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05/03/2020 | FRANCE | N°18/20763

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 05 mars 2020, 18/20763


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 05 MARS 2020



(n° 2020 - 96, 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/20763 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6L3O



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/00622





APPELANTE



Madame [N] [K]

Née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4]

[Adress

e 1]

[Localité 1]



Représentée et assistée à l'audience de Me Pascale BILLING, avocat au barreau de PARIS, toque : E0834







INTIMES



L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 05 MARS 2020

(n° 2020 - 96, 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/20763 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6L3O

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/00622

APPELANTE

Madame [N] [K]

Née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée et assistée à l'audience de Me Pascale BILLING, avocat au barreau de PARIS, toque : E0834

INTIMES

L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assisté à l'audience de Me Thomas BRETAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque P82

Etablissement RSI, pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 2]

Défaillant, régulièrement avisé le 27 décembre 2018 par procès-verbal de remise à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Patricia LEFEVRE, conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffière présente lors du prononcé.

**************

Le 20 mai 2014, à 8 heures 13 Mme [N] [K], âgée de 35 ans, a accouché d'une petite fille au Centre Hospitalier [1]. Il a été pratiqué une révision utérine. Au cours de l'hospitalisation en suite de couches, Mme [N] [K] a reçu deux injections de fer par voie intraveineuse, les 21 et 23 mai avec pose d'un cathéter veineux obturé le 21 mai.

Au décours immédiat de la perfusion du 23 mai, elle a développé un choc septique qui s'est aggravé les 24 et 25 mai 2014.

Mme [N] [K] a bénéficié d'une antibiothérapie par Claforan, Flagyl et Gentamicine qui a été adaptée lorsque les hémocultures se sont révélées positives à une bactérie multi-résistante, Serratia Marcescens. Compte tenu du contexte post-partum immédiat et de l'absence de foyer infectieux évident, une exploration utérine à visée diagnostique a été pratiquée. Les prélèvements bactériologiques réalisés sont restés stériles.

Le 26 mai 2014, l'état de Mme [N] [K] a présenté une défaillance multi-viscérale de cinq organes (neurologique, rénale, hépatique, hématologique et cardiovasculaire) et l'équipe médicale a pratiqué une hystérectomie afin d'éliminer tout foyer infectieux. L'examen anatomo-pathologique de l'organe n'a pas mis en évidence d'infection.

L'état de Mme [N] [K] s'est amélioré progressivement à partir du 27 mai 2014. Elle a été extubée le 5 juin et est sortie de réanimation le 1re juillet 2014 pour aller en soins de suite et réadaptation où elle est restée jusqu'au 25 juillet. Elle a été à nouveau hospitalisée, du 22 novembre au 2 décembre 2014 pour une torsion d'annexe droite.

Les suites de cet accident médical sont une hyperkaliémie (excès de potassium) responsable de fatigue et d'engourdissements musculaires, des troubles urinaires ainsi qu'un état dépressif.

Confrontée à un refus de garantie de l'assureur du Centre Hospitalier [1] qui estimait que son indemnisation relevait de la solidarité nationale et au rejet par l'ONIAM des conclusions de l'expertise amiable diligentée à la demande de l'assureur, Mme [N] [K] a engagé une procédure de référé expertise. Le docteur [Q] désigné par une ordonnance en date du 8 avril 2016 a déposé son rapport le 5 octobre suivant. Il a retenu que Mme [N] [K] a présenté dans les suites de son accouchement du 20 mai 2014 à l'Hôpital [1] une infection nosocomiale à Serratia marscecens, dont la responsabilité incombe à l'établissement et qu'en rapport direct, certain et exclusif avec cette affection, elle a subi :

- un déficit fonctionnel temporaire total correspondant aux hospitalisations, soit du 23 mai au 25 juillet 2014, puis du 22 novembre au 2 décembre 2014

- un DFT partiel de 75% du 26 juillet au 21 novembre 2014, de 50% du 3 décembre 2014 au 15 janvier 2015 et de 25% du 16 janvier 2015 jusqu'à sa consolidation fixée au 9 juin 2016,

- un pretium doloris à 5/7

- un PE permanent à 1,5/7

- un préjudice sexuel avec perte de libido et difficultés positionnelles

- un préjudice professionnel et un préjudice d'agrément qui seront à évaluer par le tribunal.

- un déficit fonctionnel permanent de 26% ;

- la nécessité d'une aide humaine à raison de 4 heures par jour durant la période de DFTP à 75%, de 3 heures par jour durant la période de DFTP à 50%, de 2 heures par jour durant la période de DFTP à 25% et de 2 heures par jour depuis sa consolidation.

Par acte extra-judiciaire en date des 5 et 6 janvier 2017, Mme [N] [K] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et le RSI Ile-de-France Ouest. M. [Y] [H], conjoint de Mme [N] [K] est intervenu volontairement à la procédure.

Par jugement réputé contradictoire en date du 4 juin 2018, le tribunal a reçu l'intervention volontaire de M. [H], a dit qu'il appartient à l'ONIAM de réparer l'entier préjudice de Mme [N] [K] du fait de l'infection nosocomiale contractée dans les suites de son accouchement et en conséquence, l'a condamné à payer à Mme [N] [K] la somme totale de 149 833, 16 euros en deniers ou quittances, provisions non déduites décomposée comme suit :

- 1 920 euros au titre des frais divers,

- 18 090,66 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles,

- 7 762,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 30 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 73 060 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif,

- 12 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

Le tribunal a également :

- réservé les demandes formées au titre de la tierce personne temporaire et définitive dans l'attente de la production par Mme [N] [K] du décompte relatif au nombre d'heures de tierce personne financées par le conseil départemental des Hauts-de-Seine avec une précision quant à la fin prévue de cette aide,

- débouté Mme [N] [K] de ses demandes formées au titre du préjudice esthétique temporaire et des pertes de gains professionnels futurs ;

- condamné l'ONIAM à payer à M. [H] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 5 000 euros en réparation de son préjudice sexuel, disant qu'il n'y a pas lieu de l'enjoindre de produire les raisons qui ont empêché la communauté de vie avec Mme [K] qu'il invoque dans ses conclusions ;

- déclaré le présent jugement commun au RSI Ile de France Ouest ;

- condamné l'ONIAM à payer à Mme [N] [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant notamment le coût de l'expertise judiciaire ;

- ordonné l'exécution provisoire sa décision à concurrence de la moitié de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens ;

- rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Le 11 septembre 2018, Mme [N] [K] a relevé appel du jugement en ce qu'il a condamné l'ONIAM à payer la somme de 73 000 euros au titre de l'indemnisation du DFP, réservé les demandes formées au titre de la tierce personne temporaire et définitive, rejeté ses demandes au titre du préjudice esthétique temporaire et des pertes de gains professionnels ainsi que le surplus de ses demandes plus amples ou contraires.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 25 février 2019, Mme [N] [K] demande à la cour, d'infirmer les chefs critiqués du jugement et au visa des articles L 1142-1-1 du code de la santé publique et des articles 565 et 568 du code de procédure civile, de condamner l'ONIAM à lui payer les sommes suivantes :

- 38 564, 92 euros au titre de la tierce personne avant consolidation

- 5 000, 00 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

- 622 830, 75 euros au titre de la tierce personne définitive

- 572 237, 51 euros au titre de la perte de gains futurs

- 147 600, 00 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- 50 000, 00 euros au titre de l'incidence professionnelle de ses séquelles.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse du rejet de sa demande au titre de la perte de gains futurs, Mme [N] [K] demande à la cour de condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 150 000 euros au titre de l'incidence professionnelle. Elle sollicite, en tout état de cause, que l'intimé soit débouté de ses demandes et condamné au paiement de la somme de 8000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 19 décembre 2018, l'ONIAM soutient, au visa des articles L. 1142-1 II et suivants du code de la santé publique et de son référentiel en vigueur depuis le 1er janvier 2018, la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [N] [K] au titre du préjudice esthétique temporaire, de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle. Il demande à la cour de débouter Mme [N] [K] de ses plus amples demandes et de celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La déclaration et les conclusions d'appel ont été signifiées au RSI, par acte du 27 décembre 2018 remis à personne habilitée.

La clôture est intervenue le 11 septembre 2019.

SUR CE, LA COUR,

Considérant au préalable, qu'il convient de relever que si, dans le corps de ces écritures, l'ONIAM soutient la nouveauté à hauteur d'appel et en conséquence, l'irrecevabilité de la demande de Mme [N] [K] au titre de l'incidence professionnelle, cette irrecevabilité fondée sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile n'est pas reprise dans le dispositif de ses conclusions, qui en application de l'article 954 du code de procédure civile fixe les limites du litige ; que la cour n'a donc pas à répondre à cette fin de non recevoir ;

Considérant que l'appel de Mme [N] [K] est partiel et ne porte que sur certains postes d'indemnisation limitativement énumérés ; qu'elle critique le rejet de certains chefs de dommages dont elle affirme qu'ils sont établis et caractérisés, ainsi que le taux de déficit fonctionnel permanent retenu par les experts et le fait que ses demandes relatives à la tierce personne aient été réservées ; que l'ONIAM prétend au rejet des demandes de l'appelante relatives au chef de préjudice écarté par le tribunal, qu'il retient que le tribunal a justement réservé l'examen des besoins en tierce personne définitive dans l'attente de justificatifs des aides reçues dans la mesure où celles-ci doivent être déduites de l'indemnisation qu'il doit ; qu'il prétend à une évaluation des préjudices sur la base de son référentiel d'indemnisation applicable au 1er janvier 2018 ;

Considérant que l'ONIAM ne peut pas imposer au juge son référentiel d'indemnisation, d'ailleurs présenté comme indicatif et dont il convient de relever que les tables de capitalisation qu'il propose sont obsolètes puisqu'elles retiennent les tables de mortalité de 2006/2008 ; que la cour retiendra, ainsi que le sollicite l'appelante, le dernier barème publié par la Gazette du palais, basé sur les tables de mortalité de 2010-2012 publiées par l'INSEE, soit celui de 2018 ;

Considérant que Mme [N] [K] produit désormais, ainsi que le reconnaît l'ONIAM, les justificatifs de l'aide à domicile financée par le conseil général des Hauts-de-Seine pour la prise en charge de ses enfants et qui, en application de l'article L.1142-17 du code de la santé publique, doit venir en déduction de l'indemnisation mise à la charge de l'office ; que la cour est donc en mesure de fixer l'indemnisation due à Mme [N] [K] au titre de l'aide par tierce personne temporaire et définitive ; que la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a réservé l'indemnisation de ces chefs de préjudice ;

Considérant que dès lors que ses besoins en assistance ont été, durant ses hospitalisations, assurés par les établissements de soins, Mme [N] [K] ne peut pas revendiquer une indemnisation à ce titre durant ses deux hospitalisations au motif que ses enfants ont été gardés par sa mère ; que le préjudice dont l'appelante sollicite ainsi la réparation a été subi par sa mère ;

Considérant que l'expert retient un besoin quotidien d'aide humaine de 4 heures durant la période de DFTP à 75% (soit durant 119 jours, du 26 juillet au 21 novembre 2014), de 3 heures durant la période de DFTP à 50% (soit 44 jours du 3 décembre 2014 au 15 janvier 2015) et de 2 heures durant la période de DFTP à 25% (soit 507 jours du 16 janvier 2015 au 9 juin 2016) soit un total de 1622 heures (et non de 1771 heures comme l'avance Mme [N] [K]) ;

Qu'il est justifié que durant ces périodes, Mme [N] [K] a bénéficié de 283 heures d'aide à domicile financée par le Conseil général pour un coût resté à charge de 350,92 euros ;

Que dès lors, sur la base d'un taux horaire de 15 euros, il est dû à Mme [N] [K] la somme de 22 414,92 euros (350,92 +15x[1662-283]) au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation ;

Considérant qu'en raison des séquelles de l'infection nosocomiale (incontinence urinaire, notamment à l'effort et troubles psychiatriques), le besoin d'aide humaine persiste après la consolidation et a été retenu par l'expert à hauteur de deux heures par jour ; que l'ONIAM prétend que cette durée ne se justifie que jusqu'au 6ème anniversaire de son dernier enfant, le 20 mai 2020 et propose ensuite et à titre viager, une aide humaine de 4 heures par semaine ;

Que certes l'ONIAM n'a pas, durant les opérations d'expertise, contesté les besoins en tierce personne retenus par le médecin, qu'il procède désormais par affirmation et qu'il limite l'assistance proposée après 2020 à une aide aux courses mais il est indéniable que les besoins en tierce personne au titre de l'ensemble des tâches ménagères incombant à Mme [K] vont diminuer de façon significative lorsque les enfants nés en 2004, 2007, 2011 et 2014 auront atteint une autonomie certaine ; que comme le propose l'ONIAM, il convient de retenir le 6ème anniversaire du dernier, les autres enfants ayant alors 16, 13 et 9 ans ; que l'incontinence d'effort et l'asthénie justifieront alors une aide dans les tâches ménagères de cinq heures hebdomadaires ;

Que dès lors, il convient d'évaluer comme suit l'indemnisation due au titre de ce chef de préjudice pour la période du 9 juin 2016 au 20 mai 2020 :

- 2h X 1442 jours : 2884 heures dont il convient de déduire, les 368 heures d'aide prises par le conseil général entre juin 2016 et mars 2018 ;

- 2516 heures x 15 euros x 1,13 (soit 412/365ème pour prendre en compte les congés payés et jours fériés) : 29 040 euros, somme à laquelle il convient d'ajouter le reste à charge au titre des heures financées par le conseil général (375,35 euros) ;

Que l'indemnisation de l'aide viagère due pour la période ultérieure doit être fixée à la somme de 174 074,06 euros calculée sur la base d'une aide hebdomadaire de 5 heures sur une année de 412 jours (afin de prendre en compte les congés payés et jours fériés soit 4429,14 euros par an) et d'un euro de rente pour une femme de 41 ans au jour de la constitution de la rente de 39,302 selon le barème retenu ;

Qu'il est dû à Mme [N] [K] la somme totale de 203 489,41 euros au titre de l'aide par tierce personne viagère ;

Considérant que pour retenir un taux d'incapacité fonctionnelle permanente de 26%, l'expert judiciaire retient 6% au titre de l'hystérectomie, 10 % pour l'incontinence et 10% pour les troubles psychiatriques ;

Que Mme [N] [K] prétend qu'il faut prendre en compte un taux de 25% (incluant l'ablation de l'organe) au titre de la stérilité induite par l'hystérectomie conformément au barème du concours médical auquel s'est référé l'expert judiciaire, taux qui ajouté à ceux retenus au titre des autres séquelles, pondérés selon la règle dite de Balthazar porte son incapacité fonctionnelle à 41,5% ; que l'ONIAM conclut au rejet de cette demande, au motif que Mme [N] [K] qui avait eu des enfants avant cette opération, ne souffre que d'une stérilité partielle ;

Considérant que bien que destinataire d'un dire sur ce point, l'expert judiciaire n'a pas explicité les motifs qui l'ont conduit à ne retenir qu'un taux de déficit fonctionnel de 6% au titre de l'hystérectomie sans prendre en compte le fait que celle-ci avait fait perdre à Mme [N] [K], toute possibilité ultérieure de procréation ; que le barème du concours médical, retient le taux de 25% dans l'hypothèse d'une stérilité inaccessible définitivement à toutes techniques d'assistance à la procréation ; que ce taux n'est nullement envisagé comme un maximum, qui permettrait de le minorer ou, comme en l'espèce, de nier la stérilité lorsque la victime a eu des enfants alors que la seule condition posée par le barème est que le sujet soit, avant sa mutilation, apte à la procréation ;

Que dès lors, compte tenu de la règle de balthazar appliquée par Mme [N] [K], selon des modalités qui n'ont appelé aucune critique de l'ONIAM, il sera retenu un taux de 41,5% (25%+10% +10% de 65%) ; qu'il sera, en conséquence, alloué à la victime, âgée de 37 ans à la date de la consolidation, sur la base d'un point d'une valeur de 3340 euros, la somme de 138 610 euros ;

Considérant que compte tenu de ce qui précède, la cour doit infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de Mme [N] [K] à la somme de 73 060 euros ;

Considérant que Mme [N] [K] réclame l'indemnisation d'un préjudice esthétique temporaire consécutif à son intubation et à une déambulation difficile durant deux années, poste de préjudice que l'ONIAM demande d'écarter puisqu'il n'a pas été retenu par l'expert ;

Considérant que Mme [N] [K] n'apporte aux débats aucun élément à la cour permettant de constater un préjudice esthétique, avant consolidation, lié à des troubles locomoteurs et dès lors, seule l'atteinte à son apparence consécutive à son intubation, qui peut être qualifiée d'importante (6/7) sera indemnisé à hauteur de 500 euros eu égard à sa durée (une dizaine de jours) ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il rejette ce chef de demande ;

Considérant que Mme [N] [K] sollicite l'indemnisation de la perte de gains futurs sur la base du salaire qu'elle aurait dû percevoir après son congé de maternité en vertu d'un contrat de travail signé le 10 mars 2014 avec la société commerciale qu'elle avait constituée en février 2014 avec son époux ;

Considérant ainsi que le relève l'ONIAM, que l'expert judiciaire retient que l'état clinique et psychologique de Mme [N] [K] au jour de l'expertise laisse présager une reprise possible d'une activité professionnelle, y compris à temps plein (...) avec une adaptation du poste de travail ; qu'il répond ainsi à un dire du conseil de Mme [N] [K] en date du 25 août 2016 qui explique que celle-ci est inapte à son ancien métier de coiffeuse à domicile, qu'elle ne peut pas exercer le métier de vendeuse qui demande une station debout prolongée et le port de charges lourdes, et demande de préciser à quelle condition elle pourrait exercer un emploi à plein temps ;

Que la reconnaissance par la MDPH d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi et l'octroi de l'allocation d'adulte handicapée ne permet pas de déduire, en l'absence de tout autre élément ou de démonstration de l'échec d'une tentative de reconversion, que Mme [N] [K] serait dans l'impossibilité d'occuper un emploi y compris à plein temps ;

Que de plus, Mme [N] [K] prétend à la prise en compte de la perte de sa rémunération due en exécution du contrat de travail signé le 10 mars 2014, perte certaine durant la période d'essai dont elle fixe le point de départ au 1er septembre 2014 et perte affectée d'un aléa lié à la pérennité de l'entreprise ensuite ;

Que compte tenu des pièces produites, la prise de fonction de Mme [N] [K], à cette date, était hypothétique dès lors que d'une part, le contrat prévoyait la prise de son poste de vendeuse, gestionnaire administratif d'une boutique située à [Localité 5] après son accouchement, que l'exploitation de ce commerce a commencé, ainsi qu'il ressort de l'attestation de son expert-comptable, le 5 mars 2014 et que d'autre part, la modestie de sa trésorerie, les méventes et les pertes évoquées dans ce document ainsi que la dette locative (la pièce 31 de l'appelante) ne permettaient pas ou plus à l'entreprise d'honorer l'engagement prétendument pris ;

Que dès lors, la demande au titre de la perte de la rémunération durant la période d'essai ne peut pas prospérer ; qu'il en est de même, pour les motifs sus-mentionnés, de la perte de chance de la rémunération attendue de cet emploi ;

Considérant que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle déboute Mme [N] [K] de sa demande au titre des la perte de gains futurs ;

Considérant que Mme [N] [K] réclame à hauteur d'appel, l'indemnisation de l'incidence professionnelle ; que l'ONIAM ne développe aucune argumentation de fond pour s'opposer à cette demande ;

Que compte tenu de l'incontinence qui limite les possibilités d'emploi de Mme [N] [K] qui se voit interdire le port de charges ainsi que de la nécessité d'un poste de travail adapté et des troubles psychologiques dont elle souffre qui accroissent la pénibilité d'une activité professionnelle et affectent son employabilité, il lui sera alloué la somme de 15 000 euros en réparation de l'incidence professionnelle en lien direct avec les séquelles de l'infection nosocomiale dont elle a été victime ;

Considérant que les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées ; que l'ONIAM sera condamné aux dépens d'appel et à payer une indemnité complémentaire au titre des frais exposés par Mme [N] [K] pour assurer sa défense devant la cour ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Dans les limites de l'appel dont elle est saisie, confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de 4 juin 2018, sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 73 060 euros l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de Mme [N] [K], en ce qu'il a réservé les demandes formées au titre de la tierce personne temporaire et définitive dans l'attente de la production par Mme [N] [K] du décompte relatif au nombre d'heures de tierce personne financées par le conseil départemental des Hauts-de-Seine avec une précision quant à la fin prévue de cette aide et en ce qu'il a débouté Mme [N] [K] de sa demande formée au titre du préjudice esthétique temporaire ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne l'ONIAM à payer à Mme [N] [K] les sommes suivantes :

- la somme de 22 414,92 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation ;

- la somme de 203 489,41 euros au titre de l'aide par tierce personne viagère ;

- la somme de 138 610 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- la somme de 15 000 euros en réparation de l'incidence professionnelle ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne l'ONIAM à payer à Mme [N] [K] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/20763
Date de la décision : 05/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°18/20763 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-05;18.20763 ?
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