Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 10 MARS 2020
(n° / 2020 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/28337 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B66FL
Décision déférée à la cour : Ordonnance du 05 Décembre 2018 - Juge commissaire de PARIS - RG n° 2018055854
APPELANTE
SARL PARIS HOCHE, agissant en la personne de son gérant, domicilié audit siège
en cette qualité,
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 431 95 6 549
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée et assistée de Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
INTIMÉES
SCP B.T.S.G.², prise en la personne de Maître [J] [D], gérant, ès qualités de liquidateur de la SARL PARIS HOCHE,
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 434 122 511
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et assistée de Me Gilles PODEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0112
SA BANQUE HAVILLAND (MONACO), société anonyme monégasque,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au-dit siège, Ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2] ( Principauté de Monaco)
Représentée par Me Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0627,
Assistée de Me François PESTRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2020, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère, chargée du rapport,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
Créée en 2000, la SARL Paris Hoche avait une activité de marchand de biens.
Par jugement du 7 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre, la SCP BTSG étant nommée en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettres des 7 juillet et 22 août 2017, la société Banque Havilland a déclaré ses créances pour un montant de 2.569.093,85 euros au titre d'un prêt et pour un autre montant de 63.120,67 euros au titre d'un solde débiteur de compte courant (15.269,33 euros) et de frais accessoires en lien avec le contrat de prêt (47.851,34 euros).
Par jugement du 21 décembre 2017, confirmé par arrêt du 29 janvier 2019, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la SCP BTSG étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettre du 11 janvier 2018, le mandataire judiciaire a notifié la contestation soulevée par la débitrice concernant la totalité des créances déclarées par la société Banque Havilland.
Par une première lettre du 29 janvier 2018, la société Banque Havilland a maintenu les termes de sa déclaration de créance.
A la suite du jugement de conversion et par une seconde lettre du 29 janvier 2018, elle a réitéré sa déclaration de créances.
Par ordonnance du 5 décembre 2018, le juge-commissaire a admis la créance de prêt à hauteur de 2.569.093,85 euros à titre privilégié et par une autre ordonnance du même jour il a admis la créance de solde débiteur du compte courant et de frais accessoires à hauteur de 63.120,67 euros à titre chirographaire.
La société Paris Hoche a fait appel de la seconde ordonnance par déclaration du 18 décembre 2018.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 novembre 2019, elle demande à la cour :
- de la déclarer recevable en son appel ;
- d'annuler ou de réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- statuant à nouveau, de déclarer irrégulière et nulle la déclaration de créance litigieuse, de débouter la société Banque Havilland de ses demandes et de rejeter la totalité de la créance litigieuse, subsidiairement de la déclarer inopposable à la société Paris Hoche et à la procédure collective ;
- en tout état de cause, de condamner la société Banque Havilland à 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 décembre 2019, la société Banque Havilland demande à la cour de débouter l'appelante de ses demandes, de dire et juger que la cour n'est pas saisie d'une demande d'annulation de l'ordonnance, subsidiairement, de rejeter ce moyen, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de mettre les dépens à la charge de la procédure collective dont ceux d'appel avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 juin 2019, la SCP BTSG ès qualités demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, statuant à nouveau, de rejeter en totalité la créance litigieuse, de condamner la société Banque Havilland à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
SUR CE,
La société Banque Havilland se prévaut d'un contrat de prêt consenti le 9 avril 2013 par la banque Pasche Monaco à la société Paris Hoche et d'une cession de créance à son profit du 29 novembre 2013.
Sur la nullité de l'ordonnance du juge-commissaire :
La société Paris Hoche soulève la nullité de l'ordonnance déférée tirée du défaut de motivation faisant valoir que le juge-commissaire n'a examiné ni les exceptions et moyens d'irrégularités de la déclaration de créance de la banque qu'elle avait soulevés ni les moyens tendant au rejet de la créance.
La société Banque Havilland réplique qu'aux termes de la déclaration d'appel, la cour n'est pas saisie d'une demande d'annulation de l'ordonnance déférée de sorte que la demande de la société Paris Hoche n'est pas recevable, que la société Paris Hoche n'avait formulé aucune observation à l'audience du juge-commissaire, que l'ordonnance est motivée et qu'en cas d'annulation de la décision, l'entier litige est déféré à la cour par l'effet dévolutif de l'appel.
Si l'article 562 du code de procédure civile définit l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel en considération des chefs de jugement critiqués par l'appel ou de son objet tendant à l'annulation du jugement, il n'a ni pour objet ni pour effet de délimiter les demandes dont est saisie la cour une fois la dévolution opérée, ces demandes étant celles déterminées par le dispositif des conclusions de l'appelant. La cour est ainsi saisie de la demande d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire formée par la société Paris Hoche par voie de conclusions et cette demande n'encourt aucune fin de non-recevoir sur le fondement des articles 562 et 901 du code de procédure civile comme soutenu par l'intimée dès lors que lui ont été dévolus par la déclaration d'appel l'ensemble des chefs de l'ordonnance critiquée ayant tranché un litige dont l'objet est indivisible.
Alors que la société Paris Hoche avait formulé quatre moyens de contestation de la créance pris de la nullité de la déclaration de créance, de son irrégularité faute de certification, de l'inopposabilité de la créance faute de justification du transfert de la créance à la société Banque Havilland, du rejet des intérêts faute d'avoir été régulièrement déclarés et du défaut de justification des frais et accessoires, le juge-commissaire n'a motivé sa décision qu'au regard de ce dernier moyen sans répondre aux autres moyens soulevés par la débitrice. Faute de motivation suffisante, l'ordonnance déférée est donc nulle. Cette nullité n'affectant pas la saisine du juge-commissaire, la cour reste saisie de l'entier litige.
Sur la nullité de la déclaration de créance :
La société Paris Hoche soutient en premier lieu que l'auteur de la déclaration de créance n'est pas identifié et qu'il ne peut ainsi être vérifié s'il dispose des pouvoirs propres à déclarer la créance, qu'en l'absence de décision du conseil d'administration de la banque déléguant son pouvoir à M. [Z], présenté par la banque comme étant l'auteur de la déclaration de créance, ce dernier n'était pas habilité à déclarer les créances de la banque, que la déclaration de créance ne porte pas la signature de deux administrateurs ni du président-administrateur de la banque comme l'exigent pourtant les documents sociaux, que la réitération de la déclaration de créance par le conseil de la banque n'est pas valable et est inopérante car tardive pour avoir été effectuée le 29 janvier 2018 plus de dix-huit mois après l'ouverture de la procédure collective.
La SCP BTSG ès qualités s'associe au moyen de réformation du débiteur pris de la nécessité pour le créancier déclarant de démontrer l'identité du signataire de la déclaration et son pouvoir de signer une déclaration de créance, à défaut de quoi cette déclaration de créance ne peut être valable et doit être rejetée.
La société Banque Havilland soutient que les prétentions de la SCP BTSG ès qualités sont irrecevables car nouvelles en cause d'appel. Sur le fond, elle prétend que la déclaration de créance est signée par M. [Z], directeur administratif et financier, un des deux dirigeants effectifs de la banque, qu'il est investi des pouvoirs de représentation de la banque en vertu de la délibération du conseil d'administration du 10 octobre 2014 et d'une procuration du 1er juin 2017 délivrée par le président administrateur délégué, qui a lui-même reçu du conseil d'administration du 4 juillet 2013 le pouvoir de représenter la société dans toutes les procédures de faillite et liquidation judiciaire, et qu'elle est en droit de justifier de l'identité de l'auteur de la déclaration de créance jusqu'au jour où le juge statue.
Dès lors que les demandes de la SCP BTSG ès qualités tendent à faire écarter les prétentions de la société Banque Havilland, elles sont recevables en cause d'appel et la SCP BTSG ès qualités est recevable à invoquer tout moyen à l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance.
La déclaration de créance porte une signature mais son auteur n'est pas identifié. Cette signature correspond à celle de M. [S] [Z], comme le révèle la comparaison avec la signature portée sur un procès-verbal du conseil d'administration de la banque du 10 octobre 2014. La banque produit la délibération de son conseil d'administration du
4 juillet 2013 qui a délégué ses pouvoirs à M. [I], président et administrateur délégué, dont celui d'exercer toutes actions judiciaires tant en demandant qu'en défendant et de représenter la banque dans toutes les opérations de faillite et liquidation judiciaire. Elle produit également la procuration donnée, le1er juin 2017, par M. [I] à M. [Z], pour régulariser au nom et pour le compte de la banque le recouvrement de la créance exigible de la société Paris Hoche et faire toutes déclarations, signer tous actes et pièces et généralement faire le nécessaire jusqu'à l'extinction de la créance.
La banque Havillant justifiant ainsi de l'identité et du pouvoir de M. [Z] de déclarer sa créance en son nom, la déclaration de créance n'est pas entachée d'irrégularité.
Sur la cession de créance et son inopposabilité :
La société Paris Hoche soutient que la société Banque Havilland ne justifie pas de la cession de créance alléguée et que cette cession de créance n'est opposable ni à elle ni à la procédure collective dès lors qu'elle ne lui a pas été signifiée par acte d'huissier ni n'a été acceptée par elle par acte authentique.
La SCP BTSG ès qualités s'associe au moyen de réformation du débiteur pris de l'absence de justification par la banque de ce que la créance de compte courant de 15.269,33 euros lui a été cédée.
La société Banque Havilland soutient que les prétentions de la SCP BTSG ès qualités sont irrecevables car nouvelles en cause d'appel. Sur le fond, elle réplique que la créance de compte courant lui a été cédée par l'acte de cession du 29 novembre 2013, comme l'indique son exposé préalable, et que le relevé du compte ouvert dans ses livres fait apparaître au 31 mai 2017 un solde de 15.269,33 euros. Elle ajoute que la société Paris Hoche a accepté la cession de créance le même jour que l'acte de cession, que l'acte de cession lui a été signifié le 15 mai 2014, la société Paris Hoche ayant élu domicile au siège de la banque, que la cession de créance a également été signifié au débiteur cédé par commandement de payer valant saisie immobilière le 4 septembre 2015 puis avec l'assignation à l'audience d'orientation, que l'acceptation de la cession par le débiteur rend le transfert opposable à celui-ci, et qu'en tout état de cause sa créance est fondée notamment sur un jugement du juge de l'exécution du 2 mars 2017 ordonnant la vente forcée et ayant ainsi purgé toutes les contestations sur la validité du titre du créancier poursuivant.
Dès lors que les demandes de la SCP BTSG ès qualités tendent à faire écarter les prétentions de la société Banque Havilland, elles sont recevables en cause d'appel et la SCP BTSG ès qualités est recevable à invoquer tout moyen à l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance.
La société Banque Havilland produit des pièces (cession de créance du 29 novembre 2013, acte d'acceptation de la cession par la société Paris Hoche du 29 novembre 2013, signification de la cession de créance le 15 mai 2014 à la société Paris Hoche, commandement de payer du 4 septembre 2015, assignation à l'audience d'orientation du 14 décembre 2015, jugements du juge de l'exécution des 7 juillet 2016 et 2 mars 2017, jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 juin 2016) qui ne portent que sur le prêt du 9 avril 2013 et non sur un compte courant. Elle ne justifie ainsi pas de la cession de créance, constituée d'un solde débiteur de compte courant, dont elle se prévaut à l'appui de sa déclaration de créance ni de sa signification au débiteur.
Il convient dès lors de rejeter cette créance sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par l'appelante.
Sur la créance de frais et d' accessoires :
La société Paris Hoche soutient que la totalité des frais et accessoires mentionnés dans la déclaration de créance pour un montant de 47.851,34 euros doit être rejetée faute de production de justificatifs. Elle ajoute que le décompte et les justificatifs ont été transmis tardivement le 29 janvier 2018 hors délai légal et qu'en tout état de cause la banque ne produit pas d'acte la condamnant à lui payer ces sommes.
La SCP BTSG ès qualités soutient que la banque n'indique pas sur quel fondement les frais invoqués au titre de la créance d'accessoires pourraient être refacturés à la société Paris Hoche et observe qu'en tout état de cause le contrat de prêt invoqué par la banque n'est plus en vigueur depuis 2013.
La société Banque Havilland soutient que les prétentions de la SCP BTSG ès qualités sont irrecevables car nouvelles en cause d'appel. Sur le fond, elle prétend que sa demande est fondée sur l'acte de prêt du 9 avril 2013 et sur l'article L. 441-6 I § 7 du code de commerce et réplique qu'elle a communiqué le décompte et les justificatifs de ces frais dans son courrier du 29 janvier 2018.
Dès lors que les demandes de la SCP BTSG ès qualités tendent à faire écarter les prétentions de la société Banque Havilland, elles sont recevables en cause d'appel et la SCP BTSG ès qualités est recevable à invoquer tout moyen à l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance.
Aux termes de l'article 8 des conditions générales du contrat de prêt, en cas de production à un ordre, à une distribution ou pour toute autre procédure judiciaire, administrative ou arbitrale et notamment dans le cas où la banque serait contrainte d'engager une procédure en cas d'un manquement quelconque à une de ses obligations de l'emprunteur, la banque aura droit pour chaque ordre au remboursement de tous les frais, taxes, droits et honoraires qu'elle aura supportés.
La société Banque Havilland fait état de dix postes de frais engagés aux fins de recouvrement de sa créance de prêt. Elle produit les factures relatives au commandement aux fins de saisie-vente, à l'état descriptif du bien immobilier saisi, au diagnostic du bien, à la signification du jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2016 et à celle des décisions du juge de l'exécution, aux trois notes d'honoraires de son conseil, aux deux renouvellements de l'inscription d'hypothèque. Ces frais ainsi justifiés s'élèvent à un montant total de 23.051,34 euros. La banque sollicite également des frais d'honoraires d'avocat à concurrence de 27.600 euros sur le seul fondement d'un échange de courriels entre la banque et son conseil estimant le montant de la part des honoraires portant sur le litige concernant la créance de la société Paris Hoche sur l'ensemble de la facturation de l'année 2016. Faute de facturation propre à ce litige, ces courriels ne sont pas suffisants pour justifier le montant réclamé à ce titre.
La créance résultant de ces frais et accessoires sera donc admise pour montant de 23.051,34 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Annule l'ordonnance déférée ;
Statuant par l'effet dévolutif de l'appel,
Admet au passif de la société Paris Hoche la créance de la société Banque Havilland au titre des frais et accessoires dus en application du contrat de prêt, à titre échu et chirographaire, à hauteur de 23.051,34 euros ;
Déboute la société Banque Havilland de sa demande d'admission de la créance déclarée au titre d'un solde débiteur de compte ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT