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17/03/2020 | FRANCE | N°19/22856

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 16, 17 mars 2020, 19/22856


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS








COUR D'APPEL DE PARIS





Chambre commerciale internationale


Pôle 5 - Chambre 16





ARRÊT DU 17 MARS 2020





STATUANT SUR LA COMPÉTENCE





(n° 18 /2020, 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/22856 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBFIF





Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS (3ème chamb

re) - RG n° 2018033566








APPELANTE:





SA BRENNTAG


Immatriculée au registre des sociétés de Lyon sous le numéro: 709 801 781


Ayant son siège social : [...]


Prise en la personne de ses représentants lég...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

Pôle 5 - Chambre 16

ARRÊT DU 17 MARS 2020

STATUANT SUR LA COMPÉTENCE

(n° 18 /2020, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/22856 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBFIF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS (3ème chambre) - RG n° 2018033566

APPELANTE:

SA BRENNTAG

Immatriculée au registre des sociétés de Lyon sous le numéro: 709 801 781

Ayant son siège social : [...]

Prise en la personne de ses représentants légaux,

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 - ayant pour avocat.e.s plaidant.e.s Me Marc LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0119, et Me Lucile CHNEIWEISS, avocate au barreau de PARIS, toque : J097 et Me Nastasha TARDIF, avocate au barreau de PARIS, toque : J097

INTIMÉE :

SAS UNIVAR SOLUTIONS, anciennement dénommée UNIVAR

Immatriculée au registre des sociétés de Bobigny sous le numéro: 562 071 423

Ayant son siège social : [...]

Prise en la personne de ses représentants légaux,

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075- ayant pour avocat plaidant Me Jean-dominique TOURAILLE de l'AARPI BAKER & MC KENZIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0445

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. François ANCEL, Président

Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère

Mme Claire ESTEVENET, Conseillère d'une autre chambre venue compléter la formation,

qui en ont délibéré, un rapport ayant été présenté à l'audience par Monsieur François ANCEL dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par François ANCEL, Président et par Clémentine GLEMET, Greffière à laquelle à été remise la minute de la décision par le magistrat signataire.

I- FAITS ET PROCEDURE

1- La société Brenntag est une société française qui a pour activité la distribution de produits chimiques industriels dits de «commodités» et de spécialités chimiques.

2- La société Univar, filiale française du groupe nord-américain Univar, assure la distribution de commodités chimiques sur le territoire français.

3- Par décision du 5 avril 2007, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de pratiques concernant le secteur des produits chimiques.

4- S'estimant victime de pratiques anticoncurrentielles dans ce secteur, la société Gaches Chimie a, par acte du 24 mai 2013, assigné la société Brenntag devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir constater les griefs d'abus de position dominante et d'entente depuis 1998 ayant généré un préjudice dont elle demande réparation à hauteur de 3061Keuros par an, et à titre principal, surseoir à statuer dans l'attente de la décision de l'Autorité de la concurrence.

5- Par décision n°13-D-12 du 28 mai 2013, l'Autorité de la concurrence a condamné les sociétés Univar, Brenntag, Solvadis et les sociétés allemandes Deutsche Bahn et GEA Group à plusieurs amendes pour des faits d'ententes anticoncurrentielles dans la distribution des commodités chimiques en France.

6- Un recours a été engagé par la société Brenntag devant la cour d'appel de Paris contre cette décision.

7- Par acte du 13 juin 2013, la société Gaches Chimie a également assigné la société Univar devant le tribunal de commerce de Paris pour la voir condamnée à l'indemniser des préjudices qu'elle dit avoir subis du fait de l'entente anticoncurrentielle ayant donné lieu à la décision de l'Autorité de la Concurrence dans sa décision 13-D-12 du 28 mai 2013.

8- Par jugement du 9 janvier 2015 le tribunal de commerce de Bordeaux a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la décision de l'autorité de la concurrence sur les faits allégués d'abus de position dominante reprochés à la société Brenntag.

9- Par un arrêt du 2 février 2017, la cour d'appel de Paris a annulé la décision de l'Autorité de la concurrence précitée à l'encontre de la société Brenntag et rouvert les débats sur le fond du litige, l'instance étant toujours pendante devant cette cour.

10- Par actes des 7 et 12 juin 2018, la société Univar a assigné la société Brenntag en intervention forcée devant le tribunal de commerce de Paris ainsi que les sociétés Deutsche Bahn AG et GEA Group SA, pour solliciter à titre principal un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel sur la décision de l'autorité de la concurrence, et à titre subsidiaire, leur condamnation in solidum avec la société Univar, à payer à la société Gaches Chimie toute somme et/ou indemnité qui serait allouée à cette dernière dans le cadre de son action à l'encontre de la société Univar à hauteur de leurs responsabilités respectives.

11- La société Brenntag a soulevé devant le tribunal de commerce de Paris une exception de litispendance au profit du tribunal de commerce de Bordeaux faisant valoir qu'elle avait été assignée par la société Gaches Chimie devant ce tribunal pour les mêmes faits.

12- Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

- Dit recevable l'intervention forcée de la société Univar délivrée à l'encontre de des sociétés Brenntag, Deutsche Bahn et GEA Group ;

- Dit que GEA Group a qualité à défendre ;

- Débouté Univar de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure de recours initiée par Brenntag et DB mobility Logistics à l'encontre de la décision de l'Autorité de la concurrence 13-D-12 du 28 mai 2013 ;

- Débouté Univar de sa demande de jonction des instances RG2013037097 et RG2018033566 ;

- Débouté la société Brenntag de sa demande de dessaisissement du tribunal de commerce de Paris au profit du tribunal de commerce de Bordeaux ;

- Renvoyé les parties à la mise en état du 22 janvier 2020 ;

- Réservé les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

13- La société Brenntag a relevé appel du jugement le 27 décembre 2019 dans les formes des articles 83 et suivants du code de procédure civile et après y avoir été autorisée par ordonnance du 30 décembre 2019, a fait citer à jour fixe par acte d'huissier du 10 janvier 2020 la société Univar pour une audience du 17 février 2020 devant la chambre commerciale internationale de la cour d'appel de Paris.

II- PRETENTIONS DES PARTIES

14- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2020, au visa notamment des articles 104, 84 et 100 du code de procédure civile, la société Brenntag demande à la cour de bien vouloir :

-RECEVOIR la société Brenntag en son appel et l'y déclarer bien fondée,

-INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris et statuant à nouveau,

-DECLARER LE TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS INCOMPETENT, s'agissant de la demande formulée par Univar à l'encontre de Brenntag en réparation du préjudice de Gaches Chimie, au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux,

En conséquence,

-LE DESSAISIR du litige, au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux,

-DÉBOUTER Univar de toutes ses demandes, fins et conclusions au sujet de Brenntag,

CONDAMNER la société Univar à payer à la société Brenntag la somme de 45.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société Univar aux entiers dépens lesquels seront directement recouvrés par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

15- Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2020, la société Univar demande à la cour, au visa notamment des articles 85 et suivants, 100, 104, 699 et 700 du Code de procédure civile, de bien vouloir :

-DEBOUTER la société Brenntag SA de l'exception de litispendance par elle soulevée au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux,

En conséquence,

-CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 12 décembre 2019 en ce qu'il a ainsi rejeté ladite exception de litispendance formée par la société Brenntag SA ;

-DEBOUTER la société Brenntag SA de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Univar;

-CONDAMNER la société Brenntag SA au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par l'AARPI JRF AVOCATS.

III- MOYENS DES PARTIES

16- La société Brenntag fait valoir en substance qu'en application de l'article 100 du code de procédure civile qui prévoit qu'en cas de litispendance la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de la première, le tribunal de commerce de Paris doit se dessaisir au profit du tribunal de commerce de Bordeaux.

17- Elle expose que les trois conditions de la litispendance (identité du litige, litige pendant devant deux juridictions de même degré, et devant deux juridictions compétentes pour en connaître) sont remplies en l'espèce dès lors qu'elle a été assignée à deux reprises, successivement, devant deux juridictions de même degré et toutes deux compétentes sur le fondement de l'article R. 420-3 du code de commerce, et ce pour le même litige, à savoir la réparation de l'entier préjudice de la société Gaches Chimie au titre des dommages qu'elle prétend avoir subis du fait des ententes anticoncurrentielles dans le secteur de la distribution des commodités chimiques.

18- Elle précise à cet égard que l'identité des parties en litispendance est désormais appréhendée moins restrictivement, la Cour de cassation ayant admis qu'une litispendance pouvait être caractérisée entre deux instances, alors même que les parties à ces instances n'étaient pas strictement les mêmes dans un litige où des emprunteurs avaient assigné une banque et d'autres parties d'une part, et avaient été assignés par la banque, d'autre part.

19- La société Brenntag estime enfin qu'il existe un risque de contrariété entre les deux décisions à intervenir, d'une part, sur le principe même de la responsabilité envers la société Gaches chimie, et d'autre part, sur le principe de l'indemnisation qui lui serait allouée et enfin sur le montant de l'indemnisation qui lui serait attribuée.

20- En réponse, la société Univar soutient que les conditions de litispendance ne sont pas réunies, et plus précisément celle de l'identité du litige. Elle expose en substance que la condition d'identité des parties n'est pas remplie dès lors que le litige porté devant le tribunal de commerce de Bordeaux oppose les sociétés Gaches Chimie et Brenntag et celui porté à Paris oppose les sociétés Brenntag et Univar. Elle conteste également toute identité d'objet, les intérêts propres entre les sociétés Gaches Chimie et Univar ainsi que leurs demandes étant différentes. La société Univar ajoute ainsi qu'elle a un intérêt distinct de celui de la société Gaches Chimie, fondé sur l'appel en garantie des coauteurs des pratiques anticoncurrentielles et non sur la condamnation de la société Brenntag au paiement d'indemnités directement au profit de la société Gaches Chimie.

21- La société Univar expose en outre que l'action principale ayant été initiée par la société Gaches Chimie devant le tribunal de commerce de Paris, l'appel en cause devait être porté devant cette même juridiction de sorte que le tribunal de commerce de Bordeaux, bien que faisant partie des juridictions compétentes de l'article R.420-3 du CPC, ne présente aucun lien de rattachement avec l'action initiée par la société Univar contre la société Brenntag.

22- La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision entreprise et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

IV- MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exception de litispendance ;

23- En application de l'article 100 du Code de procédure civile « Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande ».

24- L'identité de litige suppose notamment que chacune des parties qui s'oppose sur la compétence territoriale d'une juridiction, soit également attraite devant une autre juridiction, quand bien même elle le serait avec d'autres parties.

25- En l'espèce, il convient de constater que cette condition n'est pas réunie. En effet, l'instance pendante devant le tribunal de commerce de Bordeaux oppose la société Gaches Chimie à la seule société Brenntag, à l'exclusion de la société Univar, qui n'est attraite que devant le tribunal de commerce de Paris par la société Gaches Chimie.

26- Il ressort de ces éléments que si la société Univar est bien partie dans l'un des litiges, celui pendant devant le tribunal de commerce de Paris, elle ne l'est pas dans celui pendant devant le tribunal de commerce de Bordeaux de sorte que les parties n'étant pas les mêmes, les litiges ne peuvent être considérés comme identiques.

27- Il convient en conséquence confirmer le jugement du tribunal de commerce sur ce point, l'exception de connexité n'ayant par ailleurs pas été soulevée devant la cour, qui ne peut non plus s'en saisir d'office.

Sur les frais et dépens ;

28- Il y a lieu de condamner la société Brenntag, partie perdante, aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

29- En outre, la société Brenntag doit être condamnée à verser à la société Univar, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 8 000 euros.

V- PAR CES MOTIFS

La cour :

1- Confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 12 décembre 2019 en ce qu'il a ainsi rejeté l'exception de litispendance formée par la société Brenntag SA ;

Y ajoutant :

2- Condamne la société Brenntag SA à payer à la société Univar SAS la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel dont le recouvrement sera effectué conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président

Clémentine GLEMET François ANCEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 16
Numéro d'arrêt : 19/22856
Date de la décision : 17/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris J4, arrêt n°19/22856 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-17;19.22856 ?
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