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03/06/2020 | FRANCE | N°17/07872

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 03 juin 2020, 17/07872


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 03 JUIN 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07872 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3O52



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 16/00110





APPELANT



Monsieur [W] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

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Représenté par Me Sarah BELLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0300





INTIMÉES



Me [G] [S] es-qualité de mandataire liquidateur de SARL AERO VISION

[Adresse 2]

[Adresse 2]



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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 03 JUIN 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07872 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3O52

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 16/00110

APPELANT

Monsieur [W] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sarah BELLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0300

INTIMÉES

Me [G] [S] es-qualité de mandataire liquidateur de SARL AERO VISION

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223

Association AGS CGEA [Localité 5]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale MARTIN, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Pascale MARTIN, présidente de chambre

Mme Sophie GUENIER LEFEVRE, présidente de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine CHARLES

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Pascale MARTIN, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [W] [N] a été engagé par la société Darta par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er octobre 2000, en qualité de copilote ou pilote, statut cadre.

Par avenant au contrat en date du 5 mars 2002, M. [N] a été chargé d'assurer la mission de Responsable Désigné aux Opérations Aériennes (RDOA) moyennant une prime mensuelle brute de 2 000 euros portée à 2 500 euros selon avenant du 1er novembre 2012.

Selon avenant signé le 14 septembre 2013, le salarié a accepté le transfert de son contrat de travail à compter du 1er mai 2013 à la société Aerovision.

Le code de l'aviation civile était applicable à la relation de travail.

Par lettre recommandée du 13 janvier 2014, M. [N] a été suspendu de ses fonctions de responsable désigné des opérations aériennes.

Par lettre recommandée du 18 janvier 2014, M. [N] a démissionné de ces même fonctions.

Par courrier en date du 26 mai 2014, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 10 juin suivant.

Selon lettre recommandée du 17 juin 2014, M. [N] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Par acte du 13 janvier 2016, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny d'une demande en indemnité forfaitaire pour licenciement illicite intervenu en violation du statut protecteur, en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour manque à gagner sur prime AEL/CEL, en annulation des sanctions prises, et en rappels de primes et congés payés afférents.

Par jugement du 17 mai 2017, notifié le 24 mai suivant, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Par acte du 2 juin 2017, le conseil de M. [N] a formé appel de ce jugement.

Par jugement du 20 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a ordonné le redressement judiciaire de la société Aerovision.

Par jugement du 22 mai 2018, le même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de ladite société et a désigné la Selafa MJA es qualité de mandataire liquidateur.

Dans ses dernières écritures déposées au greffe par voie électronique le 16 octobre 2019, M. [N] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et formule les demandes suivantes :

Dire et juger dépourvu de cause réelle et sérieuse, le licenciement ;

Fixer la créance de Monsieur [W] [N] au passif de la société Aérovision aux sommes suivantes :

Sur les dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

A titre principal :

Fixer la moyenne des salaires du demandeur à la somme de 11 688 €

- 210 384€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

A titre subsidiaire :

Fixer la moyenne des salaires du demandeur à la somme de 10 750€

- 193 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit que la suspension des fonctions de RDOA et la suppression des fonctions de contrôleur AEL / CEL n'avaient pas le caractère de sanctions, et le reformant: Dire et juger que les mesures prises à la suite de l'entretien « informel » du 15 janvier 2014 ont la nature de rétrogradations, et partant de sanctions illégalement prononcées.

Par conséquent, annuler ces sanctions,

Fixer la créance de Monsieur [W] [N] au passif de la liquidation de la société Aerovision aux sommes suivantes :

Sur les rappels de prime RDOA

12 500 € à titre de rappel de prime RDOA pour la période du 15 janvier 2014 au 17 juin 2014 ;

7 500 € titre de rappel de prime RDOA pour la période de préavis de 3 mois outre 750 € au titre de l'indemnité de congés payés y afférent

Sur les dommages et intérêts pour manque à gagner sur prime AEL / CEL

1 640 € à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner sur prime AEL / CEL

Sur l'article 700 du code de procédure civile

3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dire et juger recevable et bien fondé l'appel en intervention forcée à l'initiative de l'appelant de la SELAFA MJA, es qualité de liquidateur judiciaire de la société Aéro Vision et de s AGS CGEA [Localité 5] ;

Dire et juger que l'arrêt sera opposable :

aux AGS CGEA , qui garantiront les créances dans les limites du champ d'application de leur garantie ;

à la SELAFA MJA, es qualité de liquidateur judiciaire de la société Aéro Vision ».

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 novembre 2019, la Selafa MJA prise en la personne de Me [G], demande à la cour de :

In limine litis :

Constater que les demandes, fins et prétentions de M. [N] tendent à la condamnation de la société Aero Vision, alors que cette dernière fait actuellement l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

Declarer irrecevable M. [N] en ses demandes, fins et prétentions

Dans tous les cas :

Prendre acte de l'abandon par M. [N] de sa demande de reconnaissance de salarié protégé et donc de sa demande d'indemnité forfaitaire pour licenciement illicite en raison d'une prétendue violation de statut protecteur

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions

Fixer la moyenne mensuelle brute des salaires de Monsieur [N] à la somme de 10.750,00 €

Dire et Juger que le licenciement de M. [N] revêt une cause réelle et sérieuse

Dire et Juger M. [N] non fondé dans l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Condamner M. [N] à verser à Me [G] une somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamner M. [N] aux dépens.

Dans ses dernières écritures déposées au greffe par voie électronique le 9 août 2018, l'association AGS formule les demandes suivantes :

Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Dire et juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Débouter M. [N] de l'ensemble de ses indemnités de rupture.

En tout état de cause, vu l'article 1235-3 du Code du travail,

Limiter à six mois le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Débouter M. [N] du reste de ses demandes, fins et prétentions.

Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale.

Dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du Code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du Code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie.

Dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L.3253-17 et D.3253-5 du Code du travail.

Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

Condamner M. [N] aux entiers dépens .

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , aux conclusions des parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 décembre 2019 fixant les débats à l'audience du 16 janvier 2020.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la procédure

L'appelant a fait assigner en intervention forcée les organes de la procédure collective, lesquels ont conclu, de sorte que la décision leur est opposable en tant que parties à l'instance.

L'appelant ayant régularisé des écritures visant la fixation de ses créances au passif de la société, la demande d'irrecevabilité des demandes de M. [N], faite in limine litis par le mandataire liquidateur de la société, est devenue sans objet.

Sur la demande d'annulation de sanctions

Le salarié soutient que les mesures disciplinaires prises le 15 janvier 2014 par sa hiérarchie, à savoir la suspension de ses fonctions de RDOA et le retrait de son agrément AEL/CEL sont intervenues en dehors de toute procédure disciplinaire, sans entretien préalable formel et sans notification des mesures.

Il en demande dès lors l'annulation et le rétablissement subséquent de la rémunération.

Le mandataire liquidateur rappelle que les mesures prises ne sont pas des sanctions disciplinaires constituant une rétrogradation mais des mesures temporaires prises compte tenu des risques encourus.

1- sur les fonctions de RDOA

Le 13 janvier 2014, la direction a adressé au salarié une lettre recommandée dans les termes suivants : 'Faisant suite à notre entretien téléphonique, nous vous notifions par la présente qu'à compter de ce jour, vous êtes suspendu de vos fonctions de Responsable Désigné des Opérations Aériennes dans l'attente des suites données à votre dossier à la suite de non-conformités graves aux procédures'.

Les termes utilisés dans cette lettre démontre qu'il ne s'agit pas d'une sanction disciplinaire mais bien d'une mesure temporaire et conservatoire dans l'attente d'éléments complémentaires, la mission de RDOA étant distincte de celle de commandant de bord, conservée par le salarié.

Il est constant que le salarié a ensuite donné sa démission de ses fonctions de RDOA, dans une lettre du 18 janvier, en invoquant 'des raisons personnelles' et aucun élément ne vient corroborer une pression qui aurait été faite par la direction pour obtenir cet écrit, de sorte qu'il ne peut être qualifié d'équivoque.

Les documents contractuels précisant que la prime mensuelle de 2 500 euros était exclusivement liée aux responsabilités de RDOA, le salarié démissionnaire ne peut en réclamer le paiement sur la période de janvier à juin 2014.

2- Sur les fonctions d'AEL/CEL

Par un courriel du 15 janvier 2014 adressé à divers salariés de la société, le directeur de la qualité leur indiquait : 'Suite à des événements récents survenus dans la compagnie, Madame M.[R] D., dirigeant responsable, vous informe des décisions suivantes à effet immédiat :

M. [N] n'assure plus les fonctions de «commandant de bord désigné par l'exploitant » et à partir de ce jour n'est plus habilité à contrôler les compétences en ligne des PNT de la compagnie, ni habilité à effectuer les AEL. Merci de tenir compte de ces paramètres pour la planification des équipages.'

Le salarié prétend que ce retrait de fonctions brutal a la nature d'une sanction disciplinaire et a eu un impact sur sa rémunération, réclamant une somme à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner résultant de cette sanction abusive.

Il convient de souligner que si l'habilitation à effectuer les contrôles en ligne (CEL) et les adaptations en ligne (AEL) nécessite une décision de la DGAC, l'attribution de ces missions et donc leur nombre n'était pas contractualisé et relevait du pouvoir de direction de l'employeur.

Si l'on peut déplorer que M. [N] n'ait pas été informé directement qu'il n'effectuerait plus ces missions, cette décision ne peut s'apparenter à une sanction disciplinaire et dès lors, le salarié qui avait la qualité de commandant de bord et exerçait ces fonctions, n'est pas fondé à réclamer une indemnisation basée sur le manque à gagner.

Sur le bien fondé du licenciement

A titre liminaire, la cour constate qu'en cause d'appel, M. [N] ne se prévaut plus du statut de salarié protégé et n'invoque plus sa violation, et dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

En vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail , la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l'espèce, il est reproché à M. [N] d'être impliqué dans la réalisation de deux graves infractions à la réglementation aérienne , concernant :

- l'atterrissage de nuit d'un pilote à l'aéroport d'[Localité 4] le 13 décembre 2013,

- la falsification de documents d'un contrôle en ligne d'un copilote.

1- sur la prescription des faits

Le salarié prétend que les faits reprochés sont prescrits comme ayant été portés à la connaissance de la société au mois de janvier 2014 et considère que les rapports qui sous-tendent la lettre de licenciement n'ont apporté aucun élément nouveau.

Le mandataire liquidateur de la société demande la confirmation du jugement sur ce point, les rapports du service 'Système de Gestion de la Sécurité de la Société' (dit SGS) ayant été transmis à la direction par courriel du 22 mai 2014 et le salarié ayant été convoqué quatre jours après à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Il résulte des éléments du dossier que si la direction a été informée de la découverte de deux graves non-conformités aux règles de sécurité en janvier 2014, elle n'a obtenu les résultats des enquêtes demandées auprès du service dédié que par la transmission des rapports d'analyse produits en pièces n°8 & 9 par la société, soit le 22 mai 2014.

Il importe peu que les rapports n'aient pas été demandés expressément par la DCAS comme indiqué dans la lettre de licenciement, la société - eu égard à ses activités particulièrement contrôlées - étant tenue de rendre compte à cet organisme de tout problème lié à son exploitation, et étant précisément dotée d'un service directement lié à la direction, chargé de procéder à des contrôles et d'analyser les faits soumis.

Il ressort de la lecture de ces rapports comportant pour l'un 67 pages et l'autre 46 pages avec leurs annexes, qu'une analyse approfondie a été effectuée des faits et des comportements, nécessitant en outre le recueil de données, et une évaluation des risques, tous éléments qui étaient nécessaires à la direction pour avoir une information complète et détaillée de la réalité et de l'ampleur des manquements décelés.

Ce n'est pas sans une certaine mauvaise foi que M. [N] prétend que ces rapports n'apporteraient pas d'élément nouveau alors qu'interrogé dans le cadre d'un entretien informel par sa direction, il n'avait pas été en mesure d'apporter des réponses précises et que dès lors des investigations s'imposaient.

En conséquence, il est établi que la connaissance des faits fautifs par l'employeur n'a été effective qu'après réception des deux rapports d'évènements détaillés transmis en mai 2014 et que dès lors, les faits n'étaient pas prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement.

2- sur la règle non bis in idem

La cour a considéré que la décision de retrait des missions AEL/CEL n'était pas une sanction disciplinaire et constaté que le salarié avait donné sa démission de façon non équivoque concernant ses fonctions de RDOA .

En conséquence, il convient de rejeter le moyen soulevé par l'appelant sur ce point.

2- sur la réalité et l'imputabilité des faits reprochés

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

Le Commandant de bord, Monsieur [V] [L], ne détenait pas les qualifications nécessaires pour réaliser un atterrissage de nuit sur un aérodrome classé en catégorie C.

Lorsque je vous avais demandé des explications au cours d'un entretien informel courant janvier 2014, vous m'aviez affirmé ne pas avoir été sollicité sur la question de la compétence de [V] [L] sur ce vol et n'avoir aucun souvenir d'une quelconque demande. Je vous ai accordé le bénéfice du doute. Cependant, le rapport d'analyse relatif à la notification de cet écart majeur, réalisé par le service qualité SGS et porté à ma connaissance le 20 mai 2014 démontre votre implication de façon claire et non équivoque.

En effet, le commandant de bord, ignorant son statut sur ce point précis a eu le réflexe de s'enquérir par téléphone auprès de vous en tant que RDOA. Vous lui avez confirmé qu'il était bien habilité pour assurer ce vol avec atterrissage de nuit sur [Localité 4], persuadé, comme vous l'avez indiqué au cours de l'entretien qu'il avait déjà effectué une « reconnaissance de site en vol ».

Vous avez confirmé au Commandant de bord que son statut lui permettait de réaliser ce vol ainsi que l'atterrissage de nuit alors même qu'il ne figurait pas sur la liste des pilotes habilités, ni sur le document « suivi de formation PN ».

Sans contester ces faits, vous nous avez opposé pendant l'entretien ne pas avoir été en mesure de répondre dans des conditions optimales à la demande du commandant de bord de chez vous. A supposer que cela soit avéré, cet argument ne peut en aucun cas justifier que vous preniez le risque de déroger à la réglementation aérienne. Si vous ne pouviez par vous-même vérifier sa qualification, vous auriez pu lui de se renseigner auprès de la personne qui assurait la permanence du site ou d'un autre responsable désigné habilité à lui répondre.

Si un quelconque doute subsistait, il était de votre responsabilité de ne pas l'autoriser à assurer ce vol.

Pour les mêmes raisons relatives à la sécurité des vols, je ne peux retenir votre argument selon lequel la pression de la direction était telle que vous ne pouviez refuser de réaliser un vol, évoquant l'attitude de Monsieur [X] [Z] alors que celui-ci n'est plus dans l'entreprise depuis septembre 2013. Vos allégations confortent les conclusions du rapport d'analyse selon lequel vous avez volontairement donné une fausse information au commandant de bord de la mission AOV 503L afin de réaliser ce vol sans délai.

Cette violation délibérée de la règlementation engage votre responsabilité. : c'est l'absence de supervision des opérations aériennes par le RDOA et son service planning géré par le RDOA adjoint qui a généré cette grave défaillance, inacceptable de la part d'un commandant de bord confirmé et au fait des conséquences graves d'un écart majeur de cette nature.

Je ne peux admettre qu'un vol ne se passe pas dans les conditions règlementaires a fortiori de façon délibérée. Vous avez ainsi gravement failli à la sécurité des vols. En outre ce rapport contredit totalement votre version initiale, ce qui affecte grandement la confiance que j'ai pu vous accorder.$gt;$gt;

Le rapport d'analyse a conclu à une notification d'écart à l'OPS 1.975, laquelle prévoit que la qualification à la compétence de route et d'aérodrome a une validité de douze mois civils.

Ce règlement européen produit page 38 du rapport d'analyse, date du 30 août 2008 , de sorte que c'est en vain que M. [N] tente de porter le débat sur le fait que les consignes de la compagnie ne spécifiait pas ce délai à l'époque des faits.

Il existait des consignes spécifiques à l'utilisation de l'aérodrome d'[Localité 4] placé en catégorie C et page 20 du manuel d'exploitation de la société Aerovision, il est spécifié 'utilisation de l'aérodrome de jour uniquement' or, il est démontré que l'atterrissage s'est effectué de nuit à plus de 17h.

Il résulte du rapport et de l'attestation du commandant de bord concerné que ce dernier, sur demande de son copilote et ignorant son statut sur le point précis de savoir s'il était qualifié pour l'atterrissage de nuit sur l'aérodrome d'[Localité 4] s'est renseigné, lors de l'escale, auprès de M. [N] en sa qualité de RDOA, lequel lui a confirmé qu'il pouvait effectuer ce vol, alors qu'il n'en était rien puisque le pilote n'avait pas suivi de formation adéquate dans l'année civile.

Comme l'indique le rapport en pages 8 et 9, la responsabilité de M. [N] par dérive des procédures est dès lors engagée que ce soit pour incompétence ou imprudence a minima.

2- Concernant le deuxième fait fautif reproché, la lettre de licenciement précise :

Ainsi, la fiche examinateur du 21 juin 2013 concernant le CEL du Copilote, M. [M] [D], sur Falcon 50 fait état de l'équipage suivant :

Monsieur [W] [N], commandant de bord

Monsieur [M] [D], copilote

Monsieur [Y] [J] contrôleur CEL.

Or l'analyse a déterminé :

Que le contrôleur CEL n'était pas à bord de l'avion ;

Que le document signé par le contrôleur a été rédigé par le contrôleur sans sa présence à bord et est donc un document contrefait ;

Que le document notation NOTECHS en CEL a été complété par le contrôleur sans que celui-ci soit à bord et est donc un document contrefait .

Le Compte Rendu Matériel (CRM) n°1563 du Falcon 50 F-HDCB indique quant à lui comme équipage:

- Monsieur [W] [N], commandant de bord

- Monsieur [M] [D], copilote

- Mademoiselle [K] [A], PCB

L'analyse a démontré que ce document est bien conforme .

Enfin, l'analyse a démontré que le système Cyberjet a été complété 17 jours a posteriori du viol et a donc été falsifié.

Lors de notre entretien, vous avez de nouveau tenté de justifier votre position par la pression suscitée par votre hiérarchie de l'époque et par le service commercial.

D'une part vous ne m'avez à aucun moment avisée de telles pressions alors même que je suis Gérante de la société Aérovision, et régulièrement présente sur place. D'autre part, rien ne peut justifier de déroger volontairement à la réèglementation aérienne.

Courant janvier 2014, je vous avais déjà interrogé sur ce qui apparaissait comme une grave irrégularité, sans que votre implication ne puisse être démontrée. Vous aviez alors affirmé n'avoir aucun souvenir de ce contrôle. Il apparaît aujourd'hui que vous m'avez volontairement dissimulé la vérité.

Aussi, vous n'avez pas assuré vos responsabilités de RDOA consistant à garantir que les PNT sont à jour de leurs qualifications, entraînement et contrôles périodiques, maintien des compétences. Le test CEL a été noté satisfaisant sans avoir été effectué.

Or, en tant que Commandant de Bord Désigné (AEL), vous ne pouviez pas ignorer l'absence de Monsieur [Y] [J] à bord de l'appareil. Vous n'avez pas cependant averti la Direction . Il vous est reproché d'être complice de cette falsification, ce qui remet en cause gravement votre intégrité.$gt;$gt;

Il ressort de la lettre de M. [D] du 19 janvier 2014 qu'il a confirmé que lors de la rotation LFBO-LFPG-LTFE-LFPB du 21 juin 2013 il a effectué les vols avec M. [N] comme commandant de bord et que sur les trois étapes M. [J] n'était pas présent. Il précise que 'ces trois vols correspondaient à ses étapes 26,27,28 d'AEL'.

Il est démontré que les documents de planning auxquels M. [N] avait forcément accès pour les remplir ont été modifiés afin de les rendre concordants avec l'appréciation donnée sur M. [D] par M. [J] bien qu'il n'ait pas été présent sur le vol ; si l'enquête diligentée n'a pas permis de démontrer que la falsification avérée émanait de M. [N], il est manifeste qu'elle n'a pu s'opérer qu'avec sa complicité, sa qualité de RDOA l'amenant à superviser les contrôles et adaptations en ligne réalisés et il aurait dû à tout le moins se rendre compte de l'anomalie concernant la validation des étapes de la formation de M. [D] qui n'avaient pu s'effectuer sur le vol concerné et ne pouvait être certifiées par M. [J], et il a manifestement décidé de ne pas signaler ces faits.

Les arguments avancés tant par le salarié que par M [J] concernant la pression de la direction de l'époque ne sont pas étayés et en tout état de cause ne sauraient excuser une telle dérive dans le contrôle des connaissances des pilotes et de leurs formateurs, au regard de leurs obligations propres en matière de sécurité.

La cour constate en conséquence que le licenciement, fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié , a bien une cause réelle et sérieuse .

Dès lors, la décision sera confirmée.

Sur les frais et dépens

L'appelant succombant au principal devra s'acquitter des dépens et sera débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Les circonstances de la cause justifient de voir le mandataire liquidateur de la société indemnisé en tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [W] [N] à payer à Me [G] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Aerovision, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [N] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 17/07872
Date de la décision : 03/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°17/07872 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-03;17.07872 ?
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