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12/03/2020 | FRANCE | N°19/00542

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 12 mars 2020, 19/00542


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 12 MARS 2020



(n° 99 -2020 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00542 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BXP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce d'EVERY - RG n°





APPELANTE



SARL [N] IMMO, agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Local

ité 5]



Représentée et assistée à l'audience de Me Olivier BOUGASSAS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0472







INTIMES



Madame [B] [H] épouse [F]

[Adresse 6]

[Localité 8]



Représenté...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 12 MARS 2020

(n° 99 -2020 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00542 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BXP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce d'EVERY - RG n°

APPELANTE

SARL [N] IMMO, agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée et assistée à l'audience de Me Olivier BOUGASSAS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0472

INTIMES

Madame [B] [H] épouse [F]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Nicolas CHAIGNEAU de la SCP CHRISTOPHE PEREIRE-NICOLAS CHAIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230

Assistée à l'audience de Me Christian MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230, substituant Me Christophe PEREIRE de la SCP CHRISTOPHE PEREIRE-NICOLAS CHAIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230

Monsieur [O] [Z] [H] [T]

Né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 9] (VIETNAM)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté et assistée à l'audience de Me Alexandra BELLAN VILA de l'AARPI DBO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1751

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence CHAINTRON, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffière présente lors du prononcé.

***********

EXPOSE DU LITIGE

Mme [B] [H] épouse [F] est propriétaire d'un fonds de commerce de bar-tabac-loto-snack dénommé '[Adresse 10]' situé [Adresse 4] à [Localité 7].

Par acte sous seing privé du 29 août 2014, Mme [F] a confié à la société [N] Immo un mandat de vente sans exclusivité en vue de la vente de ce bien au prix net vendeur de 420 000 euros, moyennant une commission de 25 000 euros à la charge de l'acquéreur et ce, pour une durée de trois mois, prorogeable pour une durée maximale de 12 mois supplémentaires sauf dénonciation.

Le 28 mai 2015, M. [O] [Z] [H] [T] a signé un bon de visite établi par la société [N] Immo qui mentionnait entre autres visites celle du bien de Mme [F].

Selon acte sous seing privé du 13 novembre 2015, Mme [F] a cédé à M. [T] son fonds de commerce pour un prix en principal de 360.000 euros correspondant pour 350.000 euros aux éléments incorporels et pour 10.000 euros aux éléments corporels.

A la lecture du BODACC du 24 décembre 2015, la société [N] Immo a appris que la cession avait été réalisée.

C'est dans ces conditions que par exploit d'huissier du 15 novembre 2016, la société [N] Immo a fait assigner Mme [F] devant le tribunal de commerce d'Evry afin de la voir, condamnée à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de sa commission, outre celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par exploit d'huissier du 9 mars 2017, Mme [F] a fait assigner M. [T] en intervention forcée et en garantie devant ce tribunal.

Ces deux procédures ont été jointes.

Par jugement rendu le 3 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Evry a :

- déclaré irrecevable la demande de M. [T] en nullité de l'assignation du 9 mars 2017 de Mme [F] à son égard, puisque soulevée tardivement ;

- débouté la société [N] Immo de toutes ses demandes ;

- déclaré irrecevables toutes les demandes de Mme [F] à l'encontre de M. [T], faute d'intérêt à agir ;

- débouté Mme [F] de toutes ses demandes à l'encontre de M. [T] ;

- débouté M. [T] de sa demande de remboursement des travaux relatifs au bar réfrigéré et au coût de remplacement de l'installation de chauffage ;

- condamné la société [N] Immo à payer 1 500 euros à Mme [F] et 1.500 euros à M. [T] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société [N] Immo aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 7 janvier 2019, la société [N] Immo a relevé appel de la totalité des chefs de ce jugement lui faisant grief.

Par déclaration du 1er février 2019, M. [T] a également relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remboursement des travaux relatifs au bar réfrigéré et au coût de remplacement de l'installation chauffage.

Ces deux procédures respectivement inscrites au rôle sous les numéros RG 19/00542 et 19/02442 ont été jointes par ordonnance du 4 septembre 2019.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 21 novembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société [N] Immo demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evry :

- en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes contre Mme [H] épouse [F],

- en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [H] épouse [F] et à M. [T] la somme de 1.500 euros chacun,

Statuant à nouveau:

- la dire et juger recevable et fondée dans ses demandes,

- condamner Mme [H] épouse [F] à lui verser :

- la somme de 25 000 euros au titre de sa rémunération,

- la somme de 4 000 euros au titre de dommages intérêts,

- la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 29 novembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [F] demande, au visa des articles 1103 (ancien 1134) et suivants, 1231-1, 1993 du code civil et 331 et 564 du code de procédure civile, à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- débouté la société [N] Immo de toutes ses demandes,

- dit et jugé M. [T] irrecevable et particulièrement mal fondé en son exception de nullité pour vice de forme,

- débouté M. [T] de toutes ses demandes reconventionnelles à son égard,

- condamné la société [N] Immo à lui payer 1.500 euros et 1.500 euros à M. [T] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [N] Immo aux dépens de l'instance,

- infirmer le jugement dont appel en ce que :

- il a déclaré irrecevables toutes ses demandes, faute d'intérêt à agir,

- il l'a déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de M. [T],

Statuant à nouveau,

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 1.266,40 euros en remboursement de la facture EDF du 1er septembre 2016 qu'elle a réglée,

En tout état de cause,

- condamner M. [T] à la garantir intégralement de toute condamnation éventuelle qui pourrait être prononcée à son encontre au titre des demandes formées par la société [N] Immo,

- débouter M. [T] et la société [N] Immo de l'intégralité de leurs demandes à son encontre,

- condamner tout succombant à lui payer une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de la procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 1er juillet 2019, auxquelles il convient

de se référer pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [T] demande à la cour de:

A titre principal,

- déclarer abusives les clauses contenues dans le mandat de vente en date du 29 août 2014, conclu entre la société [N] Immo et Mme [F],

- dire et juger qu'il n'a jamais visité le fonds de commerce le 28 mai 2015, par l'entreprise de la société [N] Immo,

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 3 octobre 2018,

- débouter la société [N] Immo et Mme [F] de toutes leurs demandes à son encontre,

A titre subsidiaire,

- relever l'existence d'une faute commise par Mme [F] dans l'exécution du mandat de vente en date du 29 août 2014,

En conséquence,

- débouter Mme [F] de toutes ses demandes à son encontre,

En tout état de cause,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 3 octobre 2018, en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle,

Et statuant à nouveau, faire droit à sa demande reconventionnelle à l'encontre de Mme [F] et, ce faisant, condamner cette dernière à lui verser la somme de 2 315,07 euros, en remboursement des travaux relatifs au bar réfrigéré,

- déclarer irrecevable la demande tendant à sa condamnation à verser à Mme [F] la somme de 1 266,40 euros,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 décembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre du mandat de vente

La société [N] Immo critique le jugement déféré en ce qu'il a retenu qu'elle n'apporte pas la preuve d'avoir informé Mme [F] de la visite de son bien par M. [T] et que ce manquement à son obligation d'information n'a pas donné les moyens à Mme [F] de remplir sa propre obligation. Elle soutient que les dispositions de l'article 1993 du code civil ne sont pas d'ordre public, qu'elle n'avait pas l'obligation d'informer le mandant des visites de son bien et qu'au surplus, une telle information est superflue puisque sa mandante était présente lors des visites. Elle estime que le tribunal de commerce a violé les termes du mandat et inversé la charge de la preuve. Elle fait valoir que Mme [F] a cédé directement son fonds de commerce à M. [T] alors que le mandat de vente n'était pas expiré et qu'en s'abstenant de l'en informer, Mme [F] a manqué à l'obligation d'information mise à sa charge par le mandat. Elle expose que si le bon de visite signé par M. [T] le 28 mai 2015 n'a pas de valeur juridique, il constitue une preuve. Elle soutient que Mme [F] lui a frauduleusement dissimulé la réalisation de la vente alors qu'elle a continué à faire visiter le bien, qu'elle a refusé de lui communiquer le nom de l'acquéreur, qu'elle a modifié le prix de vente à la baisse de 60 000 euros sans l'en informer ce qui l'a privée d'une chance de réaliser la vente. Elle rappelle que les visites de plusieurs biens le même jour sont une pratique courante. Enfin, elle affirme que M. [T] ne rapporte pas la preuve qu'il n'aurait pas visité le bien par son intermédiaire alors qu'il a signé un bon de visite et qu'il ne produit pas l'annonce qui aurait été passée sur le site du 'Bon coin' par laquelle il aurait appris la vente du fonds de commerce en cause.

Mme [F] sollicite la confirmation du jugement déféré. Elle soutient qu'en application de l'article 1993 du code civil, il incombait à la société [N] Immo d'informer régulièrement son mandant de toute présentation effectuée pour la vente de son fonds de commerce et qu'elle n'a jamais reçu de compte rendu de l'appelante de l'exécution de sa mission. Elle affirme que la prétendue visite de M. [T] du 28 mai 2015 n'a jamais eu lieu et qu'elle n'a pas été avertie que M. [T], futur acquéreur, se serait vu présenter le fonds de commerce par l'intermédiaire de l'agence [N] Immobilier. Elle allègue avoir informé les agences immobilières par téléphone de l'opération réalisée avec M. [T].

M. [T] fait valoir que les clauses contenues dans le mandat de vente sans exclusivité en date du 29 août 2014, relatives à la durée du mandat et à l'interdiction pour le mandant de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui, sont abusives pour ne pas avoir été rédigées en caractère apparents et pour ne pas respecter la recommandation de la CCRF n° 03-02 du 12 mars 2004. Il soutient qu'il n'a pas visité le fonds de commerce de Mme [F] le 28 mai 2015 par l'intermédiaire de la société [N] et qu'il a eu connaissance de la vente à la suite d'une annonce passée sur internet. Il allègue qu'il ne s'est intéressé au fonds de commerce qu'en juillet 2015. Il soutient que l'agence lui a fait signer le bon de visite du 28 mai 2015 avant toute visite et qu'il est impossible qu'il ait visité le même jour cinq fonds de commerce, dont trois dans l'Essonne et deux dans les Yvelines. Il en déduit que la société [N] doit être déboutée de ses demandes.

En application des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, le mandat de vente sans exclusivité signé entre Mme [F] et la société [N] Immo le 29 août 2014 porte sur la vente du fonds de commerce de bar-tabac-loto-snack de Mme [N] situé à [Localité 7] pour un prix de 445 000 euros, rémunération du mandataire comprise fixée à la somme de 25 000 euros.

Ce contrat de mandat prévoit des obligations réciproques.

Il est ainsi prévu aux conditions générales que le mandataire, devra d'une façon générale, entreprendre toutes les démarches nécessaires pour mener à bien la mission qui lui est confiée ce jour, informer le mandant de tous les éléments nouveaux pouvant modifier les conditions de vente, notamment en matière de prix ou de législation, informer le mandant de l'accomplissement du présent mandat immédiatement après la signature de l'acquéreur et, en tout cas, dans les 8 jours de l'opération, notamment, par lettre recommandée avec avis de réception. Il pourra, en outre, proposer, présenter et faire visiter les biens à toute personne qu'il jugera utile.

Au titre de ses obligations, le mandant devra, notamment 'signaler immédiatement au mandataire toutes modifications juridiques ou matérielles pouvant modifier ledit dossier'.

Le mandat comporte également une 'clause pénale' libellée dans les termes suivants :

'De convention expresse et à titre de condition essentielle sans laquelle le mandataire n'aurait pas accepté la présente mission, le mandant :

...

b - Garde toute liberté de procéder lui-même à la recherche d'un acquéreur. Toutefois, pendant la durée du mandat, en cas de vente réalisée par lui-même ou par un autre cabinet, il s'engage à en informer immédiatement le mandataire en lui notifiant par lettre recommandée avec AR les noms et adresses de l'acquéreur, du notaire chargé de l'acte authentique et du cabinet éventuellement intervenu...

c - S'interdit pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration indiquée au recto, de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui.

En cas de non respect des obligations énoncées ci-avant aux paragraphes a-, b-, ou c-, il s'engage expressément à verser au mandataire, en vertu des articles 1142 et 1152 du code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto.'

Par ailleurs le mandat était consenti pour une 'période irrévocable de trois mois' à compter de sa signature, prorogeable, sauf dénonciation, pour une durée maximale de 12 mois supplémentaires au terme de laquelle il prenait automatiquement fin.

La vente du fonds de commerce, objet du mandat, a été conclue, le 13 novembre 2015 aux termes d'un acte sous seing privé contenant l'engagement réciproque de Mme [F] et de M. [T] et dès lors, les prétentions de l'agence immobilière fondée sur les stipulations sus-mentionnées ne se heurtent pas à la prohibition de l'article 6 de la loi nº 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, qui énonce qu'aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties.

M. [T] ne saurait utilement invoquer que certaines clauses du mandat seraient abusives alors qu'il n'est pas partie à ce contrat, que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, et que Mme [F] ne conteste pas la régularité du mandat.

Il en résulte que Mme [F] ne pouvait contracter, pendant la durée du mandat, directement avec un acquéreur si la société [N] Immo était intervenue dans la présentation du bien à cet acquéreur. Elle devait également aviser son mandataire de la vente du bien par ses soins ou par un autre mandataire et lui communiquer notamment les nom et adresse de l'acquéreur, obligation dont la finalité est de permettre au mandataire de vérifier que son mandant n'a pas contracté avec un acquéreur qu'il lui avait présenté.

Il appartient à la société [N] Immo de rapporter la preuve qu'elle est à l'origine de la présentation du bien appartenant à Mme [F] à M. [T] pendant la durée du mandat.

En l'espèce, la société [N] Immo verse aux débats un document intitulé 'Reconnaissance d'indications et de visite n° 31" du 28 mai 2015 signé par M. [T] et M. [N] qui mentionne la visite par M. [T] à cette date de cinq fonds de commerce, dont celui de Mme [F].

M. [T] ne conteste pas sa signature et il reconnaît avoir visité des fonds de commerce avec M. [N] le 28 mai 2015, mais soutient qu'il n'aurait pas visité celui de Mme [F]. Il ne verse aux débats aucun élément de nature à corroborer cette allégation comme celle de la signature de ce bon, avant toute visite, et il ne fait pas la démonstration de l'impossibilité alléguée de visiter, dans la journée, cinq fonds de commerce situés dans des départements limitrophes.

La dissimulation de la vente et de l'identité du vendeur par Mme [F] comme son silence sur les négociations menées avec M. [T] à compter de juillet 2015 viennent accréditer sa connaissance d'une visite du bien, le 28 mai 2015, ainsi que celle de l'identité du visiteur et ce d'autant que Mme [F] exploitait personnellement le fonds de commerce et qu'elle ne dément nullement sa présence sur les lieux à cette date. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de reddition de compte est inopérant, Mme [F] ayant eu connaissance de la visite du bien par M. [T].

Il en est de même d'une prétendue prise de contact initiée seulement en juillet 2015 après la publication d'une annonce sur le site du 'Bon coin' qui n'est pas produite. En effet, la visite du bien en date du 28 mai 2015 ne permettait pas, en vertu de la convention conclue entre les parties, à Mme [F] de mener seule les négociations notamment sur le prix avec M. [T].

En application de la clause qui fonde la réclamation de la société [N] Immo, laquelle justifie également avoir fait visiter vingt-sept fois le bien, celle-ci peut prétendre à une indemnisation égale à la somme de 25 000 euros.

En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande complémentaire en paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour fraude et déloyauté dans l'exécution du contrat, étant relevé que la société [N] Immo ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui qui est déjà réparé par la condamnation ci-dessus prononcée.

Sur l'appel en garantie

Le jugement déféré a considéré que M. [T] n'a pas commis de faute à l'égard de Mme [F] et a en conséquence déclaré cette dernière irrecevable en ses demandes à son encontre au motif qu'elle n'avait pas 'intérêt à agir contre M. [T].'

Cependant, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action.

Mme [F] sollicite, 'si la cour devait suivre la position de la société [N]' que M. [T] soit condamné à la garantir de toute éventuelle condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre. Elle allègue que M. [T] lui a caché les 'contacts' qu'il avait eus avec la société [N] Immo et les conditions dans lesquelles il a pris connaissance de la cession du fonds de commerce. Elle estime que la responsabilité de M. [T] à son égard est engagée au regard du bon de visite et du mandat de vente sans exclusivité qui mettait la commission de la société [N] Immo 'en dernier lieu' à la charge de l'acquéreur.

M. [T] soutient que le mandat qui liait les parties lui est totalement étranger, que Mme [F] 'n'articule pas juridiquement ses demandes à son encontre', puisqu'elle les fonde sur les dispositions du mandat qui ne peuvent s'appliquer qu'entre la société [N] Immo et Mme [F]. Il ajoute que c'est à juste titre que le jugement déféré a considéré qu'il n'a commis aucune faute à l'égard de Mme [F] puisqu'en sa qualité d'acquéreur, il n'avait aucune obligation légale, ni conventionnelle de préciser au vendeur que le bien lui avait été présenté par un tiers.

L'intimée invoque vainement une faute commise par M. [T] à son égard puisqu'elle était présente lors de la visite du 28 mai 2015 avec M. [N] tandis que M. [T] n'avait pas à lui rappeler par la suite cette visite lors des négociations qui ont abouti à la cession du fonds de commerce à son profit.

En tout état de cause, en application du principe de l'effet relatif des contrats précité, Mme [F] ne peut se prévaloir à l'égard de M. [T] des clauses du mandat de vente auquel il n'est pas partie.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré sur l'irrecevabilité de l'appel en garantie et de débouter Mme [F] de sa demande tendant à voir condamné M. [T] à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société [N] Immo.

Sur les demandes reconventionnelles

M. [T] sollicite de voir condamnée Mme [F] à lui verser la somme de 2 315,07 euros en remboursement des travaux de réparation du bar réfrigéré qu'il a dû effectuer. Il fait valoir que ce bar était défectueux, que son ventilateur était en panne, que le compresseur fonctionnait anormalement, et que les tuyaux de cuivre liés à l'évaporateur et au compresseur présentaient des fuites.

En réplique, Mme [F] fait valoir qu'elle a cédé les éléments composant le fonds et qu'elle ne s'est jamais engagée à en garantir un dysfonctionnement postérieur.

Aux termes des conditions figurant à l'acte de cession de fonds de commerce, M. [T] a accepté 'de prendre le fonds dans l'état où il se trouve et de n'élever à ce sujet aucune réclamation pour quelque cause que ce soit, s'étant parfaitement renseigné à son sujet et l'ayant suffisamment vu et visité pour l'acquérir en parfaite connaissance de cause.'

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande reconventionnelle de remboursement des travaux relatifs au bar réfrigéré.

Mme [F] sollicite pour sa part la condamnation de M. [T] à lui payer la somme de 1 266,40 euros en remboursement d'une facture EDF du 1er septembre 2016 qu'elle a acquittée au titre de la consommation en électricité du fonds de commerce.

Contrairement à ce que soutient M. [T], cette demande a bien été formulée en première instance ainsi que cela ressort de l'exposé des demandes des parties dans le jugement déféré. Elle est donc recevable.

La facture dont Mme [F] sollicite le remboursement correspond à la consommation du fonds de commerce en électricité du 6 novembre 2015 au 26 janvier 2016, alors que M. [T] est devenu propriétaire le 13 novembre 2015 et qu'il est donc redevable de la consommation électricité à compter de l'acquisition du commerce.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de M. [T] et de condamner M. [T] à lui payer la somme de 1 158,29 euros en remboursement de la facture EDF litigieuse.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner Mme [F] à payer à la société [N] Immo la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, la décision déférée étant infirmée sur les frais irrépétibles de première instance.

Mme [F], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la décision déférée étant infirmée sur les dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe :

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf sur le rejet de la demande reconventionnelle de M. [O] [Z] [H] [T] à l'égard de Mme [B] [H] épouse [F] ;

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmé et y ajoutant,

Condamne Mme [B] [H] épouse [F] à payer à la société [N] Immo la somme de 25 000 euros ;

Déboute la société [N] Immo de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute Mme [B] [H] épouse [F] de sa demande tendant à voir condamné M. [O] [Z] [H] [T] à la garantir des condamnations prononcées à son encontre;

Condamne M. [O] [Z] [H] [T] à payer à Mme [F] la somme de 1 158,29 euros ;

Condamne Mme [B] [H] épouse [F] à payer à la société [N] Immo la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme [B] [H] épouse [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/00542
Date de la décision : 12/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°19/00542 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-12;19.00542 ?
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