 2014 entre la société Speed rabbit pizza et M. [D], aux termes de laquelle il a été prévu que ce dernier aura pour mission d'analyser l'ensemble des documents transmis par sa cliente, aux fins d'envisager le dépôt d'une plainte pénale pour faire respecter les droits de cette dernière face aux agissements de concurrence déloyale et aux procédés utilisés par la société Domino's Pizza France. Il a été précisé que le choix de M. [D] était motivé par ses compétences et sa notoriété en matière pénale et qu'il pourrait se faire assister par des confrères de son choix spécialisés en droit de la concurrence.

S'il a été stipulé que la rémunération des diligences du défendeur et de ses collaborateurs seniors s'effectuait habituellement au temps passé selon un taux horaire de 500 euros HT et que celle des collaborateurs juniors s'effectuait selon un taux horaire de 400 euros HT, il a été convenu en l'espèce 'pour le travail à réaliser pour l'analyse des pièces et la faisabilité d'une plainte à préparer qui devra être effectuée au plus tard le 31 janvier 2015', d'un honoraire forfaitaire fixé, au regard de l'importance du travail et de sa complexité, à la somme de 150.000 euros HT, payable au moyen de deux chèques remis le jour de la signature de la convention, le premier de 50.000 euros encaissable immédiatement et, le second de 100.000 euros encaissable dans la première semaine de janvier 2015.

Il a encore été stipulé que le client reconnaissait que l'ensemble des honoraires versés à l'avocat lui était définitivement et irrévocablement acquis, au fur et à mesure de leur règlement, au titre des services rendus, de la complexité du travail et des intérêts en jeu.

Cette convention approuvée par la société Speed rabbit pizza, fait loi entre les parties.

Il ressort des explications des parties, des pièces versées aux débats et des termes de la convention, que la mission de M. [D], précisément déterminée dans cet acte, portait exclusivement sur l'analyse des pièces remises par la société Speed rabbit pizza aux fins d'envisager la faisabilité d'une plainte pénale à l'encontre de la société Domino's Pizza France.

Il résulte tant des termes de la convention que de la consultation litigieuse que de nombreuses procédures ont été engagées par la société Speed rabbit pizza afin de dénoncer les pratiques de concurrence déloyale reprochée à la société Domino's Pizza France. C'est ainsi que des actions ont été menées devant le Conseil de la concurrence, la Commission d'examen des pratiques commerciales, l'Autorité de contrôle prudentiel, la DGCCRF, les chambres régionales de discipline des commissaires aux comptes de [Localité 4] et [Localité 5], les juridictions administratives et judiciaires en ce compris des juridictions répressives et des saisines du procureur de la République. Il ressort de cet énoncé, que la mission confiée à M. [D] présentait un caractère complexe certain, au demeurant, admis par les parties.

La consultation établie par M. [D] comporte un rappel de l'historique du litige et une analyse, en fait et en droit, des différentes problématiques pénales portant tant sur la recevabilité de la plainte envisagée que sur les différentes infractions susceptibles d'en être l'objet. Cette consultation comportait en conclusion une réserve sur la faisabilité de la plainte pouvant se heurter, notamment, à des irrecevabilités de la constitution de partie civile et de l'action publique.

S'il n'appartient pas au premier président ou à son délégataire d'apprécier la qualité du travail effectué ou la pertinence de l'analyse menée, il sera en revanche relevé que la mission confiée à M. [D] a été réalisée, que les parties sont restées en relation durant plus d'une année sans que soit remise en cause la qualité du travail effectué par l'avocat, la société Speed rabbit pizza ayant même sollicité ce dernier pour l'étude de nouvelles pièces destinées à apprécier la faisabilité d'une plainte et lui ayant versé un honoraire complémentaire de 30.000 euros HT sollicité par mail du 9 juillet 2015 et réglé le 16 septembre suivant.

Ainsi, la société Speed rabbit pizza qui ne pouvait se méprendre sur la portée de l'engagement souscrit quant à la nature de la mission confiée à M. [D] et au montant de ses honoraires, n'a contesté, pour la première fois, la qualité du travail de l'avocat et le montant de ses honoraires que plusieurs mois après les règlements effectués, soit par mail du 12 juillet 2016, la critique étant pour l'essentiel motivée par l'absence de dépôt de plainte.

Il se déduit donc de ces éléments, que l'honoraire contractuellement fixé à la somme de 150.000 euros HT a été accepté non seulement lors de la signature de la convention mais également lors de la remise de la consultation litigieuse qui n'a pas mis fin à la mission de l'avocat puisque les relations se sont poursuivies et qu'une somme complémentaire a été réglée quelques mois plus tard pour une prestation qui s'inscrivait dans la continuation de la mission précédemment confiée. Il était d'ailleurs fait référence, dans le mail du 9 juillet 2015 précité, à une disposition de la convention et prévu, à cet égard, par M. [D] que cette somme de 30.000 euros HT s'imputerait sur des honoraires qui avaient été fixés forfaitairement dans ladite convention à la somme de 120.000 euros en cas de dépôt de plainte.

Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par la demanderesse, il doit être considéré que le principe et le montant de l'honoraire litigieux ont été acceptés après service rendu, de sorte qu'elle n'est pas fondée à solliciter la réduction de la rémunération de l'avocat pour la consultation établie en janvier 2015.

Dans ces conditions, il convient de rejeter le recours exercé par la société Speed rabbit pizza qui n'apparaît pas fondé.

Succombant en ses prétentions, la société Speed rabbit pizza supportera les dépens exposés dans le cadre de cette procédure.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au présent litige.

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Déclarons la société Speed rabbit pizza recevable mais mal fondée en son recours,

Confirmons la décision entreprise,

Disons n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Disons que les dépens de la présente procédure seront supportés par la société Speed rabbit pizza.

Disons qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifié aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la cour le QUATRE JUIN DEUX-MILLE VINGT par Florence LAGEMI, Présidente, qui en a signé la minute avec Djamila DJAMA, Greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues dans l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/00374
Date de la décision : 04/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C6, arrêt n°17/00374 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-04;17.00374 ?
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