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10/03/2020 | FRANCE | N°18/28341

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 10 mars 2020, 18/28341


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 10 MARS 2020



(n° / 2020 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/28341 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B66FV



Décision déférée à la cour : Ordonnance du 05 Décembre 2018 - Juge commissaire de PARIS - RG n° 2018055855





SARL PARIS HOCHE, agissant en la personne de son gérant, domicilié audit siège>
en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 431 956 549

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée et assistée de Me Véronique D...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 10 MARS 2020

(n° / 2020 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/28341 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B66FV

Décision déférée à la cour : Ordonnance du 05 Décembre 2018 - Juge commissaire de PARIS - RG n° 2018055855

SARL PARIS HOCHE, agissant en la personne de son gérant, domicilié audit siège

en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 431 956 549

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée et assistée de Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

INTIMÉES

SCP B.T.S.G.²,prise en la personne de Maître [R] [J], gérant, ès qualités de liquidateur de la SARL PARIS HOCHE,

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 434 122 511

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Gilles PODEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0112

SA BANQUE HAVILLAND (MONACO), société anonyme monégasque, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au-dit siège, ,

Ayant son siège social [Adresse 2]

Monaco ( Principauté de Monaco)

Représentée par Me Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0627,

Assistée de Me François PESTRE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2020, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère, chargée du rapport,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

Créée en 2000, la SARL Paris Hoche avait une activité de marchand de biens.

Par jugement du 7 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre, la SCP BTSG étant nommée en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre des 7 juillet et 22 août 2017, la société Banque Havilland a déclaré ses créances pour un montant de 2.569.093,85 euros au titre d'un prêt et pour un autre montant de 63.120,67 euros au titre d'un solde débiteur de compte courant (15.269,33 euros) et de frais accessoires en lien avec le contrat de prêt (47.851,34 euros).

Par jugement du 21 décembre 2017, confirmé par arrêt du 29 janvier 2019, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la SCP BTSG étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre du 11 janvier 2018, le mandataire judiciaire a notifié la contestation soulevée par la débitrice concernant la totalité des créances déclarées par la société Banque Havilland.

Par une première lettre du 29 janvier 2018, la société Banque Havilland a maintenu les termes de sa déclaration de créance.

A la suite du jugement de conversion et par une seconde lettre du 29 janvier 2018, elle a réitéré sa déclaration de créances.

Par ordonnance du 5 décembre 2018, le juge-commissaire a admis la créance de prêt à hauteur de 2.569.093,85 euros à titre privilégié et par une autre ordonnance du même jour il a admis la créance de solde débiteur du compte courant et de frais accessoires à hauteur de 63.120,67 euros à titre chirographaire.

La société Paris Hoche a fait appel de la première ordonnance par déclaration du 18 décembre 2018.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 novembre 2019, elle demande à la cour :

- de la déclarer recevable en son appel ;

- d'annuler ou de réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau, de déclarer irrégulière et nulle la déclaration de créance litigieuse, de débouter la société Banque Havilland de ses demandes et de rejeter la totalité de la créance litigieuse, subsidiairement de la déclarer inopposable à la société Paris Hoche et à la procédure collective, à titre plus subsidiaire de n'admettre la créance litigieuse à titre hypothécaire qu'à concurrence de la somme de 2 millions d'euros en principal et 200.000 euros en accessoires ;

- en tout état de cause, de condamner la société Banque Havilland à 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 décembre 2019, la société Banque Havilland demande à la cour de débouter l'appelante de ses demandes, de dire et juger que la cour n'est pas saisie d'une demande d'annulation de l'ordonnance, subsidiairement, de rejeter ce moyen, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de mettre les dépens à la charge de la procédure collective dont ceux d'appel avec droit de recouvrement direct.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 juin 2019, la SCP BTSG ès qualités demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise ;

- à titre principal, de rejeter la créance litigieuse ;

- à titre subsidiaire d'admettre la créance dans la limite de 2 millions d'euros et de la rejeter pour le surplus et de dire et juger que la créance est admise à titre chirographaire ;

- en tout état de cause, de condamner la société Banque Havilland à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE,

La société Banque Havilland se prévaut d'un contrat de prêt consenti le 9 avril 2013 par la banque Pasche Monaco à la société Paris Hoche, le prêt étant d'une durée de six mois et remboursable in fine en une échéance le 9 octobre 2013, et d'une cession de créance à son profit du 29 novembre 2013.

Sur la nullité de l'ordonnance du juge-commissaire :

La société Paris Hoche soulève la nullité de l'ordonnance déférée tirée du défaut de motivation faisant valoir que le juge-commissaire n'a examiné ni les exceptions et moyens d'irrégularités de la déclaration de créance de la banque qu'elle avait soulevés ni les moyens tendant au rejet de la créance.

La société Banque Havilland réplique qu'aux termes de la déclaration d'appel, la cour n'est pas saisie d'une demande d'annulation de l'ordonnance déférée de sorte que la demande de la société Paris Hoche n'est pas recevable, que la société Paris Hoche n'avait formulé aucune observation à l'audience du juge-commissaire, que l'ordonnance est motivée et qu'en cas d'annulation de la décision, l'entier litige est déféré à la cour par l'effet dévolutif de l'appel.

Si l'article 562 du code de procédure civile définit l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel en considération des chefs de jugement critiqués par l'appel ou de son objet tendant à l'annulation du jugement, il n'a ni pour objet ni pour effet de délimiter les demandes dont est saisie la cour une fois la dévolution opérée, ces demandes étant celles déterminées par le dispositif des conclusions de l'appelant. La cour est ainsi saisie de la demande d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire formée par la société Paris Hoche par voie de conclusions et cette demande n'encourt aucune fin de non-recevoir sur le fondement des articles 562 et 901 du code de procédure civile comme soutenu par l'intimée dès lors que lui ont été dévolus par la déclaration d'appel l'ensemble des chefs de l'ordonnance critiquée ayant tranché un litige dont l'objet est indivisible.

Alors que la société Paris Hoche avait formulé quatre moyens de contestation de la créance pris de la nullité de la déclaration de créance, de son irrégularité faute de certification, de l'inopposabilité de la créance faute de justification du transfert de la créance à la société Banque Havilland, du rejet des intérêts faute d'avoir été régulièrement déclarés et du défaut de justification des frais et accessoires, le juge-commissaire n'a motivé sa décision qu'au regard de ce dernier moyen sans répondre aux autres moyens soulevés par la débitrice. Faute de motivation suffisante, l'ordonnance déférée est donc nulle. Cette nullité n'affectant pas la saisine du juge-commissaire, la cour reste saisie de l'entier litige.

Sur la nullité de la déclaration de créance :

La société Paris Hoche soutient en premier lieu que l'auteur de la déclaration de créance n'est pas identifié et qu'il ne peut ainsi être vérifié s'il dispose des pouvoirs propres à déclarer la créance, qu'en l'absence de décision du conseil d'administration de la banque déléguant son pouvoir à M. [P], présenté par la banque comme étant l'auteur de la déclaration de créance, ce dernier n'était pas habilité à déclarer les créances de la banque, que la déclaration de créance ne porte pas la signature de deux administrateurs ni du président-administrateur de la banque comme l'exigent pourtant les documents sociaux, que la réitération de la déclaration de créance par le conseil de la banque n'est pas valable et est inopérante car tardive pour avoir été effectuée le 29 janvier 2018 plus de dix-huit mois après l'ouverture de la procédure collective.

La SCP BTSG ès qualités s'associe au moyen de réformation du débiteur pris de la nécessité pour le créancier déclarant de démontrer l'identité du signataire de la déclaration et son pouvoir de signer une déclaration de créance, à défaut de quoi cette déclaration de créance ne peut être valable et doit être rejetée.

La société Banque Havilland soutient que les prétentions de la SCP BTSG ès qualités sont irrecevables car formées pour la première fois en cause d'appel. Sur le fond, elle prétend que la déclaration de créance est signée par M. [P], directeur administratif et financier, un des deux dirigeants effectifs de la banque, qu'il est investi des pouvoirs de représentation de la banque en vertu de la délibération du conseil d'administration du 10 octobre 2014 et d'une procuration du 1er juin 2017 délivrée par le président administrateur délégué, qui a lui-même reçu du conseil d'administration du 4 juillet 2013 le pouvoir de représenter la société dans toutes les procédures de faillite et liquidation judiciaire, et qu'elle est en droit de justifier de l'identité de l'auteur de la déclaration de créance jusqu'au jour où le juge statue.

Dès lors que les demandes de la SCP BTSG ès qualités tendent à faire écarter les prétentions de la société Banque Havilland, elles sont recevables en cause d'appel et la SCP BTSG ès qualités est recevable à invoquer tout moyen à l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance.

La déclaration de créance porte une signature mais son auteur n'est pas identifié. Cette signature correspond à celle de M. [D] [P], comme le révèle la comparaison avec la signature portée sur un procès-verbal du conseil d'administration de la banque du 10 octobre 2014. La banque produit la délibération de son conseil d'administration du

4 juillet 2013 qui a délégué ses pouvoirs à M. [G], président et administrateur délégué, dont celui d'exercer toutes actions judiciaires tant en demandant qu'en défendant et de représenter la banque dans toutes les opérations de faillite et liquidation judiciaire. Elle produit également la procuration donnée, le1er juin 2017, par M. [G] à M. [P], pour régulariser au nom et pour le compte de la banque le recouvrement de la créance exigible de la société Paris Hoche et faire toutes déclarations, signer tous actes et pièces et généralement faire le nécessaire jusqu'à l'extinction de la créance.

La société Banque Havillant justifiant ainsi de l'identité et du pouvoir de M. [P] de déclarer sa créance en son nom, la déclaration de créance n'est pas entachée d'irrégularité.

Sur l'inopposabilité de la créance :

La société Paris Hoche soutient que la cession de créance n'est opposable ni à elle ni à la procédure collective dès lors qu'elle ne lui a pas été signifiée par acte d'huissier ni n'a été acceptée par elle par acte authentique.

La société Banque Havilland réplique que la société Paris Hoche a accepté la cession de créance le même jour que l'acte de cession, que l'acte de cession lui a été signifié le 15 mai 2014, la société Paris Hoche ayant élu domicile au siège de la banque, que la cession de créance a également été signifiée au débiteur cédé par commandement de payer valant saisie immobilière le 4 septembre 2015 puis avec l'assignation à l'audience d'orientation, que l'acceptation de la cession par le débiteur rend le transfert opposable à celui-ci, et qu'en tout état de cause sa créance est fondée notamment sur un jugement du juge de l'exécution du 2 mars 2017 ordonnant la vente forcée et ayant ainsi purgé toutes les contestations sur la validité du titre du créancier poursuivant.

La société Banque Havilland produit la cession de créance en date du 29 novembre 2013 et l'acte d'acceptation de la cession par la société Paris Hoche en date du 29 novembre 2013 également, lequel porte élection de domicile de la société Paris Hoche au siège social de la société Banque Havilland, à [Localité 6], pour les besoins de la signification par huissier de l'acte de cession du contrat de crédit. La cession de créance a été signifiée le 15 mai 2014 à la société Paris Hoche élisant domicile au siège social de la société Banque Havilland à [Localité 6]. La cession de créance est donc opposable à la société Paris Hoche.

Sur le rejet de la créance :

La société Paris Hoche soutient que la cession étant un acte sous seing privé, la créance litigieuse aurait dû être certifiée sincère par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable en application de l'article L. 622-25 du code de commerce.

La société Banque Havilland réplique que la certification n'est pas nécessaire dès lors que la créance résulte de deux titres exécutoires, l'acte authentique de prêt et le jugement ordonnant la vente forcée, et que l'omission de la certification est sans incidence sur l'admissibilité de la créance.

Aux termes de l'article L. 622-25 du code de commerce, sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier, le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire et le refus de visa est motivé.

Le défaut de respect de ces formalités n'est pas sanctionné par la nullité de la déclaration de créance et il est sans incidence sur l'admission de la créance, étant au surplus observé que la société Banque Havilland fonde sa créance sur un acte notarié et un jugement du juge de l'exécution du 2 mars 2017 ordonnant la vente forcée des biens de la société Paris Hoche.

Sur le montant de la créance :

Sur les intérêts :

La société Paris Hoche soutient que la totalité des intérêts mentionnés dans la déclaration de créance doit être rejetée. Elle fait valoir que la déclaration de créance ne mentionne pas si les intérêts sont échus ou à échoir, que les modalités de calcul des intérêts pour un montant de 409.093,85 euros ne sont pas précisées, que la banque ne démontre pas que son calcul est exact, qu'elle ne précise pas le fondement contractuel permettant de retenir un taux supérieur au taux contractuel et qu'il est fait mention d'une déclaration 'pour mémoire' sans autre précision pour les intérêts à compter du 7 juin 2017.

La SCP BTSG ès qualités estime qu'alors qu'il appartient à la banque de démontrer que le calcul des intérêts est exact, elle ne précise pas le fondement contractuel permettant d'appliquer un taux apparemment supérieur à celui prévu au contrat.

La société Banque Havilland soutient que les prétentions de la SCP BTSG ès qualités sont irrecevables car formées pour la première fois en cause d'appel. Elle réplique que le créancier déclarant n'est pas tenu d'indiquer le mode de calcul des intérêts échus et qu'elle n'avait pas à préciser les modalités de calcul des intérêts à échoir, sous réserve de la variation du taux, dès lors qu'ils pouvaient être calculés au jour de la déclaration de créance. Elle ajoute produire les conditions générales du prêt et le décompte des sommes dues au 7 juin 2017 ainsi que le calcul des intérêts arrêtés à cette date.

Dès lors que les demandes de la SCP BTSG ès qualités tendent à faire écarter les prétentions de la société Banque Havilland, elles sont recevables en cause d'appel et la SCP BTSG ès qualités est recevable à invoquer tout moyen à l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance.

La déclaration de créance du 22 août 2017 porte sur un nominal de 2 millions d'euros et des intérêts au 7 juin 2017 de 409.093,85 euros outre deux indemnités contractuelles et des frais accessoires. Celle du 29 janvier 2018 porte sur les mêmes montants et ajoute les intérêts à parfaire au taux contractuel à compter du 7 juin 2017 avec la mention 'mémoire'.

La déclaration de créance du 29 janvier 2018 distingue ainsi les intérêts arrêtés au 7 juin 2017,

nécessairement échus puisque portant sur un prêt lui-même échu depuis le 9 octobre 2013 et arrêtés au jour du jugement d'ouverture, et les intérêts postérieurs au 7 juin 2017.

En vertu de l'article R. 622-23 du code de commerce, l'indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté n'est exigée que pour les intérêts à échoir et dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de créance.

La société Banque Havilland a donc régulièrement déclaré les intérêts échus arrêtés au 7 juin 2017. La société Paris Hoche n'explique pas en quoi le taux pratiqué est supérieur au taux contractuel alors que ce dernier est un taux variable défini comme le taux EONIA au jour le jour majoré de 250 points de base, que les intérêts de retard appliqués à compter de l'exigibilité du prêt sont calculés selon un taux variable défini comme le taux EONIA au jour le jour majoré de 500 points de base et qu'elle ne formule aucune critique sur le décompte des intérêts produit par la banque et portant sur la période allant jusqu'au 7 juin 2017. La cour observe en revanche que ce décompte arrêté à cette date fait état d'un montant total d'intérêts de 397.134,76 euros et non de 409.093,85 euros. La créance sera donc admise au titre des intérêts échus à hauteur de 397.134,76 euros.

S'agissant des intérêts à échoir, la société Banque Havilland ne les a pas déclarés conformément à l'article R. 622-23 du code de commerce en l'absence de toute indication sur les modalités de calcul. La banque sera donc déboutée de sa demande d'admission des intérêts à échoir.

Sur les indemnités contractuelles :

La société Paris Hoche soutient que l'indemnité contractuelle de 3 %, déclarée pour 60.000 euros, n'est pas due, aux motifs que le prêt du 9 avril 2013 ne comprend pas de clause d'exigibilité anticipée, que le prêt n'a pas fait l'objet d'une exigibilité anticipée mais qu'il est arrivé à son terme le 9 octobre 2013, et que l'indemnité contractuelle de 5 % n'est pas non plus due car elle ne figure pas dans le contrat de prêt.

La SCP BTSG ès qualités soutient également que le contrat notarié du 9 avril 2013 ne semble pas comporter de telles clauses indemnitaires et que le prêt n'a pas fait l'objet d'une exigibilité anticipée.

La société Banque Havilland soutient que les prétentions de la SCP BTSG ès qualités sont irrecevables car formées pour la première fois en cause d'appel. Elle réplique qu'elle produit les conditions générales du prêt qui ont été acceptées par la société Paris Hoche.

Dès lors que les demandes de la SCP BTSG ès qualités tendent à faire écarter les prétentions de la société Banque Havilland, elles sont recevables en cause d'appel et la SCP BTSG ès qualités est recevable à invoquer tout moyen à l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance.

Les conditions générales du prêt, paraphées et signées par la société Paris Hoche, comprennent en leur article 8 une indemnité d'exigibilité anticipée de 3 % du montant de la créance et, dans le cas où la banque serait contrainte d'engager une procédure en cas de manquement par l'emprunteur à une de ses obligations, une indemnité forfaitaire égale à 5 % du montant du capital non remboursé majoré des intérêts de toutes natures impayés au jour du premier acte de procédure effectué par la banque.

Comme le soutiennent justement la société Paris Hoche et la SCP BTSG ès qualités, le prêt n'a pas fait l'objet d'une exigibilité anticipée de sorte que l'indemnité d'exigibilité anticipée n'est pas due. En revanche, l'indemnité forfaitaire égale à 5 % du montant du capital non remboursé, soit 5 % de 2 millions d'euros, est due dès lors que l'emprunteur n'a pas remboursé sa créance à l'échéance du prêt et que la banque a dû engager une procédure de recouvrement de sa créance et déclaré sa créance à la procédure collective. La créance résultant de l'indemnité d'exigibilité anticipée sera donc rejetée et celle résultant de l'indemnité forfaitaire de 5 % admise à concurrence de 100.000 euros.

Sur les frais et accessoires :

La société Paris Hoche soutient que la totalité des frais et accessoires mentionnés dans la déclaration de créance pour un montant de 47.851,34 euros doit être rejetée faute de production de justificatifs. Elle ajoute que le décompte et les justificatifs ont été transmis tardivement le 29 janvier 2018 hors délai légal et qu'en tout état de cause la banque ne produit pas d'acte la condamnant à lui payer ces sommes.

La société Banque Havilland observe que cette contestation ne concerne pas la créance privilégiée.

La demande d'admission de la société Banque Havilland ne portant pas dans le cadre de la présente instance sur les frais et accessoires critiqués, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen soulevé par la société Paris Hoche.

Sur la nature de la créance :

La société Paris Hoche soutient que la déclaration de créance ne mentionnant pas que la créance est déclarée à titre hypothécaire, seul le décompte joint y faisant allusion sans préciser la nature du privilège, la créance doit être considérée comme chirographaire. A titre subsidiaire, la société Paris Hoche estime que la créance ne peut être admise à titre hypothécaire qu'à concurrence de 2 millions d'euros en principal et de 200.000 euros à titre accessoire, la partie excédentaire, si elle existe, ne pouvant être admise qu'à titre chirographaire, et ce au vu du bordereau d'inscription d'hypothèque.

La SCP BTSG ès qualités s'associe au moyen de réformation du débiteur pris de la nécessité pour le créancier déclarant de déclarer les sûretés dont elle est assortie, à défaut de quoi elle ne peut être admise qu'à titre chirographaire.

La société Banque Havilland soutient que les prétentions de la SCP BTSG ès qualités sont irrecevables car formées pour la première fois en cause d'appel. Elle réplique qu'elle a bien mentionné le caractère privilégié de sa créance dans le décompte de déclaration de créance, qu'elle a formellement distingué dans sa déclaration la partie privilégiée de sa créance et la partie chirographaire et qu'y était annexé le bordereau de renouvellement de l'inscription d'hypothèque conventionnelle qu'elle verse aux débats.

Dès lors que les demandes de la SCP BTSG ès qualités tendent à faire écarter les prétentions de la société Banque Havilland, elles sont recevables en cause d'appel et la SCP BTSG ès qualités est recevable à invoquer tout moyen à l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance.

La déclaration de créance du 22 août 2017, portant la mention 'annule et remplace la précédente', celle du 7 juillet 2017 n'étant pas produite aux débats, ne mentionne pas le caractère privilégié de la créance de prêt. En revanche, dans sa déclaration de créance du 29 janvier 2018 postérieure au jugement de conversion du 21 décembre 2017, la société Banque Havilland a précisé que celle fondée sur le prêt était déclarée à titre privilégié en vertu d'une hypothèque.

Dès lors que la déclaration de créance doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture du redressement judiciaire au Bodacc et que la conversion du redressement en liquidation judiciaire demeure sans effet sur le point de départ du délai de déclaration et n'ouvre pas un nouveau délai de déclaration, le défaut de mention par la banque dans sa déclaration du 22 août 2017 du caractère privilégié de sa créance de prêt entraîne son admission à titre chirographaire. La créance de la banque sera donc admise à titre chirographaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Annule l'ordonnance déférée ;

Statuant par l'effet dévolutif de l'appel,

Admet au passif de la société Paris Hoche la créance de la société Banque Havilland au titre du prêt dans les termes suivants :

- 2.000.000 euros au titre du principal de la créance, à titre chirographaire,

- 397.134,76 euros au titre des intérêts échus, à titre chirographaire,

- 100.000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de 5 %, à titre chirographaire ;

Déboute la société Banque Havilland de sa demande d'admission des intérêts à échoir et de l'indemnité d'exigibilité anticipée de 3 % ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/28341
Date de la décision : 10/03/2020
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°18/28341 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-10;18.28341 ?
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