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28/02/2020 | FRANCE | N°17/21492

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 28 février 2020, 17/21492


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU28 FÉVRIER 2020



(n° / 2020 , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21492 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QIF



Décision déférée à la cour : Ordonnance du 10 Novembre 2017 - Juge commissaire du Tribunal de commerce de DE PARIS - RG n° 2016073732 - 2017056248





APPELANTES



SNC GROUPE BER

NARD TAPIE (GBT), prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 316 655 125

Ayant son siè...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU28 FÉVRIER 2020

(n° / 2020 , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21492 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QIF

Décision déférée à la cour : Ordonnance du 10 Novembre 2017 - Juge commissaire du Tribunal de commerce de DE PARIS - RG n° 2016073732 - 2017056248

APPELANTES

SNC GROUPE BERNARD TAPIE (GBT), prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 316 655 125

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020,

Assistée de Me François KOPF, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

SCI FINANCIÈRE ET IMMOBILIÈRE BERNARD TAPIE (FIBT), prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 316 238 906

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020,

Assistée de Me François KOPF, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

INTIMÉES

SASU CDR CRÉANCES, agissant poursuites et diligences de Monsieur [G] [S], Président, domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 542 054 168.

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

Assistée de Me Jean-Pierre MARTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0134

SCP BTSG, prise en la personne de Maître [I] [R], en sa qualité de mandataire judiciaire des sociétés GBT et FIBT,

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 434 122 511

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

SEL ABITBOL, prise en la personne de Maître [M] [O], en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde des sociétés GBT et FIBT,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 808 326 979

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

PARTIES INTERVENANTES :

SCP BROUARD-DAUDÉ, prise en la personne de Maître [P] [Q] en sa qualité de mandataire judiciaire à la sauvegarde puis au redressement judiciaire des sociétés GBT et FIBT,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 347 907 685

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Assistée de Me Martin GUERMONPREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : J015

SEL ABITBOL, prise en la personne de Maître [M] [O], administrateur judiciaire à la sauvegarde puis au redressement judiciaire des sociétés GBT et FIBT,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 808 326 979

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Assistée de Me Martin GUERMONPREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : J015

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l' article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2019, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [N] [F] dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

Dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte le 30 novembre 2015, à l'égard de la SNC Groupe Bernard Tapie (GBT), étendue le 2 décembre 2015 à la SCI Financière Bernard Tapie ( FIBT), les sociétés CDR Consortium de Réalisation et CDR Créances ont déclaré ensemble le 8 janvier 2016 à titre chirographaire une créance globale de 439.500.633,44 euros résultant des arrêts de la cour d'appel de Paris des 17 février et 3 décembre 2015, ainsi que postérieurement au 2 décembre 2015, les intérêts au taux légal, lesquels seront majorés de 5 points à compter du 3 février 2016, conformément à l'article L 313-3 du code monétaire et financier, et la capitalisation le 28 juin de chaque année des intérêts au titre de la condamnation à payer 404.623.082,54 euros et des coûts de l'arbitrage.

Puis, le 18 février 2016, le CDR Consortium de Réalisation a déclaré seul une créance de 336.805.987,27 euros au passif de GBT et de 336.824.173,28 euros au passif de FIBT, tandis que le CDR Créances déclarait le même jour une créance de 102.670.921,97 euros au passif de GBT et une créance de 102.676.460,15 euros au passif de FIBT.

Ces créances ont été intégralement contestées.

Statuant sur les créances ainsi déclarées, le juge-commissaire a, par ordonnances distinctes du 10 novembre 2017, joint les deux causes ( à savoir les déclarations faites respectivement au passif de GBT et FIBT):

- admis la créance du CDR Consortium de Réalisation au passif des sociétés GBT et FIBT à titre chirographaire pour un montant de 219.747.647,62 euros et l'a rejetée pour le surplus,

- admis en totalité à titre chirographaire la créance du CDR Créances au passif des sociétés GBT et FIBT , soit pour un montant de 102.676.460,15 euros.

La société CDR Consortium de Réalisation et les sociétés GBT et FIBT ont relevé appel de l'ordonnance les concernant, le 14 novembre 2017. Leur appel fait l'objet d'une procédure parallèle enregistrée sous le numéro 17-20876 .

Les sociétés GBT et FIBT ont relevé appel de l'ordonnance ayant admis la créance du CDR Créances, selon déclaration du 22 novembre 2017. C'est l'objet de la présente instance ( RG 17-21492).

Par conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 29 juillet 2019 et resignifiées à Maître Taze Bernard 16 août 2019, les sociétés GBT et FIBT demandent à la cour de réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, débouter le CDR Créances de toutes ses demandes et rejeter en totalité la créance de 102.670.921,97 euros déclarée par le CDR Créances.

Par conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 26 août 2019, le CDR Créances demande à la cour de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a admis sa créance à hauteur de la somme déclarée de 102.676.460,15 euros et en tout état de cause de condamner les sociétés GBT et FIBT en tous les dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 13 juillet 2018, la SCP BTSG, en la personne de Maître [R], ès qualités de mandataire judiciaire à la sauvegarde des sociétés GBT et FIBT et la SCP Abitbol & Rousselet, prise en la personne de Maître [O] déclarent s'en rapporter à justice sur le mérite de l'appel et sur les conclusions signifiées le 22 mai 2018 à la société CDR Créances.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique, le 16 août 2019 la SCP Brouard-Daudé, prise en la personne de Maître [Q], comme mandataire judiciaire à la sauvegarde, puis au redressement judiciaire des sociétés GBT et FIBT, en remplacement de la SCP BTSG, et la SEL Abitbol, ès qualités d'administrateur judiciaire à la sauvegarde puis au redressement judiciaire des sociétés GBT et FIBT demandent à la cour de dire la SCP Brouard-Daudé recevable en son intervention volontaire aux lieu et place de la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [R] en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire des sociétés GBT et FIBT et de donner acte à la SEL Abitbol, en la personne de Maître [M] [O] de son maintien aux fonctions d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire des sociétés GBT et FIBT et de déclarer recevable en tant que de besoin son intervention volontaire.

Dans son avis écrit notifié par voie électronique le 30 juillet 2019 le ministère public déclare s'en rapporter à la sagesse de la cour.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures en application déclaration l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Dans le cadre d'un recours en révision formé par les CDR Consortium de Réalisation et CDR Créances, la cour d'appel de Paris a:

- par arrêt du 17 février 2015, devenu irrévocable suite au rejet du pourvoi le 30 juin 2016, accueilli le recours en révision formé par les CDR Consortium de Réalisation et CDR Créances, rétracté la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008, ainsi que les trois sentences du 27 novembre 2008 qui en sont la suite et la conséquence ayant condamné les CDR Consortium de Réalisation et CDR Créances à payer 240 millions à la société GBT outre 105 millions d'intérêts, 45 millions d'euros à M. et Mme [D], 8.448.529 euros aux liquidateurs des sociétés ACT, BTG, FIBT et GBT au titre des frais de liquidation , et a fixé une nouvelle l'audience pour examen au fond de l'ensemble des demandes présentées par les sociétés du groupe,

- par arrêt du 3 décembre 2015, devenu irrévocable suite au rejet des pourvois le 18 mai 2017, condamné solidairement les sociétés GBT, FIBT, la Selafa MJA et la Selarl EMJ, ès qualités de liquidateurs judiciaires à la liquidation de M.[C] [D] et des sociétés Alain Colas Tahiti (ACT) et Bernard Tapie Gestion ( BTG) à payer aux sociétés CDR Consortium de Réalisation et CDR Créances:

1) la somme de 404.623.082,54 euros avec les intérêts au taux légal sur cette somme depuis le jour du paiement fait en exécution de la sentence rétractée, outre capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,

2) à rembourser les coûts de la procédure d'arbitrage en ce compris les honoraires des arbitres, avec intérêts au taux légal sur ces sommes depuis le jour du paiement fait en exécution de la sentence rétractée, outre capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil ,

3) 300.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à prendre en charge les dépens.

Le CDR Créances a déclaré une créance de 102.670.921,97 euros au titre de sa quote-part dans la créance résultant des arrêts des 17 février et 3 décembre 2015, outre intérêts postérieurs au 30 novembre 2015.

Ce montant se décompose comme suit:

- 93.127.301,57 euros, correspondant à la quote-part de la somme de 404.623.082,54 euros qu'il a personnellement payé,

- 7.546.151,25 euros au titre des intérêts au taux légal depuis le jour du paiement sur la somme de 93.127.301,57 euros au 2 décembre 2015 ( 87.127.301,57 euros payés le 29 juillet 2008 et 6.000.000 euros payés le 16 mars 2009)

- 1.706.792,94 euros, au titre des coûts de l'arbitrage,

- 140.676,21 euros au titre des intérêts au taux légal sur les coûts de la procédure d'arbitrage,

- 150.000 euros représentant la moitié de la condamnation prononcée par l'arrêt du 3 décembre 2015 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient d'examiner successivement les différents postes de créances, tous contestés par GBT et FIBT.

- Sur la créance de 93.127.301,57 euros et les intérêts qui y sont attachés

- sur la renonciation du CDR Créances au processus d'admission de sa créance

Pour contester toute admission, même partielle de la créance, GBT et FIBT soutiennent que le CDR Créances a irrévocablement renoncé au processus d'admission de sa créance, ayant choisi, après avoir effectué une déclaration de créance, de procéder à une demande d'inscription directe sur l'état des créances au vu des rejets des pourvois en qualifiant improprement d'instance en cours au sens des procédures collectives, la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 3 décembre 2015, le constat ainsi fait d'une instance en cours ayant conduit au dessaisissement du juge-commissaire relativement au fond de la créance .

Le CDR Créances conteste toute renonciation à la procédure d'admission de sa créance devant le juge-commissaire, soulignant qu'il a présenté cette demande d'inscription sur la liste des créances sur l'incitation du mandataire judiciaire, que cette demande n'emportait aucune renonciation à sa déclaration de créance, tout dans son comportement démontrant son absence de renonciation, ajoutant que GBT et FIBT se prévalent d'une règle electa una via qui n'existe pas.

Il ressort des pièces au débat la chronologie suivante:

Le CDR Créances a effectué sa déclaration de créance le 18 février 2016.

Par courrier du 20 juin 2016, le mandataire judiciaire l'a informé que sa créance était contestée en totalité lui rappelant qu'en application des articles L 622-27 R 624-1 du code de commerce il disposait d'un délai de 30 jours pour faire part de ses observations. La contestation se fondait sur l'existence de pourvois en cours à l'encontre des arrêts des 17 février et 3 décembre 2015.

Le 15 juillet 2016, soit dans le délai de 30 jours, le CDR Créances a apporté une réponse motivée sur les points de contestation et réitéré sa demande d'admission, insistant sur le fait qu'il ne pouvait plus y avoir de contestation dès lors que les arrêts des 17 février et 3 décembre 2015 étaient passés en force de chose jugée et exécutoires et que les créances s'imposaient à la procédure collective, ajoutant qu'il n' y avait plus ' d'instance en cours' au stade d'un pourvoi et qu'il n'existait au demeurant pas d'instance en cours au jour du jugement d'ouverture de la sauvegarde, dès lors que les débats devant la cour d'appel étaient clos depuis le 29 septembre 2015 et que l'arrêt avait été mis en délibéré au du 3 décembre 2015.

Par courrier du 29 mai 2017, le conseil du CDR a demandé au mandataire judiciaire de lui communiquer l'état des créances déclarées, indiquant que cela faisait plusieurs mois qu'il tentait de l'obtenir afin de faire inscrire et enregistrer, conformément à l'article R624-11 du code de commerce, les décisions rendues les 17 février 2015 et 3 décembre 2015 dans les instances en cours au jour de l'ouverture des sauvegardes, cette demande était selon lui d'autant plus justifiée que la Cour de cassation venait par arrêt du 18 mai 2017 de confirmer l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015, en déduisant que 'Les instances en cours au jour de l'ouverture des sauvegardes' portant sur les créances déclarées étaient désormais définitivement et irrévocablement terminées et qu'il n'existait ainsi plus de contestation possible sur l'existence et la consistance des créances fondées sur les arrêts du 17 février 2015 et du 3 décembre 2015, et que 'CDR Consortium de Réalisation et CDR Créances entendent donc faire inscrire et enregistrer au plus vite ces quatre décisions de justice en marge de l'état des créances'.

Une renonciation au bénéfice d'une déclaration de créance ne se présume pas et doit être dépourvue d'équivoque.

Si par leur courrier du 29 mai 2017, les CDR ont vainement tenté de faire inscrire directement leur créance sur l'état des créances, en application de l'article R624-11 du code de commerce, qu'ils aient agi sur suggestion du mandataire judiciaire ou par souci d'aller au plus vite compte tenu de l'imminence de l'examen du plan de sauvegarde par le tribunal de commerce, il ne résulte pour autant, ni de cette correspondance, ni d'aucun autre élément que le CDR Créances a entendu renoncer à la déclaration effectuée en vue de l'admission de sa créance par le juge-commissaire et c'est de manière inopérante, en l'absence de fondement légal, que GBT et FIBT soutiennent qu'une demande d'inscription directe sur l'état des créances aurait nécessairement pour effet d'exclure le créancier du bénéfice de la procédure de déclaration de créance.

Loin d'avoir renoncé à se prévaloir de sa déclaration de créance, le CDR Créances, qui a constamment cherché à recouvrer sa créance de restitution, a suivi toute la procédure aux fins d'admission de sa créance par le juge-commissaire . Il résulte en effet de l'ordonnance entreprise que le créancier et les débiteurs ont été appelés à se présenter devant le juge-commissaire les 12 septembre 2017 (créance à l'égard de FIBT) et 24 octobre 2017 (créance à l'égard de GBT) pour faire valoir leurs observations en présence du mandataire et que le créancier a comparu au soutien de sa déclaration de créance.

Le moyen pris de la renonciation au bénéfice de la déclaration de créance sera en conséquence rejeté.

- sur le quantum :

Pour voir rejeter totalement la créance déclarée par le CDR Créances , GBT et FIBT arguent à titre principal de l'existence d'une société créée de fait entre elles- mêmes et les sociétés CDR Consortium de Réalisation et CDR Créances, qui impose de traiter l'ensemble des flux intervenus comme des apports en sociétés et non comme des créances. Elles concluent subsidiairement au rejet faute de déclaration régulière, en ce la créance correspond à des sommes non perçues par GBT et FIBT, donc non restituables, ainsi qu'au rejet des intérêts, des coûts de l'arbitrage et de l'article 700 du code de procédure civile.

GBT et FIBT font valoir que les CDR ont participé à toutes les opérations qui ont contribué au développement des sociétés du groupe Tapie, et que leur immixtion dans la gestion de ces sociétés, excédant les relations habituelles entre un banquier et son client a conduit à la constitution d'une société créée de fait, qui doit être liquidée afin de permettre le paiement des passifs et le partage des actifs, cette liquidation devant permettre de faire les comptes entre les parties.

Ainsi que le relève le CDR Créances, le juge-commissaire n'est saisi, dans le cadre de la procédure de vérification des créances, que de l'appréciation de la seule créance déclarée, n'ayant à se prononcer, pour autant que cela n'excède pas ses pouvoirs juridictionnels, que sur les contestations susceptibles d'avoir une incidence sur la créance elle-même. Il n'a donc pas à trancher tout différend existant entre le débiteur et son créancier.

En l'occurrence, la créance déclarée repose sur deux titres exécutoires irrévocables, les arrêts des 17 février et 3 décembre 2015, le second ayant au terme d'une procédure contradictoire chiffré la créance de restitution, ce qui rend inopérante toute contestation du montant ainsi fixé de la créance de restitution et ce d'autant que ce moyen de contestation repose sur des éléments antérieurs à l'arrêt du 3 décembre 2015.

L'allégation d'une société créée de fait entre le CDR et les sociétés du groupe Tapie est en effet très ancienne, puisqu'il ressort des pièces au débat que M. et Mme [D], ainsi que les sociétés GBT et FIBT avaient engagé le 10 novembre 1994 à l'encontre de la Banque Occidentale- SDBO, aux droits de laquelle se trouve le CDR Créances, et du Crédit Lyonnais une action tendant à voir constater entre les parties l'existence d'une société créée de fait et ordonner les opérations de liquidation de cette société, qu'il a été sursis à statuer sur cette procédure le 23 janvier 1995 et que les demandeurs considérant que les causes de sursis avaient disparu depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2017, ont demandé qu'il soit statué sur leurs demandes. Par jugement du 18 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a dit cette instance périmée.Le CDR Créances soutient sans être contredit que les sociétés débitrices n'ont pas fait appel de ce jugement qui a été signifié le 26 novembre 2018.

Il s'ensuit que le moyen pris de l'existence d'une société créée de fait n'est pas susceptible d'affecter la créance de restitution dans son principe ou son montant.

S'agissant du moyen pris de l'irrégularité et du mal fondé de la déclaration en ce qu'elle porte sur une somme de 87.127.301,57 euros, dont GBT et FIBT soutiennent qu'elle correspond à une compensation qui n'existe plus du fait de la rétractation de la sentence, qui a fait disparaître l'un des termes de la compensation, de sorte qu'en l'absence de compensation le CDR Créances retrouve sa créance contractuelle initialement compensée, qui aurait dû être déclarée à la procédure collective, mais qui ne l'a pas été.

Le CDR Créances réplique que la compensation intervenue dans le cadre de l'exécution des sentences arbitrales est irrévocable, les paiements effectués dans le cadre de la liquidation judiciaire de GBT et FIBT étant devenus définitifs.

Il ressort d'un courrier du 28 juillet 2008, que dans le cadre de l'exécution de la sentence arbitrale du 7 juillet 2008, une compensation conventionnelle entre créances réciproques est intervenue: les liquidateurs de GBT ainsi que M.et Mme [D] ont accepté la compensation entre, d'une part, la condamnation en principal de 240 millions d'euros majorée du préjudice moral de 45 millions d'euros, d'autre part, les créances du CDR à hauteur de 163.351.810,19 euros, dont sera déduit le prix d'attribution des actions BTF SA (76.224.508,62 euros). En conclusion, les liquidateurs demandaient le paiement de la somme de 197.872.698,43 euros.

La déclaration du CDR Créances ne comporte pas de poste relatif au montant de 87.127.301,57 euros. La contestation des appelantes ne porte donc que sur la créance de restitution. Or, son montant a été irrévocablement fixé par l'arrêt du 3 décembre 2015 et mis à la charge solidaire des sociétés GBT et FIBT entre autres. Par conséquent, ainsi qu'il vient d'être jugé la remise en cause de ce montant à raison d'erreurs prétendument commises dans la détermination des sommes à prendre ou non en compte dans le cadre de cette restitution, est inopérant.

Il s'ensuit que les moyens pris de l'irrégularité de la déclaration et du mal fondé de la créance de ce chef seront rejetés, étant surabondamment relevé qu'une somme, fût-elle payée par compensation entre créances réciproques, en exécution d'une décision de justice ou d'une sentence arbitrale qui a ensuite été rétractée, doit être restituée par la partie qui l'a reçue à celle qui l'a payée.

GBT et FIBT soutiennent ensuite que le montant de la restitution inclut à tort un montant 6 millions d'euros, soit la moitié de la somme de 12 millions d'euros, qui correspond à une créance que le CDR détenait sur le Crédit Lyonnais (suite à l'accord donné par le Crédit Lyonnais pour supporter cette somme en cas de condamnation du CDR), et que le CDR a cédée aux liquidateurs du groupe Tapie en vertu du protocole d'exécution des sentences du 16 mars 2009, selon lequel ' Les Liquidateurs ont accepté et réitèrent expressément au sein des présentes leur engagement de décharger définitivement le CDR de régler 12 millions d'euros du montant des condamnations, tout en se réservant la possibilité d'agir à l'encontre du Crédit Lyonnais pour tenter de recouvrer cette somme, opérant ainsi une cession de créance à titre gratuit pour laquelle le CDR cède aux Liquidateurs sa créance à l'encontre du Crédit Lyonnais, créance discutée par celui-ci au titre de la contribution forfaitaire.'

Les sociétés débitrices arguent que cette cession de créance a été anéantie à raison de la rétractation des sentences arbitrales.

Cependant, ainsi qu'il vient d'être jugé, le montant de la créance de restitution ayant été irrévocablement fixé par l'arrêt du 3 décembre, la contestation de GBT et FIBT est inopérante.

Surabondamment, il sera relevé que l'arrêt de la cour d'appel du 17 février 2015, ayant rétracté les sentences n'a pas annulé le protocole d'exécution des sentences qui a entériné la cession de créance et que la somme de 12 millions a bien été réglée par le CDR par voie de cession de créance. Cette somme payée en exécution de la sentence arbitrale ultérieurement rétractée doit être restituée, peu important les modalités selon lesquelles ce paiement était intervenu.

C'est donc à juste titre que le CDR Créances a calculé la quote-part de sa créance de restitution correspondant à son paiement, en prenant comme assiette la somme de 404.623.082,54 euros.

-sur les intérêts

Les intérêts au taux légal sur la créance de restitution font l'objet d'une annexe détaillée dans la déclaration de créance qui correspond aux modalités de calcul fixées par l'arrêt du 3 décembre 2015.

GBT et FIBT en contestent le montant, non pas en raison d'erreurs dans les modalités de calcul, mais du fait de l'arrêt du cours des intérêts jusqu'au 6 mai 2009 à raison de l'interdiction de payer découlant de la procédure collective qui avait été ouverte en 1994 à l'égard de GBT et de FIBT, s'agissant d'une créance postérieure non utile traitée comme une créance antérieure au sens de l'article L 622-24 du code de commerce.

Le CDR Créances réplique, d'une part, que l'article L 622-24 du code de commerce issu de la loi du 26 juillet 2005 n'est pas applicable à la liquidation judiciaire ouverte à l'égard des débitrices en 1994, seul l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 l'étant, que s'agissant de créances nées avec les arrêts de 2015, donc postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire, elles bénéficient du privilège de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et échappent à l'arrêt du cours des intérêts, d'autre part, que par l'effet de la révision des procédures collectives ouvertes en 1994, GBT et FIBT doivent être considérées comme n'ayant pas été en liquidation judiciaire.

Les jugements du 30 novembre 1994 ayant ouvert une procédure collective à l'égard des sociétés GBT et FIBT ont été révisés à la suite des sentences arbitrales. Le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 6 mai 2009 complété le 10 novembre 2010 et par jugement du 2 décembre 2009, a rétracté les jugements du 30 novembre 1994 tant à l'égard de GBT que de FIBT, de sorte qu'en vertu de ces décisions, GBT et FIBT sont réputées ne pas avoir été placées en liquidation judiciaire et ne peuvent donc se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts

En conséquence, le CDR Créances est fondé à voir admettre à titre chirographaire sa créance de 93.127.301,57 euros, correspondant à la quote-part de la somme de 404.623.082,54 euros qu'il a personnellement payée, et celle de 7.546.151,25 euros au titre des intérêts au taux légal qui y sont attachés depuis le jour du paiement sur la somme de 93.127.301,57 euros au 2 décembre 2015.

- Sur la créance de 1.706.792,94 euros euros au titre des frais de la procédure d'arbitrage et sur les intérêts qui y sont attachés

Le CDR Créances a déclaré une créance de 1.706.792,94 euros au titre des coûts de l'arbitrage qu'elle a payés et de 140.676,21 euros au titre des intérêts au 30 novembre 2015 attachés à cette créance.

Selon l'annexe 1 jointe à la déclaration de créance, le montant de 1.706.792,94 euros comporte les honoraires versés aux trois arbitres ainsi que des honoraires versés aux avocats et conseils du CDR Créances.

GBT et FIBT soutiennent que les coûts de la procédure d'arbitrage ne comportent en aucun cas les notes d'honoraires des avocats et conseils du CDR Créances, et qu'en tout état de cause ces frais ne sont pas justifiés, dès lors que certaines factures sont postérieures à la procédure d'arbitrage et d'autres sans libellé ou justificatif, ce qui ne permet pas d'identifier les travaux réalisés.

Le CDR Créances considère au contraire que les frais de ses conseils sont bien inclus dans la condamnation prononcée par l'arrêt du 3 décembre 2015.

Le dispositif de l'arrêt du 3 décembre 2015 est ainsi libellé ' Condamne solidairement FIBT, GBT [....] à rembourser à la société CDR Créances et à la société CDR Consortium de Réalisation les coûts de la procédure d'arbitrage, en ce compris les frais et honoraires des arbitres, avec intérêts au taux légal sur ces sommes depuis le jour du paiement, et ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil .'

Il résulte des motifs de l'arrêt que cette condamnation intervient à titre de dommages et intérêts en raison du caractère frauduleux de l'arbitrage.

En précisant,'en ce compris les frais et honoraires des arbitres', la cour d'appel n'a pas entendu limiter le remboursement aux seuls frais et honoraires des arbitres, mais viser l'ensemble des frais exposés à l'occasion de la procédure d'arbitrage, dont font manifestement partie les honoraires des conseils exposés par les CDR.

Ainsi, que l'a relevé la Cour de cassation dans son arrêt du 18 mai 2017, pour rejeter les moyens relatifs à cette condamnation , la cour d'appel statuant sur la réparation du préjudice causé par la fraude à la décision du tribunal arbitral, n'était pas soumise aux stipulations du compromis d'arbitrage signé le 16 novembre 2007 répartissant entre les parties la charge du coût des procédures.

Il sera donc admis que la condamnation au remboursement des frais et honoraires d'arbitrage à titre de dommages et intérêts inclut les honoraires des avocats et conseils des CDR.

L'arrêt du 3 décembre 2015 n'ayant pas fixé le montant des remboursements dus au titre des coûts de la procédure d'arbitrage, il appartient toutefois au créancier de justifier des factures qu'il allègue et de ce que les prestations facturées sont en lien direct avec la procédure d'arbitrage, sachant que le compromis d'arbitrage a été signé le 16 novembre 2007 et que les sentences arbitrales sont intervenues les 7 juillet 2008 et 27 novembre 2008.

L'annexe 1 de la déclaration de créance précise, le bénéficiaire, le montant et la date des différents règlements dont il est demandé le remboursement. Le CDR Créances n'a toutefois pas produit les factures correspondantes, qui pour certaines d'entre elles sont communiquées par GBT et FIBT aux fins de contestation.

Les honoraires versés aux trois arbitres ne font pas l'objet d'une contestation spécifique de la part de GBT et FIBT et seront retenus.

S'agissant des honoraires facturés par les avocats et conseils:

- SCP Celice Blancpain Solter : la somme de 17.940 euros indiquée comme réglée le 9 juillet 2008 n'est pas versée au débat et ne sera en conséquence pas retenue. La seconde facture de 14.950 euros est en revanche justifiée et sera prise en compte.

- M.[B]: La facture correspondant au montant de 65.780 euros n'est pas communiquée. Cette créance sera rejetée.

- SCP Lyonnet et Bigot : Seules les sommes justifiées par des factures, au nombre de deux, versées au débat seront retenues. En conséquence seront rejetées les créances de 40.743,66 euros, 29.735,38 euros, 49.941,56 euros 7.672,64 euros, 10.147,23 euros et de 25.246,07 euros.

- SCP Rambaud Martel-Orrick: Toutes les factures versées au débat seront prises en compte à l'exception de la dernière d'un montant de 8.330,37 euros, datée du 6 février 2009, correspondant à des travaux réalisés en décembre 2008, soit postérieurement à la fin de la procédure d'arbitrage, aucune précision dans la facture ne permettant de rattacher directement les prestations facturées à la procédure d'arbitrage.

- White & Case : En l'absence de production de factures correspondant aux sommes de 81.707,40 euros et de 48.417,79 euros, ces créances seront rejetées.

Il s'ensuit que la créance au titre du remboursement des frais et honoraires d'arbitrage sera admise à hauteur de 1.321.130,84 euros (1.706.792,94 - 385.662,10 euros).

Par voie de conséquence les intérêts attachés à cette créance seront admis dans la limite de 112.718,50 euros ( 140.676,21 -27.957,71).

- Sur la créance déclarée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le CDR Créances a déclaré une créance de 150.000 euros correspondant à la moitié de la condamnation prononcée l'encontre de GBT et FIBT par l'arrêt du 3 décembre 2015 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Est dépourvu de toute pertinence le moyen de contestation soulevé par FIBT et GBT, pris de ce que la Cour de cassation en son arrêt du 18 mai 2017 ' n'a pas confirmé ce montant' et a condamné FIBT et GBT à payer aux CDR une somme globale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dès lors que cet arrêt a rejeté les pourvois formés à l'encontre de l'arrêt du 3 décembre 2015, conférant ainsi à la condamnation au titre des frais irrépétibles prononcée par la cour d'appel un caractère irrévocable, et que la somme de 3.000 euros figurant dans l'arrêt de la Cour de cassation correspond à l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre du pourvoi.

Ce poste de créance sera admis pour le montant déclaré de 150.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Reçoit les interventions volontaires de la SCP Brouard-Daudé en la personne de Maître [Q], en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire des sociétés GBT et FIBT aux lieu et place de la SCP BTSG, et de la SEL Abitbol, en la personne de Maître [M] [O] en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire des sociétés GBT et FIBT,

Infirme l'ordonnance du juge-commissaire,

Statuant à nouveau,

Admet la société CDR Créances au passif des sociétés GBT et FIBT, à titre chirographaire pour les créances suivantes:

- 93.127.301,57 euros, correspondant à la quote-part de la somme de 404.623.082,54 euros qu'elle a personnellement payée,

- 7.546.151,25 euros au titre des intérêts au 2 décembre 2015, attachés à la créance ci-dessus,

- 1.321.130,84 euros en remboursement des frais et honoraires exposés dans la procédure d'arbitrage

- 112.718,50 euros au titre des intérêts au 2 décembre 2015, attachés à la créance ci-dessus,

- 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette pour le surplus la créance déclarée,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 17/21492
Date de la décision : 28/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°17/21492 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-28;17.21492 ?
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