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03/06/2020 | FRANCE | N°18/20030

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 03 juin 2020, 18/20030


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 03 JUIN 2020



(n° , 32 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/20030 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JWN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/18725





APPELANTE



Madame [L] [R] veuve [I]

née le [Date naissance 8] 1945 à [Localité 15] D'AUDE (11)



[Adresse 9]

[Localité 11]



représentée et plaidant par Me Thierry BISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0481





INTIMES



Madame [A] [I] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 19...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 03 JUIN 2020

(n° , 32 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/20030 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JWN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/18725

APPELANTE

Madame [L] [R] veuve [I]

née le [Date naissance 8] 1945 à [Localité 15] D'AUDE (11)

[Adresse 9]

[Localité 11]

représentée et plaidant par Me Thierry BISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0481

INTIMES

Madame [A] [I] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 14] (92)

[Adresse 1]

[Localité 13]

Monsieur [C] [I]

né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 14] (92)

[Adresse 6]

[Localité 12]

représentés et plaidant par Me Aurélie NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1309

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Dorothée DARD dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, la date initialement annoncée aux parties ayant dû être reportée en raison de l'état d'urgence sanitaire, ce dont, pour le même motif,  les parties n'ont pu être avisées par le greffe que par un message RPVA du 11.05.2020.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

[J] [I], né le [Date naissance 4] 1925 à Lodz (Pologne), adopté par son oncle [Z] [I], et l'épouse de celui-ci, [X] [KP], à la suite du décès de ses parents au cours de la Seconde Guerre mondiale, est décédé le [Date décès 5] 2004 à [Localité 18] où il était domicilié, laissant pour lui succéder, suivant l'acte de notoriété établi le 5 janvier 2005 par Me [S], notaire à [Localité 18] :

- [E], dite [L] [R], son épouse avec laquelle il s'était marié en troisièmes noces, le [Date mariage 10] 1995, sous le régime de la séparation des biens,

- [A] [I] épouse [T] et [C] [I], ses deux enfants issus d'un précédent mariage avec [K] [KN] dissous par divorce.

Par testament olographe du 7 février 1999 révoquant toutes dispositions antérieures, [J] [I] a légué à son épouse 'la quotité disponible (33, 33 %) en toute propriété de l'ensemble des biens qui composeront ma succession, sauf ma propriété de [Localité 17] que je lègue à mes deux enfants [C] et [A] en toute propriété.'

La succession a été ouverte en l'étude [S] [F] et [N], notaires associés à [Localité 18].

Le patrimoine successoral comprenait essentiellement des meubles et tableaux de valeur, des avoirs bancaires, une propriété sise à [Localité 17] (Alpes de Haute Provence) et des titres des sociétés du groupe Titra, créées par la famille [I].

La déclaration de succession signée le 31 mai 2007 mentionne un actif net de 4 228 647,83€.

Les titres des sociétés Titra ont été vendues le 7 février 2007 au prix de 3.951.000 €, dont 3 201 000 € payés comptant le jour même et 750 000 euros payables 36 mois plus tard. En outre, un complément de 850 000 € était stipulé payable par tiers tous les douze mois à compter du 10 janvier 2008, en fonction du règlement dans les 24 mois des créances irrecouvrées. Chaque héritier a reçu la somme de 1.067.000 € (correspondant à un tiers du prix payé comptant).

La tentative de réaliser un partage amiable a échoué, [L] [R] veuve [I] refusant, selon les enfants du défunt, de s'expliquer sur la disparition d'actifs.

Par jugement du 31 janvier 2012, le tribunal a ordonné le partage judiciaire de la succession et a statué comme suit :

(...)

- ordonne le partage judiciaire de la succession de [J] [I] ;

- désigne, pour y procéder, le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de déléguer à tout membre de sa compagnie ;

(...)

- commet un juge de la 2ème chambre (1ère section) du tribunal de grande instance de Paris pour surveiller ces opérations ;

- dit que le notaire liquidateur devra, en s 'adjoignant au besoin un expert comptable, mettre en oeuvre la règle suivant laquelle la contribution des époux à la dette fiscale est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables chacun s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée, afin de déterminer la quote part incombant à [L] [R] [I], au titre des années 1995 à 2004, sauf à en référer au tribunal en cas de difficultés ;

- dit que le mobilier garnissant la propriété de [Localité 17] est présumé appartenir à l'épouse, sauf preuve contraire ;

- dit, en tant que de besoin, que le notaire commis pourra s'adjoindre tout commissaire priseur choisi d'un commun accord par les parties pour inventorier et estimer ces meubles et objets mobiliers, aux frais de la partie la plus diligente ou, avec l'accord des parties, aux frais de l'indivision ;

- dit que [L] [R] [I] devra rapporter à la succession les tableaux de :

* [D] : huile sur papier marouflé (assurée pour 150. 000 francs),

* [O], pastel bord de mer (assurée pour 80.000 francs),

ou leur contre valeur ;

- dit que la valeur du bureau Louis XV Régence et de la paire de fauteuils époque Régence, biens propres de [J] [I], devra être rapportée à l'actif successoral ;

- dit que [C] [I] devra rapporter la somme de 52. 084 € à l'actif successoral ;

- dit que [L] [R] [I] a bénéficié des dons manuels suivants de la part de [J] [I]

' 31.000 € (parking de la [Adresse 19]),

' 300.000 francs (45. 696,97 €) (villa de [Localité 15]),

' 183.457 € ([Localité 16] 1999),

' 200.000 € ([Localité 16] 2003),

' 333.375,21 € (travaux [Localité 15]),

' 130.000 € (virements octobre 2004),

' 14.684,51 NLG (création Titra Danemark)

' 4.192 € (création GMK) ;

- dit qu 'elle devra rapporter à l'actif successoral :

' 392.289 €, au titre du don manuel pour l'appartement de [Localité 16], acquis en 1999,

' 394.450 €, au titre du don manuel pour l'appartement situé à [Localité 16], acquis en 2003,

' 8.000 € correspondant à la restitution de l'acompte sur le véhicule Jaguar,

' 130. 000 € au titre des dividendes de Titra Amsterdam perçus les 6 septembre et 27 octobre 2004,

' la contre valeur de la somme de 14. 684, 51 NLG, au titre de la souscription de ses parts de Titra Danemark,

' la somme de 4.192 € au titre de la souscription de ses parts de GMK,

' la somme de 231.250,56 € au titre des fonds déposés sur le compte ouvert à la Banco Pintos & Sotto Mayor, au Portugal ;

- dit qu 'elle sera privée de tout droit sur cette dernière somme ;

avant dire droit sur la fixation de l'indemnité de rapport concernant l 'acquisition du parking de la [Adresse 19], de la villa de [Localité 15] et des travaux de rénovation de ce bien,

Commet, en qualité d'expert, Monsieur [C] [V] (...), avec pour mission de, après avoir pris connaissance du dossier, s 'être fait remettre tous documents utiles et entendu les parties ainsi que tous sachants,

' se rendre sur les lieux situés à :

* [Adresse 19] (parking)

* [Localité 15]

' les visiter, les décrire et en déterminer la valeur vénale à la date la plus proche du partage, d'après leur état au jour de la donation (soit celle de l'acquisition),

' préciser, pour la villa de [Localité 15], la consistance du bien avant les travaux de rénovation et sa valeur actuelle sans ces travaux,

' préciser la nature et le coût de ces travaux et dans quelle mesure ils ont directement participé à la plus value du bien ;

(...)

- rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,

(...)

Par arrêt définitif du 15 mai 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente du jugement à intervenir sur la succession de [X] [I],

- ordonné le partage judiciaire de la succession de [J] [I],

- désigné, pour y procéder, le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de déléguer tout membre de sa compagnie,

- commis un juge de la 2ème chambre (1ère section) du Tribunal pour surveiller ces opérations,

- dit que le notaire liquidateur devra, en s'adjoignant au besoin un expert comptable, mettre en 'uvre la règle suivant laquelle la contribution des époux à la dette fiscale est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables chacun s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée, afin de déterminer la quote part incombant à Mme [L] [R], au titre des années 1995 à 2004, sauf à en référer au tribunal en cas de difficultés,

- dit que le mobilier garnissant la propriété de [Localité 17] est présumé appartenir à l'épouse, sauf preuve contraire,

- dit, en tant que de besoin, que le notaire commis pourra s'adjoindre tout commissaire priseur choisi d'un commun accord par les parties pour inventorier et estimer les meubles et objets mobiliers, aux frais de la partie la plus diligente ou, avec l'accord des parties, aux frais de l'indivision,

- dit que la valeur du bureau Louis XV Régence et de la paire de fauteuils époque Régence, biens propres de [J] [I], devra être rapportée à l'actif successoral,

- dit que Mme [L] [R] devra rapporter à l'actif successoral la somme de 231.250,56€ au titre des fonds déposés sur le compte ouvert à la Banco Pinto & Sotto Mayor au Portugal et dit qu'elle sera privée de tout droit sur cette dernière somme,

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts de l'indivision,

l'a infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau, a :

- dit que tant Mme [R] que Mme [I] et M. [I] ne sont tenus à rapport à la succession,

- débouté Mme [I] et M. [I] du surplus de leurs demandes en recel,

- débouté tant Mme [R] que Mme [I] et M. [I] de leur demande de dommages et intérêts,

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes,

- ordonné l'emploi des dépens en frais de partage,

- rappelé que l'emploi des dépens en frais de partage exclut le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [I] ont formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté suivant arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2014.

Le 27 août 2013, la Chambre départementale des notaires a désigné l'étude Nénert & Associés, notaires à [Localité 18], en qualité de notaire commis.

Par requête du 27 octobre 2014, Mme [T] et M. [I] ont saisi la cour d'appel de Paris d'une requête en interprétation de l'arrêt du 15 mai 2013, pour qu'il soit précisé qu'en infirmant la disposition du jugement du 31 janvier 2012 qui avait ordonné le rapport des sommes reçues par Mme [L] [R], il n'avait pas été statué sur la qualification desdites sommes.

Par arrêt du 1er juillet 2015, cette cour a déclaré la requête non fondée au motif que 'si tout juge peut et doit interpréter sa décision, si requête lui en est faite, et ce, en raison d'une obscurité de la motivation ou une apparente contradiction dans ses termes, il ne lui appartient pas de dire ce sur quoi, il n'a pas statué, étant souligné au demeurant qu'en l'espèce, il ne lui est pas fait grief d'une omission de statuer'.

Le 29 novembre 2016, le notaire commis a dressé un procès verbal d'ouverture des opérations de liquidation et difficultés, accompagné de 4 hypothèses de travail sur le choix desquelles les parties se sont opposées, les consorts [I] étant favorables au projet n° 2 ou, à titre subsidiaire, au projet n°3, Mme [R] estimant que seul le projet n°4 méritait d'être débattu et adopté, sous réserve de quelques aménagements.

La procédure a été en conséquence rétablie à la mise en état après refus du juge commis de procéder au remplacement du notaire délégué, sur requête de Mme [R].

Par jugement du 14 juin 2018, le tribunal de grande instance de Paris a statué en ces termes :

Juge non prescrite l'action en réduction des consorts [I],

Ordonne la remise par Mme [L] [R] entre les main de Me [G] [H] de la transaction signée par elle avec Mme [U] [I] relative au partage de la succession de [X] [KP] veuve [I] et ce, sous astreinte de la somme de 200 € par jour de retard passé le délai d'un mois après signification du présent jugement,

Juge que les meubles meublant les deux maisons sises à [Localité 17] appartiennent, sauf preuve contraire, à Mme [L] [R],

Dit en conséquence n'y avoir lieu à prendre en compte la valeur vénale de ces meubles dans l'acte de partage à intervenir,

Constate l'accord des parties en vue de l'attribution à Mme [A] [I] du bureau à petit cylindre Louis XVI et du bureau Louis XV Régence,

Ordonne la restitution par Mme [L] [R] du bureau à petit cylindre Louis XVI et du bureau Louis XV Régence et de ses deux fauteuils à charge pour elle de les déposer au domicile de Mme [A] [I], attributaire des deux bureaux et désignée dépositaire des fauteuils en vue de leur expertise par Me [M] aux frais de l'indivision et ce, sous astreinte de la somme de 200 € par jour de retard passé le délai de deux mois après signification du présent jugement,

Dit qu'à défaut d'accord quant à leur attribution, il conviendra de procéder au tirage au sort des deux fauteuils,

Ordonne la vente aux enchères du tableau de Vlaminck par Me [VC] [M], commissaire priseur, à la diligence du notaire commis,

Rappelle que les frais de son éventuelle expertise pour les besoins de la vente seront mis à la charge de l'indivision ainsi que déjà jugé par la cour d'appel de Paris,

Dit que les frais résultant de son dépôt dans les locaux de la société Munigarde sont à la charge de l'indivision,

Dit que le legs particulier fait par [J] [I] à Mme [A] [I] et à M. [C] [I] de la propriété de [Localité 17] leur a été consenti hors part successorale,

Dit que l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Paris le 15 mai 2013 n'a pas infirmé le jugement prononcé par cette chambre le 31 janvier 2012 qui a retenu l'existence de dons manuels reçus de [J] [I] par Mme [L] [R], l'infirmation ne portant que sur l'obligation à rapport,

Ordonne en conséquence la réintégration dans la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible des dons manuels suivants :

- 31.000 euros (parking de la [Adresse 19]),

- 300.000 francs soit 45.696,97 euros (villa de [Localité 15]),

- 183.457 euros ([Localité 16] 1999),

- 200.000 euros ([Localité 16] 2003),

- 333.375,21 euros (travaux [Localité 15]),

- 130.000 euros (virements octobre 2004),

- 14.684,51 euros NLG (création Titra Danemark)

- 4.192 euros (création GMK),

Ordonne la réintégration dans la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible de la somme de 120 000 euros au titre du don manuel consenti par [J] [I] à Mme [U] [W],

Dit que la revalorisation de ces dons sera faite conformément à l'article 1099-1 du code civil,

Dit que la succession détient une créance de 8 000 € sur Mme [L] [R] au titre de l'avance sur la réservation d'un véhicule de marque Jaguar,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Ordonne l'emploi des dépens en frais généraux de partage et privilégiés de licitation,

Dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.

Mme [R] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 10 août 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions du 31 décembre 2019, Mme [R] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- infirmer partiellement le jugement entrepris sur les chefs critiqués lui faisant grief et statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu les articles 815 et suivants, 921 et 922 du code civil,

Vu l'article 1351 ancien du code civil devenu l'article 1355 du code civil,

Vu la loi du 17 juin 2008 et les articles 2222 et 2224 du code civil.

- dire que l'action en réduction, à l'instar des actions personnelles, se prescrit par 5 ans (et non par 30 ans),

- dire qu'il a déjà été jugé, par arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 15 mai 2013, que la demande en réduction n'était pas incluse dans l'action engagée par [C] et [A] [I] en 2008 qui ne concernait qu'une demande d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage et une demande en rapport alors que [L] [I], légataire universelle, n'était pas tenue à rapport, ce qui a entraîné l'infirmation du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 31 janvier 2012 en ce qu'il avait retenu qu'elle avait bénéficié de dons manuels,

- En tous les cas, dire et juger que la demande en réduction n'avait pas été formulée, même implicitement, dans l'action engagée par [C] et [A] [I] en 2008,

- juger que l'action en réduction et la demande au titre de prétendues créances entre époux sont prescrites.

A défaut,

Vu le principe de concentration des moyens (Cass.ass.plén. 7 juillet 2006),

Vu l'article 6 §1 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales relatif au procès équitable et le principe de sécurité juridique,

- juger irrecevables l'action en réduction et la demande au titre de prétendues créances entre époux formulées par les consorts [I] ;

- dire qu'il n'y a donc pas lieu à réunir fictivement d'autres biens ou sommes que ceux visés dans l'arrêt de la cour d'Appel de Paris du 15 mai 2013 ;

- en conséquence, écarter les hypothèses de travail n°1, n°2 et n°3 établies par le notaire commis ;

En tous les cas,

- dire que seule « l'hypothèse n°4 : sans flux » établie par le notaire commis et annexée au procès-verbal de difficultés dressé le 29 novembre 2016 doit être retenue, sauf à être rectifiée comme indiqué ci-après :

' fixer la créance d'impôt à 64.971,39 € ;

' intégrer le solde du prix de vente du Vlaminck de 21.690,00 € ;

' évaluer le bureau cylindrique à 9.000 €, lequel sera attribué à [A] [I] conformément à sa demande, à charge pour elle d'assumer les frais de transport ;

' évaluer le bureau Louis XV Régence à 4.500 € avec attribution à [A] [I] conformément à sa demande, à charge pour elle d'assumer les frais de transport ;

' évaluer les deux fauteuils à 3.884,69 € avec attribution à [L] [I] qui souhaite les conserver et qui de surcroît n'est tenue qu'à rapporter la valeur aux termes de l'arrêt définitif du 15 mars 2013 ;

' en cas de désaccord justifié sur l'évaluation desdits meubles, ordonner une expertise en précisant que les frais de transports seront à la charge d'[A] [I] qui sollicite expressément l'attribution ;

' retrancher la somme de 8.000 € au titre de l'acompte de la Jaguar ;

' retrancher la somme de 120.000 € (au titre d'un prétendu don manuel au profit de [U] [W]) ;

' imputer le legs de [Localité 17] sur la réserve et non sur la quotité disponible ;

' vu l'article 815-3 du code civil, retrancher toute référence aux protocoles signés séparément par les héritiers avec les Sociétés Titra, sauf à préciser que les droits de chaque héritier sur les sociétés Titra étaient identiques et que [C] et [A] [I] ont chacun consenti aux sociétés Titra un abandon de créance qui ne saurait lui préjudicier ;

' vu l'article 815-3 du code civil, retrancher toute référence aux transactions signées séparément par les héritiers avec Mme [P] [Y], fille de [U] [I] décédée, dans le cadre de la succession de [X] [I], sauf à tenir compte d'une charge égale pour tous les héritiers limitée à 70.000 € chacun ;

- condamner in solidum [C] et [A] [I] à lui verser une somme de 190.000€ au titre des meubles garnissant la propriété de [Localité 17] présumés lui appartenir, qui ont été déplacés par [C] et [A] [I] sans avis et sans constat préalable ;

En conséquence,

- constater que la soulte due par elle n'excéderait pas la somme de 244.476,77 € (113.546,04 € pour [A] + 130.930,73 € pour [C]), sous réserve de la prise en compte du prix de vente du Vlaminck de 21.690 €, et des dommages et intérêts à hauteur de 190.000 € dus par [A] et [C] [I] au titre des meubles garnissant la propriété de [Localité 17] présumés lui appartenir et déplacés sans avis et sans accord préalable (pièce n°51) ;

A titre subsidiaire :

- si la cour retenait l'hypothèse de travail n°2 ou n°3, dire et juger qu'elle devra être corrigée en raison de ce qui a été dit pour l'hypothèse n°4 ci-dessus ;

- dire et juger que les sommes perçues par elle en vue de l'acquisition de l'appartement situé à [Adresse 21] ont été qualifiées de donation rémunératoire par jugement du 31 janvier 2012 du tribunal de grande instance de Paris (non infirmé sur ce point par l'arrêt définitif rendu le 15 mai 2013) et qu'elles n'ont donc pas à être réunies ;

- constater l'absence de preuve de l'existence de toute donation ou de toute prétendue créance entre époux dont elle aurait bénéficié, susceptible d'être réintégrée.

En tout état de cause,

- confirmer le dispositif du jugement en ses dispositions non contraires à ce qui précède ;

- débouter M. [C] [I] et Mme [A] [I] de leur appel incident, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- renvoyer les parties devant tel notaire qu'il plaira au tribunal de désigner, pour, après avoir tenu compte des rectifications sollicitées ci-dessus, signer l'acte de partage ;

- condamner in solidum Mme [A] [I] et M. [C] [I] à lui payer la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- employer les dépens en frais généraux de partage, qui pourront être directement recouvrés

par Me Thierry Bissier, avocat au barreau de Paris.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 9 janvier 2020, les intimés demandent à la cour de :

Vu les articles 815 et suivants, 922 et suivants du Code civil,

Vu l'arrêt rendu par la Première chambre civile de la Cour de Cassation le 10 janvier 2018 (pourvoi N°16-27.894),

- dire leur appel incident recevable et bien fondé ;

- débouter [L] [R] de l'intégralité de ses demandes ;

En conséquence,

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception :

' de la créance d'impôt due par [L] [R],

' des assurances-vie,

' du Vlaminck,

' de la condamnation de [L] [R] à payer les sommes déjà fixées,

' des dommages et intérêts dus par [L] [R],

Statuant à nouveau :

- condamner [L] [R] à produire, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, les pièces suivantes :

' son avis d'imposition 1995 au titre des revenus perçus en 1994

' ses déclarations et avis d'imposition pour les années 1998 à 2004

- autoriser le Notaire commis à interroger les fichiers FICOBA, FICOVIE et AGIRA

- dire que compte tenu de la vente du tableau de Vlaminck, il n'y a plus lieu de l'ordonner;

- condamner [L] [R] à leur payer la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

Y ajoutant :

- condamner d'ores et déjà [L] [R] à leur payer la soulte en l'état fixée à 1.642.091,17 € en précisant que cette somme sera à parfaire ;

- dire que la somme définitivement fixée portera intérêts à compter du 29 novembre 2016, date de sa fixation dans le procès-verbal de difficultés ;

A titre subsidiaire :

- valider l'hypothèse de travail n°3 dite « qualification des flux en créances entre époux» développée par le notaire commis dans ses notes de calculs annexées au procès-verbal de difficultés dressé par lui le 29 novembre 2016 ;

- condamner [L] [R] à leur payer la soulte en l'état fixée à 1.629.928,91 € mais à parfaire ;

- dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 29 novembre 2016, date du procès-verbal de difficultés ;

En tout état de cause :

- débouter [L] [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Vu l'article 1240 du Code civil,

- réformer le Jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de condamnation de [L] [R] à dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau :

- condamner [L] [R] à leur payer la somme de 100.000 € en réparation de leur préjudice ;

- condamner [L] [R] à leur payer les sommes par eux réglées à Munigarde pour le tableau « Vlaminck » depuis le 09 avril 2014, soit 4.118,01 € pour un décompte arrêté au 30 juin 2018 et donc étant à parfaire jusqu'au retrait définitif de l''uvre de cet établissement par Maître [M] en septembre 2018 ;

- la condamner à leur payer la somme de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- employer les dépens en frais généraux de partage, qui pourront être directement recouvrés par Maître Aurélie Nicolas, avocat au barreau de Paris.

Pour un complet exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

I/ Sur les flux financiers qualifiés de dons manuels par le jugement du 31 janvier 2012

Le jugement du 31 janvier 2012 avait admis que Mme [L] [R] avait bénéficié de la part de son époux des dons manuels suivants (les indications entre parenthèses correspondants à l'emploi ou la forme du don) :

' 31.000 € (parking de la [Adresse 19]),

' 300.000 francs (45. 696,97 €) (villa de [Localité 15]),

' 183.457 € ([Localité 16] 1999),

' 200.000 € ([Localité 16] 2003),

' 333.375,21 € (travaux [Localité 15]),

' 130.000 € (virements octobre 2004),

' 14.684,51 NLG (création Titra Danemark)

' 4.192 € (création GMK),

Le notaire a soumis aux parties quatre projets d'états liquidatifs :

- le projet n°1, établi en fonction des dispositions du jugement du 31 janvier 2012 - et donc sans tenir compte des dispositions infirmatives de l'arrêt de la cour d'appel du 15 mai 2013 (notamment en ce qui concerne le 'rapport' de tableaux) -, projet dont ni l'une ni l'autre des parties ne demande l'application ;

- le projet n°2, partant du principe que les flux financiers qualifiés de dons manuels par le jugement du 31 janvier 2012 doivent être retenus comme tels et qu'il y avait lieu d'y appliquer la réduction de l'article 922 du code civil, solution privilégiée par Mme [A] [I] épouse [T] et M. [C] [I], ci-après, les consorts [I] ;

- le projet n°3, partant du postulat que ces mêmes flux financiers sont constitutifs de créances entre époux, que les consorts [I] entendent voir retenu subsidiairement;

- le projet n°4, écartant la prise en compte de ces flux financiers, dont Mme [L] [R] considère qu'il doit seul être débattu.

Le jugement entrepris, dont les dispositions reviennent à valider en ses principes, le projet n°2, a considéré que

- l'action en réduction, qui était soumise à un délai trentenaire dès lors que la succession était régie par les dispositions antérieures à la loi du 23 juin 2006, était recevable ;

- l'arrêt du 15 mai 2013 n'avait infirmé le jugement du 31 janvier 2012 que sur l'obligation à rapport, et non sur l'existence de dons manuels.

Selon Mme [R],

- l'arrêt du 15 mai 2013 a notamment dit qu'elle n'était pas tenue au rapport et qu'il y avait lieu, en l'absence de demande en réduction de la part des consorts [I], d'infirmer le jugement en ce qu'il avait admis l'existence de donations; la demande des consorts [I] tendant une nouvelle fois, sur la base d'une action en réduction, à rechercher la qualification de flux en dons est donc irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;

- s'il est considéré que l'arrêt du 15 mai 2013 ne fait pas obstacle à ce qu'il soit statué sur l'existence de prétendues donations, toute demande en réduction serait néanmoins irrecevable comme étant prescrite, par l'effet de la loi du 17 juin 2008 ayant réduit à 5 ans le délai trentenaire de l'action en réduction, s'agissant d'une action à caractère personnel, puisqu'aucune demande, pas même implicite, n'a été formée avant le 18 juin 2013 ; en effet, une action en rapport de donations ou une action en liquidation partage ne vaut pas nécessairement demande en réduction des libéralités ; en l'occurrence, il n'y a eu aucune expression par les héritiers d'une volonté non équivoque de poursuivre la réduction de libéralités, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 15 mai 2013 qui souligne que 'M. et Mme [I] ne soutiennent pas que les prétendues donations dont aurait bénéficié Mme [R] sont réductibles ou susceptibles d'être réduites' ; les consorts [I] l'ont eux-même confirmé dans leur requête en interprétation de cet arrêt, dans laquelle ils écrivaient qu' 'aucune demande de réduction n'avait été faite'; il doit en être conclu que leur première demande, formée dans la nouvelle instance ouverte à la suite du dépôt du procès-verbal de difficultés du 29 décembre 2016, est irrecevable, comme étant tardive ;

- si on devait admettre que la demande avait été implicitement formée ou qu'elle était nécessairement incluse dans leur action en liquidation partage ou leur demande de rapport, elle n'en serait pas moins irrecevable comme portant atteinte au principe de concentration des moyens;

- la demande subsidiaire des consorts [I], tendant à voir considérer les flux en cause comme des créances entre époux, est tout autant irrecevable pour n'avoir pas été présentée avant le 18 juin 2013, et se heurter au principe de concentration des moyens.

Pour les consorts [I],

- l'arrêt du 15 mai 2013 s'est borné à dire que Mme [R] ne pouvait être tenue au rapport, sans se prononcer sur la qualification des flux, et n'a donc pas exclu la notion de dons manuels ;

- en l'espèce, la succession étant régie par les dispositions antérieures à la loi du 23 juin 2006, l'action en réduction demeure soumise à la prescription trentenaire, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 relatives au délai de prescription de droit commun étant sans effet, puisqu'il s'agit d'un délai de prescription spécial ;

- de toute façon, le délai de prescription a été interrompu par la demande de rapport, dans le cadre de l'action en partage, puisque l'action en rapport et l'action en réduction tendent aux mêmes buts, à savoir la restitution de biens et de créances au profit d'héritiers lésés ; en l'espèce, les demandes en rapport et en réduction poursuivaient bien la même finalité : obtenir que les conséquentes sommes reçues par Mme [R] soient réintégrées à la masse partageable, et ce, dans la mesure où elles portent atteinte à la réserve héréditaire ;

- d'ailleurs, même la demande en partage a une portée générale pour ce qui concerne l'établissement et la vérification de l'atteinte à la réserve ; en effet, la réduction est intimement liée aux opérations de partage, dont elle n'est qu'une modalité ;

- d'ailleurs, l'article 921 du code civil n'exige pas une demande des héritiers réservataires, mais prévoit seulement qu'une telle demande n'est ouverte qu'aux héritiers réservataires ;

- en tout état de cause, il résulte d'un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation le 10 janvier 2018 (pourvoi n°16-27.894) que la demande en comptes, liquidation et partage contient nécessairement une demande en réduction, laquelle n'est soumise à aucun formalisme particulier; la volonté implicite de demander la réduction était en l'espèce évidente car l'intégralité des actifs existants avait déjà été partagée ; ainsi leur demande de réintégration des dons manuels reçus par Mme [R] englobait nécessairement le règlement par elle d'une indemnité de réduction ; celle-ci ne pouvait être calculée que par la réintégration fictive desdits dons manuels, lesquels portaient nécessairement atteinte à leur réserve, puisque leurs droits étaient limités par les dispositions testamentaires à la stricte réserve ; il ne peut y avoir d'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 15 mai 2013 sur ce point, puisque la cour n'était alors pas saisie de la question de savoir si l'assignation en comptes liquidation et partage contenait une demande en réduction et qu'elle n'a d'ailleurs pas statué sur ce point dans le dispositif de sa décision ; au surplus, l'arrêt a été rendu en l'état du droit positif de l'époque, c'est-à-dire avant l'arrêt précité rendu par la Cour de cassation le 15 janvier 2018 ;

- le terme de rapport est usuellement utilisé pour viser la réunion fictive ; l'argument tiré de l'atteinte au principe de concentration des moyens est donc inopérant puisque dès leur assignation en comptes, liquidation, partage, ils ont demandé la réintégration des libéralités consenties par leur père à [L] [R], lesquelles portaient nécessairement atteinte à leur réserve ; d'ailleurs, leur mémoire signifié devant la Cour de cassation, mentionnait bien en ses pages 6 et 8 que la quotité disponible était épuisée, ce qui signifiait qu'il y avait atteinte à la réserve et droit à réduction ; quant à leur requête en interprétation, elle était rédigée en fonction de l'arrêt du 15 mai 2013, qui s'était attaché au sens littéral du mot 'rapport', contrairement aux prescriptions de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 janvier 2018 ;

- enfin, l'instance qu'ils ont introduite par l'assignation en partage délivrée le 7 mai 2008 ne s'est pas achevée par l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 septembre 2014, puisque l'instance se poursuit jusqu'à la réalisation d'un partage, soit amiable, soit judiciaire, de sorte que l'effet interruptif de prescription s'est poursuivi.

sur la portée de l'arrêt du 15 mai 2013 quant à la qualification des flux

Il doit être considéré que la demande de Mme [R] tendant à ce que le jugement soit infirmé sur les chefs critiqués lui faisant grief, vise la disposition de ce jugement ayant

'dit que l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Paris le 15 mai 2013 n'a pas infirmé le jugement prononcé par cette chambre le 31 janvier 2012 qui a retenu l'existence de dons manuels reçus de [J] [I] par Mme [L] [R], l'infirmation ne portant que sur l'obligation à rapport',

cette disposition, visée dans sa déclaration d'appel, venant à l'encontre de sa demande tendant 'en tout état de cause', à voir valider l'hypothèse n°4 du projet d'état liquidatif.

L'arrêt du 15 mai 2013 a confirmé diverses dispositions du jugement du 31 janvier 2012, puis l'a infirmé 'pour le surplus', lequel 'surplus' comprenait nécessairement toutes les dispositions non confirmées, et donc celles ayant

- dit que [L] [R] [I] a bénéficié des dons manuels suivants de la part de [J] [I]

' 31.000 € (parking de la [Adresse 19]),

' 300.000 francs (45. 696,97 €) (villa de [Localité 15]),

' 183.457 € ([Localité 16] 1999),

' 200.000 € ([Localité 16] 2003),

' 333.375,21 € (travaux [Localité 15]),

' 130.000 € (virements octobre 2004),

' 14.684,51 NLG (création Titra Danemark)

' 4.192 € (création GMK),

- dit qu 'elle devra rapporter à l'actif successoral :

' 392.289 €, au titre du don manuel pour l'appartement de [Localité 16], acquis en 1999,

' 394.450 €, au titre du don manuel pour l'appartement situé à [Localité 16], acquis en 2003,

' 8.000 € correspondant à la restitution de l'acompte sur le véhicule Jaguar,

' 130. 000 € au titre des dividendes de Titra Amsterdam perçus les 6 septembre et 27 octobre 2004,

' la contre valeur de la somme de 14. 684, 51 NLG, au titre de la souscription de ses parts de Titra Danemark,

' la somme de 4.192 € au titre de la souscription de ses parts de GMK,

- avant dire droit sur la fixation de l'indemnité de rapport concernant l 'acquisition du parking de la [Adresse 19], de la villa de [Localité 15] et des travaux de rénovation de ce bien, commis en qualité d'expert, Monsieur [C] [V], etc....

Il résulte de l'analyse de la motivation de cet arrêt que pour infirmer la disposition relative au rapport (et par voie de conséquence, celle relative à l'expertise) cette cour a rappelé

- que selon l'article 857 du code civil, 'le rapport n'est dû que d'un héritier à son co-héritier',

- que le conjoint survivant ne doit pas le rapport lorsqu'il est institué légataire universel et que sa vocation testamentaire absorbe sa vocation légale,

puis considéré qu'en l'espèce la vocation successorale de Mme [R] avait absorbé sa vocation légale, de sorte que n'étant pas appelée à bénéficier du rapport en qualité d'héritière, elle n'y était pas tenue,

et enfin ajouté, qu'il résulte de l'article 758-5 alinéa 2 du code civil (faisant en particulier référence au périmètre de la masse d'exercice des droits du conjoint survivant) que celui-ci ne bénéficiait jamais des rapports de ses co-héritiers, de sorte que corrélativement, il ne devait pas le rapport.

Par ailleurs, pour confirmer le jugement en ce qu'il avait écarté le recel des sommes qualifiées de 'dons manuels' par ce dernier, la cour a rappelé que si la dissimulation d'une donation non rapportable pouvait donner lieu à application de la sanction du recel, encore fallait-il rapporter la preuve d'une intention frauduleuse, laquelle était insuffisamment établie en l'espèce, et observé que les consorts [I] n'invoquaient pas le caractère réductible (ou potentiellement réductible) des donations invoquées.

Ce faisant, la cour n'a eu nul besoin d'examiner la qualification des flux en cause et s'est même gardée de le faire, n'invoquant (à propos du recel) que 'des donations prétendument reçues de [J] [I] par Mme [R]' ou des 'prétendues donations'.

En conséquence, en infirmant la disposition relative aux dons manuels, la cour n'a pas écarté la possibilité d'une telle qualification, mais seulement sanctionné le jugement en ce qu'il avait statué sur une question non pertinente, étant observé qu'il résulte de la lecture de ce dernier que le tribunal n'avait pas été saisi d'une demande tendant à la reconnaissance de l'existence de dons manuels, mais seulement de demandes ayant pour objet de voir Mme [R] condamnée au rapport de tels dons, ainsi qu'à les voir déclarer 'constitutifs de recel successoral', de sorte qu'elle 'devra(it) les rapporter à la succession, sans pouvoir y prendre aucune part'.

En conséquence, c'est à tort que le jugement entrepris a dit que 'l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Paris le 15 mai 2013 n'a pas infirmé le jugement prononcé par cette chambre le 31 janvier 2012 qui a retenu l'existence de dons manuels reçus par [J] [I] par Mme [L] [R], l'infirmation ne portant que sur le rapport'.

En revanche, dans la mesure où 'l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à ce qui a fait l'objet d'un jugement', l'infirmation de la disposition du jugement relative à l'existence de dons manuels, ne fait pas obstacle à l'examen de la qualification des flux correspondants, et en particulier à la prétention des consorts [I] tendant à les voir déclarer constitutifs de donations.

Sur la prescription de l'action en réduction

sur le délai de prescription

Les parties s'accordent sur le fait que la modification apportée par la loi du 23 juin 2006 à l'article 921 du code civil, n'est pas applicable à la succession en cause, ouverte avant le 1er janvier 2007.

Le fait que l'article 921 (dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006) réserve aux héritiers réservataires, et à leurs héritiers ou ayants cause, la revendication de la réduction des libéralités ne les exonère pas de l'obligation de former, ne serait-ce que de façon implicite, une telle demande, expressément prévue par le texte ('La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée....').

Cet ancien article 921 ne précisait aucunement dans quel délai cette demande devait être formée, de sorte que l'action en réduction obéissait au régime du droit commun, et non pas à un 'délai spécial' comme le prétendent, sans pour autant préciser le fondement de leur assertion, les consorts [I].

L'action en réduction est une action personnelle en ce qu'elle ne tend pas à exercer des droits sur une chose déterminée mais à voir respecter la quote-part de droits successoraux reconnue par la loi à l'héritier réservataire, en limitant les effets de libéralités excessives.

Or par l'effet de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription trentenaire qui courait depuis le jour du décès de [J] [I], s'est trouvé ramené à 5 ans, à compter de l'entrée en vigueur de ladite loi, soit le 19 juin 2008.

Il importe donc d'établir si une demande en réduction a été formée le 18 juin 2013, au plus tard.

sur la portée de l'arrêt du 15 mai 2013, quant à l'absence de demande de réduction

L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans le dispositif.

Or, la cour d'appel, qui n'était pas saisie de la question de l'existence ou non d'une demande en réduction, s'est bornée, dans les motifs de sa décision, à relever que 'Mme [I] et M. [I] ne soutiennent pas que les prétendues donations dont aurait bénéficié Mme [R] sont réductibles ou susceptibles d'être réduites' pour rejeter la demande tendant à la reconnaissance du recel de ces donations.

Ce constat ne présente donc pas l'autorité de la chose jugée.

sur l'interruption de la prescription

L'obtention de la réduction est un droit dont l'exercice par l'héritier réservataire est subordonné à une demande (article 921 du code civil).

Il est certes admis que si en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première.

Mais contrairement à ce que prétendent les consorts [I], l'action en réduction, qui tend à voir limiter ou anéantir les effets d'une libéralité excessive, et donc à préserver les droits de l'héritier réservataire, n'a pas la même finalité que l'action en rapport, qui tend à la réintégration à la masse partageable des libéralités non dispensées de rapport par l'effet de la loi ou d'une expression de la volonté du testateur, et donc à l'égalité entre les héritiers.

D'ailleurs, la réduction n'implique pas nécessairement un rapport (en présence d'un gratifié non successible), de même que le rapport de libéralités n'implique pas nécessairement leur réduction (soit qu'il n'y ait pas d'héritier réservataire, soit que les libéralités qu'elles soient ou non rapportables n'excèdent pas la quotité disponible).

Par ailleurs, la Cour de cassation, par son arrêt du 10 janvier 2018 qu'invoquent les parties, a dit que 'la demande en réduction d'une libéralité excessive n'est soumise à aucun formalisme particulier' et rejeté le pourvoi formé à l'encontre d'un arrêt rendu par une cour d'appel dont elle a estimé qu'elle avait souverainement estimé qu'en demandant l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions de leurs père et mère ainsi que le rapport des donations, un frère et une soeur avaient manifesté leur volonté de voir procéder à la réduction des libéralités consenties au troisième membre de la fratrie.

Il n'en résulte donc pas que toute demande en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, ou toute demande de rapport, contient nécessairement une demande en réduction, mais qu'il revient à cette cour de déterminer si les consorts [I] qui ne contestent pas s'être abstenus de formaliser une demande en réduction des libéralités supposées consenties à Mme [R], ont néanmoins manifesté leur volonté d'y voir procéder, et ce, avant le 19 juin 2013.

Or, ni le corps de l'assignation délivrée à la requête des consorts [I] par acte du 18 et 21 avril 2008 (pièce 17 de l'appelante), ni les conclusions déposées par eux devant le tribunal de grande instance pour l'audience du 3 janvier 2011 (pièce 55 des intimés) - leurs conclusions récapitulatives signifiées le 21 janvier 2011 au vu du jugement du 31 janvier 2012 n'ayant pas été produites - et devant la cour d'appel le 20 mars 2013 (pièce 48 de l'appelante) ne font la moindre allusion à une possible atteinte à leur réserve. Les seuls textes visés sur le fond du droit sont au dispositif, les articles 815 et suivants, 778, 854 et, dans le corps du texte, les articles 860 et 860-1, à l'exclusion des textes relatifs à la réserve et à la réduction, ce qui démontre que l'emploi du terme de 'rapport' l'a été à dessein, et ne résulte pas d'une impropriété de langage, comme le laissent entendre les intimés ; d'ailleurs les consorts [I] ont sollicité une expertise de la valeur des biens supposés financés au moyen de dons manuels au jour du partage, conformément à l'article 860, et non au jour de l'ouverture de la succession, conformément à l'article 922 du code civil, alors même qu'au moins certains biens (en particulier un appartement [Adresse 21]) étaient susceptibles d'avoir connu une plus-value entre le jour de leur acquisition (le 4 juillet 1997, pour cet appartement) et le jour du décès (le [Date décès 5] 2004).

D'ailleurs, dans le mémoire déposé à l'appui de leur pourvoi, les consorts [I] n'ont pas fait grief à la cour d'appel d'avoir considéré qu'ils s'étaient abstenus d'invoquer une atteinte ou un risque d'atteinte à leur réserve par l'effet des libéralités supposées consenties à Mme [R], mais seulement de n'avoir pas tiré les conséquences de ses propres énonciations desquelles il ressortait selon eux que ces donations étaient susceptibles d'être réduites. Ils ont ainsi fait l'aveu implicite qu'ils n'avaient pas formé une telle demande.

Ainsi, même si en présence d'une limitation des droits de Mme [R] à la seule quotité disponible, la demande de rapport, à supposer qu'elle ait pu prospérer, aurait eu pour conséquence de préserver les droits réservataires des consorts [I], il n'empêche que tel n'était pas le but manifesté par leur demande en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, ni de rapport.

Dès lors que l'interruption de la prescription n'est pas intervenue avant le 19 juin 2013, il importe peu qu'il ait été ou non mis fin à l'instance engagée suivant assignation des 18 et 21 avril 2008 par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2014, la persistance d'une instance n'ayant pour effet que de prolonger les effets d'un acte interruptif de prescription, et non de suppléer à son inexistence.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'action en réduction n'était pas prescrite.

sur la prescription de la demande concernant la reconnaissance de créances entre époux

Les opérations de compte, liquidation et partage de la succession impliquent en premier lieu de dresser l'état des forces et charges de la succession, lesquelles comprennent soit au passif, soit à l'actif, selon les cas, les éventuelles créances entre époux.

Lorsque le conjoint survivant est légataire universel ou à titre universel, la demande tendant à l'ouverture de ces opérations, contient nécessairement une demande d'ouverture des opérations de comptes, liquidation, partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Or, le rapport des dettes est une opération de partage et ne peut se prescrire tant que durent ces opérations.

En l'espèce, la prescription qui courait depuis le décès de [J] [I] a été interrompue par l'assignation en compte, liquidation et partage de sa succession, et cet effet interruptif est maintenu tant que durent les opérations de partage ordonnées par le jugement du 31 janvier 2012.

La demande des consorts [I] tendant à voir reconnaître l'existence de créances de [J] [I] à l'égard de Mme [L] [R] n'est donc pas prescrite.

Sur l'atteinte portée au principe de la concentration des moyens

La demande des consorts [I] tendant à voir qualifier de créances entre époux, les flux financiers litigieux, a la même finalité que celle tendant à voir rapporter les donations qu'ils estimaient correspondre à ces flux financiers, en ce qu'elles ont l'une et l'autre pour objet d'accroître la masse partageable, étant rappelé qu'à l'instar du rapport d'une libéralité qui se fait en moins prenant (article 858 du code civil), le rapport d'une dette se fait par imputation sur la part du débiteur (s'agissant d'une succession soumise sur ce point aux dispositions antérieures à la loi du 23 juin 2006 : cf civ, 1ère, 29 juin 1994, n°92-15.253).

Si certes l'évaluation du rapport d'une donation fait l'objet d'un régime particulier, il se trouve qu'en l'espèce le notaire a, dans son projet n°3, appliqué une méthode d'estimation des sommes réputées avoir servi à l'acquisition ou à l'amélioration de biens immobiliers selon la règle du profit subsistant, aboutissant ainsi à valoriser les flux financiers qualifiés de créances entre époux aux mêmes montants que lorsqu'ils étaient qualifiés de donations dans ses projets n°1 et/ou n°2, de sorte que la qualification des flux n'aurait pas d'incidence sur la proportion dans laquelle la masse partageable serait augmentée par leur rapport (au sens de l'article 825 du code civil).

Or, il incombe au demandeur de présenter dès sa première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.

Les consorts [I] ne peuvent donc, sous couvert d'une autre qualification des flux financiers, solliciter à nouveau le rapport des sommes en cause, demande dont ils ont été d'ores et déjà déboutés par l'arrêt définitif du 15 mai 2013.

****

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède :

- que quoique dans son arrêt du 15 mai 2013 la cour d'appel n'ait pas statué sur la qualification des flux financiers, les consorts [I] ne sont plus recevables à les voir pris en compte au titre de créances entre époux, dès lors qu'il leur appartenait de soumettre dès leur demande initiale en rapport, cette éventuelle qualification subsidiaire de ces flux ;

- que dès lors que la cour d'appel n'a pas statué sur la qualification des flux financiers, et n'a notamment pas écarté la qualification de donations les concernant, la demande des consorts [I] tendant à les voir retenus comme tels, ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée, mais est dépourvue d'intérêt, puisque ces donations ont été jugées non rapportables, et que l'action en réduction qui leur était ouverte jusqu'au 18 juin 2013 est dorénavant prescrite.

Il s'ensuit, comme le fait valoir Mme [R], que seul le projet n°4, qui fait abstraction de ces flux financiers, peut servir de base au partage, et qu'il y a donc lieu d'examiner, les points de désaccord qu'il suscite.

Ces points sont repris à l'identique dans tous les projets. Dès lors que les trois premiers sont écartés, il ne sera plus dorénavant question que du seul projet n°4, plus communément désigné comme étant 'le projet d'état liquidatif'.

II / sur les points de désaccord relatifs au projet n°4 :

1/ la succession de [X] [KP] :

[X] [KP] épouse [I] est décédée le [Date décès 7] 1997, laissant pour lui succéder son fils adoptif [J] [I]. Aux termes d'un testament authentique du 27 décembre 1989, elle a institué sa nièce [U] [I], en qualité de légataire universelle, à charge pour elle de délivrer un legs particulier.

Par acte des 17 et 18 avril 2007, les consorts [I] ont fait assigner Mme [U] [I], sa fille, Mme [P] [Y], et Mme [L] [R] aux fins principalement d'ouverture des opérations de comptes, liquidation, partage de la succession de [X] [I] et réintégration à la masse de calcul de la quotité disponible de dons manuels ayant profité à Mme [U] [I] et d'une donation déguisée consentie à Mme [P] [Y].

Le 5 septembre 2011, les consorts [I] ont conclu un protocole d'accord transactionnel avec Mme [U] [I] et Mme [P] [Y], 'régl(ant) définitivement entre les signataires (...) et leurs héritiers respectifs tous les litiges nés ou à naître ayant un lien direct ou indirect avec le décès et la succession de [X] [I] et les biens dépendant de sa succession, et emport(ant) renonciation à tous droits, actions, instances et prétentions de ces chefs par l'ensemble des parties signataires dudit protocole et leurs héritiers respectifs.'

Il y était notamment stipulé que Mmes [U] [I] et [P] [Y] reconnaissaient que Mme [A] [I] épouse [T] et M. [C] [I] étaient les seuls détenteurs de la totalité des titres du groupe Titra qu'ils avaient vendus le 7 février 2007 (il s'agissait de titres vendus par les trois co-indivisaires selon la convention dont il sera question infra) et renonçaient à toute revendication à leur encontre ainsi qu'à celle de l'acquéreur des titres, se réservant en revanche l'intégralité de leurs droits à l'encontre de Mme [L] [I]. En contre-partie, les consorts [I] renonçaient à toutes leurs prétentions à l'encontre de Mmes [U] [I] et [P] [Y] et versaient à titre de dommages et intérêts, à la première, la somme de 180.000 € et, à la seconde, celle de 6.000 €.

Le jugement entrepris a ordonné la remise par Mme [L] [R] entre les mains de Maître [G] [H] de la transaction signée par elle avec [U] [I] relative au partage de la succession de [X] [KP] veuve [I] et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai d'un mois après signification du présent jugement.

Cette décision était ainsi motivée :

'Le désistement de l'action en partage de la succession de [X] [KP] est sans effet sur le droit à réintégration des droits recueillis dans cette succession par [J] [I] à l'actif de sa propre succession.

Les transactions menées séparément par chacun des héritiers de [X] [I] sont certes inopposables aux autres qui ne peuvent en contester les termes. Pour autant, il convient de réintégrer les sommes reçues par chacune des parties provenant de la succession de [X] [I].'

Depuis lors, Mme [L] [R] a communiqué la transaction qu'elle a pour sa part conclue avec Mme [P] [Y] (unique ayant-droit de [U] [I] entre-temps décédée) les 23 et 24 juin 2014, aboutissant à leur désistement réciproque d'instance et d'action et au versement par Mme [R] à Mme [Y] 'd'une somme forfaitaire et transactionnelle de 70.000 € à titre d'indemnisation pour solde de tout compte'.

Reprenant à leur compte la motivation du jugement, les consorts [I] en sollicitent la confirmation de ce chef. Selon leurs explications, non contredites par Mme [R], si les héritiers de [J] [I] ont accepté de transiger avec la légataire universelle de [X] [I] en lui versant une somme forfaitaire, c'est parce que [J] [I] avait, de son vivant, appréhendé la succession de sa mère adoptive au mépris des droits de sa cousine, bénéficiaire de son testament, avec laquelle il était en conflit depuis des années. C'est donc la somme de 250.000€ (soit 180.000 € + 70.000 €) qu'il y aurait lieu selon eux de réintégrer.

Invoquant les dispositions de l'article 815-3 du code civil, Mme [L] [R] demande au contraire que soit retranchée toute mention relative aux transactions signées par les héritiers, sauf à tenir compte d'une charge égale pour tous les héritiers limitée à 70.000 € chacun. Elle fait valoir que les consorts [I], arguant de créances démesurées, ont sans concertation avec elle, engagé une action à l'encontre de [U] [I] et de Mme [P] [Y], puis transigé avec ces dernières, et qu'elle n'a pas à supporter leurs mauvais choix procéduraux et transactionnels.

La cour n'a pas trouvé dans le projet d'état liquidatif établi par le notaire de mention particulière relative à la succession de [X] [I].

En revanche, en page 12 de son procès-verbal de difficultés, il précise 'qu'il fera les calculs de quotité disponible et réserve de la succession de [J] [I] qui lui ont été demandés mais que les comptes qu'il fera ne pourront être justes tant qu'il ne lui sera pas confirmé qu'il n'existe aucune somme à ajouter ou à retrancher de ces comptes comme provenant de la succession de Mme [X] [I]'.

Il est constant que les protocoles en cause sont constitutifs de transactions, ce qu'ils précisent d'ailleurs expressément.

Dans la mesure où les consorts [I] demandent que les indemnités versées par chacune des parties soient réintégrées dans le partage, c'est qu'ils considèrent que les transactions ont porté sur des droits indivis non encore partagés que [J] [I] tenait de la succession de [X] [I].

En vertu de l'article 2045 du code civil, 'pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction'.

Or, en vertu de l'article 815-3 alinéa 2 du code civil, 'le consentement de tous les indivisaires est requis (...) pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°' (lequel ne vise que les ventes de meubles indivis pour payer les charges et les dettes de l'indivision).

A défaut, l'acte de disposition fait sans le consentement d'un indivisaire demeure valable à l'égard du tiers à concurrence des droits des indivisaires contractants, mais est inopposable à celui qui n'y a pas consenti. Il s'agit d'une inopposabilité partielle limitée à la seule quote-part de l'indivisaire non partie à l'acte.

En l'occurrence, la transaction que les consorts [I] ont conclue est inopposable à Mme [R] et n'est réputée concerner que leurs propres quote-parts de droits. Dès lors qu'ils ont transigé sur leurs propres quote-parts, ils ne peuvent revendiquer le bénéfice de la transaction conclue par Mme [R], qui ne peut également concerner que sa propre quote-part.

En conséquence, la demande des consorts [I] qui tend à une 'mutualisation' des résultats des transactions conclues de part et d'autre ne peut prospérer, puisqu'ils ne peuvent prétendre imposer à Mme [R] de supporter, à concurrence de ses droits dans la succession de son époux, la charge d'une indemnité qu'ils ont accepté de verser sans son consentement et ne peuvent davantage se prévaloir de l'avantage procuré par la transaction qu'elle a par la suite conclue.

La solution consistant à inscrire au passif de la succession, le plus petit dénominateur commun des indemnités consenties de part et d'autre (soit 70.000 € x 3) ne présente aucun intérêt, puisque chacune des parties est engagée séparément par les transactions respectivement conclues, de sorte que la succession n'est plus débitrice de quoi que ce soit.

En conséquence, il sera dit qu'il n'y a pas lieu à mention des transactions en cause dans l'état liquidatif, ni prise en compte des indemnités versées de part et d'autre.

2/sur la créance d'impôt :

Par le jugement du 31 janvier 2012, confirmé par l'arrêt du 15 mai 2013, il a été dit que le notaire devra, en s'adjoignant au besoin un expert comptable mettre en oeuvre la règle suivant laquelle la contribution des époux à la dette fiscale est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables chacun s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée, afin de déterminer la quote-part incombant à Mme [L] [R]-[I], au titre des années 1995 à 2004.

Le notaire a établi des décomptes annuels conformes à ces prescriptions et retenu à l'actif de la succession une créance de 78.740,08 € au titre de la quote-part d'impôt payé par [J] [I] pour le compte de son épouse.

Les consorts [I] soutiennent que Mme [R] n'a pas produit l'intégralité des documents nécessaires au calcul de cette créance et demandent qu'elle soit condamnée sous astreinte à produire les pièces suivantes :

- son avis d'imposition 1995, au titre des revenus perçus en 1994 ;

- les déclarations et avis pour les années 1998 à 2004.

Les premiers juges les ont déboutés de cette demande aux motifs

- d'une part, que le juge commis n'a jamais été saisi d'une difficulté quant à la mise en oeuvre du jugement du 31 janvier 2012, ce que les consorts [I] contestent, invoquant à cet effet leur pièce 50 (soit une lettre adressée au magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre, le 7 octobre 2016) ;

- d'autre part, 'que figure dans les projets d'états liquidatifs la mention d'une créance entre époux pour la quote-part d'impôt sur le revenu réglée seulement par [J] [I] calculée par Me [H] en vertu des jugements et arrêts prononcés ce dont il se déduit que le notaire commis a pu consulter les documents nécessaires à la détermination du montant de cette créance, documents évoqués par le jugement précité', ce que les consorts [I] critiquent en faisant valoir que jusqu'en novembre 2016, Mme [L] [R] s'était toujours refusée à produire la moindre pièce et qu'il appartient au juge de chiffrer une créance à partir de justificatifs effectivement fournis.

Mme [R] conclut au débouté en soutenant que

- la première année à prendre en compte était celle de son mariage avec [J] [I], conformément à l'arrêt de la cour d'appel du 15 mai 2013 qui fait état de la quote-part dont elle serait redevable au titre des années 1995 à 2004 ;

- elle avait déjà communiqué toutes les pièces nécessaires dans le cadre de la procédure ayant abouti au prononcé dudit arrêt.

Pour sa part, elle demande que la créance soit arrêtée à 64.971,39 € et non à la somme de 78.740,08 €, inscrite à l'actif de la succession dans les projets d'états liquidatifs, et qui ne tient pas compte d'un versement qu'elle a effectué pour un montant de 12.561,75 € entre les mains de Maître [S] (notaire initialement en charge du règlement de la succession) au titre de sa quote-part d'impôt sur le revenu pour l'année 2004.

sur la production de l'avis d'imposition de Mme [R] au titre de ses revenus 1994

Ainsi que le souligne à juste titre Mme [R], l'imposition des revenus 1994 n'a pas été prise en compte par le jugement du 31 janvier 2012, confirmé par la cour d'appel le 15 mai 2013, puisque ces décisions ont prévu que la dette fiscale devrait être déterminée au prorata de l'impôt dont chacun des époux aurait été redevable, 's'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée', ce qui a été nécessairement le cas, pour les revenus de l'année 1994.

Leur mariage ayant été célébré le [Date mariage 10] 1995, il n'est certes pas exclu que [J] [I] ait réglé pour le compte de son épouse l'impôt dont celle-ci était redevable au titre des revenus de l'année 1994, celui-ci étant payable en 1995.

Néanmoins, c'est aux consorts [I], ayants-droit de [J] [I], d'en rapporter la preuve à l'encontre du conjoint survivant, ce qu'ils s'abstiennent de faire, étant d'ailleurs observé que pour les années 1995, 1996, et 1997 (pour lesquelles ils ne déplorent aucune insuffisance de pièces), il ressort des décomptes établis par le notaire et figurant en annexe du projet d'état liquidatif que Mme [R] aurait été non imposable au titre de ses seuls revenus, si elle avait eu une imposition séparée de son époux.

sur la production des avis d'imposition des époux [I] sur les années 1998 à 2004

Il résulte de la pièce 46 de Mme [R] (constituées de ses conclusions et bordereau de communication de pièces dans le cadre de l'instance RG 12/06381 ayant abouti à l'arrêt du 15 mai 2013) qu'elle a dès l'origine de la procédure en ouverture de comptes, liquidation, partage, produit les déclarations de revenus du couple [I] pour les années 1998, 1999, 2000, 2001, 2002 et 2003. En page 7 du jugement du 31 janvier 2012, figure d'ailleurs un tableau reprenant les revenus perçus par chacun des époux au titre desdites années.

Des déclarations de revenus sont suffisantes pour déterminer l'impôt dû, les avis d'imposition n'étant pas indispensables, étant en outre observé que les consorts [I] disposent déjà des avis d'imposition des années 2002 et 2003 joints à leur pièce 23.

Selon les décomptes du notaire, il apparaît que ce dernier a pu disposer des déclarations des revenus 2003 et 2004, à partir desquelles il a pu reconstituer l'impôt qui aurait été dû par chacun en cas d'imposition séparée, et donc la quote-part incombant à Mme [R] dans l'imposition globale selon les prescriptions du jugement du 31 janvier 2012, confirmé par l'arrêt du 15 mai 2013.

S'agissant des revenus 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002, le notaire indique que Mme [R] ne lui a pas fourni les déclarations de revenus qu'il lui avait réclamées (cf page 12 du procès-verbal du 29 novembre 2016). Néanmoins, il a pu déterminer le montant de l'impôt qui aurait été dû par l'appelante en cas d'imposition séparée, à partir des indications figurant dans le jugement sur le montant de ses revenus. Il est à noter que le défaut de production par Mme [R] des déclarations en cause au notaire ne lui est pas favorable, puisque pour lesdites années,

- elle n'a pu profiter d'éventuelles réductions d'impôts, réparties à 50 % entre les deux époux pour les revenus 2003 et 2004,

- le notaire a retenu son imposition pour le tout, et non au prorata de ce qu'elle aurait représentée dans l'imposition cumulée des deux époux,

le désavantage qui en est résulté pour elle étant flagrant si on compare les montants retenus pour les années 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002 (soit 11.094,54 €, 10.962,26€, 10.452,56 €, 10.110,31 €, 11.810,84 €), par rapport à sa dette au titre de l'années 2003 (6.630,87 €, pour une imposition totale séparée sans réduction de 12.765,02 €) et de l'année 2004 (3.910,01€, pour une imposition totale séparée sans réduction de 8.452,77€).

En conséquence, il n'est pas nécessaire d'enjoindre à Mme [R] de produire les avis d'imposition réclamés par les consorts [I].

sur le montant de la créance à inscrire à l'actif de la succession

Pour une raison inexpliquée (et qui au vu de la page 20 du procès-verbal de difficultés ne tient pas à la prise en compte d'un versement que Mme [R] aurait fait entre les mains de Maître [S], lequel n'est pas justifié), le notaire a inscrit la créance à l'actif de la succession pour un montant de 78.740,08 €, et non pour le montant de 64.971,39€, auquel aboutit le montant cumulé des décomptes annuels établis en annexe de l'état liquidatif.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de Mme [R] tendant à voir fixer la créance que détient la succession à son encontre à 64.971,39 €.

3/ sur le mobilier de [Localité 17] :

Il a été définitivement jugé (par le jugement du 31 janvier 2012, confirmé par l'arrêt du 15 mai 2013) que le mobilier garnissant la propriété de [Localité 17] est réputé appartenir à Mme [R], sauf preuve contraire.

Par la décision entreprise, le tribunal a à nouveau jugé que les meubles meublant les deux maisons sises à [Localité 17] appartiennent, sauf preuve contraire, à Mme [L] [R], et dit en conséquence, n'y avoir lieu à prendre en compte la valeur vénale de ces meubles dans l'acte de partage à venir, ce qu'avait fait le notaire dans le projet d'état liquidatif, en les inscrivant à l'actif de la succession pour un montant de 1.000 €.

Mme [R] expose que les consorts [I] n'ont fait procéder à aucun inventaire du mobilier existant au décès de leur père et ont indiqué au notaire avoir remeublé la propriété postérieurement. Elle estime qu'en procédant au déplacement du mobilier, sans avis ni constat préalable, les consorts [I] ont commis une faute l'empêchant d'en exercer la reprise, ce dont elle demande réparation à hauteur de 190.000 €.

Selon les consorts [I], il appartient à Mme [R] de venir prendre possession de ces meubles qu'ils ont toujours tenu à sa disposition.

Contrairement à ce que prétend Mme [R], il ne ressort pas de la correspondance reçue de l'étude notariale chargée de la liquidation en date du 17 janvier 2014 (pièce 121 de l'appelante) que le mobilier de la propriété de [Localité 17] a été déplacé, la citation qu'elle a extraite du paragraphe y afférent, ayant un sens contraire lorsqu'elle est remise dans son entier contexte, puisqu'il est précisé que 'Mme [L] [I] peut aller à [Localité 17] dès que possible , pour récupérer, en présence des autres ayants-droit, les meubles en nature, dont il ne sera pas prouvé par facture ou autre qu'ils ont été acquis postérieurement au décès. En effet, les enfants [I] indiquent qu'ils ont conservé sur place le peu de meubles qui s'y trouvaient (souligné par la cour), lesquels étaient de faible valeur, et remeublé la maison postérieurement au décès'.

Le fait qu'elle soutienne, sur la seule base d'une liste établie par elle, que le mobilier existant au jour du décès avait une valeur de 190.000 €, venant ainsi contredire l'affirmation des consorts [I] selon laquelle il y avait 'peu de meubles' et qu'ils étaient d'une 'faible valeur', ne suffit pas à établir le déplacement allégué, pas davantage que le préjudice qui en résulterait s'il était avéré.

Enfin, il n'est pas plus justifié que les consorts [I] auraient empêché Mme [R] de venir prendre possession de son mobilier.

En conséquence, Mme [R] sera déboutée de sa demande.

4/ sur la valeur à retenir pour le tableau de Vlaminck et ses frais de garde :

L'actif successoral comprenait un tableau de Vlaminck qui a été pris en compte pour un montant de 100.000 € dans l'état liquidatif.

Les premiers juges ont

- ordonné sa vente aux enchères par Me [VC] [M], commissaire priseur, à la diligence du notaire commis,

- rappelé que les frais de son éventuelle expertise pour les besoins de la vente seront mis à la charge de l'indivision ainsi que déjà jugé par la cour d'appel de Paris,

- dit que les frais résultant de son dépôt dans les locaux de la société Munigarde sont à la charge de l'indivision.

Mme [R] demande la confirmation du jugement, si ce n'est qu'il y a lieu de corriger la valeur du tableau, en retenant le solde de son prix de vente, intervenue entre-temps, soit 21.690 €.

Les consorts [I] demandent qu'il soit dit qu'il n'y a plus lieu d'ordonner la vente et que Mme [R] soit condamnée à leur payer les sommes par eux réglées au titre de la garde du tableau depuis le 9 avril 2014, soit la somme de 4.118,01 € arrêtée au 30 juin 2018 et donc à parfaire jusqu'au retrait définitif de l'oeuvre de l'établissement Munigarde par Maître [M] en septembre 2018.

Au soutien de leurs prétentions, les consorts [I] expose que

- dès le 9 avril 2014, ils avaient proposé de faire expertiser le tableau par l'institut Wildenstein, proposition à laquelle [L] [R] n'a jamais répondu, raison pour laquelle par leur dire du 25 mai 2016, ils ont demandé au notaire de désigner un commissaire-priseur ;

- dans son dire du 3 octobre 2016, Mme [R] a prétendu ne s'être jamais opposée à une évaluation du tableau par un commissaire-priseur et qu'ils ne s'étaient jamais positionnés, ce qui est faux ;

- ce n'est que le 15 novembre 2016, qu'elle a proposé de faire appel à des salles des ventes, lesquelles pourraient faire appel à un expert ;

- qu'ils ont pour leur part tout fait pour vendre le tableau à l'amiable, alors que Mme [R], après avoir refusé que le tableau soit expertisé, a fait traîner les opérations, multipliant les questions fantaisistes auprès du commissaire-priseur désigné.

Mme [R] s'y oppose en faisant valoir que

- contrairement à ce que prétendent les consorts [I] elle ne s'est jamais opposée à une évaluation du tableau,

- cependant, dès le mois de janvier 2014, le notaire a estimé plus judicieux de le mettre en vente aux enchères par un commissaire-priseur, ce dernier devant préalablement l'estimer pour établir la réquisition de vente,

- si les consorts [I] ont émis le souhait de le faire expertiser par l'institut Wildenstein, elle a estimé, à l'instar du notaire, que dans la mesure où nul n'en sollicitait l'attribution, il était inutile de le faire préalablement évaluer par un expert, et a, dès la fin 2014, fait part de son accord pour mandater un commissaire-priseur pour retirer l'oeuvre et procéder directement à sa vente,

- elle ne peut être tenue responsable de ce que ce commissaire-priseur n'a été mandaté que très récemment par le notaire.

Il résulte des pièces versées aux débats que

- le 17 janvier 2014, le notaire a interpellé les parties au sujet du tableau de Vlaminck, qui se trouvait chez Munigarde et devait être expertisé, proposant, compte tenu de ce qu'il avait vocation à être vendu, qu'il soit mis aux enchères par un commissaire-priseur, ce dernier devant en ce cas, l'estimer pour établir la réquisition de vente ; il leur demandait de bien vouloir confirmer leur position sur ce point, et sur le choix du commissaire-priseur par le notaire, le commissaire-priseur choisissant pour sa part, l'expert pour le tableau ;

- que si ce n'est que le 15 novembre 2016 que Mme [L] [R] a proposé la désignation de diverses salles des ventes (pièce 43 de l'appelante), elle avait dès le 11 décembre 2014, demandé au notaire de mandater un commissaire-priseur chargé de procéder à la vente aux enchères du tableau (pièce 50 de l'appelante) ;

- qu'il n'est certes pas justifié qu'elle ait répondu à la demande formulée par les consorts [I] le 9 avril 2014 afin que le tableau soit, avant toute vente, expertisé par l'institut Wildenstein, mais que l'utilité d'une telle expertise ne ressortait pas de leur sollicitation (pièce 68 des intimés), de sorte qu'elle pouvait parfaitement considérer, à l'instar du notaire, qu'une telle expertise préalable n'était pas nécessaire ;

- qu'en tout état de cause, ce n'est pas ce défaut de réponse qui est de nature à expliquer que la vente ne soit finalement intervenue qu'en septembre 2018, étant observé que les consorts [I] n'ont en définitive sollicité le notaire aux fins de désignation d'un commissaire-priseur (sans lui en proposer de nom) que le 25 mai 2016 (pièce 33 de l'appelante) ;

- que leur pièce 62, constituée d'une lettre adressée par Maître [M] au conseil de Mme [R] le 17 janvier 2017 et invoquée par eux pour illustrer le comportement prétendument dilatoire de l'appelante, qui n'y avait d'ailleurs aucun intérêt, n'en est nullement révélatrice.

Il s'ensuit que le retard pris dans la vente, lequel est seul à mettre en rapport avec les frais de garde facturés par Munigarde, n'apparaît pas particulièrement imputable à Mme [R], de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a décidé que ces frais seraient supportés par l'indivision.

5/ sur le bureau cylindrique Louis XVI, le bureau Louis XV régence et ses deux fauteuils :

Il dépend de la succession, comme ayant appartenu en propre au défunt

- un bureau à petit cylindre Louis XVI,

- un bureau Louis XV-Régence, et ses deux fauteuils.

Le tribunal a constaté l'accord des parties en vue de l'attribution à Mme [A] [I] des deux bureaux, et dit qu'à défaut d'accord entre les parties, il conviendra de procéder au tirage au sort des deux fauteuils.

Mme [R] demande l'infirmation de cette dernière disposition ainsi que de celle lui ordonnant sous astreinte de 'restituer' l'ensemble de ce mobilier à Mme [A] [I] (désignée dépositaire des deux fauteuils, en vue de leur expertise) et de le déposer au domicile de celle-ci, faisant valoir que l'arrêt du 15 mai 2013 l'avait autorisée à conserver la paire de fauteuils et estimant que les frais de transport doivent rester à la charge de Mme [A] [I] qui a sollicité expressément l'attribution des meubles.

Elle demande également que les meubles en cause soient estimés à 9.000 € pour le bureau Louis XVI, 4.500 € pour le bureau Louis XV-Régence et 3.884,69 € pour la paire de fauteuils, ou, en cas d'opposition justifiée des consorts [I], que leur expertise soit ordonnée.

Les consorts [I] répondent qu'il n'a jamais été statué sur l'attribution des deux fauteuils, lesquels forment un tout avec le bureau Louis XV-Régence et auxquels ils sont attachés sentimentalement, et qu'il appartient à Mme [R] qui détient les meubles dans sa propriété de [Localité 15] et s'était engagée à les ramener à [Localité 18], de le faire. Ils soutiennent cependant que le prononcé d'une astreinte est le seul moyen d'obtenir de Mme [R] qu'elle s'exécute.

sur l'attribution des deux fauteuils

Aux termes de son arrêt du 15 mai 2013, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a dit que la valeur du bureau Louis XV-Régence et de la paire de fauteuils époque Régence devra être rapportée à l'actif successoral, précisant toutefois dans les motifs de la décision, que le terme de rapport devait s'entendre au sens de réintégration, puisque ces meubles n'avaient pas fait l'objet d'une libéralité de la part de [J] [I] au profit de son épouse qui les détenait.

Il ressort des motifs du jugement, approuvés par l'arrêt de la cour, qu'à l'époque, il était question que ces deux fauteuils aient été vendus par Mme [R] aux consorts [I], ce qui permet d'expliquer la raison pour laquelle n'avait été prévu que 'le rapport' de leur valeur.

Mme [R] ne saurait donc tirer prétexte de cette disposition - qui s'explique par le contexte des faits particuliers rapportés dans le jugement et non repris dans le cadre de la présente instance - pour prétendre qu'elle était autorisée à les conserver.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit qu'à défaut d'accord sur leur attribution, il serait procédé au tirage au sort des deux fauteuils.

sur la valorisation de ce mobilier

Dans son projet d'état liquidatif, le notaire a valorisé ainsi qu'il suit le mobilier en cause :

- bureau petit cylindre Louis XVI ................... 9.000 €

- bureau Louis XV - Régence ......................... 8.384,69 €

- fauteuils Régence ...........................................5.750 €.

Toutefois, dans son procès-verbal de difficultés, il a précisé que 'les bases d'estimation de ces biens resta(ie)nt pendantes'.

Le tribunal n'a pas statué sur la valeur des meubles, ni ordonné une expertise, précisant seulement que Mme [A] [I] était désignée comme gardienne des deux fauteuils dans l'attente de leur expertise par Maître [M], cette décision étant justifiée dans les motifs de la décision par l'ancienneté de l'estimation retenue par le notaire.

Les consorts [I] n'ont pas formulé d'observations sur les valeurs que Mme [R] demande à voir retenir.

Dans leur dire au notaire en date du 25 mai 2016 (pièce n°33 de l'appelante page 3), dont ils ont indiqué maintenir les termes lors de l'établissement du procès-verbal de difficultés, ils ont exprimé leur accord avec l'évaluation qu'il proposait.

Le petit bureau cylindre Louis XVI a été valorisé dans la déclaration de succession pour 9.000 €, laquelle valeur est confirmée par l'estimation de Maître [B] commissaire priseur (pièce 11 des intimés)

En revanche, il résulte de la décision du 31 janvier 2012 que le montant de 8.384,69 € correspond en réalité à l'estimation faite en 1981 du bureau Louis XV-Régence et de la paire de fauteuils Régence (produite en pièce 11 des intimés), et celui de 5.750 €, au montant auquel [L] [R] avait vendu les fauteuils, outre un autre fauteuil, deux chaises et un siège de bureau, à une date non précisée. Il y a lieu de corriger l'erreur commise en ce que le bureau Louis XV-Régence a été valorisé pour la totalité de la somme de 8.384,69 €, ce qui est d'ailleurs conforme à l'intérêt de Mme [A] [T] qui en sera l'attributaire, et les deux fauteuils, pour la totalité de la somme de 5.750 €.

Les valeurs relatives du bureau Louis XV-Régence et des deux fauteuils proposées par Mme [R] sont conformes, à quelques euros près, à celles issues de l'estimation de 1981 (Le bureau ayant été estimé à 30.000 F et la paire de fauteuils à 25.000 F, soit respectivement à 4.573,47 € et 3.811,22 €).

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [R], concernant la valorisation des meubles en cause.

sur le transport des meubles

Mme [R] qui détient ces meubles de la succession depuis l'ouverture de celle-ci, et dont les termes du jugement du 31 janvier 2012 (cf ses motifs page 20), non contredits sur ce point par l'arrêt du 15 mai 2013, montrent que pour certains d'entre eux (le bureau Louis XV-Régence et les deux fauteuils Régence), elle s'est comportée comme si la succession ne disposait d'aucun droit dessus, doit faire le nécessaire, à ses frais, pour les remettre à leurs attributaires.

Le terme de remise sera en effet préféré à celui de 'restitution' employé par le jugement, puisque seule l'attribution des meubles confère à l'attributaire un droit personnel sur ceux-ci.

S'agissant des deux fauteuils, leur tirage au sort étant ordonné, et leur expertise, écartée, il n'y a pas lieu de prévoir leur transport et leur dépôt entre les mains de Mme [A] [I], mais d'en ordonner directement la remise à tout attributaire que le sort désignera.

Enfin, il y a lieu de revoir les modalités de cette remise ainsi que celle de l'astreinte.

Le jugement sera donc réformé en ce sens.

6/ les assurances-vie :

Le tribunal a rejeté la demande des consorts [I] tendant à autoriser le notaire à interroger le fichier Ficovie, estimant que si elle ne se heurtait pas à l'autorité de la chose jugée, elle était tardive, ce d'autant que les requérants n'établissaient pas l'impossibilité dans laquelle ils se seraient trouvés d'obtenir les renseignements qu'ils sollicitent.

Les consorts [I] ont relevé appel de cette disposition en faisant valoir que

- dès l'assignation en partage, ils ont demandé que [L] [R] justifie des contrats d'assurance vie dont elle était bénéficiaire ;

- ils ont été invités par le tribunal à se rapprocher de l'AGIRA, ce qu'ils ont fait en vain, cet organisme n'étant destiné à renseigner que les personnes se pensant bénéficiaire d'un tel contrat;

- ayant reçu une fin de non recevoir tant de l'AGIRA, que de Mme [L] [R], ils se trouvent bien dans l'impossibilité d'obtenir par eux-mêmes les renseignements qu'ils sollicitent;

- pour leur permettre de vérifier le caractère éventuellement exagéré des primes versées par [J] [I], il est nécessaire de permettre au notaire d'interroger les fichiers FICOBA, FICOVIE et AGIRA.

Mme [L] [R] sollicite la confirmation du jugement , dès lors que de surcroît la demande se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 15 mai 2013 et ne présente aucun intérêt, les sommes reçues au titre de l'assurance-vie ne pouvant faire l'objet de rapports ou de réductions.

L'article L 132-13 du code des assurances dispose :

'Les sommes payables au décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ne sont soumises ni aux règles du rapport à la succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers de l'assuré.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par l'assuré à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés'.

Il s'ensuit que la vérification du caractère le cas échéant manifestement exagéré des primes n'a d'intérêt que si un rapport et/ou une réduction sont envisageables. Or, cette cour, dans son arrêt du 15 mai 2013, a dit que Mme [R] ne pouvait être soumise au rapport, et aux termes du présent arrêt, constate la prescription de l'action en réduction.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande.

7/ sur l'acompte versé sur la jaguar :

Après le décès de [J] [I], sa veuve a fait annuler la commande par le défunt d'un véhicule Jaguar et s'est fait restituer l'acompte qu'il avait versé à hauteur de 8.000 €.

Dans les projets d'état liquidatifs, cette somme a été inscrite à l'actif de la succession comme devant être rapportée par Mme [R].

[L] [R] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que la succession détient sur elle une créance de 8.000 € en soutenant que cette disposition se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 15 mai 2013 qui a admis qu'elle ne devait pas le rapport dudit acompte à l'actif successoral. Elle fait également valoir que ce montant se compense avec la moitié de la valeur du précédent véhicule Jaguar inscrit à l'actif de la succession pour sa valeur totale de 20.000 €, alors qu'il s'agissait d'un bien acheté au moyen d'un emprunt souscrit par les deux époux, et en conséquence, d'une acquisition indivise.

Les consorts [I] répondent que Mme [R] ne rapporte pas la preuve d'un co-financement du véhicule Jaguar, la seule mention de son nom sur le contrat de crédit ne prouvant aucunement le règlement de la moitié de ses échéances, et qu'il s'agit d'un bien propre de leur père.

Le terme de rapport s'emploie tant pour les donations reçues par les héritiers que pour les créances que la masse partageable comprend à l'égard d'un co-partageant.

Par arrêt du 15 mai 2013, la cour d'appel a effectivement infirmé le jugement du 31 janvier 2012, en ce qu'il avait ordonné le rapport par Mme [L] [R] à l'actif de la succession de la somme de 8.000 €, correspondant à la restitution de l'acompte sur le véhicule Jaguar. Il résulte de l'analyse de cet arrêt que, bien que l'encaissement de cet acompte ne soit pas constitutif d'une donation et que le tribunal avait manifestement entendu en ordonner le rapport au titre d'une dette d'un co-partageant à l'égard de la masse, ladite cour ne lui a pas réservé de traitement différencié de celui des donations dont elle avait considéré que le rapport ne pouvait être exigé de Mme [R], à l'inverse de ce qu'elle a fait pour le bureau Louis XV-Régence et de la paire de fauteuils Régence, dont elle a confirmé le rapport au motif que 'ces biens n'ayant pas fait l'objet d'une libéralité de la part de [J] [I] en faveur de Mme [R], le tribunal a en réalité entendu ordonner la réintégration de leur valeur à l'actif de la succession'.

Ledit arrêt, auquel s'attache l'autorité de la chose jugée, fait donc obstacle à l'inscription à l'actif successoral d'une créance équivalente à la somme encaissée par Mme [R], en remboursement de l'acompte versé par le de cujus.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

8/ sur le bien acquis par [U] [W] :

Est en cause un virement de 120.000 € que le de cujus aurait effectué sur le compte de son épouse le 18 juin 2004 et qui aurait servi à l'acquisition par [U] [W], fille de Mme [L] [R], et son compagnon, d'un bien sis [Adresse 20] le 2 juillet 2004.

Le projet d'état liquidatif porte la mention d'une réunion fictive de la somme de 120.000 € 'au titre d'un don manuel au profit de Mme [U] [W]'.

Le jugement entrepris a ordonné la réintégration dans la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible de la somme de 120.000 € au titre du don manuel consenti par [J] [I] à Mme [U] [W] et dit que sa revalorisation sera faite conformément à l'article 1099-1 du code civil.

Ainsi que le souligne Mme [R], le jugement comprend en ses motifs une contradiction puisqu'après avoir indiqué que cette dernière contestait l'existence du don manuel en cause, le tribunal a fondé sa décision sur la reconnaissance par elle de son existence.

Pour le reste, l'appelante fait valoir

- qu'il y a lieu de tenir compte des décisions judiciaires définitives déjà rendues et de la prescription de toute action en réintégration ou en réduction des consorts [I];

- que [J] [I] n'a pas participé au financement de l'appartement, pour l'acquisition duquel elle a mis à la disposition de sa fille une somme de 74.000 € dont 50.000 € résultant d'un prêt qu'elle avait souscrit fin mai 2004, auprès du CIC ;

- que les intimés ne rapportent pas la preuve que leur père aurait eu l'intention de faire une donation de 120.000 € en faisant transiter cette somme sur le compte de son épouse qui l'aurait ensuite remise à sa fille pour qu'elle puisse acquérir l'appartement [Adresse 20].

Les consorts [I] répondent que sur les 467.020 € incombant à Mme [U] [W] dans le prix d'acquisition, Mme [R] ne justifiait que de l'origine de 200.000 € ; que [J] [I] a contribué a minima à cette opération pour un montant de 120.000€ et que dans son jugement du 31 janvier 2012, le tribunal avait retenu que le de cujus avait expressément voulu gratifier sa belle-fille, qu'il avait auparavant désignée comme bénéficiaire d'une assurance-vie, en cas de pré-décès de sa mère.

D'après le jugement du 31 janvier 2012 (page 18), lors de l'instance en ouverture des opérations de comptes, liquidation, partage de la succession, la somme de 120.000 € était comprise dans celle de 299.381,17 €, dont le rapport était demandé à l'encontre de Mme [R], comme ayant été reçue par elle par prélèvement sur le compte bancaire de [J] [I].

S'agissant du virement de 120.000 €, le tribunal a rejeté la demande au motif que Mme [U] [W] - dont la cour relève qu'elle n'était pourtant pas dans la cause, ni directement visée par la demande de rapport - n'était pas héritière (cf page 22 de la décision), relevant au passage que le défunt avait manifestement voulu gratifier sa belle-fille, mais n'en tirant aucune conséquence.

A hauteur d'appel, les consorts [I] ont demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il n'avait pas retenu le rapport du don manuel de 299.381,17 €, prétention que la cour a rejetée en disant que Mme [R] n'était pas tenue au rapport.

Cette décision n'a d'autorité de la chose jugée qu'en ce qui concerne le rapport par Mme [L] [R] de la donation supposée, mais s'agissant d'un rapport qui serait dû par Mme [U] [W], qui n'est toujours pas attraite dans la cause, les parties s'accordent sur le fait qu'il est impossible, puisqu'elle n'est effectivement pas héritière. La somme en cause ne peut donc être intégrée à l'actif partageable, comme a cru pouvoir le faire le notaire.

Quant à la réintégration de ladite somme à la masse de calcul de l'article 922, elle impliquerait que l'action en réduction soit recevable. Elle ne l'est pas à l'encontre de Mme [R], puisqu'elle est prescrite. Elle ne le serait pas davantage à l'égard de Mme [U] [W], si une telle action était engagée à son encontre.

Ainsi, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si le virement en cause était constitutif d'une gratification par [J] [I] de Mme [U] [W], il y a lieu d'infirmer le jugement et de faire corriger l'état liquidatif sur ce point.

9/ sur les titres Titra :

Le 7 février 2007, les parties ont vendu à la société Titra World BV l'ensemble des titres du groupe Titra moyennant le prix de 3.951.000 €, dont la somme de 3.201.000€ payable comptant, qu'elles se sont partagée par tiers (soit 1.067.000 € pour chacune). Il était également stipulé un complément de prix payable en fonction du paiement des créances irrecouvrées.

La cession de ces titres, et la convention de garantie d'actif et de passif qui l'accompagnait, ont donné lieu à divers contentieux auxquels les parties ont mis fin par des protocoles transactionnels séparés,

- celui en date du 22 juin 2010, conclu par les consorts [I], aboutissant à l'obtention par chacun des enfants de [J] [I] d'une somme de 118.482,95 €, qu'ils déclaraient les remplir intégralement de leurs droits ;

- celui en date du 26 septembre 2012, conclu par Mme [R], lui permettant d'obtenir une somme de 250.000 €, pour solde de tout compte.

Mme [R] fait valoir que le tribunal a omis de statuer de ce chef et demande, au visa de l'article 815-3 du code civil, que soit retranchée du projet d'état liquidatif toute référence aux protocoles signés séparément avec les sociétés Titra, sauf à préciser que les droits de chaque héritier sur les sociétés Titra étaient identiques et que Mme [A] [T] et M. [C] [I] ont chacun consenti auxdites sociétés un abandon de créance qui ne saurait lui préjudicier.

Les consorts [I] ne formulent aucune demande particulière sur ce point, et dans le corps de leurs écritures, se bornent à renvoyer la cour à leurs observations concernant les protocoles d'accord relatifs à la succession de [X] [I].

Pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés supra au 1) relatif à la succession de [X] [KP] épouse [I], le protocole signé par les consorts [I] pour mettre fin au litige faisant suite à la vente des titres des sociétés Titra est inopposable à Mme [R] et est réputé n'avoir concerné que leurs propres quote-parts de droits dans ces titres. Dès lors qu'ils ont transigé pour leurs propres quote-parts, ils ne peuvent prétendre revendiquer l'avantage procuré par la transaction signée par la suite par Mme [R] qui est également réputée ne concerner que sa propre quote-part.

Il y a donc lieu de retrancher du projet d'état liquidatif toute référence à ces protocoles et de ne pas tenir compte des sommes qu'ils ont permis à chacune des parties de percevoir, celles-ci n'ayant pas vocation à être partagées.

10/ sur l'imputation du legs de la propriété de [Localité 17] :

Dans son projet d'état liquidatif, le notaire a imputé le legs fait de la propriété de [Localité 17] aux enfants [I] sur la quotité disponible, réduisant d'autant la part revenant à Mme [L] [R].

Le tribunal a validé cette position au motif qu' 'il s'évince de la lecture du testament olographe de [J] [I] que ce dernier a entendu consentir à ses deux enfants, hors part successorale, le legs particulier de sa propriété de Lurs ce dont il se déduit qu'il s'impute sur la quotité disponible et non sur la réserve.'

Mme [R] demande au contraire que le legs de la propriété de [Localité 17] s'impute sur la réserve et non sur la quotité disponible.

Elle prétend qu'il se déduit des termes du testament ainsi que du contexte familial, éclairé par la rédaction du précédent testament, que [J] [I] a entendu effectuer un legs d'attribution, interprétation que les consorts [I] avaient admise en signant la déclaration de succession qui la prend pour base et n'avaient pas remise en cause dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt définitif du 15 mai 2013, le faisant donc tardivement après la désignation du notaire commis.

Les consorts [I] font valoir qu'il résulte des termes du testament que leur père avait exclu la maison de [Localité 17] de la part revenant à son épouse, et que la réserve étant d'ordre public, à supposer que [J] [I] ait voulu en décider autrement, il ne l'aurait pas pu.

Le testament rédigé par [J] [I] le 7 février 1999 est ainsi rédigé :

'je soussigné (...) déclare révoquer toute disposition antérieure et lègue à mon épouse (...) la quotité disponible (33, 33 %) en toute propriété de l'ensemble des biens qui composeront ma succession, sauf ma propriété de [Localité 17] que je lègue à mes deux enfants [C] et [A] en toute propriété.'

S'il ne résulte pas des décisions successivement rendues par le tribunal, la cour d'appel, puis la Cour de cassation, dans le cadre de l'instance en ouverture de comptes, liquidation et partage de la succession, que l'imputation du legs consenti aux enfants ait été discutée, il n'apparaît pas non plus qu'à l'occasion de ladite procédure, les consorts [I] aient pris position sur ce point.

En vertu de l'article 843 alinéa 2 du code civil, les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.

En l'occurrence, contrairement à ce que soutient Mme [R], la traduction faite de la volonté du de cujus dans la déclaration de succession, n'est pas conforme à un legs rapportable, et ne l'est pas davantage à un legs hors part, puisqu'elle revient à déduire de la masse partageable le legs fait aux enfants, puis à répartir le solde en trois parts égales, ce qui mathématiquement équivaut à faire supporter à chacun l'imputation du legs pour 1/3, et donc à ne l'imputer sur la quotité disponible que dans cette même proportion.

Par ailleurs, les termes du précédent testament, outre qu'il a été révoqué par celui du 7 février 1999, n'éclairent pas la volonté de [J] [I] sur ce point.

Quant au contexte familial, il n'est pas non plus déterminant puisque quelle que soit l'imputation du legs, celui-ci a pour effet d'empêcher Mme [R] d'exercer ses droits sur la propriété de [Localité 17], que [J] [I] a voulu réserver à ses enfants.

Enfin, il n'est pas évident que la proportion de 33,33 % mentionnée seulement entre parenthèse ait été indiquée par le testateur comme étant la part que le de cujus entendait voir revenir de toute façon à son épouse, plutôt que le rappel du quantum légal de la quotité disponible en présence de deux enfants.

Ainsi, contrairement à ce qu'affirme Mme [R], il ne ressort ni du testament, ni des circonstances par elle évoquées, aucune manifestation claire de la volonté du de cujus quant à l'imputation du legs, de sorte que la présomption légale sus-énoncée doit recevoir application et que c'est à juste titre que le notaire a fait prévaloir une imputation sur la quotité disponible.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

III/ Sur les autres demandes

Il n'appartient pas à la cour de calculer le montant de la soulte qui serait due par Mme [L] [R] au terme du partage, cette mission incombant au notaire, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande de l'appelante tendant à ce que la cour statue sur ce point.

La demande de dommages et intérêts des consorts [I] tend à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une part de 'l'absence de jouissance des considérables sommes distraites par [L] [R] depuis une quinzaine d'années' - qu'ils imputent au comportement dilatoire de l'appelante, à l'organisation par elle de son insolvabilité, et à la mauvaise foi dont elle aurait fait preuve en tentant de dissimuler par des malversations, les remises de sommes d'argent dont elle a bénéficié, et en retardant encore leur restitution par un appel dilatoire - et d'autre part, de son refus de leur restituer le peu de documents que le de cujus était parvenu à conserver de leur famille déportée, ainsi que les meubles ayant appartenu à leur père.

Cependant, la durée des opérations de comptes liquidation et partage de la succession de [J] [I] est principalement imputable au débat ayant opposé les parties sur le sort à réserver aux flux financiers évoqués au I/ et force est de constater que dès les courriers de son conseil au notaire en date du 2 et 11 octobre 2013, Mme [R] défendait, sur la question essentielle de la portée de la décision du 15 mai 2013, une position entérinée par le présent arrêt, lequel faisant droit à la quasi totalité de ses prétentions, dément le caractère prétendument dilatoire de son appel. Par ailleurs, la stratégie procédurale des consorts [I] n'a pas amené la cour à constater, ni à qualifier les remises de fonds dont il reproche à Mme [R] d'avoir profité et au titre desquelles ils ne sont plus recevables à invoquer aucun droit, et pas davantage, à se pencher sur les pièces arguées par eux de faux, de sorte qu'à supposer exactes ces malversations, elles n'ont pas de lien direct avec le préjudice allégué. Par ailleurs, le fait que les saisies conservatoires qu'ils ont fait pratiquer à l'encontre de Mme [R] se soient révélées peu fructueuses n'implique pas qu'elle ait organisé son insolvabilité, puisque l'appelante dispose encore d'un patrimoine immobilier significatif sur lequel les consorts [I] ont d'ailleurs fait inscrire des hypothèques provisoires, soit d'après l'arrêt rendu par cette cour le 5 octobre 2017 (pièce 59 des intimés) un box et un appartement dans le 6ème arrondissement de [Localité 18] et plusieurs biens dans l'Aude, lequel patrimoine est largement suffisant pour leur garantir le versement de la soulte qui sera due par Mme [R] au terme du partage.

Le prétendu refus de Mme [R] de leur remettre des documents ou photographies de famille ne pourrait donner lieu à indemnisation que pour autant qu'il présenterait un caractère juridiquement fautif, ce que les consorts [I] se dispensent d'étayer, étant observé qu'ils n'ont jamais formé de demande tendant à une telle obtention. Enfin, les meubles appartenant en propre au de cujus n'avaient pas plus vocation à revenir à leurs enfants qu'à Mme [R], mais appartenaient, jusqu'à leur attribution, à la succession, et aucun recel n'a été caractérisé les concernant.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêt.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu'il a

- jugé que les meubles meublant les deux maisons sises à [Localité 17], appartiennent, sauf preuve contraire, à Mme [L] [R] ;

- dit en conséquence n'y avoir lieu à prendre en compte la valeur vénale de ces meubles dans l'acte de partage à intervenir,

- constaté l'accord des parties en vue de l'attribution à Mme [A] [I] du bureau à petit cylindre Louis XVI et du bureau Louis XV-Régence,

- dit qu'à défaut d'accord quant à leur attribution, il conviendra de procéder au tirage au sort des deux fauteuils,

- dit que les frais résultant du dépôt du tableau de Vlaminck dans les locaux de la société Munigarde sont à la charge de l'indivision ;

- rejeté la demande des consorts [I] tendant à la condamnation sous astreinte de Mme [R] à produire son avis d'imposition de l'année 1995 ainsi que les déclarations de revenus et avis d'imposition pour les années 1998 à 2004 ;

- rejeté la demande des consorts [I] tendant à ce que le notaire soit autorisé à interroger les fichiers FICOVIE et FICOBA et à interroger l'AGIRA ;

- dit que le legs particulier fait par [J] [I] à Mme [A] [I] et à M. [C] [I] de la propriété de [Localité 17] leur a été consenti hors part successorale ;

- débouté les consorts [I] de leur demande de dommages et intérêts à hauteur de 100.000€;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage ;

- dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare prescrite l'action en réduction de libéralités qui auraient été consenties à Mme [L] [R] ;

Déclare irrecevable la demande des consorts [I] tendant à voir qualifier de créances entre époux, les flux financiers dont le rapport était sollicité au titre de donations dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 15 mai 2013 ;

Ecarte les hypothèses n°1, n°2 et n°3 établies par le notaire ;

Dit que l'hypothèse n°4 doit être retenue, sauf à y intégrer les modifications induites par le présent arrêt ;

Dit qu'il n'y a pas lieu à mention dans l'état liquidatif des transactions respectivement conclues par les parties au sujet de la succession de [X] [I], ni à prise en compte des indemnités incombant à chaque partie en vertu desdites transactions;

Fixe à 64.971,39 € la créance à inscrire à l'actif de la succession au titre de la quote-part d'impôts sur le revenu payée par [J] [I] pour le compte de son épouse ;

Dit que la valeur du tableau de Vlaminck doit être retenue pour 21.690 € ;

Fixe à 9.000 € la valeur du bureau cylindrique Louis XVI attribuée à Mme [A] [I] épouse [T] ;

Fixe à 4.500 € la valeur du bureau Louis XV- Régence attribuée à Mme [A] [I] épouse [T] ;

Fixe à 3.884,69 € la valeur des deux fauteuils Régence ;

Ordonne la remise par Mme [L] [R] à Mme [A] [I] épouse [T], au domicile de cette dernière, les frais de transport étant à la charge de l'appelante, du bureau à petit cylindre Louis XVI et du bureau Louis XV-Régence, dans le délai maximum de 3 mois à compter de la signification du présent arrêt, et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé ce délai, à charge pour Mme [R] de s'assurer que la destinataire aura été avisée au moins 5 jours à l'avance de la date de livraison et à Mme [A] [I], dans ce cas, d'avoir pris les dispositions nécessaires pour sa réception par elle-même ou par tout mandataire de son choix;

Ordonne la remise par Mme [L] [R] à l'attributaire que le sort désignera, au domicile de ce dernier, des deux fauteuils Régence, dans le délai de 3 mois maximum à compter du tirage au sort, et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé ce délai, à charge pour Mme [R] de s'assurer que le destinataire aura été avisé au moins 5 jours à l'avance de la date de livraison et à l'attributaire, dans ce cas, d'avoir pris les dispositions nécessaires pour sa réception par lui-même ou par tout mandataire de son choix;

Ordonne le retranchement de la somme de 8.000 € retenue à l'actif de la succession au titre du remboursement de l'acompte versé pour l'acquisition d'une Jaguar ;

Dit n'y avoir lieu à réunion fictive d'une somme de 120.000 € figurant à l'état liquidatif comme constituant 'un don manuel au profit de Mme [U] [W]' et en conséquence, ordonne le retranchement de toute mention y afférent dans le projet d'état liquidatif ;

Dit n'y avoir lieu à tenir compte des sommes revenant respectivement aux parties en exécution des transactions conclues séparément par elles concernant la vente des titres du Groupe Titra et en conséquence, ordonne le retranchement de toute mention afférente à ces transactions dans le projet d'état liquidatif, sauf à préciser que les droits de tous les copartageants sur les titres étaient identiques et que chacun conserve pour son propre compte le bénéfice de la transaction par lui signée ;

Renvoie les parties devant le notaire commis à l'effet de signer l'acte de partage établi en fonction des dispositions du présent arrêt ;

Déboute Mme [L] [R] de sa demande tendant à la condamnation des consorts [I] à lui payer la somme de 190.000 € à titre de dommages et intérêts, pour atteinte à son droit de reprise des meubles meublant la propriété de [Localité 17] ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute les parties de leurs demandes formée de ce chef ;

Rejette toute autre demande ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais généraux de partage et rappelle que cet emploi est incompatible avec leur recouvrement direct par les avocats des parties

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/20030
Date de la décision : 03/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°18/20030 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-03;18.20030 ?
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