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02/06/2020 | FRANCE | N°19/04826

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 02 juin 2020, 19/04826


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 2 JUIN 2020



(n° / 2020 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04826 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OJS



Décision déférée à la cour : Ordonnance du 04 Février 2019 - Juge commissaire de Melun - RG n° 2016J00439 / 2018M02429





APPELANT



DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, pr

ise en la personne de Madame la Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) de Seine-et-Marne,

Ayant son siège Cité administrative

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représen...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 2 JUIN 2020

(n° / 2020 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04826 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OJS

Décision déférée à la cour : Ordonnance du 04 Février 2019 - Juge commissaire de Melun - RG n° 2016J00439 / 2018M02429

APPELANT

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, prise en la personne de Madame la Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) de Seine-et-Marne,

Ayant son siège Cité administrative

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et assisté de Me Bruno MATHIEU substituant Me Anne-Laure ARCHAMBAULT de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079,

INTIMÉS

Maître [X] [S], ès qualités d'administrateur judiciaire,

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]

SARL NEWRESTO, prise en la personne de son représentant légal Monsieur [N] domicilié audit siège,

Immatriculée au RCS de MELUN sous le numéro 390 916 179

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me David BOUAZIZ de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU,

Assistée de Me Bernard DUMONT, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

SCP [O] HAZANE, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL NEW RESTO, mission conduite par Me [O],

Immatriculée au RCS de MELUN sous le numéro 500 966 999

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me David BOUAZIZ de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU,

Assistée de Me Bernard DUMONT, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2020, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, Conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence DUBOIS-STEVANT dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

Par jugement du 7 novembre 2016 publié le 16 novembre 2016, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL New resto, a désigné la SCP [O]-Hazane, prise en la personne de Maître [Z] [O], en qualité de mandataire judiciaire et Maître [X] [S] en qualité d'administrateur judiciaire, et a fixé le délai imparti au mandataire judiciaire pour déposer au greffe la liste des créances à un an à compter de l'expiration du délai de déclaration des créances, soit au 16 janvier 2018.

Le 2 janvier 2017, la comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne ('le PRS') a déclaré des créances, à titre définitif et privilégié, pour un montant total de 425.461 euros et des créances, à titre provisionnel et privilégié, pour un montant total de 28.091 euros, soit :

- une créance privilégiée d'impôts sur les sociétés n° 20 de 314.546 euros, dont 287.446 euros à titre définitif et 27.100 euros à titre provisionnel,

- une créance privilégiée de TVA n° 21 de 138.314 euros, dont137.586 euros à titre définitif et 728 euros à titre provisionnel,

- une créance privilégiée de cotisation foncière des entreprises n° 22 de 429 euros à titre définitif et une créance privilégiée de cotisation foncière des entreprises n° 23 de 263 euros à titre provisionnel.

Par courrier du 1er mars 2017 adressé au directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne, la société New resto a contesté la régularité et le bien-fondé de la déclaration de créance du 2 janvier 2017.

Le 27 avril 2017, le PRS a adressé une déclaration rectificative au mandataire judiciaire ramenant le montant des créances, à titre définitif et privilégié, à la somme totale de 405.702 euros et celui des créances, à titre provisionnel et privilégié, à la somme totale de 27.363 euros et précisant que les créances définitives étaient contestées à hauteur de 360.486 euros.

Par courrier du 28 avril 2017, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a répondu au courrier de la société New resto du 1er mars 2017 en rejetant son opposition à poursuites.

Par courrier du 26 juin 2017 également adressé au directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne, la société New resto a contesté la déclaration de créance du 27 avril 2017.

Par acte du 3 juillet 2017, la société New resto a fait assigner la direction générale des finances publiques devant le juge de l'exécution pour contester la régularité de la première déclaration de créance.

Par lettre du 21 août 2017, le directeur départemental des finances publiques a répondu à la contestation soulevée par société New resto le 26 juin 2017 en la renvoyant vers le mandataire judiciaire au motif que la contestation soulevée relevait de la mise en oeuvre des règles propres à la procédure collective.

Par courriers datés du 11 juillet 2017, le mandataire judiciaire a informé le PRS de la contestation des créances telles que déclarées le 2 janvier 2017. Par un autre courrier du 11 juillet 2017, il a informé le PRS de ce que la déclaration de créance du 27 avril 2017 lui était parvenue hors délai. Par lettres du 27 juillet 2017, le PRS a maintenu ses déclarations de créances.

Le juge-commissaire a rendu quatre ordonnances datées du 5 mars 2018 qui constatent, pour chacune des créances n° 20, n° 21, n° 22 et n° 23 l'existence d'une instance en cours devant le tribunal administratif et son dessaisissement.

Par jugement du 31 juillet 2018, statuant sur l'assignation de la société New resto, le juge de l'exécution s'est déclaré incompétent au profit du juge-commissaire du tribunal de commerce de Melun sur la contestation de la déclaration de créance du 2 janvier 2017.

Par ordonnance en date du 4 février 2019, le juge-commissaire a rejeté en totalité les créances n° 20, 21, 22 et 23 de l'état des créances compte tenu du fait que la déclaration rectificative avait été faite hors délai.

Par déclaration en date du 1er mars 2019, la direction générale des finances publiques a interjeté appel de l'ordonnance du 4 février 2019 en ce qu'elle a dit que les créances n° 20, 21, 22 et 23 de l'état des créances de la société New resto sont rejetées en totalité.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 3 février 2020, la DGFIP prise en la personne de la comptable du pôle recouvrement spécialisé (PRS) de Seine-et-Marne demande à la cour :

- de déclarer recevable et fondé son appel ;

- d'infirmer la décision entreprise et de débouter la société New resto de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

- à titre principal, de juger irrecevable l'action de la société New resto en ce qu'elle vise à contester la déclaration de créance fiscale du 2 janvier 2017 comme se heurtant à l'autorité de chose jugée des ordonnances rendues le 5 mars 2018 par le juge commissaire ;

- à titre subsidiaire, d'admettre à titre définitif et privilégié la créance de 405.702 euros du pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne, d'ordonner que la mention de la contestation d'un montant de 246.467 euros soit portée en marge de l'admission à titre définitif privilégié de la créance d'impôt sur les sociétés et que la mention de la contestation d'un montant de 114.017 euros soit portée en marge de l'admission à titre définitif privilégié de la créance de TVA, d'ordonner à monsieur le greffier du tribunal de commerce de Melun de porter la présente décision sur l'état des créances, de condamner la société New resto à lui payer une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de dire qu'il lui appartiendra d'adresser au greffe du tribunal de commerce une expédition de la décision définitive statuant sur la contestation d'assiette aux fins d'admission définitive de sa créance, de laisser les frais et dépens résultant de la présente instance à la charge de la procédure collective et de dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par Maître Anne-Laure Archambault, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 février 2020, la société New resto et la SCP [O]-Hazane ès qualités demandent à la cour de :

- de déclarer irrecevables les demandes de la direction générale des finances publiques qui en tant que telle n'a pas qualité à agir ;

- de déclarer irrecevables la procédure d'appel et les demandes ultérieurement reprises par conclusions par la direction générale des finances publiques prise en la personne de Madame la comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne, qui n'a pas qualité à agir ;

- en tout état de cause, de dire et juger non fondé l'appel ;

- de rejeter la fin de non recevoir soulevée par la direction générale des finances publiques, tirée de l'autorité de chose jugée ;

- de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- le cas échéant y ajoutant, de juger que la déclaration de créance initiale est irrégulière, que la déclaration de créance rectificative qui n'est pas autorisée par la loi est irrégulière et qu'elle est au surplus tardive, de juger que la créance fiscale ne peut être admise ;

- de débouter la direction générale des finances publiques de toutes ses demandes ;

- de condamner la direction générale des finances publiques à verser à la société New resto la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera directement effectué par Maître David Bouaziz de la SCP Bouaziz Serra Ayala Bonlieu, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel a été signifiée à Maître [S] le 3 juin 2019 par acte déposé à l'étude de l'huissier instrumentaire. Maître [S] n'a pas constitué avocat.

SUR CE,

La cour est saisie de l'appel formé par la direction générale des finances publiques à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ayant statué sur l'instance initiée par la société New resto le 3 juillet 2017 devant le juge de l'exécution pour contester la régularité de la première déclaration de créance du 2 janvier 2017 et après que, par jugement du 31 juillet 2018, le juge de l'exécution s'est déclaré incompétent à son profit.

En outre, le PRS indique maintenir ses seules demandes d'admission des créances déclarées à titre définitif, les créances déclarées à titre provisionnel n'ayant pas été converties.

Sur l'irrecevabilité de l'appel et des demandes de la direction générale des finances publiques :

La société New resto et la SCP [O]-Hazane ès qualités font valoir, en visant les articles 58 et 901 du code de procédure civile, que la déclaration d'appel a été établie au nom de la Direction générale des finances publiques sans précision de la personne habilitée à la représenter et soutiennent qu'elle est irrégulière faute de précision sur la qualité à agir de la personne habilitée à la représenter.

Elles rappellent que la procédure a été initiée à l'encontre du directeur départemental des finances publiques, seule personne habilitée à recevoir l'opposition du débiteur de la créance fiscale sur le fondement de l'article L.281 du livre des procédures fiscales, et estiment que le contentieux continue de relever de ces mêmes dispositions devant le tribunal de commerce saisi sur renvoi du juge de l'exécution et qu'il appartenait à l'administration de désigner la personne du directeur départemental des finances publiques pour relever appel de l'ordonnance du 4 février 2019. La société New resto et la SCP [O]-Hazane ès qualités soutiennent que la comptable du PRS n'a pas qualité à agir, n'ayant jamais été concernée par la présente procédure.

L'appelant réplique que la contestation de créances ne relève pas du champ d'application des articles L.281 et suivants du livre des procédures fiscales de sorte que le comptable des impôts territorialement compétent est seul habilité à représenter l'Etat dans l'exercice et le suivi des actions en justice devant les juridictions civiles et commerciales et que le directeur départemental des finances publiques ne peut intervenir dans le contentieux relevant du tribunal de la procédure collective.

Sur ce,

La société New resto et la SCP [O]-Hazane ès qualités invoquent à l'appui de leur fin de non-recevoir les dispositions des articles 58 et 901 du code de procédure civile. Ces dispositions sont toutefois sanctionnées par une nullité, à condition que l'irrégularité soulevée fasse grief à l'intimé, et non par une fin de non-recevoir. Le moyen pris de l'irrégularité de la déclaration d'appel faute de précision de la personne habilitée à représenter l'appelante est donc inopérant au soutien de l'irrecevabilité soulevée.

Si aux termes de la page 2 du jugement du juge de l'exécution, la société New resto a assigné 'le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne', le jugement mentionne comme partie défenderesse la 'direction générale des finances publiques' domiciliée 'cité administrative 20 quai Hippolyte Rossignal 77000 Melun'. L'ordonnance déférée mentionne, outre la déclaration de créance présentée par le 'pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne', le jugement du juge de l'exécution. Le pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne, domicilié à la cité administrative de Melun, a été convoqué à l'audience du juge-commissaire alors que c'est la direction générale des finances publiques qui était partie au litige dont a été saisi le juge-commissaire après dessaisissement du juge de l'exécution à son profit. La direction générale des finances publiques, ainsi partie au litige dont s'est dessaisi le juge de l'exécution au profit du juge-commissaire, a qualité pour agir et former appel.

Ensuite, le juge de l'exécution ayant considéré, par un jugement passé en force de chose jugée, que le recours exercé par la société New resto avait pour objet de contester la régularité d'une déclaration de créance et qu'étaient applicables à un tel recours les seules dispositions spécifiquement prévues par le code de commerce, dont celles relatives aux contestations exercées devant le juge-commissaire, et s'étant dessaisi au profit de juge-commissaire chargé des contestations de créances, c'est à juste titre que la direction générale des finances publiques a considéré n'être valablement représentée devant la cour que par la comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne, service qui a au demeurant déclaré la créance contestée et qui a été convoqué par le juge-commissaire. Il en résulte que la procédure d'appel est régulière et qu'aucune irrecevabilité n'affecte les demandes de la direction générale des finances publiques qu'elle a reprises, dans ses conclusions, en la personne de la comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne.

Sur le fond :

Sur l'irrecevabilité de l'action de la société New resto tirée de l'autorité de la chose jugée :

La direction générale des finances publiques soutient que l'action de la société New resto visant à faire déclarer nulle et de nul effet la déclaration de créance fiscale du 2 janvier 2017 et qui a donné lieu à l'ordonnance déférée se heurte à l'autorité de la chose jugée puisque, par quatre ordonnances du 5 mars 2018, le juge- commissaire avait jugé pour les créances déclarées à titre définitif qu'une instance était en cours, constaté son dessaisissement et dit qu'il appartiendra au créancier de solliciter son inscription sur l'état des créances conformément à l'article R.624-11 du code de commerce lorsqu'il aura obtenu une décision définitive.

La société New resto et la SCP [O]-Hazane ès qualités répliquent que les ordonnances du 5 mars 2018 n'ont pas statué sur le 'litige en opposition' initié par la société, qu'il n'y a ni identité de cause ni identité des parties entre ces contentieux et la présente instance, que son action reste fondée sur les dispositions du livre des procédures fiscales tendant à faire juger que la déclaration de créance est irrégulière et ne peut être régularisée par une nouvelle déclaration de créance, qui, au surplus a été produite hors délai. Elles font observer que l'action de la société New resto a été introduite le 25 février 2017 avant les quatre ordonnances du 5 mars 2018 de sorte qu'elle ne peut se voir opposer l'autorité de la chose jugée de ces quatre ordonnances.

Sur ce,

L'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance.

L'instance initiée devant le juge de l'exécution, qui a pour objet la déclaration de créance du 2 janvier 2017, a été introduite par la société New resto par assignation du 3 juillet 2017 avant le prononcé, le 5 mars 2018, des quatre ordonnances que lui oppose la direction générale des finances publiques. Il s'ensuit qu'au jour où elle a été introduite, l'action de la société New resto ne se heurtait à aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée aux ordonnances prises par le juge-commissaire ultérieurement, le 5 mars 2018.

Sur le fond :

La direction générale des finances publiques fait valoir que la déclaration rectificative du 27 avril 2017 jugée hors délai par le juge-commissaire n'était pas une déclaration nouvelle puisque les postes de créances étaient identiques à la déclaration initiale mais qu'elle avait pour objet d'apposer la mention 'créance contestée' et de réduire le montant des pénalités initialement déclaré, qu'en outre le juge-commissaire n'avait pas à statuer sur son admission faute de demande de relevé de forclusion, qu'enfin le rejet de la seconde déclaration de créance ne peut pas justifier celui de la première déclaration, le rejet de celle-ci devant être spécifiquement motivé, ce que le juge-commissaire n'a pas fait.

Elle soutient que sa déclaration de créance du 2 janvier 2017 était régulière et que l'absence de mention de créances contestées ne constitue pas une irrégularité de fond affectant sa validité. Elle indique que les majorations au titre de l'impôt sur les sociétés et de la TVA sont maintenues car ne pouvant faire l'objet de remise, que les intérêts de retard ont bien fait l'objet d'une remise de 19.759 euros le 24 mars 2017, que les impositions déclarées n'ont pas été soldées et qu'il n'y a pas eu un défaut d'émission d'avis CFE 2016, ces avis étant consultables sur l'espace professionnel de la société New resto.

La société New resto et la SCP [O]-Hazane ès qualités soutiennent que la société New resto était en droit de soulever la tardiveté de la déclaration du 27 avril 2017 dans le cadre de la procédure d'opposition et que le juge-commissaire a constaté à bon droit et par une motivation suffisante que la déclaration de créance rectificative avait été faite hors délai. Elles font valoir que la seconde déclaration remplaçant la première, il ne peut être reproché au juge-commissaire de ne pas avoir précisé en quoi la première déclaration était irrégulière et qu'en tout état de cause le directeur départemental des finances publiques a admis le défaut de motivation de la première déclaration en en faisant une deuxième.

Elles prétendent que la première déclaration est bien irrégulière en ce que la mention de «'créance contestée'» n'est pas indiquée, que la catégorie des pénalités n'est pas explicitée ni l'article du code des impôts qui s'y rapporte, que les intérêts de retard paraissent ne pas avoir été retirés des pénalités, ce qui implique la nullité de la déclaration de créance. Elles ajoutent que l'appelante ne peut demander à la cour de fixer sa créance à des montants différents de ceux initialement déclarés pour corriger les irrégularités de sa déclaration de créance et qu'en conséquence la créance doit être rejetée en sa totalité.

Enfin, la société New resto et la SCP [O]-Hazane ès qualités font valoir que la seconde déclaration rectificative ne peut venir « remplacer » la déclaration du 2 janvier 2017 puisqu'aucun texte ne permet cette régularisation, que la seconde déclaration n'a pas été notifiée à la société New resto, que ce défaut de notification ne lui ouvre pas un délai d'opposition en violation des articles L.281 et R. 281 et suivants du livre des procédures fiscales, ce qui constitue une violation des droits de la défense et une volonté manifeste d'échapper à la nullité de la déclaration de créance.

Sur ce,

Alors qu'il était saisi de la seule première déclaration de créance, le juge-commissaire a statué sur la seconde déclaration de créance et dit que les quatre créances étaient rejetées en totalité au motif qu'elle avait été formée hors délai.

Comme il a été relevé précédemment,le juge de l'exécution a considéré, par un jugement passé en force de chose jugée, que le recours exercé par la société New resto avait pour objet de contester la régularité de cette déclaration de créance du 2 janvier 2017 et qu'étaient applicables à un tel recours les seules dispositions spécifiquement prévues par le code de commerce, dont celles relatives aux contestations exercées devant le juge-commissaire. Il s'ensuit que les dispositions du livre des procédures fiscales relatives au recours prévu par l'article L.281 dudit dont se prévalent les intimées ne sont pas applicables en l'espèce. En particulier, aucune disposition n'impose au créancier de notifier sa déclaration de créance au débiteur comme le soutiennent la société Newresto et le mandataire judiciaire.

Aux termes de sa première déclaration du 2 janvier 2017, le PRS a déclaré une créance privilégiée et définitive d'un montant de 425.461 euros et une créance privilégiée provisionnelle d'un montant de 28.091 euros. Les créances définitives portent sur l'impôt sur les sociétés dû sur les périodes allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, sur la TVA due sur les périodes allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 et du premier trimestre 2016, et sur la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2016. Les créances provisionnelles sont relatives à l'impôt sur les sociétés de l'année 2016, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de l'année 2016 et à la TVA du mois de novembre 2016.

La seconde déclaration du PRS, qui porte la mention 'remplace celle du 2/01/2017", requiert l'admission des créances pour un montant total ramené à 433.065 euros, le montant des créances définitives étant lui-même réduit à la somme de 405.702 euros et celui des créances provisionnelles à celui de 27.363 euros. Cette déclaration porte sur les mêmes créances d'impôts dues sur les mêmes périodes que celles énoncées dans la première déclaration, à l'exception de la créance de TVA du mois de novembre 2016 qui n'est pas reprise dans cette seconde déclaration. Est précisé dans cette déclaration que les créances d'impôt sur les sociétés et de TVA portant respectivement sur une période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, et représentant un montant total de 360.486 euros, sont contestées.

La cause des deux déclarations est ainsi identique et le montant des créances définitives et celui des créances provisionnelles sont diminués dans la seconde déclaration. Il s'ensuit que la deuxième déclaration de créance ne constitue pas une nouvelle demande d'admission devant être présentée dans le délai imparti pour déclarer les créances.

En tout cas, si la deuxième déclaration devait être considérée comme étant nouvelle et présentée hors délai, la forclusion l'affectant est sans effet sur la première déclaration quand bien même le PRS a présenté cette deuxième déclaration comme remplaçant la première.

Alors qu'une partie de la créance définitive faisait l'objet d'une instance en cours au jour du jugement d'ouverture, le PRS n'a pas précisé dans la déclaration du 2 janvier 2017 la juridiction saisie du litige comme le prévoit l'article R. 622-23 du code de commerce. Ce défaut d'indication n'est toutefois pas sanctionné par une nullité. De même, le défaut de précision sur la catégorie des pénalités ou l'article du code des impôts s'y rapportant n'entache pas d'irrégularité la déclaration de créance. Enfin, le maintien des intérêts de retard reproché par la société Newresto et le mandataire judiciaire relève d'une contestation au fond et non d'une irrégularité entachant la déclaration.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la déclaration de créance du 2 janvier 2017 n'est entachée d'aucune irrégularité susceptible d'entraîner sa nullité.

Devant la cour, le PRS abandonne sa demande d'admission des créances provisionnelles et maintient sa demande d'admission des créances définitives à titre privilégié à hauteur de 273.470 euros pour l'impôt sur les sociétés, compte tenu de l'annulation des intérêts de retard (13.974 euros), avec la mention 'contestée' pour une somme de 246.467 euros, à hauteur de 131.801 euros pour la TVA, compte tenu de l'annulation des intérêts de retard (5.785 euros), avec la mention 'contestée' pour une somme de 114.017 euros, et à hauteur de 429 euros pour la cotisation foncière des entreprises.

Au jour du jugement d'ouverture, le 7 novembre 2016, la société New resto avait introduit un recours devant le tribunal administratif s'agissant des seules créances de rappels d'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et de rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Il convient donc de constater l'existence d'une instance en cours concernant ces créances, tout comme l'a fait le juge-commissaire dans deux de ses ordonnances du 5 mars 2018, ces créances étant ramenées par le PRS aux montants respectifs de 246.467 euros et de 114.017 euros.

S'agissant des créances d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2015, de TVA au titre de l'année 2015 et du premier trimestre 2016, et de cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2016, elles ont fait l'objet d'un recours devant le directeur départemental des finances publiques par lettre du 25 février 2017 et sur la base de la déclaration de créance du 2 janvier 2017 qui lui avait été notifiée, recours rejeté par lettre du 28 avril 2017. Par la suite, la société New resto n'a pas saisi le tribunal de grande instance de Melun d'un recours contre cette décision de rejet mais a assigné la direction générale des finances publiques devant le juge de l'exécution pour contester la régularité de la déclaration de créance, contestation dont est saisie aujourd'hui la cour. Les contestations sur la régularité de la déclaration de créance ont été précédemment écartées et la société New resto et le mandataire judiciaire ne présentent aucune contestation au fond relativement à ces créances. Il s'ensuit que la cour rejetant les moyens de contestation du débiteur doit prononcer l'admission de ces créances à hauteur des montants sollicités par le PRS, soit 27.003 euros au titre de l'impôt sur les sociétés de l'année 2015, 17.784 euros au titre de la TVA de l'année 2015 et du premier trimestre 2016 (2.138 euros + 15.646 euros) et 429 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2016.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par défaut,

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société New resto et la SCP [O]-Hazane ès qualités ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée soulevée par la direction générale des finances publiques ;

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Constate qu'une instance portant sur les créances de rappels d'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, créance ramenée à la somme de 246.467 euros, et de rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, créance ramenée à la somme de 114.017 euros, était en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société New resto ;

Rappelle qu'après le dépôt au greffe de la liste des créances, celle-ci est complétée par le greffier agissant à la demande du mandataire judiciaire ou du créancier intéressé, par l'inscription des créances définitivement fixées à l'issue d'une instance judiciaire ou administrative ;

Admet au passif de la société New resto les créances du PRS de Seine-et-Marne comme suit :

- la créance définitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2015 à hauteur de 27.003 euros à titre privilégié,

- la créance définitive de TVA au titre de l'année 2015 à hauteur de 2.138 euros à titre privilégié,

- la créance définitive de TVA au titre du premier trimestre 2016 à hauteur de 15.646 euros à titre privilégié,

- la créance définitive de cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2016 à hauteur de 429 euros à titre privilégié ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/04826
Date de la décision : 02/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°19/04826 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-02;19.04826 ?
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